octobre 24, 2007

LES CAYES : LA JUSTICE SERAIT-ELLE PRISE EN OTAGE?

Les Cayes : la justice serait-elle prise en otage ?

Par Samuel Baucicaut

Côté performance, le tribunal de première Instance des Cayes arrive deuxième, après celui de Mirebalais. En témoignent les chiffres de l'année judiciaire 2006-2007, où le taux de détention préventive est l'un des plus bas de tout le pays. C'est cependant une juridiction à problèmes, où certains acteurs oeuvreraient en dehors des normes. Coup de projecteur sur le fonctionnement du TPI de la troisième plus importante juridiction d'Haïti.


« N'avez-vous pas l'impression que la justice aux Cayes est prise en otage par les juges ? », demandait récemment un avocat du Barreau des Cayes au bâtonnier de l'Ordre des avocats de cette juridiction, Me Jean-Roger Olivier.

Cette question, qualifiée de « très révélatrice » par le bâtonnier des Cayes, est symptomatique d'un ensemble de difficultés auxquelles font face les membres locaux de la basoche dans l'exercice de leur profession.

Ils sont trente-six avocats régulièrement inscrits à l'Ordre des Cayes. Mais dans l'exercice de leur profession, ils doivent faire face à un ensemble de problèmes inhérents au fonctionnement de tout l'appareil judiciaire de la juridiction.

Le bâtonnier cite ainsi une kyrielle d'irrégularités qui, selon lui, traduisent une situation méritant une intervention rapide des autorités en vue d'y mettre fin. « On a l'impression que les juges, dit Me Olivier, ne viennent pas au tribunal par obligation ni par devoir, mais par amitié pour certains avocats et par inimitié pour d'autres.

Une fois, poursuit-il, une affaire devait être entendue à dix heures du matin. Mais le juge s'est présenté peu avant une heure de l'après-midi pour ensuite déclarer aux parties qui l'attendaient: " Je ne suis pas venu pour vous, mais pour Me. Untel." Ensuite, le magistrat se tourne vers Me Untel et lui affirme: " Je suis venu aujourd'hui parce que c'est vous. Je ne viendrais pour personne d'autre ". »

Devoir ou copinage

Le bâtonnier dit avoir rencontré le Doyen du TPI des Cayes à ce sujet et espère qu'il va intervenir sous peu en vue de rétablir le sérieux de l'institution. Sinon, « le justiciable aura l'impression que la justice est partisane et aura tendance à se faire justice lui-même. Il y a moyen d'y apporter des corrections. Il vaut mieux le faire avant qu'il ne soit trop tard. »

Le bâtonnier en a profité pour dénoncer « pressions et menaces » qu'auraient exercées certains juges sur des avocats militants de la juridiction des Cayes. « Pour un cric ou un crac, marmonne-t-il, certains juges menacent d'arrestation les avocats dans l'exercice de leur profession. »

Respecter les procédures

Le Doyen du Tribunal de Première Instance des Cayes, Me André Esner Milien, a reconnu certaines des charges retenues contre certains magistrats de sa juridiction. Toutefois, il dit que les comportements dénoncés par le bâtonnier de l'Ordre des avocats des Cayes ne concernent qu'un seul juge, dont il s'est gardé de révéler l'identité.

« Il y a effectivement un juge d'instruction qui ne respecte pas les procédures, a-t-il avoué. Parfois, moi, en ma qualité de Doyen, je suis obligé d'intervenir. »

Le bâtonnier s'en est pris également aux membres du Parquet du TPI des Cayes qui, a-t-il dit, interviennent fort souvent dans des cas qui ne relèvent pas de leur compétence. Il dénonce la lenteur associée à la négligence des magistrats debout. Il relate un cas où une décision fut rendue contre un justiciable. « Mais, poursuit-il, le Parquet refusa de donner exequatur à cette décision passée en force de chose souverainement jugée. Et le condamné court encore les rues. »

Un autre cas soulevé par le bâtonnier des Cayes est celui d'une affaire entendue depuis avril dernier. Le réquisitoire définitif y relatif est sorti en juin. Et jusqu'à présent, il n'est pas encore acheminé au juge qui doit rendre sa décision. Là encore, il y a confirmation. Elle vient du Commissaire du gouvernement du TPI des Cayes, Me Eugène Yacinth Joseph. « Si le réquisitoire n'est pas acheminé au juge, c'est le problème du greffe du tribunal », a-t-il dit en guise de confirmation.

Difficulté et performance

Le Commissaire du Gouvernement reconnaît toutefois que le Parquet accorde certaines fois priorité à certains dossiers soumis à son appréciation. Mais cette priorité est fonction de leur caractère urgent. En ce sens, il s'inscrit en faut contre les allégations de certains avocats selon lesquelles il y aurait négligence au Parquet.

Parallèlement à ces difficultés, le Tribunal de Première Instance des Cayes est l'un des plus performants sur l'ensemble du pays. Pour l'année judiciaire 2006-2007, cette juridiction a réalisé quatre assises criminelles dont trois sans assistance du jury.

Couvrant les communes des Cayes, de Camp-Perrin, de Maniche, de Ile-à-Vâches, d'Arniquet, de Sain-Jean du Sud, de Chantal et de Port-Salut, la juridiction des Cayes est aussi parmi celles où le taux de détention préventive est le plus bas. Au moment de l'interview, il y avait à la prison civile des Cayes 218 détenus, y compris ceux de la Juridiction d'Aquin. En ce qui concerne la juridiction des Cayes, plus de 80% des détenus purgent leur peine pour une condamnation prononcée par qui de droit. Mais « les conditions de détention sont infrahumaines », a admis le Doyen. « Quand il pleut, l'espace est inondé. L'eau monte à plus d'un mètre et les détenus sont contraints de rester debout jusqu'à ce que le niveau de l'eau baisse », a poursuivi Me Milien en guise d'illustration.

De meileurs moyens pour de meilleurs résultats

A signaler que cette bonne performance du TPI des Cayes est réalisée non sans peine. Ils sont six magistrats dont trois juges d'instruction à distribuer la justice aux justiciables des Cayes. Cette distribution de la justice se fait avec de faibles moyens.

En effet, seul le Doyen de ce tribunal dispose d'un véhicule. Ce dernier est utilisé à la fois pour les besoins du Décanat, du Parquet, du Cabinet d'Instruction, quand il faut extraire les détenus pour interrogatoire. Bref, du tribunal tout entier. Le tribunal ne dispose pas d'ordinateur ni d'aucun frais de fonctionnement, Doyen qui s'est montré très amer à l'égard des autorités de Port-au-Prince.

« Nous avons effectué des démarches pour corriger cette situation. Mais celles-ci sont classées sans suite uniquement parce qu'on est de la Province. Lorsqu'ils veulent se justifier, ils disent avoir donné des primes aux juges », faisant allusion aux primes accordées par l'UCREF (Unité centrale de Renseignement financier) à certains juges de la juridiction de Port-au-Prince.

Pour exprimer sa colère, le Commissaire du Gouvernement, Me Joseph Eugène Yacinthe, travaillant avec quatre substituts, n'a pas manqué de souligner, faisant allusion à son ministère de tutelle, « le ministère de l'Injustice ne nous accorde aucun moyen de fonctionnement. Nous travaillons, renchérit-il, avec les moyens du bord ».

Dans la juridiction des Cayes, tous les acteurs ou presque travaillent dans des conditions difficiles. Magistrats debout ou assis, avocats et justiciables, doivent faire face aux problèmes internes et externes auxquels le système se trouve confronté. En dépit de tout, cette juridiction affiche de bons résultats comparativement à d'autres dotées de meilleurs moyens. Impérieusement, les pouvoirs publics doivent offrir à la juridiction des Cayes les moyens de sa politique afin qu'elle soit plus à même de rendre justice à qui justice est due.


Samuel BAUCICAUT
baucicaut@yahoo.fr

JUSTICE: MISSION DIFFICILE !

Justice: une mission difficile !

Par Samuel Baucicaut

La juridiction d'Aquin, dans le département du Sud, est l'une des plus criminogènes du pays. Mais côté force publique, elle est aussi l'une des plus faibles d'Haïti. La commune d'Aquin, chef lieu de la juridiction, ne dispose en effet que d'une douzaine d'agents de police pour « Protéger et Servir », comme dit la devise de la PNH, une population de plus de quatre-vingt mille habitants environ.

Assassinats, agressions sexuelles, vols et trafic illicite de stupéfiants sont les principaux chefs d'accusation retenus contre les 78 détenus incarcérés à la prison civile d'Aquin et à celle des Cayes au 18 octobre dernier. Le trafic de stupéfiants qui arrive en 4e position des crimes et délits reprochés aux détenus, aurait facilement pu occuper la première place. Cependant, le manque criant de moyens auquel font face les forces de l'ordre basées dans la juridiction d'Aquin les empêche d'accomplir leur mission au moment même où cette activité illicite est de plus en plus usitée dans cette région côtière, sise à jet de pierre des côtes jamaïcaines et colombiennes.

Eu égard aux faibles moyens dont dispose la police, bras armé de la justice, le nombre de personnes arrêtées pour leur implication présumée dans le trafic de stupéfiants est insignifiant par rapport à l'ampleur du phénomène. C'est ce qu'ont dit le commissaire du gouvernement près le tribunal de Première instance d'Aquin, Me Antoine André, ainsi que le doyen a.i du tribunal civil, Me Emmanuel Zéphir.

« Le trafic de stupéfiants, reconnaît Me André sous le regard approbateur de Me Zéphir, est très florissant dans la juridiction. Mais très peu de trafiquants sont arrêtés en raison de la faiblesse de la justice et surtout de la police. »

Douze policiers pour 80 mille habitants

La juridiction d'Aquin s'étend sur trois communes (Aquin, Saint Louis du Sud et Cavaillon), deux quartiers (Vieux-Bourg d'Aquin et Fonds des Blancs), 23 sections communales et un chapelet d'îlots adjacents. Quatre officiers du parquet - dont trois substituts du commissaire du gouvernement -, deux juges de siège - dont le Doyen du tribunal - et trois juges d'instruction participent à la distribution de la justice à Aquin aux côtés des juges de siège. Ils sont aidés dans cette tâche ardue par des juges de paix, des greffiers, des huissiers et d'autres membres de l'appareil judiciaire.

Mais seulement une douzaine de policiers sont affectés au commissariat d'Aquin, chef lieu de la juridiction. Depuis février 2004, il n'y a aucun agent pénitentiaire à Aquin. Le commissariat de police a été déchouqué, et la prison civile, attenante au commissariat, mise à sac lors du soulèvement contre l'ex-président Aristide. Les agents de l'APENA, chassés par des assaillants, pour répéter les mots de Me Zéphyr, n'y sont plus retournés depuis. Et c'est cette douzaine de policiers qui remplit la double fonction de police administrative et de gardiens de prison.

A ces douze agents ont été confiées, en effet, les tâches de surveiller la prison, de conduire les détenus au cabinet d'instruction ou au parquet pour interrogatoire, et au tribunal pour jugement. Ils remplissent également les fonctions de police préventive et doivent effectuer des contrôles routiers sur la Route nationale # 2, exécuter les mandats, accompagner les juges de paix lors des constats, etc. « Je ne veux pas défendre la police mais les problèmes auxquels elle fait face ne sont pas sans incidence sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire », dit le commissaire du gouvernement, énumérant toute une kyrielle de cas à titre d'exemples. Continuer >





La police d'Aquin dispose d'un seul véhicule en état de fonctionnement. Ce dernier est utilisé pour remplir des tâches administratives, à la fois a Port-au-Prince ainsi qu'au niveau du département, telles récupération et distribution de chèques aux commissariats de police du Sud. On utilise ce véhicule aussi pour le transport des détenus de la prison au tribunal, et vice versa. C'est aussi le véhicule de service du commissaire de police qui l'utilise pour ses déplacements vers Port-au-Prince.

Un véhicule à tout faire

A cette carence criante de moyens s'ajoutent des problèmes structurels. Le bâtiment abritant, la prison ayant été mis à sac, n'est pas encore complètement opérationnel. Les détenus présentant le plus grand potentiel de dangerosité, et ceux déjà condamnés, sont transférés aux Cayes. Des 78 détenus de la juridiction, 27 seulement, dont un mineur, sont incarcérés à Aquin. Tous les autres, dont 33 condamnés, sont hébergés dans la prison civile de la ville des Cayes située à 54 km d'Aquin.

« Lorsqu'on émet un ordre d'extraction pour un détenu pareil, si l'unique véhicule de police n'est pas disponible, souligne Me. André, la justice n'a pas l'opportunité de le voir conduit par devant elle pour être interrogé sur les faits a lui reproches. Lorsqu'une telle occasion est ratée, la nouvelle opportunité s'offre à la huitaine. »

Un centre de détention pour Aquin

« Ce qui nous met dans nos petits souliers quand s'agit pour nous de rendre les décisions de justice », renchérit le Doyen a.i. Me Zéphyr cite à titre d'exemple plusieurs cas de détention en attente d'être jugés. Mais à chaque qu'il faut se prononcer, la justice doit faire face à ces difficultés qui entravent sa bonne marche. Or, ajoute-t-il, « Il n'y a pas réellement de prison à Aquin et les détenus les plus dangereux sont toujours transférés aux Cayes pour leur sécurité et celle de la société. »

Parallèlement, lorsqu'un acte d'accusation est rédigé ou une ordonnance rendue relativement à un détenu incarcéré aux Cayes, la Parquet d'Aquin se voit obligé d'adresser une correspondance à son homologue des Cayes pour lui demander de faire signifier cet acte ou cette ordonnance par un huissier des Cayes à la personne détenue.

Fort souvent, cette correspondance n'est pas acheminée le jour de sa rédaction ni exécutée le jour de sa réception. « Tout cela constitue des retards qui entravent la marche régulière de la machine répressive », note le Commissaire du Gouvernement qui affirme que son véhicule privé est fréquemment mis au service de la justice.

En dépit de toutes ces difficultés, Mes Zéphyr et André estiment qu'ils ont « fait de leur mieux pour réduire de manière considérable le taux de détention préventive prolongée », en procédant au jugement à au moins une trentaine de jugements criminels au cours d'une année judiciaire, hormis les affaires correctionnelles qui se chiffrent à plus d'une vingtaine. »

Aquin est, comme d'autres, une juridiction à problèmes. Pas de moyens de locomotion, manque d'effectif de la police, pas de frais de fonctionnement, pas de prison : « Ce sont des problèmes graves et des conditions de travail très difficile, estime, Me Zéphyr. « C'est boulot à la fois difficile et périlleux », rétorque Me. Antoine. Les responsables disent avoir beau entreprendre des démarches auprès des autorités de Port-au-Prince pour y remédier. Mais celles-ci, selon eux, ne font l'objet d'aucun suivi et sont peut-être classées sans suite.


Samuel BAUCICAUT
baucicaut@yahoo.fr

octobre 23, 2007

LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE, LE DÉBÂT SE POURSUIT...

Révision constitutionnelle, le débat se poursuit / L’urgence d’une révision profonde de la constitution de 1987
Par: Hudes Desrameaux

Lorsque le président René Préval confiait à l’historien Claude Moise le soin de lui faire des recommandations sur la Constitution haïtienne, le débat autour de la révision ou non de la Charte fondamentale du pays était désormais ouvert. Ne sachant où cette conversation nous mènera, il est, néanmoins, important de souligner que le président Préval a touché du doigt l’un des grands dossiers auxquels le pays doit en toute urgence trouver une solution. Et la solution est sans nul doute, et sans plus tarder, une révision profonde de notre loi mère.
Thomas Jefferson, l’auteur de la déclaration de l’Indépendance américaine et troisième président des États Unis, insistait, il y a deux siècles déjà, que toute constitution devient périmée après 19 ans d’existence, ce qui, à l’époque, représentait une génération. Prudence oblige: ce n’était pas, à coup sûr, un appel pour réviser une constitution quand on veut, mais c’était plutôt une invitation à ne point percevoir une constitution comme sacro-sainte, donc immuable et éternelle.
Ici, aux ÉtatsUnis, il y a un débat assez timide dans de nombreux think tank autour d’un possible amendement d’une constitution déjà vieille de plus de deux cent ans. Et ceci malgré que cette constitution et les lois qui s’y inspirent, s’alignent « admirablement » aux aléas d’une réalité qui change continuellement. Les questions qui se posent interpellent tous les Américains à questionner leur constitution et à penser autrement. En vérité, comment justifier qu’un État comme la Californie ou New York avec ses plus de 20 millions d’habitants a autant de sénateurs que Idaho ou Delaware avec ses centaines de milliers de citoyens? Ces réflexions tiennent pour notre pays où le département de l’Ouest avec une population avoisinant presque quatre ou même cinq millions d’habitants a le même nombre de sénateurs que le département des Nippes avec peutêtre moins de cinq cent mille habitants. La question de la double nationalité (Haïti) s’apparente à celle qui proscrit qu’un citoyen né en dehors des États Unis puisse se porter candidat aux élections présidentielles américaines. Et là encore des questionnements surgissent pour montrer l’inadéquation de cette loi à une nouvelle réalité où des Américains d’origine haïtienne ou australienne comme le gouverneur de la Californie peuvent faire montre d’autant de fidélité à la constitution américaine qu’un Américain « pur ».
À dire vrai, le débat sur notre constitution commençait avec la publication au commencement des années 90 de Plaidoyer pour une nouvelle constitution de Mirlande Manigat (Imp. Deschamps, 1995). Un classique de la littérature légale et politique de notre pays, ce petit chef-d’çuvre, bien avant le discours du 17 octobre du président René Préval, avait déjà identifié les maintes failles de cette constitution. Madame Manigat avait éloquemment montré comment la structure des collectivités territoriales représente un fardeau budgétaire énorme pour notre petit pays. Décentraliser politiquement le pays est une nécessité, mais la solution que propose la constitution avec ses conseils communaux et ses assemblées communales, ses conseils municipaux et ses assemblées municipales, ses conseils départementaux et ses assemblées départementales et interdépartementale, complique plus qu’elle ne résout quoi que ce soit. On court le risque de créer de petits et gros chefs qui sont prêts à répandre une terreur légale à tout moment. Il est à regretter qu’aujourd’hui que Madame Manigat nous dise que les conditions pour réviser la constitution n’existent pas. Fausse assertion: avec un Parlement pluriel (et des sénateurs qui sont prêts à s’opposer à la présidence), un gouvernement incluant des membres de « l’opposition », une certaine stabilité politique, et une diaspora mise hors du jeu politique sans raison valable, le pays doit être prêt à s’engager dans un débat portant sur notre constitution. Madame Manigat semble nous dire, en refusant aujourd’hui de reconnaître le bienfondé d’une révision urgente de notre constitution, qu’elle « a tort d’avoir eu raison » lorsqu’elle publiait son Plaidoyer pour une nouvelle constitution.
Le président Préval semble avoir tout dit au Palais national le 17 octobre dernier. Il peut bien ne pas avoir les moyens de sa politique pour faire arriver à bon port sa proposition de réviser la constitution. Crédit lui est dû pour avoir osé poser cette question devant le peuple haïtien.
Somme toute, René Préval n’a pas aidé sa cause lorsqu’il n’a pas dit noir sur blanc que les prochaines élections sénatoriales se feront à temps et qu’il sera interdit pour tout citoyen de briguer un troisième mandat présidentiel. Mais le plus important c’est qu’il devait aussi dire que des aujourd’hui il va finalement donner plus d’espace au Premier ministre Jacques Édouard Alexis afin que ce dernier, dans la concertation, puisse porter des solutions durables aux problèmes socioéconomiques auxquels fait face le pays. Afin que, lui, puisse consacrer plus de temps à cette question constitutionnelle et à toute question se rapportant au cadre macropolitique du pays. Si la constitution est source d’instabilité, la faim en est une autre. L’homme et la femme des rues ont aussi bien leurs points de vue, mais pour le faire bien, il faudra bien qu’ils perçoivent que le gouvernement est agressif sur le plan social. Et comme l’a dit Lyonel Trouillot dans sa dernière chronique, la transparence doit être la priorité. Ce petit jeu de coquins de part et d’autre ne va nous mener nulle part. Il est temps que tout le monde se hisse à la hauteur de sa tâche, y compris le secteur privé.
Que le débat autour de la constitution continue! Publier les recommandations de l’historien Claude Moise et du professeur Cary Hector n’est qu’un premier pas vers l’approfondissement d’un débat qui doit nous mener à une nouvelle constitution. Et, plus important on l’espère de tout cœur un nouveau pays.

AVOCAT : UNE PROFESSION EN PERTE DE CRÉDIBILITÉ...

Une profession en perte de crédibilité

Par: Heidi Fortuné

La justice, c’est comme l’hôpital, personne ne s’y rend sans être malade. Quand on y recourt, c’est parce qu’on a un problème qu’on veut régler. Mais, à la différence de l’hôpital, souventes fois on a besoin de la science d’un homme de l’art maîtrisant les techniques de la procédure et pouvant traduire parfaitement le jargon juridique.
L’on a coutume de dire que « l’avocat est le défenseur de la veuve et de l’orphelin ». Mais cette affirmation est battue en brèche par le comportement peu honorable de certains membres du corps qui spolient leurs clients, croyant qu’ils ont le droit de tout faire et ne seront jamais sanctionnés.
Le Conseil de discipline, cet organe du barreau chargé de gérer et de discipliner les membres de l’Ordre, manque de fermeté ou tout simplement, n’existe pas. C’est son laxisme même qui permet à certains avocats de faire ce qu’ils sont en train de faire, surtout, s’ils sont convaincus qu’ils ne courent aucun risque sur le plan disciplinaire. Devant certaines indélicatesses, l’opinion publique retire sa confiance et n’accorde plus de crédit à ceux qui embrassent cette profession.
Si les avocats veulent redorer leur blason, ils doivent cesser de corrompre les magistrats car, ce faisant, ils détruisent l’institution la plus importante de l’Etat nation.
Combien de juges ont reçu des pots-de-vin de ces respectables chers maîtres et qui sont aujourd’hui renvoyés de la magistrature ? Combien d’honnêtes citoyens se sont faits plumer par ces messieurs ? Les prisons regorgent de démunis, combien parmi eux ont reçu la visite, même providentielle, de ces disciples de SaintYves ?
De nos jours, il y a peu de bons avocats. Ils ne sont pas nombreux, mais il en existe quelques-uns, des personnalités d’une intégrité à toute épreuve et d’une érudition considérable. Nous les félicitons et ils méritent notre respect.
Par honnêteté, on doit toujours dire ce qui est vrai. De même, l’avocat doit toujours dire la vérité... à son client. Rares sont ceux qui respectent ce principe moral. Ils se font passer pour des prestidigitateurs qui, par un simple tour de passe-passe, croient pouvoir gagner un procès ou obtenir quelque chose de la justice.
La vérité est dans les livres. Le droit est une science, on n’est pas grand avocat par son nom de famille. Le fait d’avoir un solide compte en banque, de posséder une jolie maison et de rouler une voiture de luxe ne fait pas de soi un bon avocat. « L’habit ne fait pas le moine ».
Et contrairement au Pic de la Mirandole, le savoir juridique de certains est exécrable. Ceci est la conséquence directe de la dérive de l’enseignement supérieur en Haïti.
Le bon avocat est celui qui connaît ses limites, qui respecte ses consœurs et confrères, qui est sincère avec son client et qui ne corrompt pas les magistrats, les greffiers et les huissiers. Le bon avocat s’abstient de toute action malhonnête pouvant jeter l’opprobre sur son patronyme. Le bon avocat est celui qui se respecte, qui ne se livre pas à la concurrence déloyale et ne porte pas de coups bas à un collègue. Le bon avocat n’impute pas la responsabilité de sa défaite ou de son échec à un juge ou un ministère public. Le bon avocat est celui qui accepte de perdre tout en reconnaissant que le bon droit n’était pas de son côté ou, a contrario, exerce des recours en cas d’insatisfaction. Le bon avocat, enfin, est celui qui obtient gain de cause sans passer par des chemins détournés et qui a confiance dans la justice de son pays.
Quelle vanité peut on tirer quand on exploite la misère ou les problèmes socioéconomiques d’un juge pour le porter à rendre une décision ou à prendre position en sa faveur ? Ce faisant, on n’est pas seulement un corrupteur, on est une pourriture. Il n’y a là aucune vertu...aucune grandeur.
On ne peut, sous le motif fallacieux d’être avocat, profiter des honnêtes gens ou du malheur des autres pour faire sa fortune en les dépossédant de leur argent ou de leurs biens. C’est de l’argent mal acquis, au même titre que les avoirs provenant du trafic de la drogue ou autres infractions graves.
Sous prétexte d’exercer une profession libérale, tous les moyens sont bons pour réussir, « tous les coups sont permis ». Imaginez qu’un beau jour, un de ces jurisconsultes sans scrupules, par accointances politiques, combines ou autres ma gouilles, rentre dans la magistrature... nous laissons le soin à chacun de deviner la suite.
Certains laissent aller leur colère jusqu’à dire que tous les avocats sont des voleurs. Nous disons non. Ceux là qui se comportent comme tels l’étaient bien avant d’embrasser la profession car il n’y a pas plus noble que le Droit, considéré, à juste titre, comme la véritable science éternelle.
Nous pensons que les responsables de l’Université d’État d’Haïti doivent insérer dans le programme des facultés de Droit un cours d’éthique et de déontologie obligatoire dès la troisième année ; l’école du barreau étant inexistante pour n’être pas prévue par les lois républicaines.
Le philosophe français Albert CAMUS eut à dire une chose très intéressante à propos de l’Avo cature.
« Si tu veux être heureux un jour dans la vie : saoûletoi. Si tu veux être heureux deux jours dans la vie : marietoi. Si tu veux être heureux toute ta vie : sois avocat ».
Nous ajouterions... « honnête » !

Heidi Fortuné Magistrat, Juge d’Instruction http://heidifortune.blogspot.com/

octobre 20, 2007

HAITI PARTICIPE À LA 17e RÉUNION ANNUELLE SUR LA DROGUE ET LE CRIME...

Haïti à la 17e réunion annuelle sur la drogue et le crime


Une délégation haïtienne a laissé le pays vendredi dernier en vue de participer à la 17e réunion des chefs de service chargés du Plan national de lutte contre le trafic illicite des drogues (HONLEA) qui se tient à Quito, en Equateur, du 15 au 19 octobre 2007.

Cette délégation est composée de M. Audain Fils Bernadel, chargé mission au Cabinet particulier du ministre de l'intérieur et des collectivités territoriales; M. Antoine Atouriste, directeur du Centre d'Information et de Coordination Conjointe (CICC); Me Max Gédéon Boutin, chargé de la réduction de l'offre à la commission nationale de lutte contre la drogue (CONALD), et de M. Patrice Israël, commissaire de police, responsable du Bureau de lutte contre le trafic illicite des stupéfiants (BLTS).

L'objectif de cette conférence organisée par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) est de permettre aux responsables de l'application des plans nationaux anti-drogue de l'Amérique, (y compris les Etats-Unis, la Colombie, l'Argentine, le Panama, et deux pays les plus sollicités depuis quelque temps par les narcotrafiquants, Haïti et la République dominicaine) et des Caraïbes de se rencontrer pour évaluer et définir de nouvelles stratégies face à l'intensité du trafic de la drogue au niveau de ces régions et de coordonner leurs actions pour faire échec aux narcotrafiquants qui veulent prendre en otage l'axe Caraïbes-Amérique.

Les participants à cette importante réunion seront invités à communiquer des informations sur les mesures prises par leur pays pour renforcer la coopération régionale et sous-régionale dans les domaines tels que les enquêtes communes, la formation en matière de détection et de répression et la mise en commun de renseignements et de données d'expérience concernant les mesures de lutte contre le trafic de la drogue.

Des groupes de travail spéciaux seront créés pour examiner les problèmes posés par le trafic de la drogue dans la région et pour favoriser des débats informels et des échanges de vue ouverts, en regard de l'objectif qui est de resserrer la coopération entre les différents services de détection et de répression.

A l'issue des consultations concernant l'évolution de la situation dans la région, les groupes de travail seront invités à examiner respectivement les thèmes suivants :

- Culture et trafic de cannabis en Amérique latine et dans les Caraïbes : l'abus de cannabis constitue un problème croissant en Amérique latine et dans les Caraïbes. La quantité d'herbes de cannabis saisie en 2005 dans la région représentait 11% du total mondial. La culture du cannabis reste une menace constante pour l'ordre public dans les zones rurales et les niveaux de consommation signalés par les pays de la région reflètent les niveaux de production.

- Blanchiment d'argent et activités criminelles connexes en Amérique latine et dans les Caraïbes : à cet effet, le groupe de travail examinera les méthodes, les tendances et les caractéristiques actuellement observées dans les tentatives de blanchiment de fonds d'origine criminelle et les mesures prises par les Etats de la région pour décourager ce type d'activités et prévenir l'utilisation abusive d'institutions financières. Les activités de sensibilisation et de formation étant indispensables pour que les mesures de prévention, de détection et de répression soient efficaces, les intervenants seront priés de donner des informations sur les mesures adoptées pour renforcer les institutions du secteur financier, ainsi que sur les pouvoirs, les formations et les capacités en matière d'enquête dont ont bénéficié les services chargés d'appliquer la législation visant à lutter contre le blanchiment d'argent.

- Trafic et commercialisation de stimulants de type amphétamine : l'abus de stimulants de ce type (STA) augmente dans la région, et la prise de conscience de la menace qu'il représente pour les communautés est insuffisante. Dans certains cas, les services de détection et de répression manquent de compétence et du savoir-faire nécessaires pour lutter efficacement contre le trafic de STA, tandis que dans un certain nombre de pays de la région, l'absence de législation empêche les autorités de poursuivre les personnes qui se livrent à la fabrication de ces stimulants et à l'importation et au détournement de substances chimiques non placées sous contrôle qui servent à cette fabrication illicite. Les participants auront la possibilité de fournir des informations sur les tendances actuelles de la contrebande, les modes opératoires utilisés, les groupes de trafiquants impliqués, l'étendue et la nature de ces organisations criminelles et l'utilisation qu'elles font de l'internet pour faciliter le trafic.

Selon le directeur du CICC, Antoine Atouriste, l'Administration Préval/Alexis a décrété la permanence dans la lutte contre le trafic illicite de la drogue et les crimes transfrontaliers. Après le sommet de la République dominicaine en mars dernier, le gouvernement de la République, selon M. Atouriste, à travers un ensemble d'institutions mises en place, décide de renforcer ses structures et de multiplier ses efforts en vue de rendre de moins en moins vulnérable le territoire haïtien visé de plus en plus par les narcotrafiquants. Peu avant son départ, M. Atouriste a salué également le travail colossal que réalise l'actuel ministre de l'Intérieur et des Collectivités territoriales, M. Paul Antoine Bien-Aimé, qui développe une politique de contrôle systématique de toutes les frontières du pays. A travers la réhabilitation de tous les postes frontaliers, le ministère de l'Intérieur, en partenariat avec l'OIM, et à travers le CICC, monte de multiples brigades regroupant l'immigration, la douane, la police et les services de renseignements en vue de contrer plus efficacement les actions malhonnêtes des contrebandiers et narcotrafiquants.

On espère que ces mesures du Ministère de l'Intérieur et des Collectivités territoriales permettront effectivement de réduire la porosité de nos frontières. Rappelons cependant que le CICC, depuis sa réouverture, il y a seulement quelques mois, est à pied d'oeuvre à travers le pays et s'active à répertorier, de concert avec la DEA, des pistes clandestines utilisées par les narcotrafiquants, comme c'était le cas à Tiburon, en vue de permettre également aux autorités haïtiennes de mettre la main aux collets des criminels.

LA JUSTICE AUX CÖTEAUX : FONCTION PUBLIQUE OU SACERDOCE...

La justice aux Côteaux : fonction publique ou sacerdoce !

Par: Samuel BAUCICAUT

A maints égards, le manque de moyens de l'appareil judiciaire reste criant dans toute la République. La juridiction des Côteaux, dans le département du Sud, ne fait pas exception à la règle. Coup d'oeil sur le fonctionnement de la justice dans une juridiction oubliée.

Trois magistrats assis, dont un juge de siège et un juge d'instruction, deux substituts du Commissaire du gouvernement, dix tribunaux de paix et autant d'offices d'état civil pour une population supérieure à cent trente-sept mille âmes ; la juridiction des Côteaux, dans le Sud du pays, est symptomatique de la situation chaotique de l'appareil judiciaire haïtien.

Trois magistrats se partagent la tâche de distribuer la justice dans cette juridiction. Le Doyen, Me Gérard Casien Chéry, administre le tribunal et siège parfois à l'audience. A Me Jacques Saint-Jean a été confié le Cabinet d'Instruction. Enfin, Me Gérald Exantus est nominalement le seul juge de siège. Ce dernier habite aux Cayes, chef-lieu du département, situé à 54 km des Côteaux. Et comme tous les autres, il n'a pas de moyen de locomotion et doit se rendre à son poste au gré des occasions. « Quand il fait mauvais temps et que la route est impraticable, il doit rester chez lui en attendant une amélioration de la situation », confie le doyen Chéry.

Elevée au rang de juridiction de première instance le 16 mai 2003, Côteaux est l'une des juridictions les plus démunies des seize que compte le pays tout entier. Seulement trois juges dispensent la justice au niveau du tribunal de première instance (TPI) au bénéfice de cette population, dont plus des trois quarts vivent en milieu rural. Ils sont aidés dans leur tâche par une dizaine de juges de paix encore plus dépourvus.

Traités en parents pauvres

Le parquet du tribunal de première instance des Côteaux n'est pas, lui non plus, bien traité par le ministère de la Justice, selon les dires de l'un des substituts. A ce parquet, il n'y a pas pour le moment de Commissaire du gouvernement. Me Gérard Casien Chéry, qui occupait cette fonction, a été promu doyen du tribunal depuis plus d'un an et demi. Depuis, la poursuite des délinquants est assurée par deux substituts qui n'ont pas pourtant les moyens de leur politique. Ce qui n'est pas sans incidence sur le fonctionnement de la justice dans l'ensemble des sept communes de cette juridiction de première instance.

En effet, le taux de détention préventive est en nette augmentation. Au moment de l'interview, il y avait à la prison civile des Côteaux 73 détenus, dont seulement quatorze avaient été condamnés, soit moins de 20%.

Quand il y a un crime ou un délit grave dans les sections communales, les membres des Conseils d'administration des sections communales font office de police rurale et procèdent, de fait, à l'arrestation des contrevenants. « Nous avons fait des rapports au ministère de la Justice. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de suivi. Vraiment, les juridictions de province, et particulièrement celle des Côteaux, sont traitées en parents pauvres », dénonce le substitut Alexandre Pierre-Paul Damas.

Le Parquet, le décanat du tribunal ainsi que la représentation de la Direction de l'Administration pénitentiaire (DAP) ne disposent d'aucun véhicule pour effectuer le travail, alors que la prison civile se trouve à Damassin, un quartier situé à environ sept kilomètres du bourg des Côteaux. « Il n'y a pas longtemps, quand on devait extraire un détenu pour interrogatoire, l'agent de l'APENA devait l'amener au cabinet d'instruction ligoté, derrière une motocyclette, avec tous les risques que cela entraîne », raconte, un peu amer, le seul juge instructeur de cette juridiction, Me Jacques Saint-Jean.

Fonction publique ou sacerdoce ?

Animé d'un élan d'humanisme, il dit avoir eu l'habitude de se rendre lui-même à la prison civile pour entendre les détenus. « Mais, à partir du moment où l'on commence à avoir affaire avec de présumés trafiquants de stupéfiants, je me suis abstenu de m'y aventurer. Le ministère de la Justice ne met pas de véhicule à notre disposition. Je suis obligé de prendre mon véhicule personnel pour transporter les détenus, explique-t-il. »

Avec sept communes et trois quartiers, les Côteaux disposent de sept commissariats municipaux et de plusieurs sous-commissariats de police comme compléments à l'appareil judiciaire. Cependant, selon le juge instructeur, il n'y a pas beaucoup de policiers ou ces derniers ne sont pas toujours à leur poste. « Dernièrement, lors d'un contrôle de routine, on a retrouvé seulement quatorze policiers dans l'ensemble des sept commissariats, soit une moyenne de deux policiers par commissariat de police, dit-il. »

Dans la juridiction des Côteaux, il y a, à part le tribunal de première instance, un parquet, un cabinet d'Instruction et une prison civile sous le contrôle de la Direction de l'Administration pénitentiaire (DAP). Cependant, selon les informations fournies par le Doyen du tribunal, le Commissaire du gouvernement ainsi que le juge d'instruction, aucune des instances de l'appareil judiciaire des Côteaux ne dispose de moyens de déplacement.

Pour se déplacer ou pour effectuer le travail qui leur est confié, les autorités judiciaires des Côteaux utilisent les moyens du bord en utilisant soit le transport en commun, soit leur voiture personnelle. Même pour extraire un détenu de la prison, il faut recourir au transport en commun ou à l'utilisation du matériel roulant privé.

Aux Côteaux, il n'y a pas réellement un Barreau, puisqu'il n'y a pas d'avocats. Le Doyen du TPI fait office, de fait, de Bâtonnier de l'Ordre des avocats. En attendant que ce Barreau soit un jour constitué, la défense des intérêts des justiciables est assurée par des mandataires forains ou des fondés de pouvoir. « Quand une affaire nécessite réellement la présence d'un avocat, le justiciable a recours à un avocat régulièrement inscrit au Barreau des Cayes », chuchote le doyen-bâtonnier, Me Gérard Casien Chéry, comme pour souligner une anomalie.

« C'est une justice à pas de tortue qu'on dispense ici », fait remarquer l'homme de loi manifestement écoeuré par cette situation.


Samuel BAUCICAUT
baucicaut@yahoo.fr

LES FEMMES HAITIENNES SE MOBILISENT ...

Les femmes du Plateau central dénoncent leur traitement


Une centaine de femmes venues de Mirebalais, de Saut-d'Eau, de Savanette, de Boucan Carré et de Belladère ont commémoré dimanche le 12e anniversaire de la Journée mondiale des femmes vivant en milieu rural. Sous l'égide du Réseau des femmes du Bas Plateau central, elles ont également exposé des produits artisanaux qu'elles avaient fabriqués elles-mêmes avec soin. C'était aussi pour elles l'occasion de faire la connaissance d'autres femmes vivant dans des milieux ruraux et urbains.


Célébré autour du thème « Le doit à l'alimentation, les femmes rurales agissent et produisent », l'événement a donné la possibilité à ces femmes courageuses d'enfin poser la problématique de leur contribution au respect du droit à l'alimentation. Ces paysannes ont su maintenir en haleine les quelque 150 personnes des deux sexes qui avaient fait le déplacement. Au menu : exposition agro-artisanale, animation culturelle et panel sur les obstacles des femmes rurales à l'accès et au contrôle des ressources.

Le premier citoyen de la ville de Mirebalais, Lochard Laguerre, s'est enorgueilli de ce que sa ville compte le plus grand nombre de femmes travaillant dans une administration municipale dans tout le département du Centre. Il a attiré l'attention des officiels du gouvernement sur la situation des femmes enceintes de la région. « Plusieurs sont obligées de parcourir plusieurs kilomètres sur des brancards ou à dos d'âne pour aller accoucher dans de bonnes conditions », s'est-il indigné.

Pour sa part, Guerda Bellevue Benjamin, la coordinatrice du Réseau des femmes du Bas Plateau central - qui regroupe les féministes de la commune - a lancé un vibrant appel aux autorités du pays afin qu'elles se penchent sur la situation des femmes vivant en milieu rural. Elle a aussi profité de l'occasion pour dénoncer les exactions dont sont victimes les femmes en général. « Les femmes de la zone sont souvent victimes de viol, de vol ou de discrimination », a martelé la coordonnatrice.

D'un ton plaisant, Joanas Gue, le secrétaire d'Etat à l'Agriculture, qui se voulait manifestement pro-féministe, a déclaré de son côté : « Au commencement, Dieu a préféré créer l'Homme avant comme essai pour ne pas faire d'erreur dans la conception de la Femme. » Le secrétaire d'Etat à l'Agriculture a, par ailleurs, indiqué que son gouvernement travaille d'arrache-pied pour améliorer la situation des femmes à tous les niveaux, vivant en milieu rural. « Nous sommes parfaitement conscients des mauvais traitements dont sont victimes les femmes vivant dans les campagnes », a-t-il précisé.

La titulaire du ministère à la Condition féminine et aux Droits des femmes (MCFDF), Marie Laurence Jocelyn Lassègue, s'était fait néanmoins représenter par sa directrice générale, Mona Jean, qui n'a pas mâché ses mots en dénonçant les violences faites aux femmes. « Le ministère veut sensibiliser la population sur les activités et la contribution des femmes rurales au respect du droit à l'alimentation et à la mise en réseau de leur production pour les marchés local, régional et national », a-t-elle affirmé.

Robenson GEFFRARD
robby8104@yahoo.fr

L'INGÉRENCE D'UN SÉNATEUR AU POUVOIR JUDICIAIRE

François Gentel accuse, Joseph Lambert dément


François Gentel, qui se présente comme le juge de paix du quartier de Banane, une section communale d'Anse-à-Pitres, dénonce le comportement du sénateur du Sud-Est, Joseph Lambert, qui, accompagné d'hommes lourdement armés, l'aurait expulsé manu militari cette semaine du tribunal de paix.

«Très tôt dans la matinée, lundi dernier, des agents de la PNH et d'autres hommes lourdement armés ont fait irruption dans ma maison pour réclamer les clés et le sceau du tribunal, a expliqué le juge Gentel à la rédaction de Le Nouvelliste. Etant donné qu'ils n'avaient en leur possession aucun mandat, j'ai refusé d'obtempérer. »

« Quelques minutes plus tard, le sénateur Lambert et le député Patrick Robasson, accompagnés d'hommes armés, se sont présentés au tribunal de paix du quartier de Banane avec un certain Lorenceau Monplaisir pour me remplacer », dit-il. Selon le juge Gentel, le sénateur Lambert l'a traité de « cochon » et lui a juré que, aussi longtemps qu'il sera sénateur, le juge de paix Gentel « ne sera rien ». M. Gentel dit avoir consulté un cabinet d'avocats pour obtenir réparation.

Réagissant aux accusations de M. Gentel, le sénateur Joseph Lambert a porté un démenti formel aux déclarations du juge de paix François Gentel. « C'est un juge de paix nostalgique qui impute la responsabilité de sa révocation à un parlementaire », a déclaré Joseph Lambert, avant de rappeler que le juge en question est congédié depuis plus d'un mois suite à une pétition des justiciables l'accusant de corruption et de malversation.

« Accompagné du député Patrick Robasson, j'ai seulement participé à la cérémonie de prestation de serment du nouveau juge de paix, Lorenceau Monplaisir », a confié le président du Sénat, comme pour rejeter toutes les accusations portées contre lui par François Gentel.

LA COUR DE CASSATION DÉBOURTE LE POURVOI DE FRANCK CINÉ...

Affaire Socabank: le pourvoi de Franck Ciné est sans objet

La Cour de cassation déclare sans objet le pourvoi de Franck Ciné en demande de dessaisissement et de renvoi. Cet arrêt a été rendu par les membres de la 1ère section composée du juge Georges Moïse (président), Rénold Jean-Baptiste Pierre, Henri Michel Augustin, Josué Pierre et Bien-Aimé Jean (juges); Me Emmanuel Dutreuil (commissaire), avec l'assistance de Me Pluviose Silien.

Sous la présidence du vice-président de la Cour de cassation, Me Georges Moïse, la rencontre du 15 octobre entre les juges de cette institution et le juge et juge d'instruction du Tribunal de Première instance de Port-au-Prince a eu lieu. Une rencontre au cours de laquelle le juge Métellus a répondu à toutes les questions qui lui ont été posées.

Les juges ont voulu entendre le juge Métellus en vue d'éclairer la lanterne de la plus haute instance judiciaire sur la demande de dessaisissement et de renvoi produite par Franck Ciné, inculpé d'escroquerie. Pour corroborer les faits avancés, Me Patrique Métellus a présenté aux honorables membres de cette institution une copie de l'ordonnance de clôture rédigée depuis le 8 octobre 2007.

Selon des informations recueillies, les avocats de Franck Ciné, président de la compagnie de téléphonie cellulaire la "Haïtel", le juge a été récusé pour suspicion légitime.

Ayant bouclé l'instruction du dossier et rencontré les juges de la 1ère section de la Cour de cassation, le juge Métellus n'a plus rien à y voir.

Mécontent de cette décision, l'un des avocats de Franck Ciné fait appel depuis le vendredi 12 octobre en cours. On saura, après l'arrêt de la Cour d'appel, le sort de Franck Ciné et de ses anciens collaborateurs.

LA POLICE LIBÈRE DES OTAGES D'UNE BANDE ARMÉE...

Un ravisseur tué, quatre otages libérés

En dépit de l'arrestation de bon nombre de ses malfrats, l'organisation criminelle dénommée « Lame Timanchèt » opérant dans les hauteurs de Martissant ne démord pas. Quatre membres d'une même famille, kidnappés mardi par ce gang, ont été libérés mercredi au cours d'une opération musclée réalisée par des agents de la MINUSTAH et de la PNH.

La libération des otages n'a pas eu lieu sans effusion de sang. Yvens Jean, le principal responsable de cette bande armée, a été tué lors de l'opération policière tandis que Wilson Dieulifa, un autre ravisseur a été grièvement blessé. Plusieurs suspects, d'après le porte-parole de la Police des Nations unies (UNPOL), Fred Blaise, ont aussi été arrêtés au cours de l'opération. Les quatre kidnappés, Marcel et Ketty Fontus ainsi que leurs deux enfants ont, quant à eux, recouvré leur liberté sains et saufs.

Plusieurs autres cas de kidnapping sont signalés dans la capitale haïtienne ces derniers temps. A la fin du mois de septembre dans la zone de Delmas, les agents de la PNH avaient libéré deux kidnappés, Rolande Désir et Osvel Estimé et procédé à l'arrestation de plusieurs individus.

En plus des actes de kidnapping, les vols à main armée redeviennent monnaie courante à Port-au-Prince. Au début d'octobre, des commerçants avaient dénoncé dans une lettre ouverte l'augmentation des cas de vol et d'assassinat au Centre-Ville. Ils avaient alors rapporté plus d'une quinzaine de cas de pillage et d'attaques à main armée dont ils avaient été victimes au cours du mois précédent.

Malgré les cris d'alarme lancés ça et là, le porte-parole de la PNH, Frantz Lerebours, rejette la thèse de l'augmentation des actes de banditisme dans la capitale, préférant parler plutôt d'une augmentation du nombre des infractions dans la région métropolitaine. Il a annoncé, il y a quelques semaines, que de nouvelles dispositions seraient prises afin de contrecarrer l'action des bandits.

L'AMENDEMENT DE LA CONSTITUTION HAITIENNE S'IMPOSE...

Préval tire à boulets rouges sur la Constitution

Par: Jean Pharès Jérôme

Depuis un certain temps, le chef de l'Etat haïtien, René Préval, ne jure que par l'amendement de la Constitution de 1987, présentée comme une source d'instabilité. Mercredi, au Palais national, à la face du monde, il a invité les forces vives du pays à faire bloc autour de lui pour faire modifier la Constitution.

Avant même que le président Préval ne s'adresse à la nation à l'occasion de la célébration du 201e anniversaire de l'assassinat de l'empereur Jean-Jacques Dessalines, un rapport rédigé par Claude Moise et Cary Hector, ayant pour titre '' Rapport sur la Question constitutionnelle et Annexes'', avait été remis aux personnalités présentes au Palais national. Ce document divisé en cinq chapitres pose sans détour la nécessité d'une révision urgente de la loi mère du pays.

Quelques minutes plus tard, la plupart des arguments présentés par les auteurs du rapport ont été repris par le chef de l'Etat dans un discours qui faisait peu de place à Dessalines, cherchant manifestement à convaincre les forces vives du pays à appuyer son projet de remaniement de la Constitution de 1987. « Le rejet de la double nationalité, l'autorité de renvoyer le Premier ministre confiée au Parlement, l'opposition faite au président de la République de ne pas briguer deux mandats consécutifs, l'absence d'une instance pour interpréter la Constitution...», sont quelques-unes des anomalies qui, selon René Préval, doivent être corrigées.

Ces points qu'il qualifie de failles, ainsi que beaucoup d'autres, font de la Constitution une source d'instabilité, estime le président Préval. «Cette Constitution a été rédigée dans le but d'empêcher le pays de revivre une autre dictature, a rappelé René Préval à l'assistance composée de ministres, de directeurs généraux, de parlementaires, des membres du CEP, et la suite. Cependant, elle est incapable d'aider à la stabilisation du pays.»

Dans ce discours prononcé exclusivement en créole, René Préval a présenté l'instabilité comme un poison violent pour le pays. « Le danger pour Haïti aujourd'hui n'est pas un éventuel retour au totalitarisme mais l'instabilité », a indiqué le président, qui affirme que la Constitution de 1987 reste et demeure la principale source de cette instabilité. « La Constitution a énormément aidé, au cours des vingt dernières années, à déstabiliser les régimes autoritaires, a-t-il convenu, mais je reste persuadé qu'elle ne peut pas jouer le même rôle dans un processus de construction démocratique. »

Le chef de l'Etat a, par ailleurs, invité toutes les forces vives du pays à comprendre le bien-fondé de sa démarche et à oeuvrer en vue d'un profond remaniement de la loi mère du pays. « J'espère que vous êtes convaincus comme moi de la nécessité de corriger les failles de la Constitution », a lancé René Préval, immédiatement après avoir déposé une gerbe de fleurs au pied du monument érigé à la mémoire de Dessalines au Pont Rouge.

La grande inquiétude du président Préval reste la complexité des procédures prévues dans le cadre d'un projet d'amendement constitutionnel. « Face à une telle situation, quand est-ce que nos compatriotes de la diaspora vont reprendre leur nationalité ? », se demande, perplexe, le chef de l'Etat. Sans cacher son intention de passer outre aux longues et complexes procédures constitutionnelles, René Préval a proposé la formation d'une commission réunissant experts haïtiens et étrangers et qui aura pour mission de présenter des propositions concrètes.

En plus du remaniement éventuel de la Constitution de 1987, le premier mandataire de la nation s'est montré préoccupé du sort des victimes des dernières inondations. « Aujourd'hui, la nation ressent une double douleur. Elle pleure non seulement le drame du Pont Rouge, mais aussi ses fils emportés par les dernières intempéries. »

Nostalgique du Centre national des équipements (CNE) créé au cours de son premier mandat et de la réforme agraire entamée à la même époque, René Préval rappelle que le pays s'était donné les moyens d'empêcher de telles situations. « C'est dommage que l'instabilité politique ait tout détruit », s'est-il indigné. Sans faire la moindre promesse, le président Préval a présenté ses sincères condoléances aux parents des victimes.

Jean Pharès Jérôme
pjerome@lenouvelliste.com

HAITI A GRAND BESOIN D'UNE POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE VIABLE ET EFFICACE...

Oh! Combien de morts, combien de disparus... !

Combien de morts, combien de disparus faudra-t-il encore compter à chaque saison de pluie, à chaque calamité naturelle pour qu'enfin la nation se rende à l'évidence ?

«Haïti a été épargnée»; cette phrase lue et entendue dans la presse internationale dans la matinée du dimanche 19 août 2007, après le passage de l'ouragan DEAN, démontre les inquiétudes prémonitoires des «autres» compte tenu de notre vulnérabilité face aux intempéries causées par le haut niveau de dégradation de notre environnement.

Si DEAN, ouragan de catégorie 4 avait frappé plus sérieusement notre pays, le niveau de perte en vies et en biens aurait atteint des dimensions impensables. Les pluies de ces derniers jours ont affecté pratiquement tout le territoire national. Cependant, il ne s'agissait que de simples systèmes de basse pression affectant également la plupart des îles de la Caraïbe. Y a-t-il eu autant de morts chez nos voisins ?

Notre pays, de par sa situation géographique, doit faire face pratiquement durant 5 mois chaque année à une saison cyclonique en plus des pluies saisonnières dont les effets sont de plus en plus destructeurs et mortels. Réduire notre vulnérabilité impose la disponibilité de ressources financières, matérielles et humaines adéquates et permanentes que seule une déclaration d'état d'urgence pour l'environnement peut garantir.

Il est louable d'atteindre de bonnes performances en matière de réaction aux désastres et de réhabilitation des zones affectées. Cependant, ce sont des actions ponctuelles se situant en aval. Il est à présent plus que nécessaire de mettre l'emphase également sur le facteur prévention, c'est-à-dire en amont, dont les différentes actions permanentes seront les seuls garants d'un vrai développement durable pour lequel la réduction des différents facteurs de risques vis-à-vis des catastrophes naturelles sera un des points marquants.

La République de Port-au-Prince avait déjà oublié DEAN et dans quelques jours les «uns» et les «autres» oublieront peut-être également les inondations de fin septembre - début octobre 2007. Continuer >


N'attendons plus que notre capitale et sa population à plus de 50% bidonvillisée soit frappée de plein fouet par un autre cyclone, une pluie diluvienne, un tremblement de terre ou n'importe quelle autre calamité à haut potentiel de destruction matérielle et de pertes en vies humaines, pour donner suite à cette Déclaration d'état d'urgence. Les changements climatiques à l'échelle planétaire s'ajoutent à présent à nos défis régionaux et locaux. Après 20 ans de requête, il est essentiel de repenser cette Déclaration d'état d'urgence et de l'actualiser sur la base de leçons apprises.

Ces dernières années, les domaines cruciaux suivant ont été pratiquement ignorés, délaissés ou mal gérés par nos décideurs : aménagement du territoire, zonage, délimitation et surveillance efficace des aires protégées, urbanisme, cadastre, réforme foncière, réforme agraire, politique énergétique, pression démographique, etc.

On ne peut plus continuer à traiter ces sujets d'importance nationale d'une manière virtuelle, émotionnelle ou en tant qu'activités taboues réservées à «d'autres». Il faut s'y pencher rapidement pour prendre les décisions qui s'imposent dans l'intérêt national. Le PAE (Plan d'Action pour l'Environnement) de 1998 était déjà le reflet de bonnes réflexions. Onze ans ont quand même eu le temps de passer.

La plupart des réflexions ont été déjà faites. Il suffit de les actualiser. L'heure est maintenant aux bonnes décisions consensuelles et à l'action de garantir un territoire vivable aux générations futures. Les Haïtiens d'ici et d'ailleurs se doivent de ne pas répéter les mêmes erreurs et hésitations de ces 20 dernières années. Si les «autres» se soucient de notre Environnement, quel secteur des «uns» de notre Etat prendra les bonnes initiatives ? L'Exécutif, le Législatif, le Judiciaire ou la Société Civile ?

Fòk nou mete men !

Port-au-Prince le 12 octobre 2007

Pour le Comité Central de Direction de la FAN

Elisabeth Deetjen

Laurence Lemoine

Pierre Chauvet

FAN, 30 Rue Camille Léon, Port-au-Prince,
E-mail : fanhaiti@gmail.com

LES CAYES : LA JUSTICE SERAIT-ELLE PRISE EN OTAGE?


Les Cayes : la justice serait-elle prise en otage?


Par: Samuel BAUCICAUT

Côté performance, le tribunal de première Instance des Cayes arrive deuxième, après celui de Mirebalais. En témoignent les chiffres de l'année judiciaire 2006-2007, où le taux de détention préventive est l'un des plus bas de tout le pays. C'est cependant une juridiction à problèmes, où certains acteurs oeuvreraient en dehors des normes. Coup de projecteur sur le fonctionnement du TPI de la troisième plus importante juridiction d'Haïti.

« N'avez-vous pas l'impression que la justice aux Cayes est prise en otage par les juges ? », demandait récemment un avocat du Barreau des Cayes au bâtonnier de l'Ordre des avocats de cette juridiction, Me Jean-Roger Olivier.

Cette question, qualifiée de « très révélatrice » par le bâtonnier des Cayes, est symptomatique d'un ensemble de difficultés auxquelles font face les membres locaux de la basoche dans l'exercice de leur profession.

Ils sont trente-six avocats régulièrement inscrits à l'Ordre des Cayes. Mais dans l'exercice de leur profession, ils doivent faire face à un ensemble de problèmes inhérents au fonctionnement de tout l'appareil judiciaire de la juridiction.

Le bâtonnier cite ainsi une kyrielle d'irrégularités qui, selon lui, traduisent une situation méritant une intervention rapide des autorités en vue d'y mettre fin. « On a l'impression que les juges, dit Me Olivier, ne viennent pas au tribunal par obligation ni par devoir, mais par amitié pour certains avocats et par inimitié pour d'autres.

Une fois, poursuit-il, une affaire devait être entendue à dix heures du matin. Mais le juge s'est présenté peu avant une heure de l'après-midi pour ensuite déclarer aux parties qui l'attendaient: " Je ne suis pas venu pour vous, mais pour Me. Untel." Ensuite, le magistrat se tourne vers Me Untel et lui affirme: " Je suis venu aujourd'hui parce que c'est vous. Je ne viendrais pour personne d'autre ". »

Devoir ou copinage

Le bâtonnier dit avoir rencontré le Doyen du TPI des Cayes à ce sujet et espère qu'il va intervenir sous peu en vue de rétablir le sérieux de l'institution. Sinon, « le justiciable aura l'impression que la justice est partisane et aura tendance à se faire justice lui-même. Il y a moyen d'y apporter des corrections. Il vaut mieux le faire avant qu'il ne soit trop tard. »

Le bâtonnier en a profité pour dénoncer « pressions et menaces » qu'auraient exercées certains juges sur des avocats militants de la juridiction des Cayes. « Pour un cric ou un crac, marmonne-t-il, certains juges menacent d'arrestation les avocats dans l'exercice de leur profession. »

Respecter les procédures

Le Doyen du Tribunal de Première Instance des Cayes, Me André Esner Milien, a reconnu certaines des charges retenues contre certains magistrats de sa juridiction. Toutefois, il dit que les comportements dénoncés par le bâtonnier de l'Ordre des avocats des Cayes ne concernent qu'un seul juge, dont il s'est gardé de révéler l'identité.

« Il y a effectivement un juge d'instruction qui ne respecte pas les procédures, a-t-il avoué. Parfois, moi, en ma qualité de Doyen, je suis obligé d'intervenir. »

Le bâtonnier s'en est pris également aux membres du Parquet du TPI des Cayes qui, a-t-il dit, interviennent fort souvent dans des cas qui ne relèvent pas de leur compétence. Il dénonce la lenteur associée à la négligence des magistrats debout. Il relate un cas où une décision fut rendue contre un justiciable. « Mais, poursuit-il, le Parquet refusa de donner exequatur à cette décision passée en force de chose souverainement jugée. Et le condamné court encore les rues. » Continuer >





Un autre cas soulevé par le bâtonnier des Cayes est celui d'une affaire entendue depuis avril dernier. Le réquisitoire définitif y relatif est sorti en juin. Et jusqu'à présent, il n'est pas encore acheminé au juge qui doit rendre sa décision. Là encore, il y a confirmation. Elle vient du Commissaire du gouvernement du TPI des Cayes, Me Eugène Yacinth Joseph. « Si le réquisitoire n'est pas acheminé au juge, c'est le problème du greffe du tribunal », a-t-il dit en guise de confirmation.

Difficulté et performance

Le Commissaire du Gouvernement reconnaît toutefois que le Parquet accorde certaines fois priorité à certains dossiers soumis à son appréciation. Mais cette priorité est fonction de leur caractère urgent. En ce sens, il s'inscrit en faut contre les allégations de certains avocats selon lesquelles il y aurait négligence au Parquet.

Parallèlement à ces difficultés, le Tribunal de Première Instance des Cayes est l'un des plus performants sur l'ensemble du pays. Pour l'année judiciaire 2006-2007, cette juridiction a réalisé quatre assises criminelles dont trois sans assistance du jury.

Couvrant les communes des Cayes, de Camp-Perrin, de Maniche, de Ile-à-Vâches, d'Arniquet, de Sain-Jean du Sud, de Chantal et de Port-Salut, la juridiction des Cayes est aussi parmi celles où le taux de détention préventive est le plus bas. Au moment de l'interview, il y avait à la prison civile des Cayes 218 détenus, y compris ceux de la Juridiction d'Aquin. En ce qui concerne la juridiction des Cayes, plus de 80% des détenus purgent leur peine pour une condamnation prononcée par qui de droit. Mais « les conditions de détention sont infrahumaines », a admis le Doyen. « Quand il pleut, l'espace est inondé. L'eau monte à plus d'un mètre et les détenus sont contraints de rester debout jusqu'à ce que le niveau de l'eau baisse », a poursuivi Me Milien en guise d'illustration.

De meileurs moyens pour de meilleurs résultats

A signaler que cette bonne performance du TPI des Cayes est réalisée non sans peine. Ils sont six magistrats dont trois juges d'instruction à distribuer la justice aux justiciables des Cayes. Cette distribution de la justice se fait avec de faibles moyens.

En effet, seul le Doyen de ce tribunal dispose d'un véhicule. Ce dernier est utilisé à la fois pour les besoins du Décanat, du Parquet, du Cabinet d'Instruction, quand il faut extraire les détenus pour interrogatoire. Bref, du tribunal tout entier. Le tribunal ne dispose pas d'ordinateur ni d'aucun frais de fonctionnement, Doyen qui s'est montré très amer à l'égard des autorités de Port-au-Prince.

« Nous avons effectué des démarches pour corriger cette situation. Mais celles-ci sont classées sans suite uniquement parce qu'on est de la Province. Lorsqu'ils veulent se justifier, ils disent avoir donné des primes aux juges », faisant allusion aux primes accordées par l'UCREF (Unité centrale de Renseignement financier) à certains juges de la juridiction de Port-au-Prince.

Pour exprimer sa colère, le Commissaire du Gouvernement, Me Joseph Eugène Yacinthe, travaillant avec quatre substituts, n'a pas manqué de souligner, faisant allusion à son ministère de tutelle, « le ministère de l'Injustice ne nous accorde aucun moyen de fonctionnement. Nous travaillons, renchérit-il, avec les moyens du bord ».

Dans la juridiction des Cayes, tous les acteurs ou presque travaillent dans des conditions difficiles. Magistrats debout ou assis, avocats et justiciables, doivent faire face aux problèmes internes et externes auxquels le système se trouve confronté. En dépit de tout, cette juridiction affiche de bons résultats comparativement à d'autres dotées de meilleurs moyens. Impérieusement, les pouvoirs publics doivent offrir à la juridiction des Cayes les moyens de sa politique afin qu'elle soit plus à même de rendre justice à qui justice est due.


Samuel BAUCICAUT
baucicaut@yahoo.fr

octobre 04, 2007

ACTUALITÉS JUDICIAIRES : BILAN DE LA SEMAINE

Le collectif des juristes progressistes haïtiens proteste


Le collectif des juristes progressistes haïtiens (CJPH) proteste contre l'arrestation et la détention de Me Hérivaux Jézulus Charles par Claudy Gassant, commissaire du gouvernement, le 17 septembre 2007, au parquet du tribunal de première instance.

La pratique du commissaire qui consiste à frapper, à arrêter et même humilier les avocats est, selon le collectif, contraire à la loi pénale et à celle régissant la profession. « C'est une violation grave des droits des justiciables et des normes des droits humains », a plaidé Me Mario Joseph, secrétaire général du CJPH tout en soulignant le laxisme et la complicité de l'actuel gouvernement face à de telles actions.

Le CJPH invite, par ailleurs, les membres du collectif inscrits au tableau de l'Ordre du barreau de Port-au-Prince à « prêter main forte » jusqu'au jugement définitif de l'affaire.

CARLI et le New England Human Right expriment leurs préoccupations


Le comité de Avocats pour le respect des libertés individuelles (CARLI) et le New England Human Right expriment, dans un communiqué, leurs préoccupations face à la fragilité du climat sécuritaire en Haïti.

« Malgré les efforts consentis par les autorités nationales afin de réduire le nombre des cas de violence dans les pays, plusieurs cas d'insécurité ont été enregistrés durant les mois d'août et de septembre 2007 », ont indiqué les responsables de ces organisations.

En outre, le CARLI et le New England Human Right recommandent aux autorités concernées de prendre les dispositions nécessaires afin de renforcer le climat sécuritaire sur tout le territoire national.

Ses organisations exigent, par ailleurs, des autorités judiciaires et policières les résultats des enquêtes sur la disparition de Lovinsky Pierre Antoine, le coordonnateur de la fondation 30 septembre et des autres cas d'enlèvement ou d'assassinats enregistrés dans le pays durant les derniers mois.




Des éducateurs formés sur les droits des enfants



Une quarantaine d'enseignants des secteurs privé et public ont participé le week-end écoulé à une séance de formation autour des droits des enfants organisée par la Coalition haïtienne de défense des droits des humains (COHADDE). Cette activité rentre dans le cadre du projet « Concrétiser les droits des enfants socialement défavorisés » financé par l'ong Save the Children. Selon le directeur de la COHADDE, Kinsley Sabbat, cette formation a eu pour objectif de sensibiliser les enseignants sur la nécessité de respecter les droits des enfants. « Il est temps de finir avec la discrimination, le manque de participation et les châtiments corporels dans le milieu scolaire », a-t-il dit.

D'autres activités telles que la formation pour les autorités locales, des forums régionaux et nationaux sur les droits des enfants seront organisées dans le cadre du projet.

Campagne pour le respect des droits des détenus

« Visiter les prisonniers, administrer des soins sanitaires aux détenus grâce à des cliniques mobiles, rencontrer les autorités de l'Etat, organiser des séances de sensibilisation et des activités culturelles, distribuer des matériels hygiéniques, des dépliants sur les droits et les devoirs des prisonniers », sont entre autres, les activités qui seront organisées par le Réseau national de Défense des Droits humains (RNDDH ) pendant tout le mois d'octobre en vue de marquer la journée du 28 consacrée internationale des prisonniers.

Ces activités qui ont pour thème : « An fè kolonn pou fè respekte dwa prizonye yo » se dérouleront dans 17 centres de détention du pays. D'après Marie Yolène Gilles et Vilès Alizar, ces activités ont pour objectif de dénoncer l'état lamentable dans lequel se trouvent les prisons haïtiennes et de sensibiliser les autorités du pays sur la nécessité de respecter les droits des détenus.


Agressé par un policier

Colas Silencieux se dit victime lundi d'une agression physique de la part d'un policier affecté au service de l'Immigration. L'incident s'est produit devant les locaux mêmes de cette institution à Lalue. « Je suis venu chercher mon passeport au service de renouvellement de l'Immigration, car je dois me rendre sous peu en République Dominicaine pour la poursuite des mes études. Voilà que j'ai été maltraité par un policier qui, au contraire, « devrait me protéger et me servir », regrette le jeune Silencieux qui était passé au journal tout de suite après l'incident, en vue de donner sa propre version des faits.

Affirmant que cet agent de la Police nationale l'a même menacé avec un pistolet, la victime compte intenter une action en justice contre ce dernier dont il dénonce le comportement. Un avocat a été déjà contacté à ce sujet, selon M. Colas Silencieux qui entend adresser une lettre ouverte aux responsables de la Justice concernant ce dossier.

Deux personnes tuées par balles aux Gonaïves


Le couple Bathélemy a été tué par balles dans la nuit du Lundi 1er au mardi 2 Octobre 2007 dans la localité de «Depoto » dans la cité de l'indépendance. Alors qu'elles dormaient, les victimes ont été attaquées par des bandits armés non identifiés qui, par la suite, après leur forfait, ont pris la fuite.


5 individus arrêtés pour prise clandestine


5 individus ont été épinglés au Cap-Haïtien pour prise clandestine. Les autorités policières de ce département annoncent que ces fraudeurs, arrêtés en flagrant délit, sont placés en garde à vue au commissariat de la ville.

Le directeur du bureau régional de l'Electricité d'Haïti (EDH), M. Northa James Ancelot, a lancé une mise en garde à tous les individus qui, dans la deuxième ville du pays, se lancent dans cette pratique illégale.

Par ailleurs, M. James Ancelot a annoncé qu'au moment de ces arrestations on a procédé en même temps à la saisie de divers instruments dont se servent habituellement ces pirates. Ces opérations interdites sont surtout menées pendant la nuit, constatent de nombreux habitants de la deuxième ville du pays.

LA CONSTITUTION DE 1987 EST SOURCE D'INSTABILITÉ DU PAYS...

SELON LE PRÉSIDENT RENÉ PRÉVAL:
« La constitution de 1987 est source d’instabilité »
Par Ladenson Fleurival


« La Constitution haïtienne est très compliquée ; elle est source d’instabilité dans le pays », a déclaré le président René Préval lors d’une conférence de presse au salon diplomatique de l’aéroport Toussaint Louverture, hier lundi.
Le chef de l’État, qui revenait des États-Unis où il a participé à la 62e Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (Onu), a déploré le rythme électoral imposé par la charte de 1987, notamment pour le renouvellement du tiers du Sénat. « Selon le régime de la constitution actuelle, nous devons organiser des élections tous les deux ans pour renouveler le tiers du Sénat », a rappelé le président de la République, indiquant que les scrutins auraient pu se dérouler dans des intervalles de quatre ou cinq ans dans le but d’épargner des dépenses exorbitantes au pays.
Le président, qui se montre favorable à un remaniement de la Constitution, estime qu’après plus de vingt ans, les données ont changé. Les discours d’hier ne tiennent plus aujourd’hui. En effet, une Commission de consultation a été créée en vue de produire des recommandations au gouvernement sur les textes de loi qui constituent des embûches à l’avancement du pays.
D’après René Préval, la Constitution a été votée en 1987 sur la base de l’article 291, excluant les anciens fonctionnaires du régime des Duvalier de la gestion de la chose publique, avec en toile de fond le slogan « makout pa ladan l ».
En effet, l’article 291 stipule : « Ne pourra briguer aucune fonction publique durant les dix années qui suivront la publication de la présente Constitution et cela sans préjudice des actions pénales ou en réparation civile, toute personne notoirement connue pour avoir été, par ses excès de zèle, un des artisans de la dictature et de son maintien durant les vingt-neuf dernières années, tout comptable des deniers publics durant les années de la dictature sur qui plane une présomption d’enrichissement illicite, toute personne dénoncée par la clameur publique pour avoir pratiqué la torture sur les prisonniers politiques, à l’occasion des arrestations et des enquêtes ou d’avoir commis des assassinats politiques ». Des primes de l’Ucref
Alors que la question fait la une des médias de la capitale et que certains considèrent comme un véritable scandale judiciaire les primes accordées par l’Unité centrale de renseignement financier (Ucref) à des juges de différentes instances de la capitale, le président de la
« La compétence de certains spécialistes présents au sein de l’appareil judiciaire a été sollicitée en vue d’accompagner l’Unité de renseignement dans l’élaboration des dossiers. La mise en œuvre du projet doit permettre au pays de récupérer des fonds volés estimés à 30 millions de dollars américains environ. Ce projet en exécution dure trois mois », informe le chef de l’État.
À l’opposé, le président de la commission Justice et Sécurité du Sénat de la République, Youri Latortue, soutient qu’à aucun moment, le corps législatif n’avait voté une telle loi qui, selon lui, serait de nature à encourager la corruption. D’ailleurs, rappelle le sénateur, ce dossier fait déjà l’objet d’une interpellation au grand corps, vendredi prochain, du ministre de la Justice et de la Sécurité publique, René Magloire, et du directeur général de l’Ucref, Jean-Yves Noël.

Les élections auront-elle lieu ?
Le président René Préval se défend par ailleurs d’être opposé à la tenue d’élections pour le renouvellement du tiers du Sénat et de vouloir instaurer une dictature dans le pays. Il avance que des consultations sont en cours aux fins d’arriver à un consensus politique pour l’organisation des scrutins à la fin de l’année 2007.
« Les points de vue sont divergents et les conseillers électoraux s’accusent mutuellement de corruption et de malversation », déclare le président qui dit vouloir consulter un ensemble de secteurs avant de se pencher sur le sort du Conseil électoral provisoire (CEP). « J’aimerais qu’il y ait moins de contestations possibles après les élections », souhaite-t-il. Notons que la semaine dernière, le conseiller François Benoît, directeur général par intérim du CEP, avait accusé le gouvernement de vouloir installer une dictature dans le pays. Il avait tenu ces propos suite à une convocation de ses pairs au parquet de Port-au-Prince. Concernant cette affaire, le président prévient que le commissaire du gouvernement Claudy Gassant avait invité les conseillers Patrick Féquière, Louis Gerson Richemé et Max Mathurin sur la base d’un rapport de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) et sur une plainte des deux premiers contre le troisième.

« Quelque chose que l’on a appelé l’armée »
Intervenant sur le dossier de la reconstitution des Forces armées d’Haïti, le chef de l’État affirme qu’après l’armée indigène, le pays n’a jamais eu d’institution répondant vraiment au non de l’armée.
« Nous avons eu quelque chose que l’on a appelé l’armée, mais pas une force armée », soutient M. Préval, mettant l’accent sur les grands débours financiers à consentir pour reformer l’institution militaire. Cependant, le gouvernement a créé une commission pour étudier la nature d’une nouvelle force publique dans le pays. Toujours est-il que le président plaide en faveur de la mise en place d’une gendarmerie nationale. Rappelons que les anciennes Forces armées d’Haïti, reconnues dans la constitution de 1987, ont été dissoutes sous l’administration de Jean-Bertrand Aristide au lendemain de son retour d’exil en 1994, après le coup d’État du général Raoul Cédras.
mardi 2 octobre 2007