mai 27, 2007

L'ÉTAT HAITIEN FAIT PLACE AUX PERSONNES AYANT UNE DÉFICIENCE...

Le juriste haïtien est très heureux d'apprendre que le gouvernement a créé un poste de secrétariat d'État pour les personnes ayant une déficience dans notre société. Cette initiative est très louable lorsque ce secrétariat est dirigé par Dr Péan, ancien responsable de la société haitienne des aveugles (SHAA). Cependant,il est important de corriger tout d'abord la dénomination "personnes handicapées" pour faire justice à ces catégories de citoyens qui ont toujours fait face à l'incompréhension de la population. S'il faudrait parler de "HANDICAPÉ" le juriste haïtien croit qu'il serait bon d'attribuer ce qualificatif à l'État haïtien qui n'a pas su protéger les droits de tous les citoyens démunis de notre société.

Par ailleurs, il est utile de souligner que ceux qui ont une déficience intellectuelle, physique et moteur ne sont pas des handicapés dans une société civilisée. Ce sont des êtres humains à part entière, ce sont des honnêtes personnes qui luttent et résistent à l'incompréhension de leurs dirigeants. À notre avis, il ne suffit pas de créer une institution pour s'occuper des conditions dégradantes des gens avec une déficience, mais il faut doter ce secrétariat des moyens pour qu'il puisse répondre à ses multiples obligations en faveur de ces personnes. L'Institut du Bien-être social et de recherche (IBESR) a été créé pour s'occuper des gens déshérités de la société, mais les professionnels n'ont pas souvent les moyens pour intervenir auprès de ces groupes cibles. Dans les années 90, j'occupais la fonction de responsable de l'encadrement technique des centres handicapés à l'IBESR, la direction générale ne m'avait jamais donné les moyens en tant que travailleur social pour m'acquitter de mes fonctions auprès des institutions publiques et privées qui oeuvrent dans ce secteur. C'était toujours avec mépris qu'on accueillait ces personnes lorsqu'elles viennent chercher un petit chèque de $ 50 par mois qu'on octroyait à certaines personnes ayant une déficience. C'était révoltant de constater ce fait en tant que professionnel, impuissant devant une telle injustice, à chaque fois qu'elles doivent se présenter en personne à l'IBESR pour obtenir ce chèque minable. L'intégration et l'insertion des personnes ayant une déficience dans la société est nécessité et l'État doit se donner une politique sociale efficace pour réparer l'injustice, le mépris et le rejet auxquels elles sont toujours l'objet dans leur vie quotidienne. L'intention de créer un secrétariat d'État avec Dr Péan comme responsable est une bonne chose en soi, car ce dernier a toujours lutté en faveur des aveugles. Il offre accès au public à toute sa documentation en braille et il organise des séminaires pour les intéressés. Cependant, il faut lui donner les moyens de sa politique, sinon ce serait la démagogie politique. Dr. Péan est un homme de parole qui n'a pas peur de lutter pour les membres de son organisation. À mon avis, les militants des droits humains doivent continuer à se battre pour faire respecter les droits des personnes démunies de notre société, car nul n'est exempt d'une difficience intellectuelle, physique et/ou moteur. La société civile devrait supporter Dr Péan dans ses actions afin de traiter ces personnes avec humilité et respect pour la reconstruction et le développement de notre chère Haiti, une Haiti inclusive et non exclusive.

Jean Marie Mondésir
Militant des droits
juriste haitien

Une porte ouverte aux handicapés



« Le handicap est la résultante d'un conflit entre la déficience et l'environnement au sens large du terme (culturel, social, économique). C'est l'ensemble des barrières qui empêchent une personne qui vit avec une déficience de participer aux activités de la vie. » Charles Gardou

« La problématique des handicapés est une question transversale. Le gouvernement et tous les autres secteurs doivent s'investir pour changer les conditions de vie et l'image sociale des handicapés en Haïti », déclare le Dr Michel Archange Péan nommé secrétaire d'État le 17 mai 2007, par arrêté présidentiel et installé dans ses fonctions ce mercredi par le ministre des Affaires Sociales, Gérald Germain.

Docteur ès lettres et expert en Education spéciale et en Réadaptation des personnes handicapées, Michel Archange Péan est logé provisoirement au Ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST).

Une première dans la gouvernance en Haïti

Lors d'une interview accordée au quotidien Le Nouvelliste, le Dr Péan a affirmé que la question des handicapés touchait non seulement le ministère des Affaires sociales, mais aussi tous les autres secteurs dont l'Education nationale, l'Économie et les Finances, les Travaux publics, l'Environnement, le Commerce et l'Industrie, la Santé publique, la Culture, etc.

A entendre le nouveau Secrétaire d'État, l'architecture de nos villes est non adaptée aux personnes vivant avec un handicap physique et qui doivent se déplacer en fauteuil roulant. Le programme scolaire et la formation des maîtres, le programme sanitaire et surtout l'environnement physique social, écologique et humain ainsi que la distribution des richesses du pays devraient faire l'objet d'une prise de conscience collective afin d'améliorer le sort des Haïtiens vivant avec un handicap quelconque, qu'il soit physique ou mental.

« Mon bureau sera le bureau de l'urgence. En ce sens, je compte encourager les autres ministères et organismes de l'État ainsi que le secteur privé à emboîter le pas et à inclure dans leur programme d'action la problématique du handicap », a poursuivi le dirigeant du Réseau associatif national pour l'intégration des personnes handicapées (RANIPH).

Le Dr Péan, non-voyant et président de la Société haïtienne d'aide aux aveugles (SHAAA), est la première personnalité haïtienne vivant avec un handicap physique à avoir accédé à un poste si élevé au sein du gouvernement. Loin de voir en sa nomination le couronnement d'une carrière, le Secrétaire d'État veut faire de son accession à ce poste « une nouvelle phase dans la lutte en faveur des personnes handicapées » en Haïti.

Mot d'ordre : « La lutte se poursuit »


« La lutte se poursuit », est son tout nouveau slogan. Pour mieux poursuivre cette lutte qu'il a commencée depuis déjà plusieurs décennies, le natif de Plaisance, commune du département du Nord, compte élaborer, avec les membres de son cabinet, un plan de travail et un chronogramme d'activités pour les quatre prochains mois de l'exercice fiscal en cours, en attendant la préparation du budget 2007-2008.

Dans ce chronogramme d'activités sera inclus, dit-il, « un forum sur la problématique du handicap en Haïti. » Avec la participation de tous les secteurs nationaux et des représentants de la communauté internationale, en vue de dégager ensemble d'objectifs. « Nous allons encourager tous les autres ministères à mettre la main à la pâte pour vraiment apporter cette amélioration dont nous rêvons », a dit le Dr Péan devenu aveugle lorsqu'il était en classes terminales. Malgré tout, le jeune Michel Archange Péan a fait des études spécialisées avec les facilités révolutionnaires que procure le système braille. Par la suite, il est revenu en Haïti et a été placé à la tête de la SHAAA à la mort de feu le Dr Roger Dorsainville, qui présidait cette société.

Citant le chercheur Charles Gardou, le Dr Péan a rappelé que « le handicap est la résultante d'un conflit entre la déficience et l'environnement au sens large », environnement comprenant ici les aspects physique, social, culturel, économique, écologique...

Une autre image

« J'ai horreur qu'on voit en un handicapé haïtien un pauvre mendiant. Je rêve un jour que ce soit les handicapés qui contribuent au budget de l'État », dit Michel Péan. « Pour cela, a-t-il poursuivi, il faut faire preuve d'imagination et de créativité afin d'identifier un produit vendable, permettant de financer certaines activités et contribuer au budget de la République. Un jour, j'aurai l'opportunité de dévoiler ce produit sur la conception duquel je travaille depuis dix ans. Moi, je suis un non-voyant mais je n'ai pas une mentalité de pauvre aveugle», a poursuivi M. Péan.

Sans vouloir considérer sa nomination au poste de Secrétaire d'État comme une fin en soi, le Dr Péan a tenu quand même à remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué à faire avancer la lutte en faveur des handicapés en Haïti. Après avoir cité une pléthore de personnalités et institutions ayant accompagné les handicapés haïtiens dans cette lutte, il a eu particulièrement une marque d'attention pour « la presse qui a été toujours présente aux côtés des handicapés. »
« Je vous suis depuis 1986. Vos cris sont parvenus à mes oreilles par le canal de la presse », a dit Dr Péan, rapportant les propos du président de la République René Préval. Selon le Secrétaire d'État, le président et le Premier ministre lui ont promis de l'accompagner afin d'atteindre les objectifs de cette nouvelle entité de l'État. « La lutte continue. Nous devons réussir », a-t-il conclu.

Près de 800.000 personnes souffrent d'un quelconque handicap en Haïti. C'est pour tenter de soulager leur souffrance et leur permettre de participer pleinement à la vie nationale que le Bureau du secrétaire d'État à l'intégration des personnes handicapées vient d'être créé. « L'État doit œuvrer dans le sens de la défense de cette catégorie sociale déjà trop longtemps victime d'exclusion», a déclaré Gérald Germain, ministre des Affaires sociales, lors de la cérémonie d'installation qui a réuni une pléiade d'invités dans les locaux du ministère. « Les handicapés sont des citoyens comme les autres, ils ont eux aussi des droits», a-t-il ajouté.

Pour sa part, le docteur Péan a demandé à ses collaborateurs de lui apporter leur soutien, tout en respectant les normes et la discipline. Il en a profité pour féliciter le gouvernement haïtien d'avoir gagné le cœur et l'esprit de tout le monde en accordant une pensée spéciale aux personnes handicapées. M. Péan dit accorder une très grande importance aux besoins de ces personnes, souvent laissées pour compte. « L'absence ou l'insuffisance de jouissance de leurs droits nécessite la coopération la plus diligente de tous les citoyens », a-t-il dit, ajoutant que l'intégration sociale des personnes handicapées devait être une obligation nationale.

Il est également président de la Zone francophone des aveugles pour la Caraïbe, secrétaire national du Réseau associatif national d'intégration des personnes handicapées (RANIPH) et membre du comité exécutif du Conseil caraïbe des aveugles.


Samuel Baucicault
baucicaut@yahoo.fr

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