avril 03, 2007

HAITI ET LA FRANCOPHONIE

Haïti et la Francophonie est un texte qui relate l'irresponsabilité de l'État haïtien face à l'absence d'une politique linguistique qui protège la langue de la majorité nationale (Le Créole). Le texte du professeur Joseph incite à la réflexion et interpelle la conscience patriotique et nationaliste de tous les haïtiens dont leur droit linguistique enchassé dans la Constitution haïtienne de 1987 est constamment brimé par les autorités publiques (voir Articles 5, 40, 113 et ss).

Texte publié avec l'autorisation de son auteur (Prophète G. Joseph)

Le peuple haïtien consacre annuellement 1 milliard 555 millions de $ US à l’école française. Alors que le budget total de l’Organisation internationale de la Francophonie, financé à 80% par la France, ne dépasse pas 170 millions de $ US.

LES ÉLEMENTS FONDATEURS DE LA NATION.

Les premiers éléments fondateurs d’une nation sont sa langue, son drapeau et son espace territorial. La langue créole haïtien est directement liée à la fondation et à l’existence d’Haïti comme nation indépendante, car elle est à l’origine de la Victoire de l’armée indigène qui a conduit à la création de la première République des Noirs le 1er janvier 1804 suite au Congrès du Bwa-Kayiman de 1791 qui a décidé pour la première fois l’utilisation commune de la langue haïtienne pour mener la guerre de libération de l’esclavage. En faisant du créole la langue officielle et en la reconnaissant comme langue de l’unité nationale dans la Constitution (art.5), l’État haïtien s’engage solennellement à l’utiliser prioritairement dans toutes ses activités et à créer un budget spécial pour assurer de façon permanente son développement, sa protection, sa promotion, son apprentissage par tous les citoyens du pays et son rayonnement au niveau national et international. Le créole est la langue maternelle de tous les Haïtiens. C’est par cette langue que la République d’Haïti doit naturellement affirmer son identité nationale et protéger les droits fondamentaux de tous ses citoyens.

UN BUDGET NATIONAL QUI EXCLUT LES NATIONAUX...

Il y a seulement 10% d’Haïtiens qui maîtrisent la langue de la France. 15% la comprennent, mais 85% de la population n’ont aucune connaissance du français. De plus, 98% des livres qui garnissent les bibliothèques scolaires et municipales d’Haïti viennent des pays francophones et n’ont pratiquement rien à avoir avec la réalité nationale. Les ordres d’enseignement primaire et secondaire, contrôlés à 90% par le secteur privé, sont financés entièrement par les parents avec l’argent venant en grande partie de la diaspora. Les taxes des Haïtiens financent 90% du budget de l’enseignement post-secondaire. Depuis deux siècles, les parents se crèvent pour financer le système d’enseignement français dès le préscolaire jusqu’au 2e cycle universitaire. Cependant, on voit très peu de retombée de cet argent puisque, Haïti demeure le pays le plus pauvre des Amériques d’une part. Et d’autre part, parmi les jeunes qui terminent leurs études universitaires, seulement 2% choisissent de rester dans le pays. Parmi eux, il y en a qui deviennent surtout politiciens, fonctionnaires ou écrivains. Les 98% qui partent se retrouvent essentiellement en France, au Québec ou aux États-Unis. L’État haïtien consacre une bonne partie de son budget national au système d’enseignement français contre 0% à la promotion de la langue haïtienne, alors que l’analphabétisme touche 55% de la population âgée de 17 à 55 ans. Le budget alloué au secrétariat à l’alphabétisation pour l’année 2006-2007, représente 0,09% du budget national, soit 1 million 395 347 $ US. Pourtant, en Haïti, actuellement, il y a plus d’adultes à alphabétiser que des enfants à scolariser. C’est le pays qui possède le plus haut taux d’analphabète dans les Amériques.

UN SYSTÈME D'ENSEIGNEMENT AXÉ ESSENTIELLEMENT SUR LA FRANCISATION ET L'EXCLUSION DES HAITIANOPHONES.

La grande difficulté du système d’enseignement actuel est sa grande incapacité de répondre aux besoins de développement d’Haïti. Malheureusement, cela peut continuer encore deux siècles, puisque jusqu’à présent l’espace haïtien ne fait pas encore partie intégrante du contenu et d’objet d’enseignement et d’apprentissage des élèves. De plus, nos dirigeants ne semblent pas trop intéressés, à court terme, à réformer le système pour le mettre aux services de tous les Haïtiens et le rendre inclusif.

La réforme de l’école fondamentale des années 1980 a permis d’introduire le créole haïtien comme langue d’enseignement dans les écoles et améliorer sensiblement l’apprentissage des enfants. Actuellement, Haïti compte plus de jeunes qui sont capables de lire et écrire la langue haïtienne que la langue française. Malheureusement, l’État haïtien offre très peu d’ouverture à ces jeunes citoyens pour mettre en pratique leur connaissance linguistique de l’haïtien au profit du reste de la population.


Le poids de la francophonie d’Amériques commence à peser lourd sur les épaules d’Haïti qui ne compte que 10% de francophiles

On ne cherche pas à ignorer la présence du français comme 2e langue officielle à côté de la langue haïtienne sur le territoire national. Toutefois, on peut constater que parmi les États membres de l’Organisation internationale de la Francophonie et par sa position géographique, Haïti est le pays non francophone, depuis sa création, qui a contribué le plus à l’essor de la langue française en Amériques au détriment de sa propre langue d’unité nationale. Dans le budget de 2006-2007, la contribution d’Haïti à la francophonie se chiffre à 6 milliards 200 millions de gourdes, soit 155 millions $ US. Ce cadeau du gouvernement haïtien, consacré essentiellement à l’enseignement de la langue française en Haïti, représente seulement 10% des sommes allouées par Haïti à l’école française. Ironiquement, aucune somme d’argent n’a été votée dans le budget de 2006-2007 pour la langue créole. Rappelons qu’il y a seulement 10% d’haïtianophones qui peuvent s’exprimer correctement en français. Si l’on ajoute à cette somme les 90% que les parents haïtiens déboursent au secteur privé de l’enseignement pour la scolarisation de leurs enfants, on peut affirmer qu’Haïti consacre annuellement 1 milliard 555 millions de $ US à l’école française. Alors que le budget total de l’Organisation internationale de la Francophonie, financé à 80% par la France, ne dépasse pas 170 millions de $ US. Lorsqu’on divise le budget de l’OIF par les 68 États membres, la part de ce montant que l’organisation consacre à la promotion de la langue française en Haïti et au fonctionnement de son ambassade dans ce pays se chiffre à moins de 3 millions de $ US. Ceci dit, la République d’Haïti constitue une vraie aubaine pour la francophonie, car, malgré sa grande pauvreté, elle dépense 1 milliard 555 millions de $ US pour ses 10% d’haïtianophones qui font l’usage de langue française sans rien réclamer comme compensation à la France et au Québec en particulier et à des individus qui bénéficient cette manne.

QUE PEUT-ON TIRER DE CETTE LEçON D'INJUSTICE?

Pour répéter les professeurs Roger Gaillard et Pradel Pompilus, comme État indépendant, l’adhésion de la République d’Haïti à l’Organisation internationale de la Francophonie est un acte purement volontaire. Elle peut se retirer ou d’y rester au gré de ses intérêts. Toutefois, l’expérience d’Haïti au sein de l’organisation de la Francophonie pourrait-elle constituer une source d’inspiration à la création d’une organisation mondiale de l’haïtianophonie, car la langue haïtienne compte actuellement plus de 13 millions de locuteurs et occupe la 4e place en Amériques après l’espagnol, l’anglais et le portugais. Depuis septembre 1979, la langue haïtienne est dotée d’une orthographe officielle reconnue et utilisée à travers le monde.

Par le professeur Prophète G. Joseph.
josephprof@hotmail.com