mai 27, 2007

LES OFFICIERS DU PARQUET ET LEUR DOUBLE FONCTION

Le JURISTE HAITIEN a reçu la communication de Me Heidi Fortuné, intitulé : Les Magistrats du Parquet sont-ils membres du Pouvoir Exécutif? dont l'extrait intégral est ci-dessous publié. C'est un texte très édifiant qui explique les différents rôles joués par les officiers du Parquet. Cependant, le JURISTE HAITIEN n'est pas tout à fait d'accord avec le titre attribué à ce texte. Selon nous, le terme Magistrat est strictement réservé aux juges qui président une instance juridictionnelle. Le Parquet n'est pas une instance en soi. On peut dire qu'il est le centre d'administration des infractions, et il est chargé aussi d'exercer des poursuites contre les contrevenants de l'ordre social. Les officiers du Parquet dits commissaires du gouvernement et leurs substituts agissent comme un administrateur du pouvoir exécutif chargé de gérer les infractions.

De plus, ils représentent les intérêts de l'Etat ou de la société dans les poursuites criminelles et civiles. On peut dire que les officiers du Parquet sont des auxiliaires de la justice, mais ils ne peuvent pas être considérés comme des Magistrats. Dans un système juridique de type inquisitoire comme Haïti, c'est le juge d'instruction qui est le Magistrat jouant un rôle majeur dans ce système. C'est dommage, la fonction d'un juge d'instruction n'est très reconnue par les justiciables haïtiens. Le juge d'instruction est le juge enquêteur qui cherchent à obtenir des preuves pertinentes et suffisantes succeptibles de corroborer une infraction reprochée à un inculpé afin de référer son affaire par devant un juge d'instance pour être jugé. C'est l'officier du Parquet ou le commissaire du gouvernement qui doit démontrer hors de tout doute raisonnable que les infractions réprochées à un inculpé concordent avec les preuves produites à l'instance.

Lorsque l'officier du Parquet a failli à son obligation de prouver hors de tout doute raisonnable que l'accusé a bel et bien commis les infractions reprochées, le juge d'instance devra décider de le libérer. En résumé, le JURISTE HAITIEN croit qu'il n'est pas approprié d'utiliser le terme Magistrat pour les officiers du Parquet puisqu'ils ne jouent pas ce rôle dans le système juridique haïtien. Toutefois, il faut réconnaitre que le code d'instruction criminelle accorde certains pouvoirs aux officiers du Parquet dans l'administration des charges rétenues contre un inculpé, mais cela n'est pas suffisant pour leur attribuer le titre de Magistrat au même titre qu'un juge d'instruction. JMMondésir...


LES MAGISTRATS DU PARQUET SONT-ILS MEMBRES DU POUVOIR EXECUTIF?


La délicate problématique des liens du Commissaire du Gouvernement avec le pouvoir exécutif a déjà fait l’objet de maints savants commentaires.

Il est tout d’abord certain que, de quelque pouvoir dont ils soient l’organe, les membres du parquet agissent toujours comme Magistrats, membres du pouvoir judiciaire. C’est mal poser le problème que se demander si les magistrats du parquet sont membres du pouvoir exécutif. Un pouvoir n’a pas de « membres », mais ce qu’il est convenu d’appeler des « organes ».

Les Officiers du Ministère Public agissent comme organes du pouvoir exécutif lorsqu’ils exercent l’action publique ou exécutent les décisions judiciaires, comme organes du pouvoir judiciaire lorsqu’ils assistent le juge et tentent de l’éclairer sur l’interprétation de la loi et sur son application à telle ou telle cause. Ils participent à l’administration de la justice et sont investis d’un pouvoir d’appréciation, tant dans l’exercice des poursuites que dans les avis qu’ils expriment, dans une indépendance qui ne peut être mise en question par aucune autorité politique ou disciplinaire, sous la seule réserve du ministre de la justice d’ordonner des poursuites.

C’est uniquement lorsque les membres du parquet agissent comme organes du pouvoir exécutif qu’ils se trouvent sous l’autorité et la surveillance de leur ministre de tutelle. Cependant, l’autorité de ce dernier ne lui permet pas de les interdire de mettre en mouvement l’action publique, toutefois, il peut les enjoindre de le faire, dans la mesure compatible avec les respects des pouvoirs propres que ces magistrats
tiennent directement de la loi, d’autant que les missions du Commissaire du Gouvernement et ses Substituts sont prévues dans le code d’instruction criminelle.

Naturellement, le Garde des Sceaux de la république peut adresser aux magistrats du parquet des instructions générales dans le but d’assurer l’application de la loi, de coordonner la politique criminelle, d’organiser la défense de l’ordre public. Il est, en effet, responsable de la poursuite de ces objectifs devant le Parlement et ne pourra agir efficacement dans ces domaines qu’avec le concours de ces magistrats qui assurent, seuls, dans leur ressort, la direction des activités des parquets.

Il est donc faux de prétendre que les Magistrats du Parquet appartiennent au pouvoir exécutif ou se situent constitutionnellement dans la hiérarchie du pouvoir exécutif. Le fait qu’ils soient nommés et puissent être révoqués par l’exécutif ne suffit manifestement pas à justifier de telles affirmations. Les Juges aussi sont nommés par l’Exécutif. La révocation d’un magistrat du parquet ne doit avoir lieu sans justification. Et, durant l’exercice de sa fonction, rien ne permet de dire qu’ils appartiennent au pouvoir exécutif ni qu’ils lui sont subordonnés car
la constitution et la loi les placent sans équivoque à l’intérieur même du pouvoir judiciaire.


Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti

Ce 27 Mai 2007

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