juin 29, 2007

LA COMPÉTENCE DES JUGES EST MISE EN CAUSE...

La compétence des juges questionnée


Ils sont nombreux les détenus qui croupissent dans des prisons haïtiennes sans comparaître devant leur juge. Une situation qui exaspère le directeur de la Commission épiscopale nationale justice et paix, père Jean Hanssens.


Moins de deux semaines après le cri d'alarme lancé par l'expert indépendant de l'organisation des Nations unies, Louis Joinet, à Genève, la Commission épiscopale nationale justice et paix est monté créneau pour dénoncer les conditions exécrables de détention dans les prisons haïtiennes notamment les cas de détention préventive prolongée.

Au cours d'une conférence de presse ce jeudi, père Jean Hanssens, visiblement déçu, a exposé le cas de trois détenus incarcérés depuis 18 mois sans être entendus par un juge. Innocent Frankel, Clébert Sévère et Wilfrid Bathole, pêcheurs, ont été arrêtés le 25 novembre 2005 à Carrefour. Accusés de meurtre du cousin de Clébert Sévère, ils sont écroués au Pénitencier national sur l'ordre du juge d'instruction Bernard Saint-Vil, a informé père Hanssens. Leur dossier se trouve actuellement au cabinet d'instruction. Depuis trois semaines, a-t-il poursuivi, des démarches ont été entreprises pour que ces présumés meurtriers puissent comparaître devant leur juge, mais les démarches n'ont jamais abouti.

Cette situation exaspère le directeur de la commission qui a avoué ne pas comprendre les causes de la lenteur dans ces dossiers particulièrement et dans les dossiers de tous ceux qui sont victimes du phénomène de détention préventive prolongée. « Le cas de ces trois individus est pris en exemple. Mais en réalité ils sont des centaines de détenus qui croupissent dans des prisons haïtiennes sans comparaître devant leur juge », a-t-il indiqué. Père Hanssens se questionne sur la compétence des juges et la volonté des autorités concernées d'améliorer le système judiciaire en Haïti.

En effet, la Direction de l'Administration pénitentiaire, d'après les dernières données publiées en juin 2007, révèle que 84% de la population carcérale haïtienne n'a été ni jugée, ni accusée formellement. De son côté, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), dans les cas observés à Port-au-Prince, informe que le pourcentage de détenus n'ayant pas été condamné est de 98% pour les enfants gardés dans la prison des mineurs à Delmas, 95% pour les femmes dans la prison de Petion-Ville, et 96% pour le Pénitencier national.

Préoccupé par cette triste et dure réalité, Louis Joinet, lors de la présentation de son rapport à la 5ème session du Conseil des Droits de l'Homme de l'Organisation des Nations unies, a plaidé en faveur d'une réforme du système judiciaire haïtien. Il a évoqué des cas de corruption du système, de la surpopulation carcérale et des conditions de détention exécrables pour montrer la nécessité de cette réforme.

L'expert indépendant, on se le rappelle, avait fait certaines recommandations dont la libération dans l'immédiat de certains détenus dont ceux qui font l'objet de non-lieu, ceux jugés vulnérables, ceux qui encourent une peine de trois mois et qui n'ont pas été jugés et ceux qui ont été arrêtés de façon illégale; et le recours à la comparution immédiate dans certains cas en vue d'améliorer la situation.

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