mai 18, 2007

LE MINISTRE DE LA JUSTICE EST CONVOQUÉ AU PARLEMENT

Le ministre Magloire convoqué au Parlement


La commission d'enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur l'affaire Hugues Saint-Pierre va vite en besogne. 24 heures après s'être rendus aux Gonaïves, les membres de la commission ont convoqué le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, qui risque de perdre son portefeuille si les députés arrivent à prouver qu'il a menti.


Me René Magloire est ainsi convoqué au Parlement pour ce vendredi, seulement 24 heures après qu'une commission d'enquête parlementaire s'était rendue aux Gonaïves afin de faire la lumière sur la mort tragique du magistrat Hugues Saint-Pierre.

Cette convocation a pour but de vérifier la véracité des déclarations du ministre de la Justice jugées « contradictoires » avec celles des proches de l'ancien président de la cour d'Appel des Gonaïves, décédé le 23 avril dernier à Port-au-Prince des suites d'un accident de la circulation. Les membres de la commission promettent de rendre public le rapport d'enquête dès ce vendredi, peu après l'audition du ministre de la Justice.

Selon plusieurs observateurs, la vérité risque d'être difficile à établir, vu les intérêts en jeu et les contradictions qui entourent cet incident devenu éminemment politique.

La version des proches de l'ancien président de la cour d'Appel des Gonaïves laisse croire que le magistrat avait été invité par le « Secrétariat du ministre Magloire » à une « importante réunion » au ministère de la Justice à Port-au-Prince. Version démentie par le ministre et son entourage. « Le ministère n'a jamais convoqué Me Saint-Pierre », a rétorqué le ministre qui a été chahuté, lundi, aux Gonaïves, lors des funérailles de Me Saint-Pierre.

La commission d'enquête composée des députés Donal Dorsainvil (FUSION) ; Fritz Gérald Emmanuel Bourjolly (FUSION), et Arsène Dieujuste (MOCHRENHA) s'était rendue aux Gonaïves mercredi et a interrogé des proches de Me Saint-Pierre sur la présumée invitation du magistrat à Port-au-Prince par le ministre de la Justice et de la Sécurité publique.

Aux Gonaïves, les membres de la commission d'enquête se sont entretenus avec six personnalités proches du juge Saint-Pierre. Il s'agit de la fille du disparu, Marjorie Saint-Pierre ; du commissaire du gouvernement près la cour d'Appel des Gonaïves et du vice-président de cette cour, respectivement Mes Roland Paphius et Grégoire Jean-Baptiste ; du commissaire du gouvernement près le tribunal civil des Gonaïves, Me Nicoletta Dieudonné Joseph ; du juge Mécène Jean-Louis, et d'une couturière dénommée « Loulouse » (ainsi connue), qui aurait affirmé aux membres de la commission « avoir été présente lors d'une conversation entre l'ancien président de la cour d'Appel et un juge affecté à cette cour, Me Mécène Jean-Louis».

Selon cette version concordante, le ministre de la Justice aurait invité Me Hugues Saint-Pierre et d'autres autorités judiciaires des Gonaïves - dont le commissaire du gouvernement près la cour d'Appel des Gonaïves, Me Roland Paphius -, à prendre part à une « importante réunion » prévue à Port-au-Prince. Cependant, seul Me Hugues Saint-Pierre s'était rendu à la capitale, en transport en commun, pour répondre à cette invitation émanant d'un « supérieur hiérarchique. » Les autres ont tout simplement boudé cette invitation du ministère de tutelle. Continuer >





« Je n'ai pas répondu à l'invitation parce que je supposais son objet à l'avance », a déclaré Me Paphius aux membres de la commission d'enquête parlementaire. « Je savais que je ne pourrais rien faire dans ce dossier », aurait aussi déclaré le commissaire du gouvernement près la cour d'Appel des Gonaïves à la commission, sans toutefois révéler l'objet de cette invitation.

Aux dires de Donal Dorsainvil et Arsène Dieujuste, deux députés membres de la commission d'enquête parlementaire, toutes les personnes interrogées aux Gonaïves sont unanimes à confirmer la version selon laquelle feu Me Saint-Pierre a été invité à Port-au-Prince. Cependant, ils n'étaient pas en mesure de confirmer l'identité du correspondant téléphonique du juge, ni l'objet de cette invitation. « Il s'agissait d'une importante réunion », aurait déclaré Mme Nicoletta Dieudonné Joseph aux membres de cette commission.

A la question : « qu'avez-vous fait pour vérifier la véracité des informations recueillies aux Gonaïves ? », MM. Dorsainvil et Dieujuste sont restés stupéfaits. Après quelques secondes d'hésitation, le député de Trou-du-Nord/Caracol, Donal Dorsainvil, a seulement déclaré : « Le commissaire du gouvernement près le Tribunal civil des Gonaïves avait personnellement reçu l'appel sur son portable et l'a transmis au président de la cour d'Appel. »

Me Nicoletta Dieudonné Joseph, elle, aurait été plus explicite, toujours selon les deux députés : « La personne qui m'a appelée est une habituée. Généralement, c'est elle qui appelle pour le ministère, aurait déclaré la commissaire du gouvernement aux membres de la commission d'enquête. Elle m'a appelée sur mon portable. A ce moment là, j'étais en audience. J'ai dû céder le téléphone à Me Saint-Pierre», ont rapporté Donal Dorsainvil et Arsène Joseph au journal Le Nouvelliste, citant le commissaire du gouvernement près le tribunal civil des Gonaïves. Ce sont ces témoignages qui ont incité les parlementaires à convoquer le ministre de la Justice en vue de faire jaillir la vérité autour de cette nébuleuse affaire.

La convocation annonce un nouveau bras de fer entre le ministre de la Justice et les parlementaires de la 48e Législature. Les députés avaient déjà réclamé la tête de Me René Magloire lors de l'incident ayant opposé le député des Baradères, Michelet Casimir, au directeur central de la Police administrative, l'inspecteur Jean Saint-Fleur. Dans une résolution, les parlementaires avaient demandé au ministre de choisir entre sa tête et celle de l'inspecteur de police.

Juriste, évangéliste et professeur à l'Ecole de Droit et des Sciences économiques des Gonaïves, Hugues Saint-Pierre, 75 ans, aurait fait une chute en montant à bord d'un véhicule de transport en commun qui le ramenait à Port-au-Prince. Deux jours après son décès, l'ancien député de Saint-Marc, Amanus Mayette, inculpé dans le cadre du dossier du « Massacre de La Scierie », a été libéré suite à une décision du doyen du tribunal civil de St Marc, Me Ramon Guillaume. Décision de justice motivée par une action en habeas corpus intentée par les avocats de l'ancien parlementaire.


Samuel Baucicaut

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