décembre 23, 2006

QUI PROTÉGERA NOS DROITS?

Société 19 Octobre 2005

Texte Me Monferrier DORVAL

Qui protégera nos droits ?


L'arrêt du 11 octobre 2005 de la Cour de Cassation produit l'effet d'un tremblement de terre. Les réactions d'indignation, de colère, de dépit et de révolte se sont multipliées. Certains avocats avaient même pensé à brûler leur toge devant le Palais de Justice ou à quitter purement et simplement la profession. Dans la sérénité et au regard de la science du droit, cet arrêt qui fait l'objet de sérieuses controverses appelle nos commentaires.

En effet, la Cour de Cassation a été saisie d'un pourvoi exercé par Monsieur Dumarsais Mécène SIMEUS contre la décision juridictionnelle rendue en deuxième ressort par le Bureau du Contentieux Electoral Central (BCEC), après celle du Bureau Electoral Département (BED) de l'Ouest I qui s'était déclaré « incompétent pour accepter et insérer sur la liste des candidats agrées pour la présidence le nom de M. Dumarsais Mécène SIMEUS » (sic)

Le dispositif de la décision du BCEC est formulé ainsi qu'il suit :

« Par ces motifs, le Bureau du Contentieux Electoral Central déclare recevable le recours formé par le sieur Dumarsais Mécène SIMEUS; Au fond, accepte ledit recours; confirme la décision du BED se déclarant incompétent pour accepter et insérer sur la liste des candidats agréés pour la présidence d'une part, d'autre part rejette la demande formulée par le sieur Dumarsais M. Siméus à l'audience du lundi 4 octobre 2005 pour fausse déclaration, ce conformément aux dispositions des articles 86, 123 du décret électoral, 153 et 135 de la constitution de 1987 sous réserve de l'application des législations pénales haïtiennes » (sic)

Mécontent de cette décision du BCEC, M. Dumarsais Mécène SIMEUS s'est pourvu par-devant la Cour de cassation conformément à l'article 16 du décret électoral qui dispose : « Toutes les décisions rendues par le BCEC autres que celles relatives à l'inscription sur les listes électorales peuvent faire l'objet de recours par-devant la Cour de Cassation.

La Cour juge au fond et sans renvoi »

Statuant effectivement au fond et sans renvoi, la Cour de Cassation a rendu l'arrêt du 11 octobre 2005 comportant le dispositif que voici :

« Par ces motifs, la Cour, le Ministère public entendu, accueille en la forme l'action exercée par le sieur Dumarsais Mécène SIMEUS contre la décision du Bureau du Contentieux Electoral Central (BCEC) de Port-au-Prince en date du 5 octobre 2005 rejetant sa candidature à la présidence; casse et annule ladite décision; statuant à nouveau et par les mêmes motifs de cassation dit qu'il n'y a pas lieu de rejeter la candidature à la présidence de Dumarsais Mécène SIMEUS; fait injonction au Conseil Electoral Provisoire (CEP) d'ajouter le nom de Dumarsais Mécène SIMEUS à la liste définitive des candidats agréés; ordonne l'exécution sur minute du présent arrêt; commet l'huissier Serge Lamarre de la Cour pour l'exécution du présent arrêt. » (sic)

En droit, c'est le dispositif d'un jugement qu'on exécute et non les motifs, car seul le dispositif contient la décision. Dans l'arrêt de la Cour, le dispositif commence « Par ces motifs... » Il se présente comme la conclusion de la motivation.

Les motifs sont les raisons de fait et de droit qui expliquent le prononcé d'une décision de justice. Ils sont rédigés sous forme « d'attendus ».

Cela rappelé, il convient d'analyser juridiquement les deux principales composantes de l'arrêt controversé de la Cour de Cassation ainsi que les implications qu'il entraîne.

I. Les structures principales de l'arrêt

Les composantes principales de l'arrêt de la Cour de Cassation sont les motifs et le dispositif.
A. Les motifs

Pour rendre sa décision, la Cour de Cassation a considéré que « le sieur Dumarsais Mécène SIMEUS a déposé, pour la recevabilité de sa candidature à la présidence, au BED de l'Ouest I toutes les pièces exigées par l'article 118 et versé le montant de 25.000 gourdes prévu à l'article 119 du décret électoral, que sa candidature n'a fait l'objet d'aucune contestation dans le délai fixé par l'article 131, 2ème alinéa de ce décret; que, conformément à l'article 125, 2è du décret, le CEP devait lui remettre le certificat définitif de candidature et porter son nom sur la liste publiée des candidats agréés pour la présidence ; qu'aucune inscription de faux n'a été faite contre son attestation de résidence délivrée par un Juge de Paix, officier de police judiciaire, dont les affirmations sont crues jusqu'à inscription de faux; qu'aucun acte de dénonciation de sa nationalité haïtienne n'a été produit par le CEP; que les fausses déclarations de même que les déclarations radiophoniques dont fait état le BCEC sont des suppositions, des allégations n'ayant aucun fondement juridique, des motifs erronés ayant servi de base à son oeuvre; qu'il est de règle qu'une décision n'est pas motivée quand le juge ne fait qu'énoncer la connaissance personnelle qu'il a pu avoir des faits en dehors d'une voie d'instruction autorisée par la loi. » (sic)

A supposer que l'on pourrait admettre ces premiers motifs de fait et de droit de la Cour de Cassation pour rendre sa décision contenue dans le dispositif susmentionné en raison des lacunes, imprécisions, erreurs qu'aurait comportées la décision du BCEC, il est difficile de considérer comme fondé le motif de droit ci-après formulé par les cinq juges de la Cour : « Attendu qu'au surplus aux termes de l'article 1er alinéa f de la loi du 12 avril 2002 (sic ; c'est plutôt la loi du 2 juillet 2002) tout haïtien d'origine jouissant d'une autre nationalité et ses descendants sauf dans les cas expressément interdits par la constitution sont éligibles à la fonction publique ; que cette loi qui n'a jamais été déclarée inconstitutionnelle, est d'application. »

A cet égard, il est à faire remarquer tout d'abord que la loi citée par la Cour est du 2 juillet 2002, date de son dernier vote par le Sénat, et non du 12 avril 2002. Elle est publiée dans Le Moniteur du 12 août 2002, no. 65. La date d'une loi est celle de son vote et non de sa publication qui marque plutôt le point de départ de son entrée en vigueur.

D'autre part, cette loi du 2 juillet 2002 a un objet expressément défini dans son titre donné par le législateur. On peut lire au-dessus des visas de cette loi ce qui suit : « Loi portant privilèges accordés aux haïtiens d'origine jouissant d'une autre nationalité et à leurs descendants. »

Il est clair que cette loi concerne les haïtiens d'origine qui se sont naturalisés en pays étranger et qui deviennent, du fait de leur naturalisation, des étrangers au regard de l'article 13 de la constitution de 1987 qui dispose : « La nationalité haïtienne se perd par la naturalisation acquise en pays étranger. » De même, l'article 18 alinéa 3 du Code Civil dénie la qualité de citoyen à ceux qui se sont naturalisés en pays étranger.

Les étrangers d'origine haïtienne ne peuvent prétendre avoir la double nationalité, puisque l'article 15 de la constitution de 1987 interdit la double nationalité en ces termes :

« La double nationalité haïtienne et étrangère n'est admise dans aucun cas. »

Notons par ailleurs que seule la constitution de 1983 avait reconnu la double nationalité, mais en interdisant l'exercice des droits politiques à ceux qui pouvaient la détenir au moyen de convention bilatérale ou multilatérale. L'article 18 de la constitution de 1983, qui n'est plus en vigueur, est ainsi libellé : « La double nationalité pourra être reconnue par convention, bilatérale ou multilatérale sans présomption à l'exercice des droits politiques réservés aux haïtiens qui n'ont jamais opté pour une autre nationalité. »

De plus, la loi du 2 juillet 2002 comporte en elle-même une restriction : « sauf dans les cas expressément interdits par la constitution ». En d'autres termes, elle ne permet pas à un étranger d'origine haïtienne d'exercer une fonction publique politique dont les conditions sont strictement définies par la constitution de 1987. La fonction publique politique qui peut être élective ou nominative est distincte de la fonction publique administrative où l'on fait carrière (voir article 236-2 de la constitution) et qui est essentiellement nominative. Un étranger d'origine haïtienne ne peut être Président de la République (article 135 de la constitution), Premier ministre (157 de la constitution), ministre (notamment article 56 de la constitution), sénateur (article 96 de la constitution), député (article 91 de la constitution), maire (article 70 de la constitution).

La Cour s'est trompée en invoquant l'article 1er de la loi du 2 juillet 2002 alinéa f. Elle ne s'est pas rendue compte de la restriction constitutionnelle imposée par ledit article. En énonçant ce motif erroné pour fonder son arrêt, la Cour a modifié, peut-être sans s'en apercevoir, la constitution dont il a cependant pour mission de garantir le respect, ne serait-ce que dans le cadre d'un contrôle diffus de constitutionnalité en tant que gardienne de toutes les lois de la République, y compris la constitution. Or, il est défendu à tout juge de prononcer, par voie de disposition générale et réglementaire, sur les causes qui leur sont soumises (article 8 du Code Civil).

Enfin la Cour a indiqué que la loi du 2 juillet 2002 n'a jamais été déclarée inconstitutionnelle. Elle semble oublier qu'une loi, même lorsqu'elle aurait été déclarée inconstitutionnelle par les Sections réunies de la Cour en faveur d'une partie dans le cadre d'un recours incident, n'est pas annulée. La décision intervenue en vertu d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception a l'autorité relative de la chose jugée et n'a pas d'effet erga omnes. La loi continue à s'appliquer dans d'autres cas. La Cour semble oublier également que l'exception d'inconstitutionnalité, énonce l'article 143 du décret du 22 août 1995 sur l'organisation judiciaire, peut être proposée en tout état de cause et même pour la première fois devant la Cour de Cassation.

B. Le dispositif

Les Juges de la Cour qui ont jugé au fond comme le prévoit l'article 16 du décret électoral n'ont pas précisé dans le dispositif de l'arrêt que M. SIMEUS possède encore la nationalité haïtienne. Ils restent muets sur cette question dans le dispositif, bien qu'ils aient fait mention, de manière inconstitutionnelle, de l'article 1er de la loi du 2 juillet 2002 alinéa f qui n'est pas d'application en l'espèce. Ils ont seulement « fait injonction au Conseil Electoral Provisoire d'ajouter le nom de Dumarsais Mécène SIMEUS à la liste définitive des candidats agréés. »

Ainsi, la question de la nationalité de M. SIMEUS n'a pas été tranchée par la Cour. Au contraire, la référence expresse par la Haute Juridiction à la loi du 2 juillet 2002 dénote que M. SIMEUS est un étranger d'origine haïtienne. Ce qui dessert l'intéressé.

Donc, des deux côtés il y a lacune : l'imprécision est constatée dans la décision du BCEC par l'emploi du terme « fausse déclaration » comme motif dans le dispositif de cette décision, ce qui constitue en droit un défaut de motif; le mutisme est observé par la Cour de Cassation dans le dispositif de l'arrêt sur la nationalité de M. SIMEUS, ce qui constitue une flagrante contradiction et ne facilite pas cependant l'exécution du dispositif de l'arrêt.
II. Les conséquences de l'arrêt

Le prononcé de l'arrêt provoque des conséquences juridiques et même politiques.

A. L'exécution limitée de l'arrêt

A moins d'un recours en rétractation à exercer devant la Cour, le CEP se doit d'exécuter la décision de la Cour en portant le nom de M. Dumarsais Mécène SIMEUS sur la liste définitive des candidats admis à participer à l'élection présidentielle. Mais le candidat SIMEUS va se heurter à l'application de l'article 135 alinéa a de la constitution de 1987 qui prescrit : « Pour être élu Président de la République d'Haïti il faut : Etre haïtien d'origine et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité...»

La question de la nationalité de droit de l'intéressé sera posée pendant la campagne et, peut-être, après les élections. L'article 123 du décret électoral permet au CEP d'annuler de plein droit l'élection d'un candidat même après son installation au pouvoir s'il découvre par la suite que tel ou tel candidat avait fait de fausses déclarations, lesquelles doivent être valablement démontrées et établies par le CEP. Une crise politique et institutionnelle n'est pas à écarter, avec toutes les implications internationales dangereuses pour ce qui reste de la souveraineté de l'Etat Haïtien.

B. La décision de l'Exécutif relative à la suppression du recours devant la Cour

Le Gouvernement a annoncé dans une conférence de presse qu'il avait supprimé par décret pris en Conseil des Ministres le recours devant la Cour de Cassation contre les décisions juridictionnelles du BCEC. Si l'on peut comprendre la responsabilité du Gouvernement et surtout du Chef de l'Etat, garant en vertu de l'article 136 de la constitution de 1987 du bon fonctionnement de toutes les institutions publiques, pour la résolution de la crise ouverte par l'arrêt de la Cour de Cassation, on ne peut admettre que le recours juridictionnel en matière électorale a été supprimé. Ce recours extérieur au CEP n'est pas contraire à la constitution, comme on semble le prétendre. Le CEP, tel qu'il fonctionne actuellement est, à l'évidence, un facteur de crise. On risquerait de voir proclamer deux résultats électoraux différents. L'absence de recours contre les décisions des différents Conseils Electoraux Provisoires a plongé le pays dans la crise et la violence. La plupart des partis politiques en compétition électorale ont été victimes des irrégularités commises par des CEPs précédents. Le Conseil Electoral Provisoire ne peut être juge et partie. C'est même un principe de droit naturel que l'auteur d'une décision ne peut pas être son propre juge. On peut même attaquer une décision juridictionnelle du CEP devant la Cour, même en l'absence de texte le prévoyant. On doit se rappeler que lorsque les voies de droit sont totalement fermées, les citoyens ne peuvent recourir qu'à la violence et à la vengeance privée.

Mais, de son côté, la Cour de Cassation aurait dû se montrer plus responsable. Par son arrêt qui comporte le susdit motif erroné et inconstitutionnel, elle s'est discréditée et n'inspire plus confiance aux justiciables. Des citoyens se demandent si la Cour, juridiction de dernier recours, est défaillante qui va protéger leurs droits quand ils sont violés ou foulés aux pieds?

On devrait se sentir en sécurité lorsqu'on se présente devant la Cour de Cassation. Celle-ci devrait être le rempart contre l'arbitraire, l'injustice et les violations des droits civils, commerciaux, administratifs, de travail, électoraux ... Elle doit dire le mot du droit envers et contre tous, y compris contre les autorités publiques et les dirigeants politiques ou d'entreprises. Elle doit veiller à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Elle doit contribuer à l'instauration d'un Etat Haïtien de Droit. Sinon, les citoyens seront sans défense et sans protection et le progrès économique et social du pays sera compromis.




Les Juges de la Cour doivent prendre conscience de la haute et noble mission dont ils sont investis et privilégier l'intérêt général. Ils doivent travailler pour restaurer l'image et l'autorité de la Cour qui sont affectées par cet arrêt.

Par-delà ses membres qui sont, comme dit le professeur de Droit constitutionnel Georges Burdeau, des agents d'exercice passagers dans l'Etat, la Cour de Cassation, institution d'Etat, doit continuer à fonctionner de manière honorable et responsable. Elle mérite d'être réformée pour la sauvegarde des droits des haïtiens sans aucune distinction. Il ne faudrait pas que le choc provoqué par l'arrêt controversé de la Cour donne lieu à des décisions irrationnelles préjudiciables pour les candidats, les électeurs en particulier et la population en général. On ne résout pas une crise par la création d'une autre crise. Un comité, fût-il de garantie électorale, ne peut pas remplacer une juridiction. Dans un Etat de Droit en construction comme Haïti, la voie de droit est la seule recommandée, même contre ceux qui transgressent la loi. La pauvreté que l'on observe n'est nullement le fait de la volonté divine. Elle est l'oeuvre de nos comportements qui ne supportent pas les moindres rigueurs de la loi. Or, du respect des normes par les institutions et les personnes qui les dirigent, du bon fonctionnement de la justice dépendent le progrès économique et social du pays et le bien-être de tous !

Monferrier DORVAL
Professeur de Droit
aux
Universités

LA COUR DE CASSATION NE PEUT PAS VIOLER LA CONSTITUTION HAITIENNE

La Cour de Cassation, peut-elle violer la Constitution de 1987?
Société
Le Nouvelliste
19 Octobre 2005




La cour de cassation peut-elle modifier et violer la constitution ?


Lorsque la Cour Suprême de l'Etat se prostitue, le sort en est jeté.La violation de la Charte Fondamentale de la Nation est un crime de lèse-patrie. Elle confirme, en effet, la suppression totale des garanties et l'impunité est désormais érigée en vertu cardinale.
La question de nationalité évoquée dans ce procès est une exigence constitutionnelle reproduite par la loi électorale, consacrée par la Constitution haïtienne en son article 135 d'où le caractère constitutionnel ou inconstitutionnel de toute loi donnant naissance éventuellement à une contestation se rapportant à cette espèce.

L'article 183 de la Constitution de 1987 établit la voie à suivre en un tel cas. : « La Cour de
cassation à l'occasion d'un litige et sur le renvoi qui lui en est fait, se prononce en sections réunies sur l'inconstitutionnalité des lois » (la loi électorale, le cas échéant.) Toutes les lois de rang inférieur découlent de la Constitution, la Charte Fondamentale de la nation. La décision des juges de la Cour de cassation de modifier l'article 135 viole la Constitution. La doctrine et les principes nous enseignent« que la lettre de la Constitution qu'on n' interprète pas doit toujours prévaloir, en outre sa rigidité ou suprématie formelle soumet inévitablement sa modification à un mécanisme tracé en elle (voir les auteurs de Droit Constitutionnel et les articles 182 à 184-1) . Les articles 296, 297 ferment définitivement la porte à la décision des éminents juges, juristes-constitutionnalistes.

Il est à noter qu'une tradition de Droit Constitutionnel Haïtien consacre de 1988 à nos jours l'esprit et la lettre de l'article 135. En conclusion, l'attention spéciale des autorités haïtiennes est
respectueusement attirée sur la présente étude.

Beati pauperes spiritu

Me. André J. Garnier

LA CONSTITUTION DE 1987 ET NATIONALITE HAITIENNE

LA CONSTITUTION DE 1987 ET NATIONALITE HAITIENNE

Réactions de Me Monferrier Dorval


La nationalité est le lien juridique qui unit un individu à un Etat. Elle conditionne en quelque sorte l'existence d'un Etat, puisque la population, qui est l'un des éléments constitutifs d'un Etat, au même titre que le territoire et le gouvernement, renvoie à des nationaux plutôt qu'à des étrangers. Elle crée une allégeance personnelle de l'individu envers l'Etat ; elle fonde la compétence personnelle de l'Etat, compétence qui l'autorise à exercer certains pouvoirs sur ses nationaux où qu'ils se trouvent (Nguyen QUOC DINH, Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit International Public, Paris, L.G.D.J., 1999, 6ème édition, p. 406).

La constitution de 1987 qui organise l'Etat d'Haïti traite de la nationalité haïtienne, fixe les conditions de son acquisition et renvoie à la loi pour compléter les règles y relatives, sous réserve que cette loi ne doit jamais lui être contraire. Elle prévoit les conséquences qu'emporte la possession ou non de la nationalité haïtienne.

I. L'attribution de la nationalité haïtienne

D'après la constitution de 1987, la nationalité haïtienne est attribuée par la filiation et par la naturalisation.

A. La nationalité haïtienne d'origine ou par la filiation

Aux termes de l'article 11 de la constitution de 1987 en vigueur, «possède la nationalité haïtienne d'origine tout individu né d'un père haïtien ou d'une mère haïtienne qui eux-mêmes sont nés haïtiens et n'avaient jamais renoncé à leur nationalité au moment de la naissance ». Ainsi, la constitution de 1987 renforce et complique les critères de possession de la nationalité haïtienne d'origine qui avaient été prévus par la constitution de 1983 à son article 11 ainsi libellé:

« Sont haïtiens d'origine :

Tout individu né en Haïti de père haïtien ou de mère haïtienne ;
Tout individu né à l'étranger de père et de mère haïtiens ;
Tout individu né en Haïti de père étranger ou, s'il n'est pas reconnu par son
père, de mère étrangère, pourvu qu'il descende de la race noire.

La qualité d'haïtienne d'origine ainsi acquise ne peut être enlevée par la reconnaissance ultérieure du père étranger. »




Cette disposition de la constitution de 1983 a été abrogée par la constitution de 1987. Il en va de même de l'article 2 du décret du 6 novembre 1984 sur la nationalité haïtienne qui a repris dans les mêmes termes l'article 11 de la constitution de 1983.

Tel qu'il est formulé, l'article 11 de la constitution de 1987 réaffirme l'adoption du « jus sanguinis » (droit du sang) et confirme le rejet du « jus soli » (droit du sol). Il dénie la qualité d'haïtien d'origine à tous ceux et à toutes celles dont les parents nés haïtiens qui, après avoir renoncé à leur nationalité haïtienne au moment de la naissance, l'ont recouvrée dans les mêmes formes prescrites par le décret ayant force de loi du 6 novembre 1984 en vigueur. Mais un individu qui se trouve dans cette situation est simplement haïtien.

B. La nationalité haïtienne par naturalisation

La nationalité haïtienne peut, selon l'article 12 de la constitution de 1987, être acquise par naturalisation. L'étranger qui voudrait obtenir la nationalité haïtienne doit prouver qu'il réside dans le pays de manière continue depuis cinq ans révolus (art. 12-2. 1987). Cette preuve doit être apportée par la soumission d'un certificat de résidence signé du maire et du Juge de paix de la commune où il habite. Le même délai est prévu en France. Selon le professeur français Pierre MAYER, ce stage constitue à la fois la meilleure preuve de la sincérité du désir de l'intéressé d'appartenir effectivement à la communauté nationale et un facteur de son assimilation (Droit International Privé, Paris, Montchrestien, 1998, 6ème édition, p. 577).

Outre le certificat de résidence, l'étranger doit annexer à sa requête contenant, demande de naturalisation adressée au Ministre haïtien de la Justice, les pièces justificatives telles que, son permis de séjour (sauf dispense légale) et sa carte d'identité conformément à l'article 9 du décret du 6 novembre 1984 précité.

L'octroi de la nationalité haïtienne par naturalisation se fait par arrêté du président de la République pris après avis motivé du Ministre de la Justice. Avant la publication de l'arrêté dans le Journal Officiel Le Moniteur, l'intéressé doit prêter, devant le doyen du tribunal de première instance compétent, le serment suivant :

« Je renonce à toute autre patrie qu'Haïti » (article 22 du décret du 6 novembre 1984).

C. L'interdiction de la double nationalité

Contrairement à la constitution de 1983, la constitution de 1987 interdit de manière expresse et non équivoque la double nationalité. En effet, l'article 15 de cette constitution est formulé de manière absolue, ainsi qu'il suit :

« La double nationalité haïtienne et étrangère n'est admise dans aucun cas.»



Au regard de cette disposition constitutionnelle, un individu, quel qu'il soit, ne peut être à la fois haïtien et américain, haïtien et canadien, haïtien et français, haïtien et mexicain, etc. Si un haïtien s'est naturalisé américain, canadien, français ou mexicain, il est américain, canadien, français ou mexicain. En d'autres termes, il est étranger. Il n'est plus juridiquement haïtien, d'autant plus que l'article 13 alinéa a de la constitution de 1987 énonce que « la nationalité haïtienne se perd par la naturalisation acquise en pays étranger. » Cette conception juridique de la perte de la nationalité est souvent en opposition avec la conception sociologique de la nationalité selon laquelle l'haïtien naturalisé étranger continue à aimer le pays et à parler le créole, conserve les accents haïtiens, vit selon les us et coutumes d'Haïti ou y participe même à la création d'emplois ou de richesses. Mais à l'époque contemporaine, la conception juridique l'emporte sur la conception sociologique.

L'interdiction de la double nationalité haïtienne peut être critiquée par les naturalisés étrangers et par les nationaux. Ils peuvent tous souhaiter qu'elle soit levée. Mais ils doivent se rappeler qu'elle est constitutionnelle et qu'elle ne peut être supprimée sans un amendement de la constitution de 1987. Ils doivent également se rappeler que la constitution de 1983, remplacée par la constitution de 1987, avait prévu en son article 18 la double nationalité en ces termes : « La double nationalité pourra être reconnue par convention bilatérale ou multilatérale sans présomption à l'exercice des droits politiques réservés aux haïtiens qui n'ont jamais opté pour une autre nationalité ». De même que la double nationalité prévue par la constitution de 1983 a été supprimée par la constitution de 1987, de même que l'interdiction de la double nationalité ne pourra être reconsidérée que dans le cadre d'un amendement de la constitution de 1987. Tant que l'article 15 de la constitution en vigueur n'est pas abrogé, il s'impose et continuera à s'imposer aux pouvoirs publics, aux citoyens haïtiens et aux étrangers d'origine haïtienne et aux étrangers naturalisés haïtiens.

D. La perte de la nationalité haïtienne

Outre l'adoption d'une autre nationalité, deux autres causes entraînent la perte de nationalité. Il s'agit, en effet, de l'occupation d'un « poste politique » au service d'un Gouvernement étranger ainsi que de la résidence continue à l'étranger pendant trois (3) ans d'un individu étranger naturalisé haïtien sans une autorisation régulière accordée par l'autorité compétente (article 12 alinéas b et c). Il convient de noter que quiconque perdra la nationalité haïtienne dans cette dernière hypothèse ne pourra plus la recouvrer (article 12 alinéa c).

II. Les conséquences juridiques de la possession et du changement de la
nationalité haïtienne

La détention de la nationalité haïtienne d'origine ou par la naturalisation, comme le changement de nationalité, induit des conséquences juridiques.



A. Les effets tenant à la nationalité haïtienne d'origine

Sauf les limitations fixées par la constitution et la loi (par exemple condamnation définitive à une peine afflictive ou infamante), l'haïtien d'origine peut exercer tous les droits civils et politiques. Comme droit politique, il peut être Président de la République (article 134 de la constitution de 1987), sénateur (article 96 de la constitution) député (article 91.1987), membre du Conseil Electoral Permanent (article 193.1987), ministre. De même, il peut assurer les fonctions administratives de maire (article 70.1987), de membre de Conseil d'Administration de la Section Rurale (CASEC, article 65.1987), de membre d'assemblées locales, de Délégué de ville et de Délégué Départemental.

B. Les effets liés à la qualité d'haïtien par naturalisation

L'haïtien par naturalisation peut voter dès l'effectivité de son nouveau statut (article 12-2 de la constitution de 1987). Mais il doit attendre cinq (5) ans pour être candidat à une fonction élective ou occuper des fonctions publiques autres que celles réservées par la constitution et par la loi aux haïtiens d'origine (article 12-2).

Ainsi, même après le stage de civisme de cinq ans, l'haïtien par naturalisation ne peut être candidat à la présidence, au sénat et à la députation, puisque les fonctions de Président de la République, de sénateur, de député ne peuvent être exercées que par les haïtiens d'origine qui n'ont jamais renoncé à leur nationalité (articles 135 alinéa a, 96 alinéa 1 et 91 alinéa 1 de la constitution de 1987).

Il ne peut pas être Premier Ministre, car pour être nommé à ce poste il faut, selon l'article 157 alinéa 1 de la constitution, être haïtien d'origine et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité. Il ne peut être non plus membre fondateur, ni membre du Comité de Direction d'un parti politique (article 6 alinéa 1 du décret du 30 juillet 1987 sur les partis politiques).

Cependant il peut être, à l'expiration du délai de cinq ans, maire, membre de CASEC, membre d'assemblées locales ou Délégué de ville, puisque la seule condition d'haïtien est requise pour être éligible à ces fonctions locales (notamment articles 70 alinéa a, 65 alinéa a de la constitution de 1987). Il peut également être nommé Ministre, Secrétaire d'Etat ou Délégué à la tête d'un Département géographique, ou membre adhérent d'un parti politique, car sa qualité d'haïtien suffit.

C. Les effets liés au changement de nationalité par un haïtien
d'origine

L'haïtien d'origine qui a changé de nationalité est un étranger au regard de l'article 15 de la constitution. Il ne peut prétendre avoir la double nationalité, parce que celle-ci est interdite par le même article 15.


En tant qu'étranger, l'haïtien naturalisé jouit des droits civils, des droits économiques et sociaux, sous la réserve des dispositions légales relatives au droit de propriété immobilière, à l'exercice des professions, au commerce de gros, à la représentation commerciale et aux opérations d'importation et d'exportation (article 54-1 de la constitution de 1987).

Le droit de propriété immobilière est accordé à l'haïtien naturalisé (étranger) résidant en Haïti pour les besoins de sa demeure (article 55 de la constitution), pour les besoins de ses entreprises agricoles, commerciales, industrielles, religieuses, humanitaires ou d'enseignement, dans les limites et conditions déterminées par la loi (article 55-2).

Toutefois, l'haïtien naturalisé étranger ne peut être propriétaire de plus d'une maison d'habitation dans un même arrondissement. Il ne peut en aucun cas se livrer au trafic de location d'immeubles (article 55-1).

Se référant à l'article 15 de la constitution de 1987, on peut dire que l'haïtien naturalisé (et devenu donc étranger) ne peut exercer aucune fonction politique (Président, Premier Ministre, ministre, Secrétaire d'Etat, député, sénateur). Ne pas admettre dans la constitution la double nationalité haïtienne et étrangère, c'est refuser qu'un étranger puisse intégrer la fonction publique politique et même administrative de l'Etat. Toute loi qui indiquerait le contraire est inconstitutionnelle. L'obstacle est constitutionnel et la solution ne relève pas du domaine d'une loi quelconque, même si l'intention qui l'inspire est bonne. Une loi ne saurait déroger à la constitution en vertu du principe de la hiérarchie des normes juridiques.

De plus, le fait de pouvoir, aux termes de l'article 56 de la constitution, expulser un étranger du territoire de la République d'Haïti lorsqu'il s'immisce dans la vie politique du pays est une attestation de l'impossibilité pour cet étranger, fût-il d'origine haïtienne, de devenir ministre ou Secrétaire d'Etat.

La condition de nationalité haïtienne prescrite par les articles 65 et 70 de la constitution de 1987 pour être éligible aux fonctions locales (CASEC, Conseil Municipal) ne lui est pas favorable. Un raisonnement a fortiori peut en être tiré pour lui demander de faire valoir sa qualité d'haïtien.

Cependant, s'il veut être ministre, Secrétaire d'Etat, maire, membre de CASEC, membre d'assemblées locales, Délégué Départemental ou Délégué de ville, l'haïtien naturalisé étranger ne peut que recouvrer la nationalité haïtienne comme le prévoit l'article 14 de la constitution de 1987 :

« L'haïtien naturalisé étranger peut recouvrer sa nationalité, en remplissant toutes les conditions et formalités imposées à l'étranger par la loi ».




Ce recouvrement de la nationalité haïtienne se fera par une demande de naturalisation selon la procédure établie pour les étrangers par le décret du 6 novembre 1984. Il sera soumis au respect de l'article 12-2 de la constitution de 1987 qui prévoit un délai de cinq ans avant l'exercice des fonctions électives ou de nomination non réservées aux haïtiens d'origine. Rappelons que le délai de deux ans accordé par l'article 286 de la constitution de 1987 aux haïtiens qui avaient adopté une nationalité étrangère durant les vingt-neuf années précédant le 7 février 1986 pour recouvrer la nationalité haïtienne n'est plus d'application, au motif que cet article figurant dans les dispositions transitoires est caduc depuis le 1er mai 1989.

Mais, dans l'état actuel du droit constitutionnel haïtien, il ne pourra, après le recouvrement de sa nationalité haïtienne, être Président de la République, Premier Ministre, sénateur et député, puisqu'il avait renoncé à sa nationalité.

Il est donc clair qu'aucun assouplissement informel ne peut être apporté aux rigueurs de la constitution de 1987. Toutefois, s'il fallait admettre la double nationalité, il faudrait un amendement de cette constitution. Avant tout, une telle question mérite d'être étudiée sereinement et techniquement en considérant toutes les implications de l'adoption de la double nationalité. La réforme constitutionnelle que nous avions souhaitée depuis très longtemps dans nos écrits et dans nos enseignements et qui dépasse ce seul aspect ne doit pas se réaliser dans la précipitation et l'émotion. Elle doit prendre en compte exclusivement l'intérêt national. Plutôt qu'un verbiage qui risque de méconnaître le dissensus démocratique que l'on doit au contraire gérer, il faudrait engager un débat sur l'amendement nécessaire de la constitution de 1987 qui préconise néanmoins le pluralisme politique et idéologique, mais non la pensée unique et l'unanimisme politique. Une constitution revisitée devrait être le seul cadre de l'action politique.




Monferrier DORVAL
To: LouisA6994@aol.com
Subject: FW: Constitution de 1987 et Nationalité haitienne par Monferrier DORVAL
Date: Sun, 30 Oct 2005 21:02:11 +0000
NATIONALITE ET CITOYENNETE : DEUX NOTIONS DIFFERENTES...
NATIONNALITÉ ET CITOYENNETÉ.

Réflexions de Me Andy E. Bernard

À la lumière de la récente décision de la Cour de Cassation en Haïti, sur la validité ou l'éligibilité de la candidature de M. Simeus, les juristes haïtiens ne cessent d'opiner sur la question. La plus haute cour du tiers de l'île s'est prononcée en faveur de la candidature à la présidence de M. Simeus pour des raisons dit-on purement civilistes. Ce qui revient à dire l'application du droit aux faits dans le système judicaire haïtien. L'occasion était trop belle, à mon avis, pour la cour de faire un vrai débat et ainsi contribuer à corriger les lacunes de la constitution qui ont rendu certaines lois du pays difficile d'application, entre autres la loi électorale.

Je crois qu'il y a lieu de s'asseoir et réfléchir à fond et ce, séparément sur les questions de citoyenneté et de nationalité. On peut avoir plusieurs citoyennetés, toutefois on a qu'une seule nationalité. Cette dernière ne se limite pas aux seules formalités administratives d'un État, contrairement à la citoyenneté. Il faut aller remonter à la source, sans faire un débat sémantique, pour aider à élucider la lanterne qui plane autour de l'interprétation qui devrait être faite des dispositions, que je qualifie de farfelues, de la constitution haïtienne, en particulier le fameux article 15.

La nationalité.-

Du latin :«nascentia qui signifie naître, naissance» va découler bon nombres de mots de la même famille, notamment la nationalité.

La notion de la nationalité, avant même d'être un vocable juridique ou politique, réfère d'après moi, à la naissance du sujet ou de l'individu. Ce qui revient à dire qu'en dépit de toute fiction juridique la nationalité n'est pas un simple sentiment d'appartenance. Elle n'est pas, non plus, quelque chose que l'on peut acquérir par voie administrative. Je n'y crois pas un instant. La nationalité ne se donne pas, ne s'achète pas, ne se prend pas, mais elle est innée. Vous êtes natif de tel ou tel endroit. Vous êtes de telle ou telle origine (sang). Vous pouvez rejeter votre nationalité ou y renoncer, mais ce rejet reste purement symbolique. La nationalité s'obtient malgré soi pas le jus soli (droit du sol) ou le jus sanguinis (droit du sang).

Toute personne qui vient au monde, provient des entrailles d'une femme qu'elle va appeler «mère». Peu importe qu'il y aura divorce entre les deux, le lien qui les unit est éternel. Si l'homme maîtrise la science, au point de tout vouloir expliquer, les humains ne se fabriquent pas en laboratoire. Ils sont plutôt le fruit d'une union (amoureuse ou non) entre un homme et une femme. Une fois que l'individu est venu au monde, plusieurs scénarios s'imposent. Regardons de plus près le parcours de quelqu'un depuis sa naissance.

Il peut être natif de deux personnes de même nationalité et de même citoyenneté dans un pays donné (le pays de la nationalité ou de la citoyenneté). C'est le cas typique d'une bonne partie des populations des grandes métropoles avec le phénomène de l'immigration qui ne cesse de se croître à chaque jour. Prenons le cas d'une famille haïtienne par exemple. La raison pour laquelle elle a quitté Haïti importe peu. Toutefois, il est monnaie courante de voir un jeune couple professionnel quitter Haïti à destination du Canada, France et surtout aux Etats-Unis. Ce couple qui vit maintenant dans un pays étranger (Canada pour rendre plus clair notre exemple) et participe activement à la vie économique et socioculturelle de la terre d'accueil. Il fonde une famille avec des enfants et établi intentionnellement domicile au Canada. Ces enfants se définissent comme des Haïtiens bien qu'ils soient natifs du Canada et de citoyenneté de ce pays. À la rigueur, si les enfants le désirent, ils pourront obtenir des passeports haïtiens facilement (la citoyenneté haïtienne) sans avoir mis les pieds en Haïti une seule fois, sur la preuve que leurs parents sont natifs d'Haïti tout simplement. Ces enfants sont-ils éligibles à briguer des postes électifs en Haïti, tel que la présidence? Poser la question, c'est d'y répondre. Dans les circonstances, je laisse la place à la fertilité de l'imagination des lecteurs.

La citoyenneté.-

Pour revenir aux parents, il n'y a pas de doute qu'ils sont de nationalité haïtienne et de citoyenne canadienne. Le procédé est simple. Ces gens vivent dans une cité canadienne. Une fois de plus, je veux faire référence à mes connaissances de la langue morte pour expliquer le concept de citoyen. Du latin, le mot civitas qui signifie cité, sera la source de ce que l'on appelle aujourd'hui citoyen suite à l'obtention de la citoyenneté par voie purement administrative.

Ce statut de citoyen est socio-politique, et juridique pour les fins de sa légitimité. Il leur permet de voter, de participer à la vie politique et économique de leur terre de résidence ou d'accueil. Ai-je besoin de souligner que cela n'enlève rien à leur nationalité? La citoyenneté résulte de la preuve d'intention de rester à demeure dans un pays choisi. C'est ce qui explique que l'étudiant étranger, l'ambassadeur posté dans un pays étranger ou le touriste ne sont ni des citoyens, ni des résidents encore moins des natifs.

Au fond, le citoyen est toujours natif du pays d'origine (sanguinis) ou de naissance (soli). Dans le cas échéant, le citoyen sent le besoin de s'identifier par le sang. Il va se définir en fonction de sa langue, de son histoire, de sa tradition, de ses us et de ses coutumes, de sa cuisine ou de sa nourriture, de ses aspirations politiques et de ses conditions pour appartenir à un peuple. Et on va le distinguer des autres citoyens voire des natifs à l'aide de son accent, de son vocabulaire et j'en passe.

Ainsi, je crois avoir tracé des lignes de démarcation claire entre la nationalité et la citoyenneté. Les exemples sont multiples. Je me contente de les citer sans les développer.

Un individu peut également être natif de deux personnes de même citoyenneté et de nationalité différente vivant dans l'un ou l'autre des pays ou carrément sur un autre territoire. Il peut aussi être natif d'un pays et y avoir vécu au moins qu'à l'âge de conscience voire de raison sans atteindre l'âge de la majorité avant de quitter le pays natal pour ensuite acquérir la citoyenneté d'un État dit étranger.

Les idées présentées ici seront développées dans un article à venir.

L'intention est un élément fondamental pour juger de la nationalité de celui qui y a renoncé et de la citoyenneté celui qui en fait la demande.

Comment la diaspora haïtienne devrait-elle réagir?

Passer outre du cadre juridique et politique du cas Siméus, quel message le gouvernement haïtien lance ainsi à la diaspora haïtienne? À titre d'exemple, la France permet à ses nationaux qui vivent en dehors de la France, et ce, même s'ils acquièrent une autre citoyenneté de voter correctement. Je n'irai pas jusque là dans le cas d'Haïti. Mais, si on traite la diaspora ainsi, cette dernière devrait se mobiliser et mettre un embargo d'un mois sur Haïti. Un mois sans envoyer une gourde nationale au pays pour se faire reconnaître en tant qu'Haïtiens natifs de citoyenneté étrangère. Les Haïtiens vivent à l'étranger certes mais pensent en créole et rêvent en haïtien. Ils ne parlent que de leur pays, ils vivent en communauté. Certains sont des exilés qui sont forcés de refaire leur ailleurs. D'autres sont des réfugiés, ou des immigrants pour des motifs humanitaires. Si la situation politique du pays s'améliore, on parle de démocratie, ce serait la moindre des choses de permettre à un Haïtien vivant à l'étranger de se présenter à un poste électif, ou tout simplement l'accueillir pour lui permettre de vivre son rêve de natif brisé et déchu.

Voici une autre hypothèse que je n'ai pas le temps de développer pour tout de suite, mais que j'aborderai plus en détail plus tard : Est-ce possible que, par hypothèse, les pays de citoyenneté de ces Haïtiens natifs ne veulent pas les perdre? Car, certains sont des ressources et même des cerveaux qu'Haïti n'a pas su protéger et garder en son sein propre, puis ces bijoux ont trouvé leur utilité ailleurs. Donc le pays étranger ou de citoyenneté qui comprend et a fait une évaluation juste de la richesse que ces Haïtiens natifs lui apporte ne veut les laisser partir. En conséquence, la pression est exercée sur Haïti, ainsi les Haïtiens continuent à se battre entre eux, Tonton Sam vient instaurer la paix et leur dire quoi faire. Une fois de plus, on se moque des Haïtiens, on les prend pour des marionnettes.

Par : Me Andy Eustache Bernard,
Avocat
Tél. (514) 680-4088

UNE CLARIFICATION SUR LA DOUBLE NATIONALITÉ ET LA CONSTITUTION HAITIENNE...

La double nationalite et la Constitution de 1987...

Me Raynand Pierre

Salut Me Mondesir,
> >
> > j'ai lu votre texte sur la double nationalite et je
> > reconnais qu'il s'agit d'un debat serieux qu'il
> > importe que les hommes politiques prennent en
> > consideration dans les annees a venir. Cependant, je
> > voudrais vous souligner quelques points pertinents:
> >
1- L'article 15 de la constitution se prononce de
> > maniere precise sur la question: la double nationalite
> > haitienne et etrangere n'est admise dans aucun cas
> >
2- L'interpretation de la constitution n'appartient
> > qu'aux deux chambres ( article 183-1)
> >
3- Aucun decret emanant de l'executif ne peut
> > modifier, interpreter ou corriger le fait et la nature
> > de la constitution
> >
4-La modification de la constitution exige une
> > procedure longue, complexe et diificle. Elle peut
> > s'etaler, jusqu'a la mise en application des
> > amendements, sur une periode de 15 ans.
> >
5- Quelque soit le point de vue de certains juristes, ils ne
> > peuvent en rien modifier la nature de la constitution si
> > ces derniers ne fassent pas pression sur le politique
> > pour entamer la procedure de la modification
> >
6- En dernier lieu, la Cour de cassation ne se
> > prononce pas sur la nature elle-meme de la
> > constitution, mais elle se prononce uniquement sur la
> > constitutionnalite des lois, des arretes et des decrets
> > que sur renvoi qui lui a ete faite.(article 183) la
> > decision de la cour de cassation ne s'impose que pour
> > le cas presente devant elle. Cette decision ne
> > s'impose pas aux tribunaux pour d'autres cas
> > similaires, en vertu meme de l'independance de chaque
> > tribunal .
> > Je pense que la constitution haitienne est tres
> > differente de celles de nos amis francophones bien que
> > dans sa nature elle comprend dans le fond les memes
> > elements composites.
> >
Me Raynand Pierre
Avocat
Membre du barreau de Port-au-Prince
> >

L'AFFAIRE SIMÉUS A SUSCITÉ L'INDIGNATION DANS LA POPULATION HAITIENNE

FAISONS AVANCER LA DOCTRINE HAITIENNE AVEC L'ARRÊT SIMEUS...

Chers confrères juristes,
> Je me fais le devoir de vous adresser une copie de l'arrêt de la Cour
de Cassation concernant l'affaire Siméus qui a suscité des controverses
dans la communauté juridique en Haiti. Je trouve qu'il est tout à fait
normal pour un juriste de ne pas critiquer sur la place publique une
décision de la haute instance judiciaire de son pays, sans avoir le
contenu des questions qui ont été soulevées par devant les juges de cette
Cour.
>
> Je constate que la Cour a statué sur les faits suivants :
>
> 1.- Décision du Bureau du conseil électoral provisoire sur la fausse
déclaration de M. Siméus concernant sa nationalité américaine et son
attestation de résidence (violations des articles 86, 123 du décret
électoral et les articles 15, 135 de la Constitution de 1987) références
:http://www.cep-ht.org/loielectoral.html Constitution
http://www.haiti.org/francais/tit05ch4.htm#Top Décret électoral
>
> 2.- Pas de documentation attestant l'inscription en faux soulevée et
aucun acte de renonciation à la nationalité haitienne n'a été produit
pour étayer ces allégations.
>
> 3.- Pas de contestation dans le délai requis par le décret électoral
art. 131 (2) à la candidature de M. Siméus.
>
> 4.- Décret-loi du 12 avril 2002 en son article 1er viole l'article 15
de la Constitution (ce décret-loi n'a pas été déclaré
inconstitutionnel).
> Voir : " La double nationalité et étrangère n'est admise en aucun
cas. (art. 15, Constitution 1987)
> Décret-loi, 12 avril 2002, art. 1er.
> "Tout haïtien d'autre nationalité, tout haïtien d'origine jouissant
d'une autre nationalité et ses descendants sauf dans les cas
expressément interdits par la Constitution sont éligibles à la fonction
publique..."
>
> Le juriste haitien estime que :
> Le décret-loi est contradictoire à l'esprit de l'article 15 de la
constitution haitienne de 1987. Lorsqu'un texte de loi ou un décret-loi ne
respecte pas la Constitution (le Barreau, le citoyen ou le contribuable
ou tout juriste doit pouvoir dénoncer ce fait et intenter des
procédures pour déclarer ce décret inscontitutionnel). C'est dommage que cela
n'a pas été fait et la question d'insconstitutionnalité n'a pas été
soulevée auprès des juges de la Cour de Cassation. Cependant, il faut
reconnaitre que dans un système de droit civil, les juges sont liés par les
lois régissant la société. Ils ne font qu'appliquer la loi à partir des
faits dont ils ont connaissance.La Cour de Cassation est liée par les
preuves qui lui sont présentées dans l'affaire de M. Siméus. Les juges
ne font qu'appliquer la loi à partir des faits et en respectant la
procédure. Ils ne font pas de la politique et ils ne peuvent pas aller plus
loin. Si les procureurs de l'État ou du CEP n'ont pas fait leur boulot
comme cela se doit, on ne peut nullement tenir la Cour de Cassation
responsable de cette carence voire laxisme des procureurs du CEP.
>
> Un juriste qui respecte les règles déontologiques de sa profession
doit toujours se conformer aux décisions judiciaires, surtout lorsqu'il
s'agit d'une décision de la plus haute instance de son pays. Qu'on
alimente la discussion pour faire avancer la doctrine haitienne, c'est une
très bonne chose?. C'est très dommageable pour les générations à venir,
lorsque les juristes d'aujourd'hui refusent de produire des textes de
réflexions pour alimenter la doctrine dans un domaine en constante
évolution(Le droit). À quand peut-on espérer la reforme judiciaire en Haiti
si les juristes continuent de se taire? visitez le site juriste haitien
http://www.juristehaitien.ht.st la voie de tous les juristes haitiens
(en Haiti et à l'étranger) ou le civiliste http://www.civiliste.ht.st
page personnelle de Jean Marie...
>
> Par ailleurs,il est important d'analyser la question de double
nationalité sous d'autres aspects (socio-économiques et politiques). La
majorit> é des ressources d'Haiti se trouvent à l'extérieur (ingénieurs,
médecins, avocats, éducateurs, gestionnaires, etc). Avec une contribution
annuelle de plus d'un milliard, la diaspora haitienne constitue le
moteur de l'économie de ce pays. Alors, peut-on continuer à excluer les
citoyens haitiens de la diaspora à la fonction publique de leur pays? Ne serait-il pas interessant de redefinir la citoyennete et la nationalite? Peut-on continuellement empecher un natif de briger un poste de la fonction publique du fait qu'il est detenteur d'une autre citoyennete?
Après deux cent ans d'indépendance, la majorité des Haitiens (nes) sont
encore au stade de la misère et non pas de la pauvreté; n'est-il pas grand
temps de travailler ensemble pour relever l'image de notre nation,
déchirée par des luttes intestines de tout part. Pour cela,je crois que la
prise de conscience de tous les Haitiens s'avère une nécessité ; un
État fort qui valorise ses ressources demeure un fait incontournable et
la participation de tous au processus électoral après dix ans
d'exclusion de certains groupes, pourrait être considérée comme une bonne chose
pour sortir ce pays de la colonisation à l'heure actuelle.
>
> Il est prématuré de conclure sur les controverses suscités par
l'affaire Siméus dans la communauté juridique en Haiti. Je crois qu'il est
urgent d'interpeler les grands juristes constitutionnalistes haitiens
pour étudier la question en profondeur afin de bien mesurer l'impact de
cette affaire sur la vie nationale. Un fait est certain que le juriste
haitien est partisan d'une approche large de l'application de l'article
15 de la Constitution de 1987. Selon moi, la question de double
nationalité haitienne et étrangère devrait être évoquée dans le cas où il y
aurait conflits de lois dans un contexte de droit international privé. Le
juriste haitien promet une analyse approfondie de cette affaire sur son
forum : juriforum à partir de civiliste http://www.civiliste.ht.st
> > <> > > <>
>
> Jean Marie Mondésir
> Spécialiste en droit civil
> Consultant en droit haitien
> Gérant et concepteur des sites
> http://www.juriste.ht.st
> http://www.civiliste.ht.st
> http://www.juris-annuaire.ht.st

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DANS L'AFFAIRE SIMÉUS...

COUR DE CASSATION DANS L'AFFAIRE SIMEUS CONTRE LE CONSEIL ELECTORAL PROVISOIRE
Au nom de la République

La Cour de Cassation, section spéciale, a rendu l'arrêt suivant.

Sur le pourvoi du sieur Dumarsais Mécène Siméus, propriétaire, demeurant et domicilié à Saint-Marc, identifié au numéro 009-291-636-4 pour le présent exercice, ayant pour avocats constitués Maîtres Louis Gary Lissade, Alcan Dorméus, Vognely Cadet, et Joseph Guerdy Lissade du Barreau de Port-au-Prince, identifiés, patentés et imposés aux numéros 003-003-783-9, 630083, A-1093725 ; 003-005-498-3, 476906, A-125534 ; 003-005-498-3, 476906, A-125534, 003-182-534-8, 25070233247 ; 003-003-189-237-2, 61139N et A-615761, avec élection de domicile au Cabinet des dits avocats sis à Port-au-Prince, Bourdon, Rue Louissaint Numéro 8;

En Cassation d'une décision rendue contre lui par le Bureau du Contentieux Electoral Central (BCEC) le mercredi 5 octobre 2005 et affichée le même jour;

Oui à l'audience publique du vendredi 7 octobre 2005, Me. Louis Gary Lissade, pour le pourvoyant, en ses observations et le Commissaire du Gouvernement, Me. Emmanuel Dutreuil sollicitant la communication du dossier pour ses conclusions être produites dans le délai légal ;

Oui à l'audience publique du lundi 10 octobre 2005, Me. Emmanuel Dutreuil, Commissaire du Gouvernement, en la lecture de ses conclusions ;

Vu la requête et l'exploit de sa signification à la date du 7 octobre 2005, la copie de la décision querellée, les conclusions du Ministère Public, les pièces du dossier du CEP et les textes de loi invoqués ;

Et après délibération en chambre du conseil au voeu de la loi;

Le 15 septembre 2005, le sieur Dumarsais Mécène Siméus a fait au Bureau électoral de l'Ouest I à Port-au-Prince sa déclaration de candidature à la Présidence ;

N'ayant pas retrouvé son nom sur la liste publiée par le CEP des candidats admis aux élections présidentielles, il saisit par requête le BED de l'Ouest I qui, en ses attributions contentieuses, rendit le lundi 26 septembre 2005 une décision dans laquelle il se déclare incompétent pour accepter et insérer sur la liste des candidats agréés pour la présidence de Dumarsais Mécène Siméus ;

Contre cette décision le sieur Dumarsais Mécène Siméus a exercé un recours par devant le Bureau du Contentieux Electoral Central (BCEC) qui a décidé comme suit :

Par ces motifs, le Bureau du Contentieux Électoral Central déclare recevable le recours formulé par le sieur Dumarsais M. Siméus; Au fond accepte le dit recours ; infirme la décision du BED se déclarant incompétent pour accepter et insérer sur la liste des candidats agréés pour la présidence d'une part, d'autre part rejette la demande formulée par le sieur Dumarsais M. Siméus à l'audience du lundi 4 octobre 2005, pour fausse déclaration, ce conformément aux dispositions des articles 86, 123, du décret électoral, 15 et 135 de la Constitution de 1987 sous réserve de l'application des législations pénales haïtiennes. » sic.

Mécontent de cette décision, le sieur Dumarsais M. Siméus exerça un recours en Cassation par requête notifiée au CEP le 7 octobre 2005 et pour le faire annuler a proposé quatre moyens.

Sur la recevabilité du recours en la forme.

Attendu que l'action a été exercée en temps utile que la requête contient la déclaration de pourvoi et les moyens à l'appui qu'elle a été notifiée au CEP et déposée ensemble avec les autres pièces au greffe de la Cour de Cassation conformément aux prescrits des articles 20,21, et 22 du décret électoral, que la Cour a accueillera en la forme la dite action ;

Au fond

Sur l'ensemble des quatre moyens pris respectivement de mauvaise interprétation et fausse déclaration en vertu du décret électoral du 3 février 2005 , de violation de l'article 125 du décret électoral, Excès de pouvoir, de mauvaise interprétation et fausse application de l'article 56, 5ème alinéa du décret électoral, motif erroné, de mauvaise interprétation et application des articles 86 , 1er alinéa du décret électoral et alinéa de la Constitution, absence de motifs.

Attendu que, dans ses 1er et 2ème moyens, le recourant a fait observer que conformément à l'article 118 du décret électoral il a déposé au BED de l'Ouest I toutes les pièces exposés pour la recevabilité de sa déclaration de candidature à la présidence, appert le reçu délivré par le dit BED que par une fausse interprétation et application dudit article, le BCEC a rejeté sa candidature qu'en violation de l'article 125 du même décret, après le certificat d'acceptation conditionnelle de candidature le CEP ne lui a pas remis le certificat définitif de candidature prévu par ce cas alors qu'il n'y avait aucune contestation de sa candidature ;

Attendu que dans les 3ème et 4ème moyens, le pourvoyant reprit au BCEC d'avoir rejeté sa candidature aux motifs qu'il aurait fait de fausses déclarations relativement à son attestation de résidence et à sa nationalité haïtienne ; que ces motifs sont erronés vu qu'aucune inscription en faux n'a été faite contre la dite attestation de résidence, qu'aucun établissement de renonciation de la nationalité haïtienne n'a été produit par le BCEC que donc les fausses déclarations sont des inventions du CEP qui refuse d'agréer sa candidature, qu'il demande à la Cour que les affirmations faites dans le formulaire déclaration de candidature sont l'expression de la vérité de la vérité en conséquence de casser et annuler la décision du BCEC qui n'est pas basée sur des éléments de preuves admis par la loi mais plutôt sur des motifs erronés équivalents au défaut de motifs et jugeant à nouveau au fond d'ordonner au Conseil Electoral Provisoire de lui remettre le certificat d'acceptation définitive de candidature et d'insérer dans la liste des candidats agréés pour la présidence de la République ;

Le sieur Dumarsais Mécène Siméus a déposé pour la recevabilité de sa candidature à la présidence, au BED de l'Ouest I toutes les pièces exigées par l'article 118 et versé le montant de 25,000 gourdes prévu à l'article 119 du décret électoral, que sa candidature n'a fait l'objet d'aucune contestation par le délai fixé par l'article 131, 2ème alinéa de ce décret par le délai fixé par l'article 131, 2ème alinéa de ce décret que précisément à l'article 125, 2ème alinéa du décret, le CEP devait lui rendre le certificat définitif de candidature et porter son nom sur la liste des candidats agréés pour la présidence, aucune inscription de faux n'ayant été faite contre son attestation de résidence, aucun acte de renonciation de sa nationalité haïtienne n'ayant été produit par le CEP, que les fausses déclarations de même que les déclarations radiophoniques dont fait état de la BCEC sont des motifs erronés ayant de base à son oeuvre ;

Attendu qu'il est de règle qu'une décision n'est pas motivé,

Attendu qu'il est de règle qu'au surplus aux termes de l'article 1er alinéa de la loi du 12 avril 2002, tout haïtien d'autre nationalité, tout haïtien d'origine jouissant d'une autre nationalité et ses descendants sauf dans les cas expressément interdits par la Constitution sont éligibles à la fonction publique ; que cette loi qui n'a jamais été déclarée inconstitutionnelle est déjà en application ;

Attendu que les moyens proposés par le recourant sont fondés, que la Cour les accueillera, cassera et annulera en conséquence la décision querellée pour violation par le BCEC des articles 118, 125, 56, 5ème alinéa b, 1er alinéa du décret électoral, excès de pouvoir, motifs erronés ;

que, par les mêmes motifs de Cassation, elle jugera à nouveau en vertu de l'article 16, 2ème alinéa du décret électoral susdit et de l'article 178-1 de la Constitution ;

Par ces motifs la Cour le Ministère Public entendu accueille en la forme l'action exercée par le Sieur Dumarsais M. Siméus contre la décision du Bureau du Contentieux électoral (BCEC) de Port-au-Prince en date du 5 octobre 2005 rejetant sa candidature à la présidence, casse et annule la dite décision statuant à nouveau et par les mêmes motifs de cassation, dit qu'il n'y a pas lieu de rejeter la candidature à la présidence de Dumarsais M. Siméus ;

Fait injonction au Conseil Electoral Provisoire d'ajouter le nom de Dumarsais Mecène Siméus sur la liste définitive des candidats agréés ; ordonne l'exécution sur minute du présent arrêt ; Commet l'huissier Serge Lamarre de la Cour de Cassation pour le présent arrêt.

Ainsi jugé et prononcé par Nous, Louis Alix Germain, juge faisant fonction de président, Rénold Jean-Baptiste, Pierre Arthur Gérard Delbeau, Déjacaman Charles, Michel D. Donatien, juges à l'audience du mardi onze octobre 2005 en présence de Monsieur Gilbaud Robert, substitut du Commissaire du Gouvernement avec l'assitance de Pluviose Silien, greffier au siège.

Il est ordonné à tous les huissiers sur ce requis de mettre à exécution le présent arrêt, aux officiers du Ministère Public près les tribunaux civils d'y tenir la main, à tous commandants et autres officiers de la force publique d'y prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la minute du présent arrêt est signé des juges et du greffier susdit.

6 Signatures

FAUT-IL RÉINTERPRÉTER L'ARTICLE 15 DE LA CONSTITUTION HAITIENNE?

POUR UNE INTERPRÉTATION LARGE DE L'ARTICLE 15 DE LA CONSTITUTION...
INTERPRETER CORRECTEMENT L'ARTICLE 15
POUR LE RENDRE APPLICABLE

par Gérard Bissainthe


Le CEP était bien parti. D'entrée de jeu il avait déclaré que ce n'était pas son travail d'aller vérifier si un candidat n'avait pas acquis une nationalité étrangère qui invalidait sa nationalité haïtienne d'après la lettre de l'article 15 de la Constitution. Cette décision était conforme à la pratique courante de l'administration haïtienne qui en Haïti et dans les consulats d'Haïti à l'étranger se contente
-d'une part de vérifier la validité de la nationalité haïtienne d'une personne;
-d'autre part de ne pas rechercher si cette personne a acquis ou non une nationalité étrangère.

Les raisons de cette pratique sont évidentes et multiples.

Vérifier si une personne présumée haïtienne détient ou non une nationalité étrangère est quasiment impossible. Autrefois la règle internationale était la mono-nationalité: la jouissance d'une nationalité excluait toutes les autres. Aujourd'hui la règle est devenue de plus en plus l'acceptation en droit ou au moins en fait de la multinationalité. Les nationalités étrangères pouvant s'acquérir ou par le jus soli (le droit du sol) ou par le jus sanguinis (le droit du sang) ou par une combinaison des deux, étant donné que la mono-nationalité exclusive n'est plus la règle internationale, un citoyen haïtien peut détenir SANS LE VOULOIR ET PARFOIS SANS LE SAVOIR en plus de sa citoyenneté haïtienne une ou plusieurs autres nationalités. Lorsque l'article 15 de la Constitution stipule donc que "la double nationalité haïtienn e et étrangère n'est admise en aucun cas", le drame est que si elle n'est pas "admise", néanmoins elle "existe" bien souvent et RIEN NE PEUT L'EMPECHER D'EXISTER. Un enfant né, par exemple, à Washington d'une mère haïtienne pendant que son père haïtien était ambassadeur d'Haïti dans cette ville, est, sans aucune contestation possible, bi-national, pleinement haïtien et pleinement américain, sans même avoir l'obligation, comme autrefois, à sa majorité, d'opter pour l'une ou pour l'autre de ces deux nationalités. L'article 15 dans sa lettre est ici mis en échec: ce qui n'est pas "admis" s'obstine à exister !

Alors que faire?

La solution très sage de l'administration (Bureau de l'Immigration, consulats) a éte jusqu'ici et est encore de fermer les yeux sur ce problème. Il résulte de cette pratique que de très nombreux Haïtiens ont, en plus de la nationalité haïtienne, une ou plusieurs nationalités supplémentaires. C'est un fait indéniable et tous les Haïtiens le savent. Ce qui veut dire que tous les Haïtiens savent très bien que Simeus n'est pas le seul Haïtien de naissance qui détient en plus du passeport haïtien un passeport américain ou un autre passeport étranger. TOUT LE MONDE LE SAIT. Lorsqu'un poste a été refusé à Madame Bayard il n'y a pas trop longtemps sur la base qu'en plus de sa nationalité haïtienne elle détient une nationalité américaine, elle n'a pas pu se battre, puisqu'il s'agissait d'une nomination. Mais s'agissant d'un droit à se présenter aux élections, Siméus, lui, a choisi de faire front. La Cour de Cassation a tranché en sa faveur, ce qui le "dédouane", mais sans aborder le fond du problème.

Quel est le fond du problème?

Il s'agit essentiellement de l'IMPOSSIBILITE ABSOLUE d'appliquer l'article 15 de la constitution à la lettre. Si comme dans le cas cité plus haut quelqu'un est né avec deux nationalités (et le cas est le même s'il s'est naturalisé haïtien et que sa première nationalité n'implique pas la renonciation à une seconde nationalité), que faire?

Plusieurs solutions sont envisageables:

1. On peut d'abord dire: puisque cet enfant est américain, AUTOMATIQUEMLENT cela "détruit" sa nationalité haïtienne qui n'existe plus. Cette solution est de toute évidence odieuse, puisqu'elle punit l'enfant d'un homme qui servait son pays dans un pays étranger. L'enfant peut facilement contester cette solution et obtenir vite gain de cause.

2. On peut alors dire: puisqu'il est haïtien, l'autre nationalité américaine sera refusée; donc l'enfant est seulement haïtien. L'ennui ici est qu'il ne dépend pas des autorités haïtiennes que l'enfant ne soit pas américain. La nationalité américaine basée ici sur le droit du sol (et il en aurait été de même dans le cas du droit du sang) est AUTOMATIQUE. Même si la constitution haïtienne ne veut pas admettre cette seconde nationalité américaine, ELLE EXISTE et ne peut être perdue que par un acte formel volontaire de renonciation à la nationalité américaine. Les autres nations ne "lâchent" pas ainsi leurs sujets dont les ressources humaines, professionnelles et économiques sont toujours des plus précieuses !

3. La vraie solution est celle qu'adopte aujourd'hui dans les faits quasiment tous les pays: quelles que soient les nationalités que vous possédez, une fois que vous vous trouvez sur le territoire d'une nation dont vous avez la nationalité, vous êtes soumis aux lois de cette nation, sans pouvoir réclamer la protection des lois d'une autre nation dont vous avez aussi la nationalité. Autrement dit, Pierre, par exemple, a conjointement les nationalités du pays A, du pays B, du pays C. Si Pierre se trouve dans le pays A, il est soumis aux lois du pays A et ne peut réclamer la protection du pays B ou C. S'il veut en étant dans le pays A pouvoir demander la protection du pays B ou C, il doit officiellement et formellement renoncer à la nationalité du pays A, ce qui fera de lui un étranger dans le pays A.

Cette solution 3 est celle que nous devrions adopter par une sorte de consensus national même tacite le plus rapidement possible, si nous voulons éviter que le pays s'enfonce dans une impasse et devienne ingouvernable.

En effet, lorsque le Gouvernement établit des règles pour vérifier avec rigueur la nationalité des candidats, ces règles ouvrent la voie à des protestations sur la base de la discrimination: si on veut vérifier la nationalité des candidats, il faut aussi vérifier celle des électeurs, étant donné qu'il est bien connu que de très nombreux électeurs haïtiens de naissance ont plusieurs nationalités, ce qui, soit dit en passant, ne les a aucunement empêchés jusqu'ici de participer aux élections du pays. Si Dumarsais Simeus refuse de se plier aux nouveaux règlements sur la vérification de la nationalité, le Gouvernement et le CEP s'exposent à une nouvelle intervention juridique qui pourra les forcer ou à renoncer à toute vérification ou à l'imposer à tout le monde.

Ne tombons pas non plus dans le cercle vicieux qui consiste à dire: écartons pour le moment le ou les candidats bi-nationaux: le prochain Parlement résoudra le problème. Les bi-nationaux diront: « Si nous sommes écartés aujourd'hui, nous ne serons présents ni dans le prochain Parlement ni dans le prochain Gouvernement. Qui défendra alors notre cause? Quelle garantie avons-nous que le prochain Parlement, en notre absence, ne va pas tenter de nous exclure de manière encore plus radicale? »

Chaque camp risque de rester campé sur ses positions et cela peut durer indéfiniment. Pour sortir de l'impasse, l'ONU décidera sans doute alors de transformer la tutelle larvée actuelle en tutelle réelle, ce qui voudra tout simplement dire le désaveu et la mise à pied du Tandem gouvernemental actuel qui aura fait hara-kiri. Une tutelle réelle aboutira inévitablement à la reconnaissance de la bi-nationalité qui est la norme moderne et qui devient partout incontournable, entre autres parce qu'elle est, en dépit des impressions et des apparences, le meilleur rempart de la souveraineté nationale.

Le Gouvernement est ainsi en train de livrer un combat d'arrière-garde perdu d'avance. Ce n'est même pas un baroud d'honneur, puisque l'acharnement du gouvernement contre un seul citoyen n'a rien d'honorable et parait même suspect. Deux poids et deux mesures. La bi-nationalité de certains hauts fonctionnaires du Gouvernement est de notoriété publique. De plus l'hypocrisie gouvernementale débouche sur des déclarations odieuses: lorsque le Président qui prend tous les jours des ordres d'organismes non-nationaux, se met à donner le nom "d'Etrangers" à des Haïtiens de naissance, cela devient grotesque et révoltant

La solution 3 dans son articulation peut et doit s'inspirer de la pratique courante de l'administration qui équivaut à l'interprétation suivante de l'article 15 : "la revendication sur le territoire de la République de la double nationalité haïtienne et étrangère n'est admise en aucun cas." Dans ce cas on reconnaît SANS HYPOCRISIE que les nationalités multiples peuvent exister et existent. Mais il est entendu en même temps que sur le sol de la République d'Haïti un citoyen haïtien qui a d'autres nationalités, ne peut se réclamer d'une nationalité autre que la citoyenneté haïtienne. Dès que vous êtes en Haïti, vous êtes haïtien et rien d'autre. C'est la pratiq ue de plus en plus répandue des autres pays. Nous pourrions même insérer une note dans le passeport haïtien: "La détention et l'utilisation de ce passeport haïtien impliquent que sur le territoire de la République d'Haïti son détenteur est soumis exclusivement aux lois haïtiennes." Le libellé de cette note pourra, bien sûr, être affiné, j'ai seulement ici voulu en expliquer l'esprit. Il va de soi que s'il veut échapper aux lois haïtiennes sur le territoire d'Haïti, le bi-national (ou multi-national) pourra renoncer par un acte formel, officiel à la nationalité haïtienne, ce qui l'autorisera, le cas échéant, à réclamer la protection du consulat du ou des pays dont il a gardé la nationalité.

Par ailleurs, pour protéger la souveraineté nationale au sommet de la pyramide du pouvoir, nous pourrons et devrons, bien sûr, prévoir divers garde-fous. L'obligation de cinq années de résidence est une mesure excellente. D'autres pourraient être envisagées. Il va de soi que l'interprétation de l'article 15 suggérée plus haut devra être renforcée dans le cas d'un chef d'Etat haïtien bi-national: il ne pourra pas être question pour lui en aucun cas de revendiquer sur le territoire haïtien une nationalité étrangère.

Rappelons pour finir que la souveraineté nationale est aussi, si ce n'est même plus, menacée par d'autres dangers: par exemple, le financement de nos partis politiques par des instances non-nationales, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, compromet sérieusement l'indépendance de la nation. Des exemptions fiscales devront être envisagées demain pour favoriser le soutien de nos partis politiques par des entreprises et des citoyens du pays.

Gérard Bissainthe
26 octobre 2005
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Posté le mardi 22 novembre 2005 à 08:29

LA COUR DE CASSATION A ERRÉ DANS L'APPRÉCIATION DES FAITS DE L'AFFAIRE DE SIMÉUS...

LA COUR DE CASSATION A T-ELLE FAILLI À SA MISSION CONSTITUTIONNELLE DANS L'AFFAIRE SIMÉUS...

La cour de Cassation a failli à sa mission de dire le mot du droit, lorsqu'elle se penche sur l'affaire de Siméus, candidat à la présidence aux élections de 2005. Elle aurait dû approfondir les notions de nationalité et de citoyenneté dans sa décision afin de contrecarrer toutes ambiguités majeures entre ces deux notions. Elle devrait fournir des arguments solides permettant aux juristes de bien interprêter l'esprit de l'article 15 de la Constitution de 1987. Il est vrai que la cour de Cassation a statué sur les faits qui lui sont présentés en appliquant le droit. Cependant, je juge qu'elle n'a pas rempli le rôle que la constitution haitienne lui est accordée. De plus, elle devrait d'autant plus vérifier si le droit a été respecté en conformité avec la Constitution de 1987 dans l'affaire Siméus. C'est dommage que la haute instance du pays n'a pas pris le temps nécessaire pour analyser les points en litige, lorsqu'elle a fait appel au décret du12 avril 2002 qui définit la citoyenneté ou la nationalité de manière contraire à l'esprit de l'article 15. Elle aurait dû donner plus de précisions sur l'emploi de cette disposition dans le contexte actuel, ce qui n'a pas été fait, à mon humble avis, par paresse intellectuelle. Il est à se demander : pourquoi la cour de Cassation a soulevé la question de double nationalité en invoquant l'application du décret du 12 avril 2002? Est-ce que la Cour a voulu bien inciter la communauté juridique à un débât sérieux sur cette question? Est-ce que la Cour a voulu souligner l'incapacité de la communauté juridique à dire non aux différentes violations de la Constitution haitienne. Sinon, il est important de critiquer cette décision judiciaire pour faire avancer la doctrine haitienne sans pour autant plonger notre système juridique dans un immense fossé.

Je demeure convaincu que l'article 15 a sa place dans le système juridique haitien. Cependant, son application pourrait être utilisée dans un contexte de droit international privé. L'article 15 devra être applicable dans le cas où il y aurait conflits entre deux lois, c'est -à dire lorsqu'un citoyen détenteur d'une citoyenneté autre que haitienne fait face à une infraction sur le sol haïtien ou (Mariage, naissance, séparation, divorce). Il faut redéfinir la nationalité et la citoyenneté à partir d'une vision large et de manière inclusive si on veut bâtir un pays pour la nouvelle génération. À mon humble avis, il faudra bien situer le débat à un niveau plus élevé, au lieu de critiquer cette jurisprudence dans le contexte politique actuel. Par ailleurs, la question de double nationalité haitienne ne devra pas seulement être analysée sur le plan juridique. Il s'avère nécessaire d'étudier aussi cette problématique au niveau social, économique et politique. Pour moi, l'américain ou le français d'origine ou natif qui s'est naturalisé haitien, lorsqu'il est de retour chez lui (USA ou France), il n'a pas à prouver qu'il est citoyen américain ou d'un autre pays dans le cas d'une infraction à la loi américaine ou française. Il ne pourrait pas invoquer en sa faveur la loi de sa résidence si l'infraction a été commise sur le sol du pays où il est d'origine ou natif . La double nationalité ne peut pas être invoquée aux États-unis dans le cas d'une infration à loi américaine. Le citoyen américain naturalisé y est assujetti, ipso facto, sans autre forme de procès et il ne pourra pas bénéficier les privilèges de son pays d'adoption. La loi du sol (us soli) ou la loi du sang (us sanguini) ou tous les deux s'appliquent dans la mesure où l'on pourrait faire la preuve aux moyens d'un document officiel reconnu (passeport, carte d' identité, lieu de naissance ou parent d'origine).
Ce qui revient à dire, soulever la question de double nationalité en Haiti pour rejeter la candidature d' un membre de la diaspora (natif natal) qui veut briguer un poste politique dans son pays d'origine, constitue un malaise pour les ressources du pays qui se trouvent à l'extérieur. Quand on aime la viande, il faut aussi aimer l'os. On ne peut pas continuellement compter sur l'apport économique (un milliard) des membres de la diaspora chaque année pendant qu'on cherche à les exclure à la gestion de l'administration publique en Haiti. Ce n'est pas juste du point de vue patriotique... Les Haitiens (nes) qui résident en Haiti ne font rien pour sortir ce pays dans la misère. Au contraire, ils se complotent avec les étrangers pour enfoncer ce pays dans le sous -développement. Il faudra bien qu'un jour finir avec le comportement de rejet qui mine la confiance des Haitiens (nes) de l'extérieur.



Un patriote civiliste

UNE ENDOSCOPIE DE LAFFAIRE SIMÉUS ...

UNE ENDOSCOPIE DE L'ARRÊT DU 11 avril 2005 : Affaire Siméus...
Un texte de Me Karl Louis ...

• Une fois n'est pas coutume, la cour de cassation haïtienne a rendu un arrêt le 11 octobre 2005 ayant des retentissements internationaux. Pour cause, l'affaire portée devant elle concernait l'accès aux fonctions électives des haïtiens possédant une double nationalité. Curieux spectacle que celui des juristes et des politiques haïtiens, insultant, blasphémant dans une précipitation étourdissante la décision des hauts magistrats. On eut cru l'ambiance du carnaval de Port au prince. En agissant de la sorte, il est évident, qu'ils n'ont pas le temps de jauger les détails de la décision. Il est vrai que les circonstances de l'affaire ont pu laisser penser que la cour de cassation a bien torpillé la philosophie constitutionnelle sous tendant les règles relatives à la nationalité.
Rappel des faits et de la procédure
• Le 15 septembre 2005, le sieur Dumarsais Mécène Siméus a fait au Bureau électoral de l'Ouest I à Port-au-Prince une déclaration de candidature à la Présidence. N'ayant pas retrouvé son nom sur la liste publiée par le CEP des candidats admis aux élections présidentielles, il a introduit une requête devant le Bureau électoral de l'ouest de Port- au- Prince tendant à insérer son nom sur la liste des candidats. Celui-ci s'est déclaré incompétent.

• Monsieur Siméus a interjeté appel auprès du Bureau du Contentieux Électoral Central, qui a, d'une part, infirmé la décision d'incompétence du BEC, d'autre part, débouté ce dernier de sa demande aux motifs de fausse déclaration, ce conformément aux dispositions des articles 86, 123, du décret électoral, 15 et 135 de la Constitution de 1987 sous réserve de l'application des législations pénales haïtiennes.

• Saisi d'un pourvoi, la cour de cassation aux termes de cinq attendus a fait droit à la demande de Monsieur Siméus et cassé l'arrêt du Bureau du Contentieux Électoral Central.
Grief principal du pourvoi
• Le demandeur en cassation estime que les motifs qui ont présidé à la décision du BCEB sont erronés car aucune inscription en faux n'a été faite contre ladite attestation de résidence, qu'aucun établissement de renonciation de la nationalité haïtienne n'a été produit par le BCEC que donc les fausses déclarations sont des inventions du CEP qui refuse d'agréer sa candidature.

La logique juridique interne de l'arrêt

Les hauts magistrats ont rappelé :

Motifs :
• qu'« aucun acte de renonciation de sa nationalité haïtienne n'ayant été produit par le CEP »,

• que la loi de l'article 1er alinéa de la loi du 12 avril 2002, tout haïtien d'autre nationalité, tout haïtien d'origine jouissant d'une autre nationalité et ses descendants sauf dans les cas expressément interdits par la Constitution sont éligibles à la fonction publique.

• Que la décision du BCEB n'est pas motivée,

• Attendu que les moyens proposés par le recourant sont fondés,

Dispositif :

Les hauts magistrats ont décidé de casser et d'annuler ladite décision en enjoignant l'inscription du nom du réquérant sur la liste des présidentiables.

Discussion

• Du reste, l'arrêt ci-dessous rapporté retient une solution qui parait en apparence logique. En effet, certains juristes auraient souhaité que les hauts magistrats tranchent la question de l'éligibilité des binationaux aux fonctions électives tout en précisant la portée de l'article 15 de la constitution haïtienne. Or, telle n'était pas le problème posé par le recours. L'objet du recours était de faire dire à la cour si le BCEC pouvait à bon droit déclarer un candidat inéligible sur la base d'allégations non caractérisées. La cour a répondu par la négative. L'on doit donc se réjouir de la décision des hauts magistrats en vertu du principe de l'immutabilité du litige (I). En revanche, on regrette que les hauts magistrats après avoir constaté un manque de base légale de la décision du BCEC n'aient pas tiré toutes les conséquences qui s'y attachent (II).

I / Le respect du principe de l'immutabilité du litige

• Nombreux sont les commentateurs agitant l'article 15 de la constitution pour contester la décision des hauts magistrats. Or, force est de constater que ces derniers n'avaient nullement été invités par les parties à se prononcer sur la question de la double nationalité. Il eut été contraire au principe de l'immutabilité du litige (A) de soulever d'office ce moyen, sauf à considérer qu'il s'agit là d'un moyen d'ordre public fondé sur l'article 15 du texte précité.

A/ L'immutabilité du litige

• L'immutabilité du litige signifie qu'à partir du moment une instance a été engagée, ses éléments, son cadre, ne doivent pas être modifiés. Autrement dit, le lien d'instance qui fait naître entre les parties l'assignation et l'échange des conclusions doit demeurer inchangé. Le juge est par conséquent enfermé dans le cadre de l'instance tracée par les plaideurs. Ce qui revient à dire que les magistrats doivent se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. Il ne peut statuer ni infra ni ultra petita (ni au-delà ni au deçà de ce que les parties ont demandé).

• Revenons à notre cas d'espèce. Que demandait Monsieur Siméus à la cour de cassation ?

• Ce dernier demandait à la cour de déclarer erronés les motifs de la décision du BCEC car hypothétiques. La cour, en constatant, en effet, qu'aucun acte de renonciation de la nationalité haïtienne de Monsieur Siméus n'a été produit par le CEP, que les déclarations radiophoniques dont fait état la BCEC étaient erronées, a admis sur cette base que ladite décision n'était pas motivée. La cour a donc répondu à la question qui lui avait été posée et par conséquent, n'avait pas à répondre à d'autres questions relatives à l'existence d'une double nationalité sauf à statuer ultra petita.

• Certains avocats haïtiens ont affirmé que le juge aurait dû donner plus de précisions sur l'article 15 de la constitution afin d'éclairer la lanterne des praticiens. Notons que l'article 15 de la constitution est clair comme de l'eau potable. Il suffit de le lire pour s'en apercevoir « La double nationalité haïtienne et étrangère n'est admise dans aucun cas ». En conséquence, l'on ne voit pas l'intérêt de demander aux juges d'interpréter un texte limpide.

• En définitive, il apparaît au titre de la décision commentée que les magistrats a bien rempli ses offices en s'attelant à statuer sur les prétentions juridiques conformément au principe de l'immutabilité du litige.

• Toutefois, nous devons rappeler que même si, en principe, le juge doit statuer en fonction des contours du litige dessinés par les parties, rien ne l'interdit de soulever d'office un moyen d'ordre public. Ce qui nous ramène à la question de savoir, si en l'espèce, compte tenu du contexte sociopolitique de la question, le juge n'était pas l'obligation de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de la double nationalité en renvoyant Siméus devant une cour de renvoi.

B / Les juges auraient pu soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de la double nationalité

• Le juge a en principe un rôle actif que lui confère l'inquisitorialité de la procédure, par suite, il peut relever d'office certains moyens d'ordre public. En l'espèce, le prescrit constitutionnel de l'article 135 prévoit que pour être « élu président de la république d'Haïti, il faut être haïtien d'origine et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité » Il n'est pas contestable, eu égard au caractère fondamental de la prescription précitée, que nous sommes en présence d'une règle d'ordre public.

• En effet, les hauts magistrats relèvent que les juges du fonds ont rejeté « la demande formulée par le sieur Dumarsais M. Siméus à l'audience du lundi 4 octobre 2005, pour fausse déclaration, ce conformément aux dispositions des articles 86, 123, du décret électoral, 15 et 135 de la Constitution de 1987 sous réserve de l'application des législations pénales haïtiennes.».

• En l'espèce, il était possible, nonobstant le manque de base légale de la décision des juges du fonds, de soulever d'office le moyen d'ordre public de la nationalité en prenant la perche tendue par ces derniers. A cet égard, qu'il nous permis d'affirmer nonobstant la logique interne de la décision, que ladite décision nous laisse l'impression d'un travail inachevé. Sans doute, la cour a faussement voulu respecter l'obligation de réserve.

• Cette première observation nous amène à une question fondamentale : pourquoi la cour de cassation après avoir admis le manque de base légale, pour certains un défaut de motifs, n'a pas tiré les conséquences de sa décision

II/ La cour de cassation n'a pas tiré les conséquences du manque de base légale

• Au préalable, Trois observations doivent être faites. Tout d'abord, les vices de motivation d'une décision juridictionnelle peuvent être globalement classifiés en deux catégories : le défaut de motifs et le défaut (ou manque) de base légale. Ensuite, l'intérêt d'une telle distinction est qu'un défaut de motifs est un vice de forme ne préjugeant en rien le problème de fonds alors que le défaut de base légale est un vice de fonds. Enfin, notons que la portée d'un arrêt de cassation au regard de la juridiction de renvoi n'est pas identique selon la cause de cassation.

• En l'espèce, la cour a relevé qu'« aucune inscription de faux n'ayant été faite contre son attestation de résidence, aucun acte de renonciation de sa nationalité haïtienne n'ayant été produit par le CEP, que les fausses déclarations de même que les déclarations radiophoniques dont fait état de la BCEC sont des motifs erronés ayant de base à son œuvre ». De plus, les hauts magistrats ajoutent de façon laconique « Attendu qu'il est de règle qu'une décision n'est pas motivé »

• A la lumière des motifs de l'arrêt soutien nécessaire du dispositif, il apparaît que les hauts magistrats ont cassé la décision du BCEC pour non-conformité aux règles de droit tenant à la motivation de la décision, plus précisément, pour motifs dubitatifs ou hypothétiques. Ce qui revient à dire qu'il y avait bien là un cas d'ouverture à cassation à savoir un manque de base légale et non comme le soutient le réquérant un défaut de motifs lequel est un vice de forme n'affectant pas le problème au fonds. D'ailleurs, la preuve de la nationalité du réquérant conditionnait la solution du litige. Or, ce sur ce point, le BCEC n'a émis que des hypothèses ou des doutes, rendant une décision fondée sur des motifs erronés.

• En réalité, ce vice de fonds aurait dû mettre les hauts magistrats dans l'impossibilité d'exercer leur contrôle, de sorte que ces derniers n'avaient d'autres choix que de faire usage de la technique de renvoi permettant au juge de renvoi de rechercher les énonciations manquantes, étant donné, en l'espèce, la question est d'ordre matériel touchant aux éléments de faits pour ne pas dire de preuves. Or, la cour de cassation a décidé de juger l'affaire au fonds en enjoignant au BCEC de statuer à nouveau suivant les motifs de cassation sans lui donner une marge de manœuvre quant au choix de sa décision.

• En définitive, l'ambiguïté de la décision de la cour de cassation réside dans le fait qu'elle n'a pas tiré les conséquences du manque de base légale de la décision attaquée en usant à bon escient la technique de renvoi. Si elle en avait pris acte, elle aurait demandé au BCEC de rechercher les éléments de fait pouvant confirmer ou infirmer l'allégation relative à la renonciation de Monsieur Siméus à sa nationalité. Mais, en aucun cas, elle pouvait juger de l'affaire au fonds sans procéder à un minimum d'instructions sur les affirmations de Monsieur Siméus.

• L'on pourrait arguer que si les hauts magistrats avaient convenablement fait usage de la technique d'envoi, la charge de la preuve aurait été renversée. Or, en vertu d'un des principes directeurs du procès la charge de la preuve pèse sur la partie qui se réclame d'une prétention. Cependant, dans notre cas d'espèce, pour éviter le renversement de la charge de la preuve, il aurait suffit que des mesures d'instructions fussent ordonnées en vue de la manifestation de la vérité.

• Du reste, la cour de cassation a opté pour une présomption irréfragable de la nationalité haïtienne du requérant, ce qui explique le surplus du quatrième attendu faisant référence à la loi du 12 avril 2004 prévoyant que « tout haïtien d'origine jouissant d'une autre nationalité et ses descendants sauf dans les cas expressément interdits par la Constitution, sont éligibles à la fonction publique ; que cette loi qui n'a jamais été déclarée inconstitutionnelle, est d'application ».

• En effet, c'est parce que la cour a présumé que le requérant étain haïtien qu'elle n'a pas jugé bon de faire un renvoi permettant aux juges de rejuger l'affaire. Mais à supposer que dans quelques mois, le ministère public rapporte la preuve de la double nationalité de Monsieur Siméus. Je vous laisse purement et simplement deviner la honte qui s'abattra sur la cour de cassation.

• C'est pourquoi, cette référence à la loi précitée est surabondante car elle a obscurcit la portée de l'arrêt, en ce que la haute juridiction aurait dû se cantonner à la motivation de son arrêt sans entrer dans un débat relatif sur la constitutionnalité de la loi du 12 avril 2OO4. Au surplus, si le problème de droit posé était de savoir si un binational pouvait exercer une fonction élective, il va sans dire que la cour de cassation n'aurait pas le choix de viser l'article 15 de la constitution en répondant sans ambages par la négative. Or, telle n'était pas le cas, la question à laquelle les hauts magistrats avaient à répondre était de savoir si une juridiction pouvait à bon droit déclarer un candidat inéligible sur la base d'allégations non caractérisées.

• En conclusion, si cet arrêt fait couler au tant d'encres, c'est en raison du contexte politique. Il y a plus de peur que de mal. Sur un plan juridique, la portée de l'arrêt est largement limitée, car il s'agit là d'un cas d'espèce et non d'une décision de principe. Ceux qui craignent une violation de la constitution devraient relire l'arrêt, car à aucun moment, la cour de cassation a affirmé qu'il était possible pour les binationaux de candidater à des fonctions électives. Sans doute, l'avenir nous dira si Siméus à berner la cour ou si la cour a bien voulu se faire berner.

Me Karl Louis
Avocat

HAITI : L'ABROGATION DU PRINCIPE D'EXCLUSION DE LA DOUBLE NATIONALITÉ

Haiti : L'abrogation du principe d'exclusion de la double nationalité

Ce texte est tiré de Alterpresse

Par Me Fredler Breneville

L'affaire Siméus a porté le débat sur la double nationalité à un niveau jamais atteint auparavant. Si certains se plaignaient de ce principe injuste d'exclusion inséré dans notre Constitution, leur voix pourtant restait faible et timide. Des politiciens habiles utilisent le vocable de la double nationalité pour rallier la diaspora à leur cause et obtenir du support financier pour leur campagne. Mais à l'intérieur du pays, leur discours change. Certains brandissent le principe "sacré" de l'exclusion pour écarter d'autres candidats de la course électorale. Aujourd'hui avec l'affaire Siméus, nous assistons à la montée d'un certain xénophobisme sur la scène politique haïtienne. Des voix doivent s'élever et des pressions s'exercer pour porter les prochains élus du parlement à abroger le principe d'exclusion de la double nationalité.

LA DÉSUÉTUDE DU PRINCIPE D'EXCLUSION DE LA DOUBLE NATIONALITÉ
Le principe d'exclusion de la double nationalité a trouvé naissance dans les premières constitutions du pays. [1] Ce principe a été promulgué dans un contexte colonialiste et esclavagiste où les fondateurs de l'unique nation noire de l'époque, vivaient dans un environnement hostile. Dans l'angoisse du retour imminent des "blancs", ils se méfiaient de tous les étrangers qui mettraient en péril la fragile indépendance. Bien que ce principe ait été reconduit dans les Constitutions postérieures, il a fait l'objet de nombreux débats en 1987 lors d'une convention sur la Constitution. On parlait déjà de la désuétude de ce principe, si bien que la Constitution de 1987 a assoupli le principe en permettan t à des Haïtiens naturalisés de reprendre la nationalité haïtienne en se conformant à la loi. [2] En outre, certains articles de la Constitution de 1987 sont assez contradictoires et ambigus. Un bon avocat peut aisément soutenir des arguments solides contre tout rejet de candidature sur la base de la double nationalité. Par exemple : l'article 13 stipule que la nationalité haïtienne se perd par la naturalisation acquise en pays étranger. L'article 135, de son côté, stipule que pour être élu Président de la République d'Haïti, il faut : a) être Haïtien d'origine et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité... Cependant la Constitution ne définit pas le terme de renonciation ni ne précise comment on renonce à la nationalité haïtienne. D'après son étymologie le mot renonciation implique un certain acte ; c'est un principe actif et explicite. D'où la complication de l'affaire Siméus et l'arrêt de la Cour de Cassation.

LE CONTEXTE SOCIAL HAITIEN A PROFONDÉMENT CHANGÉ

Depuis quelques décennies l'émigration en Haïti devient un phénomène englobant et déroutant qui s'effectue à une vitesse vertigineuse. Observez comment les villes, les villages, et les quartiers d'Haïti se vident de leurs anciens habitants et se remplacent par d'autres en un rien de temps. Bien que les statistiques ne soient pas assez exacts, on estime à plus de 2 millions, le nombre d'Haïtiens vivant en dehors d'Haïti. [3] Les Haïtiens sont partout : en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe, Afrique, Asie, et les Antilles. Aux États-Unis seulement, on estime à plus d'un million le nombre de nos compatriotes. Une grande majorité d'Haïtiens vivant en terre étrangère, pour des raisons de survie et cela de manière toujours plus accrue, sont obligés d'adopter la nationalité de leur terre d'accueil. Déjà en 2001 on comptait plus de 400 000 Haïtiens naturalisés Américains. [4] Ces Haïtiens de l'extérieur, pour la plupart, trainent derrière eux toute une nostalgie et rêvent de mettre au profit de leur pays des ressources nombreuses et précieuses puisées en terre étrangère. Haïti, aujourd'hui, dans l'état de délabrement où elle se trouve, ne peut se payer le luxe de se passer de la compétence de sa diaspora qui est le véritable moteur économique de ce pays. En 2001, on rapportait que la diaspora Nord-Américaine, à elle seule, drainait en Haïti plus de 300 millions de dollars l'an. Ce montant atteint le chiffre de plus d'un milliard de dollars aujourd'hui. [5]

En plus des apports économiques, bon nombre de ressortissants de la diaspora font rejaillir sur Haïti beaucoup de respect. Ne serait-ce que pour considérer Michaëlle Jean, René Despestre, Danny Laferrière, Wyclef Jean, et tant d'autres, des artistes, des professionnels compétents dans tous les domaines. Ils sont des milliers et des milliers, réels ambassadeurs d'Haïti, portant bien haut l'étendard de notre bicolore et faisant mentir les éternels "gobinistes" qui pensent que quand on est noir et surtout Haïtien, on ne vaut absolument rien. Il est donc légitime que la diaspora après tant d'apports à l'économie et à la fierté de ce pays demande à prendre part plus activement à la politique et aux décisions qui s'y rapportent.

QUAND ON A DES DEVOIRS, ON A AUSSI DES DROITS

Certains politiciens se cachent derrière la Constitution de 1987 pour qualifier d'étrangers les Haïtiens munis d'une double nationalité. Ce qui crève les yeux, c'est que nos compatriotes vivant en terre étrangère ne sont pas des étrangers à Haïti, même quand ils exhibent un passeport différent pour de multiples raisons. Il semble qu'on réduit leur devoir au pays rien qu'à envoyer de l'argent, et après, on les regarde d'un sourire moqueur en les traitant avec mépris d'étrangers. Pourtant, malgré cette exclusion, beaucoup d e candidats comptent déjà sur eux pour rebâtir Haïti. Un d'entre eux a même affirmé que s'il est élu président, il va réserver une place de choix à Dumarsais Siméus. Évidemment, celle de faire venir de l'argent dans le pays.
Cette diaspora semble n'avoir que des devoirs envers Haïti mais aucun droit. Son unique rôle, c'est de supporter économiquement le pays. Ensuite, elle doit laisser à ceux qui se proclament "connaisseurs du terrain" la prérogative de mener la politique à leur guise. À un moment où beaucoup de pays s'ouvrent pour accueillir et accorder des droits égaux à leurs ressortissants munis de double, voire de multiples nationalités [6], Haïti, quant à elle, avec la Constitution actuelle, met de côté une grande partie de sa population et semble leur dire : étrangers, le pays se passe bien de vous, restez là où vous êtes ! Évidemment, il y a mille et une manières de servir son pays. À cet égard, il est navrant, que certains éléments de la diaspora pensent que pour servir Haïti il faut à tout prix briguer des postes électifs ; mais il est tout aussi injuste de limiter leur participation à la chose nationale. C'est une forme d'exclusion pure et simple.

HAITI EN A ASSEZ DE LA POLITIQUE EXCLUSIVE...
Quand une loi est injuste et ne répond plus aux besoins de l'heure, il faut de fortes personnalités comme celle de Dumarsais Siméus pour pointer du doigt l'anomalie et forcer le débat. La politique exclusiviste a trop fait souffrir notre pays. Le principe d'exclusion de la double nationalité non seulement empêche des Haïtiens capables de briguer des postes politiques, mais aus si les empêche de voter. On ne peut pas demander à quelqu'un de penser sérieusement à son pays quand on lui dénie ces droits. C'est que le peuple haïtien aujourd'hui en a assez des beaux discours, des nationalismes "charlemagne-péraltistes", des accolades hyprocrites, des grandes envolées démagogiques, des promesses vides et fallacieuses. Le peuple haïtien aujourd'hui a faim de pain, de travail, de sécurité, de justice ; il veut enfin la paix, il veut vivre. Voilà pourquoi les diatribes de la classe politique contre les "étrangers" laissent le peuple indifférent. En effet, des micro-trottoirs et des sondages d'opinion montrent qu'une grande partie de la population partagent l'idée de l'abrogation du principe d'exclusion de la double nationalité[7]
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Mais cela ne suffit pas, la diaspora doit vraiment se manifester. Des contacts particuliers avec les candidats du parlement au sujet de la double nationalité doivent être envisagés ; et tout support financier à un candidat doit être conditionné à son appui au principe d'abrogation. Il faut souhaiter aussi que la diaspora, sécurité aidant, s'implique plus activement, non seulement au niveau du privé ou du familial, mais aussi dans des activités sociales à l'intérieur du pays pour gagner une image plus positive.
La lutte pour l'amendement de la Constitution, en ce qui a trait au principe de la double nationalité, peut paraître ardue, mais elle est déjà gagnée si la diaspo ra se mobilise. Les lois changent d'après les circonstances du moment et le désir actif du peuple de provoquer ce changement. La loi est faite pour l'homme et non l'homme pour la loi. Salus populi, suprema lex ! Le salut du peuple c'est la plus grande loi !
Fredler Breneville, J.D., LL.M.
Boston, 30 octobre 2005

[1] L'article 7 de la Constitution de 1805 stipulait que la qualité d'Haïtien se perd par l'émigration et par la naturalisation dans un pays étranger.
[2] Il convient aussi de citer la loi du 12 Avril 2002 qui vise à garantir certains droits et privilèges à des Haïtiens naturalisés munis d'une double nationalité. Cette loi semble contredire, dans bien des cas, le principe d'exclusion de la double nationalité et notamment l'article 15 de la Constitution qui stipule que la double nationalité haïtienne et étrangère n'est admise dans aucun cas.
[3] Bob Corbett, The History of Haïti, an on-line version of his Haitian history course in the Summer of 1995. Introduction, p. 2. (http://www.harford-hwp.com/archives/43a098.html).
[4] 1913 : Haïtian Slum-Dwellers Dream of U.S by Dan Perry Associated Press writer, January 20, 2000 (www.webster.edu).
[5] Dumarsais Siméus, le bouc émissaire par Donald Jean, InfoHaïti.net, Samedi 22 octobre 2005.
[6] D'après un rapport publié par The US Center for Immigration Studies, en Juillet 2000, 89 pays reconnaissent une certaine forme de double et de multiples nationalités. (Voir Backgrounder, Center for Immigration Studies, Washington, USA, July 2000).
[7] Sondage sur le Site Web InfoHaïti.net. Libellé de la question : Le Gouvernement issu des prochaines élections en HAÏTI devrait-il considérer comme prioritaire l'ABROGATION de l'Article 135 de la constitution de 1987 qui stipule : "Pour être élu Président de la République d'Haïti, il faut : a) être Haïtien d'origine et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité". Plus de 60% des participants ont répondu oui. (InfoHaïti.net).
[8] NDLR : AlterPresse tient à faire remarquer que la consultation à laquelle référence est faite ici ne constitue pas un sondage et cette valeur ne peut lui être attribuée. Un sondage est une enquête effectuée sur la base d'un échantillon selectionné, représentant un ensemble social déterminé. Elle est conduite à l'aide de techniques et méthodes scientifiques reconnues et acceptées
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Posté le jeudi 15 décembre 2005 à 06:58