août 14, 2007

LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ AGIT POUR PROTÉGER LA POPULATION...

Qui respecte les règles du jeu ?

Dans quelle mesure les agences peuvent-elles contribuer vraiment à garantir cette assurance de qualité des produits sur le marché haïtien ? Comment peuvent-elles contribuer concrètement à la mise en application du principe légal interdisant la vente de médicaments aux pharmacies non reconnues et aux vendeurs ambulants ? Autant de questions débattues au cours d'une rencontre au Karibe entre les représentants du ministère de la Santé publique et ceux des agences de produits pharmaceutiques.

Seulement 42 agences sont autorisées à fonctionner dans le pays par le ministère de la Santé publique. 36% des agences locales ne respectent pas le circuit formel de dédouanement. 14 sur 39 respectent les règles du jeu. Certaines d'entre elles reconditionnent des produits pharmaceutiques sans autorisation. Ce procédé est formellement interdit par la Direction de la Pharmacie du Médicament et de la Médecine traditionnelle (DPM/MT).

En ce qui a trait au renouvellement des produits enregistrés, seulement 16 sur 42 ont suivi le processus exigé. Autant d'écarts à la règle relevés et présentés au public par la DPM/MT, le mardi 9 août au Karibe Convention Center, lors d'une rencontre avec les représentants d'agences de produits pharmaceutiques et d'autres acteurs du secteur de médicaments.

Une enquête révélatrice


Selon le résultat d'une enquête présenté au cours de cette rencontre, la Direction de la Pharmacie a relevé plus de 25 types de cyproheptadine, plus de 61 Ibuprofen, plus de 112 paracetamol et plus de 122 autres molécules provenant de laboratoires différents.

Ces molécules fabriquées dans plusieurs pays sont représentées par une même agence, a constaté la Direction de la Pharmacie. L'une d'entre elles a commandé le même type de molécules sous 10 noms commerciaux différents. C'est le cas pour la cyproheptadine. « Quel est donc l'intérêt ? », se demande la responsable de la Direction de Pharmacie, Mme Magalie Rosemond.

Pour avoir une assurance sur la qualité des médicaments, l'Etat doit avoir le contrôle sur tout ce qui rentre dans le pays. « Mais si les représentants d'agences de produits pharmaceutiques court-circuitent les étapes formelles, on ne pourra pas dire à ce moment-là que c'est le ministère de la Santé publique qui ne fait pas son travail », déclare-t-elle tout en insistant sur l'importance du certificat d'analyse dont le rôle est de contrôler la fiabilité des médicaments en circulation.

Débat autour de la question

« Le secteur du médicament est vital dans la prestation de service de soin de qualité à la population. Le médicament qui ne porte que le nom ne contribue pas à la guérison de nos patients et peut aussi constituer des cas de décès évitables. C'est dans cette double vision d'efficacité et de protection de la santé de la population que le ministère de la Santé publique et de la Population, à travers la Direction de Pharmacie, de Médicaments et de Médecine traditionnelle avait jugé bon de vous convier à cette rencontre de partage d'expérience qui va nous permettre de trouver des solutions durables à la question du médicament », a argumenté le directeur général du MSPP, le Dr Gabriel Thimothé.

En plein débat, Dr Thimothé a demandé au Dr Philippe Larco de l'agence PROFALAB dans quelle mesure les agences peuvent-elles contribuer vraiment à garantir cette assurance de qualité des produits sur le marché haïtien ?

Succintement, le Dr Larco a répondu que PROFALAB traite avec des fournisseurs reconnus qui garantissent une certaine qualité sur les produits distribués.

Abondant dans le même sens, le président de l'Association Nationale des Importateurs de Produits pharmaceutiques (ANIPP), M. Ralph Edmond, a ajouté que « les agences qui ont directement accès à la source même des fabricants ont déjà cette garantie de sécurité dans le circuit de distribution de médicaments. »

Après cette réponse, d'autres questions sont agitées sur le tapis. Jouant le rôle d'animateur de débats, le Dr Thimothé a voulu savoir comment les agences peuvent contribuer concrètement à la mise en application du principe légal interdisant la vente de médicaments aux pharmacies non reconnues et aux vendeurs ambulants.

Point de vue du PDG de 4 C

Le président directeur général des Laboratoires 4 C, M. Maurice R. Acra, a assuré, sans ambages, que le secteur public a le soutien inconditionnel du secteur privé, car il juge que l'assainissement du marché du médicament se fait dans l'intérêt de tout un chacun. Cependant, il n'appréhende pas la question des petits marchands de la même manière que le ministère de la Santé. « Le marchand ambulant, ce n'est pas un problème récent. Il a toujours existé. C'est vrai que le problème n'était pas aussi étendu. Toutefois, en province, le marchand ambulant est une nécessité parce que le paysan ne peut pas faire dix kilomètres à pied pour aller acheter des médicaments », a-t-il fait remarquer.

Nuançant son propos, M. Acra a souligné que Port-au-Prince a suffisamment de pharmacies pour que le ministère applique sa politique. Plus loin, il a suggéré l'idée pour le ministère d'investir dans la formation des marchands ambulants afin d'aider la population de l'arrière-pays. « Il faut les entraîner, les former pour qu'ils puissent débiter des médicaments dans les endroits reculés. Ce problème est complexe, il faut résoudre d'abord les problèmes connexes qui permettent à la population de s'approvisionner en médicaments de base. Si les choses sont arrivées là, c'est parce qu'il y avait un laisser-aller pendant ces dernières décennies », a-t-il mentionné.

Controverses


Les voix du ministère de la Santé ont pris le contre-pied des propos du PDG de 4C. Le directeur général du MSPP a fait savoir que « c'est dangereux de capitaliser sur la notion de distance. (...) Quand, par exemple, des ONG distribuent de la nourriture, ces gens parcourent des kilomètres ». Par ailleurs, il a informé que le pays est actuellement découpé en 11 unités communales de santé (UCS) prioritaires et 6 pilotes qui sont approvisionnées en médicaments essentiels. De plus, les partenaires de santé du ministère, au nombre de 420, contribuent dans une certaine mesure à l'accès aux produits pharmaceutiques. « Les médicaments essentiels sont disponibles. De plus, il existe des dépôts périphériques. Les gens sont plutôt sous l'effet d'un marketing agressif », a-t-il argué.


Le titulaire de la Direction de Pharmacie a, pour sa part, signalé que si le marché se régularise, les agents engrangeront plus de bénéfices : « Les gagnants, si le marché se régularise, ce seront vous, les agents. Ce que l'on vous demande, c'est de respecter les normes. » Par la même occasion, elle est passée à pieds joints sur l'opération coup de poing du MSPP, avant d'ajouter que « l'Etat a pour devoir de freiner cette pratique. »

Toutefois, les représentants d'agences de produits pharmaceutiques reconnaissent que certaines pharmacies légales ont pris l'habitude d'acheter pour des pharmacies illégales. Le Dr Thimothé, de son côté, reconnaît qu'il faut mettre de l'ordre dans le ministère de la Santé afin que la problématique du médicament soit bien traitée.

Pour appuyer le travail qui se fait dans le secteur du médicament M. Ralph Edmond a soutenu que « l'ANIPP représente le secteur formel du médicament. En tant que tel, nous appuyons fermement toutes les démarches entreprises par le ministère pour régulariser le secteur de médicament. »


Claude Bernard Sérant
serantclaudebernard@yahoo.fr

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