décembre 23, 2006

NATIONALITE ET CITOYENNETE : DEUX NOTIONS DIFFERENTES...
NATIONNALITÉ ET CITOYENNETÉ.

Réflexions de Me Andy E. Bernard

À la lumière de la récente décision de la Cour de Cassation en Haïti, sur la validité ou l'éligibilité de la candidature de M. Simeus, les juristes haïtiens ne cessent d'opiner sur la question. La plus haute cour du tiers de l'île s'est prononcée en faveur de la candidature à la présidence de M. Simeus pour des raisons dit-on purement civilistes. Ce qui revient à dire l'application du droit aux faits dans le système judicaire haïtien. L'occasion était trop belle, à mon avis, pour la cour de faire un vrai débat et ainsi contribuer à corriger les lacunes de la constitution qui ont rendu certaines lois du pays difficile d'application, entre autres la loi électorale.

Je crois qu'il y a lieu de s'asseoir et réfléchir à fond et ce, séparément sur les questions de citoyenneté et de nationalité. On peut avoir plusieurs citoyennetés, toutefois on a qu'une seule nationalité. Cette dernière ne se limite pas aux seules formalités administratives d'un État, contrairement à la citoyenneté. Il faut aller remonter à la source, sans faire un débat sémantique, pour aider à élucider la lanterne qui plane autour de l'interprétation qui devrait être faite des dispositions, que je qualifie de farfelues, de la constitution haïtienne, en particulier le fameux article 15.

La nationalité.-

Du latin :«nascentia qui signifie naître, naissance» va découler bon nombres de mots de la même famille, notamment la nationalité.

La notion de la nationalité, avant même d'être un vocable juridique ou politique, réfère d'après moi, à la naissance du sujet ou de l'individu. Ce qui revient à dire qu'en dépit de toute fiction juridique la nationalité n'est pas un simple sentiment d'appartenance. Elle n'est pas, non plus, quelque chose que l'on peut acquérir par voie administrative. Je n'y crois pas un instant. La nationalité ne se donne pas, ne s'achète pas, ne se prend pas, mais elle est innée. Vous êtes natif de tel ou tel endroit. Vous êtes de telle ou telle origine (sang). Vous pouvez rejeter votre nationalité ou y renoncer, mais ce rejet reste purement symbolique. La nationalité s'obtient malgré soi pas le jus soli (droit du sol) ou le jus sanguinis (droit du sang).

Toute personne qui vient au monde, provient des entrailles d'une femme qu'elle va appeler «mère». Peu importe qu'il y aura divorce entre les deux, le lien qui les unit est éternel. Si l'homme maîtrise la science, au point de tout vouloir expliquer, les humains ne se fabriquent pas en laboratoire. Ils sont plutôt le fruit d'une union (amoureuse ou non) entre un homme et une femme. Une fois que l'individu est venu au monde, plusieurs scénarios s'imposent. Regardons de plus près le parcours de quelqu'un depuis sa naissance.

Il peut être natif de deux personnes de même nationalité et de même citoyenneté dans un pays donné (le pays de la nationalité ou de la citoyenneté). C'est le cas typique d'une bonne partie des populations des grandes métropoles avec le phénomène de l'immigration qui ne cesse de se croître à chaque jour. Prenons le cas d'une famille haïtienne par exemple. La raison pour laquelle elle a quitté Haïti importe peu. Toutefois, il est monnaie courante de voir un jeune couple professionnel quitter Haïti à destination du Canada, France et surtout aux Etats-Unis. Ce couple qui vit maintenant dans un pays étranger (Canada pour rendre plus clair notre exemple) et participe activement à la vie économique et socioculturelle de la terre d'accueil. Il fonde une famille avec des enfants et établi intentionnellement domicile au Canada. Ces enfants se définissent comme des Haïtiens bien qu'ils soient natifs du Canada et de citoyenneté de ce pays. À la rigueur, si les enfants le désirent, ils pourront obtenir des passeports haïtiens facilement (la citoyenneté haïtienne) sans avoir mis les pieds en Haïti une seule fois, sur la preuve que leurs parents sont natifs d'Haïti tout simplement. Ces enfants sont-ils éligibles à briguer des postes électifs en Haïti, tel que la présidence? Poser la question, c'est d'y répondre. Dans les circonstances, je laisse la place à la fertilité de l'imagination des lecteurs.

La citoyenneté.-

Pour revenir aux parents, il n'y a pas de doute qu'ils sont de nationalité haïtienne et de citoyenne canadienne. Le procédé est simple. Ces gens vivent dans une cité canadienne. Une fois de plus, je veux faire référence à mes connaissances de la langue morte pour expliquer le concept de citoyen. Du latin, le mot civitas qui signifie cité, sera la source de ce que l'on appelle aujourd'hui citoyen suite à l'obtention de la citoyenneté par voie purement administrative.

Ce statut de citoyen est socio-politique, et juridique pour les fins de sa légitimité. Il leur permet de voter, de participer à la vie politique et économique de leur terre de résidence ou d'accueil. Ai-je besoin de souligner que cela n'enlève rien à leur nationalité? La citoyenneté résulte de la preuve d'intention de rester à demeure dans un pays choisi. C'est ce qui explique que l'étudiant étranger, l'ambassadeur posté dans un pays étranger ou le touriste ne sont ni des citoyens, ni des résidents encore moins des natifs.

Au fond, le citoyen est toujours natif du pays d'origine (sanguinis) ou de naissance (soli). Dans le cas échéant, le citoyen sent le besoin de s'identifier par le sang. Il va se définir en fonction de sa langue, de son histoire, de sa tradition, de ses us et de ses coutumes, de sa cuisine ou de sa nourriture, de ses aspirations politiques et de ses conditions pour appartenir à un peuple. Et on va le distinguer des autres citoyens voire des natifs à l'aide de son accent, de son vocabulaire et j'en passe.

Ainsi, je crois avoir tracé des lignes de démarcation claire entre la nationalité et la citoyenneté. Les exemples sont multiples. Je me contente de les citer sans les développer.

Un individu peut également être natif de deux personnes de même citoyenneté et de nationalité différente vivant dans l'un ou l'autre des pays ou carrément sur un autre territoire. Il peut aussi être natif d'un pays et y avoir vécu au moins qu'à l'âge de conscience voire de raison sans atteindre l'âge de la majorité avant de quitter le pays natal pour ensuite acquérir la citoyenneté d'un État dit étranger.

Les idées présentées ici seront développées dans un article à venir.

L'intention est un élément fondamental pour juger de la nationalité de celui qui y a renoncé et de la citoyenneté celui qui en fait la demande.

Comment la diaspora haïtienne devrait-elle réagir?

Passer outre du cadre juridique et politique du cas Siméus, quel message le gouvernement haïtien lance ainsi à la diaspora haïtienne? À titre d'exemple, la France permet à ses nationaux qui vivent en dehors de la France, et ce, même s'ils acquièrent une autre citoyenneté de voter correctement. Je n'irai pas jusque là dans le cas d'Haïti. Mais, si on traite la diaspora ainsi, cette dernière devrait se mobiliser et mettre un embargo d'un mois sur Haïti. Un mois sans envoyer une gourde nationale au pays pour se faire reconnaître en tant qu'Haïtiens natifs de citoyenneté étrangère. Les Haïtiens vivent à l'étranger certes mais pensent en créole et rêvent en haïtien. Ils ne parlent que de leur pays, ils vivent en communauté. Certains sont des exilés qui sont forcés de refaire leur ailleurs. D'autres sont des réfugiés, ou des immigrants pour des motifs humanitaires. Si la situation politique du pays s'améliore, on parle de démocratie, ce serait la moindre des choses de permettre à un Haïtien vivant à l'étranger de se présenter à un poste électif, ou tout simplement l'accueillir pour lui permettre de vivre son rêve de natif brisé et déchu.

Voici une autre hypothèse que je n'ai pas le temps de développer pour tout de suite, mais que j'aborderai plus en détail plus tard : Est-ce possible que, par hypothèse, les pays de citoyenneté de ces Haïtiens natifs ne veulent pas les perdre? Car, certains sont des ressources et même des cerveaux qu'Haïti n'a pas su protéger et garder en son sein propre, puis ces bijoux ont trouvé leur utilité ailleurs. Donc le pays étranger ou de citoyenneté qui comprend et a fait une évaluation juste de la richesse que ces Haïtiens natifs lui apporte ne veut les laisser partir. En conséquence, la pression est exercée sur Haïti, ainsi les Haïtiens continuent à se battre entre eux, Tonton Sam vient instaurer la paix et leur dire quoi faire. Une fois de plus, on se moque des Haïtiens, on les prend pour des marionnettes.

Par : Me Andy Eustache Bernard,
Avocat
Tél. (514) 680-4088

Aucun commentaire: