juin 21, 2007

SORTIR DE LA PROBLÉMATIQUE CONSTITUTIONNELLE

Sortir de la problématique constitutionnelle


Toute constitution détermine par essence les rapports entre gouvernants et gouvernés. Elle assure l'organisation des pouvoirs publics et établit la forme et l'orientation de l'Etat. Or, par leur refus catégorique de s'adapter à ses exigences, des acteurs politiques, depuis des années, impriment la marque d'un outil de crise plutôt que de stabilité à la loi mère. Au colloque résidentiel organisé du 14 au 17 juin 2007 par l'ISPOS à Moulin sur Mer, la problématique constitutionnelle a été également examinée sous cet aspect.

"Les crises et instabilités qui ont jalonné notre histoire récente ont surtout à voir avec notre culture politique et le comportement rigide des principaux acteurs". C'est l'idée-force qui se dégage de l'intervention de l'ancien Premier ministre Rosny Smarth lors du colloque organisé par l'ISPOS à Moulin sur Mer.

Analysant la Constitution comme outil de crise ou de stabilité dans la conjoncture politique nationale, M. Smarth rappelle à son compte l'accueil qui a été fait à la Constitution par les principaux acteurs politiques: « Pour la droite en général, la charte fondamentale était bien trop libérale, trop à gauche et en plus elle limitait la participation des duvaliéristes en son article 291 des dispositions transitoires », note-t-il en ajoutant que pour les secteurs qu'on pourrait cataloguer de gauche très liés au mouvement social qui avait renversé la dictature en février 86, la Constitution était trop à droite. Désenchantements.

« Nous ne sommes jamais sortis de la problématique constitutionnelle », déduit l'ancien chef de gouvernement qui, citant Claude Moïse, indique que la question constitutionnelle est non seulement éminemment politique, mais aussi profondément sociétale. Encore qu'il y a de fortes incohérences entre divers chapitres de la Constitution, entre par exemple ceux qui fixent les principes généraux du système démocratique et ceux qui sont la concrétisation de ces principes dans des institutions spécifiques. « Les tensions entre l'impératif démocratique contenu dans la Constitution et la vision des acteurs politiques sont souvent source de conflits, de crise et d'instabilité politique » souligne M. Smarth qui, au-delà des incohérences de la loi mère, estime, à l'instar de Norbeto Bobbio, que tout est possible, mais on ne peut ni on ne doit jamais s'écarter de la démocratie représentative.

La Constitution n'est pas source de crise, selon Claude Roumain

« C'est le support nécessaire au fonctionnement des régimes politiques proposé par la Constitution qui fait défaut », objecte Claude Roumain qui a raison de croire que la charte fondamentale n'est pas source de crise. Faisant un descriptif du régime politique et du support nécessaire à son fonctionnement, M. Roumain ajoute que la Constitution a voulu rompre avec l'autocratie et la dictature en établissant le modèle d'un exécutif élu au suffrage universel. « Ce régime, pour bien fonctionner, a besoin du support des partis politiques », prévient-il, en plaidant pour un système de partis cohérent, fonctionnel et régulé en vue d'un meilleur rendement du système politique. Continuer >





Claude Roumain déplore que la déconcentration des services publics telle que proposée par la Constitution n'a pas eu lieu, malgré son importance pour le développement socio-économique des régions. A propos du jeu sémantique entre amendement constitutionnel et révision constitutionnelle, M. Roumain pense qu'il faut résoudre les contradictions. « Le vrai débat, explique-t-il, c'est le régime politique nécessaire à une Haïti moderne pour une meilleure gouvernance ».

Poser sereinement la problématique constitutionnelle

Pour exprimer la position de son parti sur la question de l'amendement constitutionnel, Victor Benoît choisit trois exemples de faits : la crise électorale en novembre 87, le coup d'Etat du 30 septembre 91 et la crise électorale de mai 2000. «Ce n'est pas la constitution qui est source d'instabilité », juge le leader politique qui croit que les rares moments d'instabilité politique que le pays a connus durant les vingt dernières années sont caractérisés par un refus minimal des acteurs d'agir dans le respect des normes établies par la Constitution.

Victor Benoît s'est dit favorable au principe de la double nationalité, moyennant l'existence de balises quant à l'exercice de certains postes de responsabilité. Plaidant pour la création d'une cour constitutionnelle, M. Benoît estime qu'il faut établir autrement le principe de la majorité parlementaire relatif au choix du Premier ministre. Mais tout cela suppose des conditions préalables, notamment un accord entre les forces politiques qui doivent faire consensus sur les points à amender.

Pour le leader du KONAKOM, les partis doivent faire campagne en 2010 sur les points à amender dans la Constitution. Ils devraient s'engager à faire en sorte que les élus en 2010 retiennent les points à amender. « Nous pouvons construire tout cela ; et les négociations peuvent bien commencer », assure-t-il, en précisant que la Constitution de 1987 représente un bon projet de société. Bien qu'ayant subi les coups de force politiques et les effets pervers d'une certaine tradition, la Constitution est la résultante des débats démocratiques qui doivent se poursuivre.

La Constitution : un outil de crise ou de stabilité ?

« J'estime qu'on ne peut pas dire que la Constitution est un outil de crise », tempère l'ancien sénateur Wesner Emmanuel qui se fait à l'idée que le régime semi-parlementaire consacré par la loi mère vise à engager le pays sur la voie de la modernité.

Fort de son itinéraire de sénateur engagé dans la lutte pour le changement à la 45e législature, M. Emmanuel note qu'il n'y a jamais une volonté arrêtée de la part des dirigeants pour appliquer la Constitution qui compte, certes, des failles qu'il convient de redresser selon la procédure prévue par la charte elle-même.


Robenson Bernard

Aucun commentaire: