juin 17, 2007

UN JURISTE SE SOUCIE DE SON ORDRE PROFESSIONNEL

Me Aviol Fleurant écrit au bâtonnier Gervais Charles


Monsieur le bâtonnier,

Les civilités confraternelles requièrent d'entrée de jeu que je vous adresse mes félicitations les plus vives en raison de votre accession à la prestigieuse fonction de bâtonnier de l'ordre des Avocats du barreau de Port-au-Prince, ce, aux termes d'un scrutin qui semblait diviser deux groupes d'hommes de loi ; les premiers se réclamant d'une école dite ancienne, conservatrice des moeurs et coutumes dites saines de l'ordre, les seconds se réclamant d'un courant de pensée plus libertin, admettant plutôt - comparativement aux premiers - que la déférence ne se fait pas à l'ancienneté caractérisée par les cheveux blanchis, ni par la barbe fleurie, mais aux valeurs qui enrobent l'homme de l'art qu'il soit jeune ou vieux, riche ou pauvre, aisé ou humble. En fait, de ces deux courants de pensée se dégagent des enjeux dont l'ignorance ou la règle à l'arrière-plan pourra, loin de compromettre votre mandat, diviser à jamais cette corporation si noble, cet ordre réputé pour son prestige et pour les lumières qu'il a su apporter à la république lorsque celle-ci a été le théâtre de crises politiques et sociales les plus ardues. C'est juste pour attirer votre attention sur ces enjeux qu'il m'échet le privilège de vous adresser cette lettre et vous faire part de ce qui suit :

I.LE BATONNIER ELU DEVRA TENIR COMPTE DES VALEURS AUXQUELLES L'ORDRE A SU S'ASSOCIER DEPUIS SON EXISTENCE.

L'une des plus grandes figures que le barreau de Port-au-Prince n'ait jamais connues, Me Jean VANDAL, semblait insinuer dans le cadre de sa déclaration de candidature : "Reviendra-t-il ce temps où l'Avocat, plein de vertus et de qualités, pétri par un stage ardu de deux années, faisait montre d'éloquence, de probité, d'éthique, de déférence envers la société dont il est la lumière incarnée ?". De plus, en d'autres termes, insistait-il « reviendra-t-il ce temps où la corporation, rayonnant de sagesse, de noblesse et de vertus, fleurissait en toutes les saisons et offrait à l'ordre les senteurs d'un printemps éternel d'où le commun des mortels comme le personnage distingué s'inspirait pour modeler son comportement et ses agissements au sein de la société ?". Dois-je vous dire, Monsieur le bâtonnier élu, que ce discours de Me VANDAL a suscité la nostalgie de plus d'un aîné et plus d'un jeune Avocat, parmi les plus avisés, aurait bien aimé que le Barreau d'aujourd'hui épouse les couleurs de cet âge d'or de l'histoire de la basoche.

Cependant, j'ai pu comprendre que par ce discours votre compétiteur aux élections d'hier a voulu dire que le barreau d'aujourd'hui va à contre courant des valeurs qui caractérisaient notre ordre. On dirait que les propos qu'il a tenus traduisent fidèlement les amères déceptions d'une classe d'Avocats, tous, abattus, en raison de la déperdition de certaines vertus sur lesquelles reposait le prestigieux ordre de Port-au-Prince. Je ne veux pas croire qu'il ait voulu dire que les conseils élus il y a dix à quinze ans à la tête de l'ordre sont à l'origine de cette abominable licence des moeurs. J'estime qu'il a voulu esquisser un tableau reflétant la fâcheuse réalité d'un ordre qui se cherche en plein midi de la division et qui se perd dans la nuit des idéaux occultés. Le constat, parait-il, Monsieur le bâtonnier élu, semble lui donner raison. Que de principes n'ont été donc sacrifiés sur l'autel d'un fanatisme aveugle ou d'une politique contraire aux normes régissant le fonctionnement de l'ordre ! Que d'avocats stagiaires, non encore pétris des vertus du prétoire, n'ont été bénéficiaires d'une réduction de stage tandis qu'ils n'avaient pas encore dix mois de pratique à leur actif ! Je me rappelle que Me Joseph Rigaud DUPLAN, bâtonnier en 2002, au constat de nombre de causes plaidées et gagnées aux assisses criminelles d'été de la même année par un stagiaire d'alors du nom de Aviol FLEURANT, eut à dire : « Aussi brillant qu'il puisse paraître et aussi prometteur que puisse s'avérer son avenir d'homme de l'art cela n'autorise pas le Conseil de l'ordre à lui accorder une réduction de stage avant qu'il n'ait au moins un an de pratique prétorienne assidue à son actif. Il y va du renom de l'ordre, avait-il poursuivi ».

Dois-je vous avouer, Monsieur le bâtonnier élu, que le discours de Me VANDAL a su traverser les esprits et les coeurs et y jeter une semence susceptible de faire naître une prise de conscience quant à la sauvegarde aussi bien de certains principes que de l'éthique au sein de la famille des Avocats. En effet, l'état de lieux ne semble pas accuser des résultats satisfaisants, le tableau parait sombre, les querelles et déchirures que la corporation a connues pendant ces quatre dernières années sont des signes indéfectibles qui annoncent que quelque chose va mal au sein de notre grande famille. Comment comprendre, en effet, que parmi nous des propos irrespectueux frisant l'indécence ont pu certaines fois traverser les frontières des lèvres jusqu'à polluer les oreilles et les esprits ? Comment admettre qu'au cours des élections sanctionnées par la Cour de cassation que jeunes et vieux ont failli s'en venir aux mains, pardon, s'en venaient aux mains ? Et le silence du Conseil, face à ces dérives, a été si éloquent qu'on osait le qualifier de « silence avaliseur de comportement tumultueux ». Reviendra-t-il donc ce temps, pour paraphraser Me VANDAL, où le respect de l'autre a été un principe cardinal, indéfectible et immuable.

Monsieur le bâtonnier,


Je ne crois pas donner l'impression de placer les derniers Conseils élus à la tête de l'ordre sur le banc de l'accusation. Non. D'ailleurs, votre Conseil, disiez-vous lors de votre déclaration de candidature, a reçu les honneurs venant de certaines Institutions nationales et internationales de droits de l'homme. Car, l'apport des avocats stagiaires se voulut très considérable dans le désengorgement de la prison civile de Port-au-Prince et dans la lutte contre la détention préventive prolongée. Aussi, reconnaît-on que l'école du barreau renaît depuis votre premier mandat et fonctionne aujourd'hui tant bien que mal sous l'obédience d'Avocats dynamiques et dévoués comme Camille FIEVRE, Frantz Gabriel NERETTE, Stanley GASTON, etc. Et contrairement à certains de vos prédécesseurs, vous avez toujours su, Monsieur le bâtonnier élu, disposer d'un programme, d'une politique à mettre en oeuvre. Je ne crois pas vous faire un procès. Non. Je vous demande uniquement de tenir compte des critiques vraisemblablement fondées de certains de vos adversaires. Car, tous, on cultive l'intérêt de voir l'ordre rayonner des mille et une couleurs d'un passé glorieux que d'ailleurs je regrette n'avoir pas connu. Je suis sans doute venu trop tard dans un monde trop vieux...

Aussi, Monsieur le bâtonnier élu, devriez-vous, comprendre ce qui suit :

II.LE BATONNIER ÉLU DEVRA PRONER L'UNITÉ AU SEIN DE LA NOBLE FAMILLE DES AVOCATS.

L'honnêteté commande que l'héritier du trône de Me Gérard GOURGUE reconnaisse accéder à la tête d'un barreau plus que divisé. Il ne s'agit pas de la division classique en deux écoles de pensée, comme mentionné plus haut. Il s'agit d'une seconde division résultant des feux d'un torchon qui brûle depuis près de quatre ans entre aînés et jeunes Avocats, entre Avocats dits de haute facture et Avocats nés, dit-on, de dernière pluie, bref, autant de qualificatifs susceptibles d'établir une malheureuse distinction au sein de la profession la plus noble de tous les temps.

Franchement, je n'en croyais absolument pas mes oreilles lorsque j'ai entendu dire des Avocats stagiaires qu'un groupe d'Avocats se disant aristocrates s'opposent à l'intégration des « pitit soyèt » dans la corporation. J'étais comme perdu puisque je ne connais d'aristocratie et de noblesse que dans l'expression de la dignité et de la probité dont fait toujours montre le bon professionnel. Je ne connais, dis-je, de richesse que dans l'exercice de la vertu, de la déontologie et de l'éthique. Je m'acharnais alors à rechercher l'éventuelle véracité de telles allégations et c'est alors que j'ai constaté que les avocats qui se réclament de « pitit soyèt » sont de ceux-là qui ont pu bénéficier d'une réduction de stage encore qu'ils n'aient eu à leur actif que huit à dix pauvres mois de pratique de prétoire. J'ai pu comprendre qu'il y aurait quelque part une certaine altération de l'idée attribuée aux Avocats, dit-on, aristocrates.

En fait, j'ai pu comprendre que ces derniers ont été traités de tous les maux parce que, à raison, ils ont remis en question une réduction de stage faite en marge du décret régissant la profession d'Avocats. J'ai pu alors déduire que la campagne précédant les élections à la prestigieuse fonction de bâtonnier s'articulait autour de viles manœuvres politiciennes où d'un coté on aurait accusé les avocats issus du stage de « petits immatures » non autorisés à voter, où de l'autre coté certains prétendants à la fonction de bâtonnier auraient à tort fait croire aux jeunes qu'ils ne sont pas les bienvenus dans la corporation à cause de leur origine sociale. O mortelles douleurs ! A-t-on réellement prononcé de tels propos à l'endroit des stagiaires ou du moins a-t-on prêté au camp adverse de telles vilénies juste pour camper l'autre comme l'ennemi des stagiaires et s'approprier par voie de conséquence le vote de ces derniers ? Pourquoi un tel brandon de discorde entre les Avocats ? Serait-ce aux fins électorales ?

Monsieur le bâtonnier,

Je me permets de vous écrire en raison du fait qu'on reconnaît en vous un défenseur des droits des Avocats stagiaires, un diplomate de carrière, qui a intérêt à ce que l'Unité règne au sein de notre famille. Ainsi, vous prierais-je de vous camper en unificateur pour que puissent se taire tant d'allégations malhonnêtes attribuées à tort à des figures qui réclament la culture des valeurs cardinales et traditionnelles d'un barreau prestigieux. Je n'ai pas d'objection à ce que fleurissent dans le respect deux courants de pensée, l'un se rapportant à l'école dite « ancienne » et l'autre à la nouvelle école. Au contraire, ramener les débats sur les aspects positifs que recèle chaque courant de pensée fera du bien à notre barreau puisque cela s'inscrit dans la recherche d'idées et valeurs nobles, comme guide de la profession d'Avocats. De plus ai-je compris qu'il faudra inventorier les idées-forces véhiculées par les deux écoles de pensée. Car, si je comprends bien Me Carol CHALMERS, l'un des adeptes de l'ancienne école, la vraie valeur du barreau réside dans la préséance à accorder aux aînés, donc aux sages, en ce qui concerne notamment les interventions de l'Avocat à la radio ou à la télé. Aussi, ai-je compris que l'ancienne école requiert l'immutabilité des valeurs dites cardinales de l'ordre en ce sens que les dossiers du client ne doivent être traités qu'au tribunal et non sous les projecteurs de la presse en dehors du temple de Thémis.

Donc, autant de règles, estimé-je, morales et bonnes que Me Jean VANDAL, leader de l'ancienne école, rétablirait s'il accédait à la fonction de bâtonnier. Autant de règles vous invité-je à rétablir puisqu'elles sont susceptibles de présenter une image sereine et réservée de l'Avocat. En revanche, il n'y a pas lieu de dire que la nouvelle école ne s'accroche qu'à une mauvaise licence des mœurs. Les aînés n'ont pas la science infuse et ne peuvent être que les seuls à intervenir sur un sujet donné. J'estime que c'est la spécialité de l'homme de loi qui devra l'habiliter à prendre la parole. Et loin de croire que l'Avocat ne parle qu'au tribunal, ce dernier est un homme public, appelé à éclairer la société sur un sujet donné pourvu qu'il en ait la compétence requise et pourvu qu'il ne s'agisse pas d'un dossier dont il a la charge sur le plan professionnel. Car, si l'Avocat, qu'il soit jeune ou vieux, n'éclaire pas la société sur les grands sujets de société notamment en matière de droits de la personne, science nouvelle, que de torts n'aura-t-on pas commis à la république pour la laisser sombrer dans la noirceur.

En somme, Monsieur le bâtonnier, par cette lettre ouverte, je me fais le devoir de vous exposer les grands problèmes de l'ordre pour que, ensemble, en assemblée générale des Avocats, on essaye de concilier l'ordre et la raison, de réconcilier les Avocats, de rétablir les valeurs cardinales de l'ordre, de réviser les règlements intérieurs du barreau, d'y insérer certains principes susceptibles de promouvoir l'éthique. Aussi, devrez-vous, Me CHARLES, sans délai débattre de ces questions pour donner une nouvelle orientation à l'ordre. S'agissant du Conseil de discipline, il devra faire preuve d'impartialité et de non clémence. Il devra faire injonction à tout Avocat épousant paradoxalement le statut de commerçant de s'en défaire immédiatement pour le bonheur de l'ordre. Il devra respecter le droit de tous à la présomption d'innocence sans donner l'impression d'accorder de brevet d'impunité aux amis, aux avocats relevant du Cabinet des privilégiés. Il sera également de bon ton que vous associez les aînés à l'école du barreau. Plus de réduction de stage enfin pas avant dix-huit mois de pratique de prétoire. Espérant, Monsieur le bâtonnier élu, que ces données sauront vous être utiles et vous guider dans l'exercice de votre mandat je vous prie de croire en l'expression de mes salutations les meilleures.


Aviol FLEURANT, Avocat.

PLAIDOYER EN FAVEUR DES ENFANTS DES RUES...

Le juriste haitien est fier de publier dans ses colonnes les propos de Me Marie Madelaine Pierre Paul qui a fait un vibrant plaidoyer en faveur de la protection des droits enfants dans notre société. C'est à la fois un cri d'alerte et un cri du coeur d'une mère de famille qui se sente interpellée par la souffrance des enfants de rues. Si en Haiti on traite les enfants comme des parias on ne les offre pas suffisamment d'encadrements. Par contre en occident, les autorités concernées mettent en place des structures pour protéger les droits des enfants contre toute forme d'abus et d'injustice. Il est vrai qu'il existe des lois pour assurer leur protection, mais le manque de volonté politique crée un obstacle majeur à la mise en application de ces lois. Les moyens sont très limités et les spécialistes des sciences humaines sont dépourvus de ressources pour pouvoir intervenir ou pour offrir un meilleur encadrement aux jeunes de ce pays. Il est inconcevable de constater que les enfants grossir les rues de la capitale avec des substances illicites qui détruisent leur état psychique. Les enfants des rues ne sont pas souvent des délinquants, mais ils le deviennent par manque de support des dirigeants politiques qui n'accordent pas de priorité à leur souffrance. Il est important de pencher sur ce problème si on veut résoudre le phénomène de la délinquance et la criminalité dans ce pays. Lisez le texte qui suit ... JM Mondésir

Plaidoyer pour une amélioration des conditions de vie des enfants des rues
Au moment où l'on vient de fêter le jour national de l'enfant (2e dimanche du mois de Juin/cf. Le Moniteur No 55, Jeudi 23 juin 1960), nous considérons qu'il est utile en tant qu'haïtien de pousser un cri d'alarme à l'endroit des autorités gouvernementales et des élites de notre pays en vue de protéger les enfants des rues.

Il y a de cela trois semaines, nous avons rencontré Wilfrid dans l'aire du Champ de Mars, il nous a raconté l'histoire de sa vie dans la rue plus spécialement dans cette zone.
Wilfrid, maigre, sale, pieds nus, accoutré d'une culotte et d'une chemise usées un peu trop grandes pour lui, a onze (11) ans. La rue constitue pour lui son domaine principal de survie. Une bonne douche avec du savon lui ferait du bien nous disait-il ? Mais, sa douche, c'est l'eau des égouts ou de la mer (Bicentenaire). Ces problèmes les plus importants sont la faim, la soif, un abri, la peur d'être frappé ou tué par la police ou par des collègues plus âgés que lui. La plaie qu'il porte à la cheville gauche a toutes les chances de s'aggraver davantage par manque de soins.
En dépit de sa situation, il n'est pas triste, car, nous disait-il, contre l'angoisse et la tristesse, j'ai mes copains, mieux encore, mon sac en plastique contenant de la colle qui libère assez de vapeurs de dissolvants enivrants pouvant me changer la vie. Et, en cas de besoin, il suffit de plaquer l'ouverture du sac sur mon nez pour me trouver dans un monde imaginaire de bonheur, loin de cet environnement infernal où je me suis trouvé. Moi, nous disait-il d'un air souriant, je n'aime pas le bruit et quand mes copains font du tapage ou courent après les gens en voiture, je m'éloigne d'eux pour revenir un peu plus tard.
Ayant perdu ses parents, Wilfrid n'a eu aucun secours sauf la rue qui l'accueille avec tous les maux qui en découlent. Pour survivre, il essuie les voitures avec un morceau de tissu ou raconter l'histoire de sa vie aux passants de bonne volonté. N'ayant jamais fréquenté l'école, cet enfant deviendra plus tard un parent analphabète qui, à son tour, élèvera ses enfants dans la pauvreté, la misère et l'analphabétisme.
L'histoire de Wilfrid est des moins dramatiques parmi celles des enfants et des familles définitivement pris au piège infernal de la pauvreté, de la misère et de l'exclusion sociale. En effet, des enfants comme lui se comptent par milliers, orphelins ou abandonnés à cause de la pauvreté et de l'indigence croissante de leurs parents ; ils gagnent les rues en quête du pain quotidien. Errant à travers le pays et particulièrement dans l'aire métropolitaine comme : Portail Léogâne, bas de la Rue Pavée, Portail St-Joseph, carrefour de l'aviation, carrefour de l'aéroport, aux différentes gares routières, aux abords des marchés et des places publiques, aux différentes zones commerciales et pis est, on rencontre des fillettes plus spécialement dans la zone de Delmas 31, 33, près de la Télévision Nationale d'Haïti (TNH).

Privés des vraies joies de l'enfance et de l'adolescence, ces enfants sont confrontés à toutes sortes de difficultés et se trouvent dans l'impossibilité de subvenir aux besoins élémentaires. Livrés à eux-mêmes, ils offrent alors leurs services par : lavage de voitures, essuyage des pare-brise ou port de bagages. Souvent, certains terminent la journée par la mendicité et les larcins. Ils végètent dans la détresse et trompent leur souffrance par la fuite dans l'imaginaire au moyen de comportements souvent autodestructeurs. Voulant vivre malgré tout, ils se forgent, dans la rue, une existence dangereuse et dans l'ignorance. Sans toit, ni droits, ils se donnent une socialisation et une culture de rue en marge de toutes les normes de la société qui les rejette. Acculés à la misère et à la faim, ces enfants sont la proie de toutes sortes de maladies, d'abus, d'exploitation, de violences physiques ou psychiques et, les fillettes elles-mêmes sont victimes de viol, de grossesses précoces, d'abus sexuels par les adultes mâles à la recherche de chair juvénile.

Pourtant, Haïti est signataire de nombreux textes fondamentaux afférents aux droits de l'homme de manière générale et aux droits de l'enfant en particulier, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 (cf. Le Moniteur No 59, Jeudi 31 juillet 1997). Cette Convention oblige tout État-parti à prendre des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger tous les enfants sans distinction aucune contre l'usage illicite de stupéfiants, toute forme de discrimination, d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle, et interdire la vente ou même la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit.

En outre, tenant compte des conditions précaires dans lesquelles vivent les enfants des rues, il incombe à l'État Haïtien de leur accorder une attention toute particulière.

Déjà, au XIXe siècle, sous le gouvernement de Florvil Hyppolite la police savait organiser des rafles pour ramasser « les petits voyous du bord de la mer environ une dizaine » en vue de les mettre dans une maison de rééducation et de réinsertion sociale dénommée à l'époque la Maison des Arts et Métiers. (cf. Loi d'Octobre 1893 Transformant la Maison Centrale en Institution d'Éducation Correctionnelle pour Enfance Vicieuse ou Abandonnée). Cette Maison, dépendant de l'Instruction publique, était destinée à recevoir les enfants délinquants, ceux qui étaient abandonnés à eux-mêmes et ceux qui témoignaient d'inclinations vicieuses ou de mœurs répréhensibles. De par cette loi, le législateur a voulu faire de ces enfants des ouvriers habiles, honnêtes tout en les initiant à l'organisation de l'industrie moderne et en leur donnant une instruction appropriée à leurs besoins. Aujourd'hui, force est de reconnaître qu'il n'y a aucun vrai centre public devant accueillir ces enfants au point où ils se transforment en gangs.

De même, l'article 16 du décret-loi du 13 octobre 1937 sur la protection culturelle de la jeunesse stipule : « Toute personne responsable d'un enfant qui, huit (8) jours après la rentrée des classes, se sera abstenue, sans motifs légitimes, de l'envoyer à l'école ou de lui donner un instituteur privé, sera déférée par le Directeur de l'école de la zone où elle habite par devant un Juge de Paix qui la condamnera la première fois à une amende de 10 gourdes.» Cet article, renforcé par l'alinéa 1 de l'article 32 de la Constitution de 1987, incombe la responsabilité de l'éducation à la charge de l'État et des Collectivités territoriales qui doivent mettre l'école gratuitement à la portée de tous sans distinction aucune. Continuer >


Victimes de nombreux préjugés au sein d'une société où l'individualisme égoïste règne en maître, les adultes (élites), loin de protéger ces enfants, les accablent de préférence de toutes sortes d'épithètes : petits délinquants, va-nu-pieds, voleurs, parias, ti kokorat, ti chimè, etc....Ces derniers, en revanche, créent leur propre environnement et pis est, ils ont leur propre langage, leur code, leur organisation (base) et vivent principalement de vols, de cambriolages et d'agressions. Nous savons tous que lorsqu'un enfant se trouve en danger de perdition, l'État devrait mobiliser toutes ses ressources pour le resocialiser, le réinsérer ; car, un enfant sauvé est une victoire sur la délinquance, l'acquisition d'un citoyen honnête, utile, la production d'un futur parent responsable.

Par ailleurs, la loi du 25 février 1958 créant l'Institut Haïtien du Bien-être Social et de Recherches (cf. Le Moniteur No 29, Vendredi 28 février 1958) a pour but de protéger et de surveiller la jeunesse haïtienne. De par cette loi, l'obligation est faite à l'État d'assurer à tout Haïtien sans distinction un niveau de vie suffisant garantissant sa santé, son bien-être et ceux de sa famille. En outre, une protection toute particulière est accordée à la famille, à la femme, à l'enfant, au vieillard et à l'infirme. Mais il semble qu'aujourd'hui cette institution ne remplisse point la mission pour laquelle elle avait été créée dans la mesure où le nombre des enfants des rues ne fait qu'augmenter manifestant ainsi la tendance à s'ériger en un vrai défi social.

Aujourd'hui, le phénomène des enfants des rues est devenu un fait sociétal, l'ampleur de ce phénomène ne peut pas être laissée entre des mains charitables ; au contraire, elle devrait nous interpeller tous parce qu'il s'agit d'un grave problème moral, une forme de violence infligée par les plus forts aux plus faibles, violence à laquelle nous avons contribué de par notre irresponsabilité, notre égoïsme, notre lutte incessante pour le pouvoir, etc. Si dans une société, les droits collectifs des enfants ne sont pas garantis on ne peut pas parler de respect des droits de l'enfant voire des droits de l'homme ni fêter le Jour National de l'Enfant, car le respect des droits des enfants commence par le traitement que leur réserve l'État et la société.
Parallèlement, la Loi du 2 Juin 1960 dénommant le deuxième dimanche « Jour de l'Enfant » que nous venons de fêter fait de l'enfant le futur gardien du patrimoine national qui est appelé à défendre, honorer et travailler à la grandeur de la Patrie ; à ce titre, l'enfant doit être protégé et avoir droit à l'attention des pouvoirs publics. L'enfant des rues est-il concerné par cette Loi ?
En ce début du siècle, la pauvreté de ces enfants exploités ne peut plus être considérée systématiquement comme un fait individuel ; elle doit être relevée de préférence du domaine politique et social. Cette tragédie est si surprenante, ses causes si multiples que l'on pourrait, par accoutumance, être tenté de la considérer comme un simple maillon de la chaîne des paradoxes spectaculaires de l'histoire de notre pays.
A n'en pas douter, il ne peut pas y avoir de progrès économique et social durable dans le pays si nous continuons à ignorer ces enfants qui ont le plus besoin d'aide c'est-à-dire, les plus pauvres, les plus vulnérables, les plus exploités, oubliés et maltraités. Pourtant, ces enfants sont visibles dans le pays ; ils s'organisent en gangs et ils nous interdisent même de fréquenter certaines zones réputées zones dangereuses ; en ce sens, ils nous avilissent et nous mettent face à nos devoirs et nos responsabilités.
Voilà en quoi le phénomène des enfants des rues nous semble particulièrement inquiétant pour le devenir de la nation et pourquoi le rôle des autorités gouvernementales est essentiel si l'on veut vraiment résoudre le problème et non en vivre.
Tenant compte des conditions inhumaines dans lesquelles évoluent les enfants des rues, nous n'estimons pas superflu de faire aux instances concernées, particulièrement les autorités gouvernementales, les suggestions ci-après :

- dépouiller le système de défense sociale du pays de toute abstraction juridique pour en faire, à l'instar de la médecine, un régime expérimental qui considérera l'enfant des rues non pas comme un paria condamné au crime par la nature, mais comme un membre de la société afin de dégager les causes de son anti-sociabilité. Car le problème du banditisme enregistré chez les enfants des rues doit être abordé tant au niveau social et économique qu'au niveau politique et juridique, parce que la situation tend à devenir incontrôlable et concerne toutes les forces vives de la nation, en particulier les autorités gouvernementales qui doivent « dépoussiérer », c'est-à-dire reprendre et actualiser les textes de lois relatifs aux bonnes mœurs et aux valeurs culturelles.
- A ce compte, le décret-loi du 20 mai 1940 portant sur les loisirs culturels des mineurs, le décret du 31 mars 1980 sur la presse, en particulier l'article 27 stipule : « il est interdit de diffuser des chroniques et des articles tendant à l'apologie, par voie de presse, des actes qualifiés crimes ou délits, ou de nature à inciter la jeunesse et l'enfance à la débauche et à la corruption, ou à encourager le trafic et l'usage de stupéfiants sous peine d'une amende de cinq cents (500) à mille (1.000) gourdes ou d'un emprisonnement de un (1) à trois (3) mois avec la saisie et la destruction des publications » doivent être actualisés et introduits vigoureusement dans les écoles, les tribunaux, les églises et autres et, vulgarisés dans tout le pays à travers les médias ;
- accorder une aide appropriée aux familles nécessiteuses du pays par la création d'institutions d'encadrement familial comme l'Institut du Bien-être Social et de Recherches dans les différentes régions du pays en conformité aux prescrits de la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 afin d'éviter la dislocation familiale ;
- actualiser et mettre en vigueur le décret du 3 décembre 1973 régissant le statut des mineurs dans les maisons d'enfants en conformité aux alinéas 1 et 2 de l'article 20 de la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 stipulant :
• Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial a droit à une protection et une aide spéciales de l'État.
• Les États-partis prévoient pour cet enfant une protection de remplacement ;
. Créer des tribunaux pour enfants en conformité au décret du 20 novembre 1961 à travers les dix (10) départements géographiques du pays en vue d'arriver véritablement à protéger, encadrer et assister les enfants en conflits avec la loi ;

. Instaurer des centres de rééducation et de réinsertion sociale dans tout le pays où l'accent sera mis sur des figures d'identification stables qui se substitueront aux figures parentales manquantes ou déficientes. Les suggestions produites ne sont pas de nature à clore le débat qui, de toute façon, reste encore ouvert, mais, il nous a paru opportun de les faire, compte tenu de l'ampleur du phénomène des enfants des rues et des violations quotidiennes et continues de leurs droits.

Me Marie Madeleine PIERRE-NOËL

LA JUSTICE AMÉRICAINE PUNIT CELUI QUI FAIT OBSTRUCTION À LA JUSTICE...

Le bras de la justice s'est abattu sur Lewis Libby

«On vient de l'apprendre : Lewis Libby, ancien chef de cabinet de Richard Cheney, vice-président américain, a été condamné à 30 mois de prison, pour avoir menti et fait obstruction à la justice dans l'affaire Valérie Plame, agent de la CIA dont l'identité avait été révélée dans la presse, ce qui est un délit». Titre RFI, mardi 5 juin 2007, 11 h am.

L'ambassadeur Joseph Wilson menant campagne contre la guerre en Irak est le mari de Valérie Plame . Joe Wilson avait publiquement mis en cause l'existence de l'arsenal nucléaire irakien dénoncée par George Bush. Prenant le contre-pied des affirmations du président. Pour se venger de ses prises de position pacifistes, Lewis Libby décide d'organiser des fuites dans la presse, en dévoilant l'identité et la fonction de Mme Joseph Wilson.

Richard Armitage, adjoint de Colin Powell au Département d'État confessa au début de septembre 2006 qu'il s'était dénoncé à la justice comme l'auteur de la révélation de l'identité de Valérie Plame au «Washington Post» mais le procureur l'avait dissuadé d'en parler en public. «Gardez le silence !», lui conseilla le procureur. «J'ai commis une terrible erreur» ou encore : «C'est une terrible erreur de ma part», admit Armitage. Une dénonciation involontaire suivie d'un remords de conscience, qui n'aura pas de conséquences judiciaires pour l'ancien numéro deux du Département d'État. Puisque l'étau de la justice se refermera sur Lewis Libby. L'inculpation a été maintenue. Chefs d'accusation : mensonges et obstruction (obstacle) à la justice. Il encourait une peine de 30 ans de privation de liberté.

Le verdict est tombé en milieu de journée du mardi 5 juin : 30 mois d'emprisonnement. Le Tribunal a fait montre de clémence à son endroit. Sans minimiser les tours de prodiges employés par son conseil de défense. Le travail des avocats de l'accusé est pour beaucoup dans le dénouement, disons heureux. Malgré tout, que va faire le condamné ? Acceptera-t-il la décision ? Ou relèvera-t-il appel ? Et y a-t-il intérêt ? Courant le risque de voir la Cour d'Appel majorer la peine. On s'achemine vers inéluctable : Lewis «Scooter» Libby, hier encore tout-puissant conseiller du vice-président américain, devra purger sa peine. Quand on a commis un crime fédéral (comme pour toute infraction d'ailleurs), la justice américaine ne badine pas.

Lewis Libby touche en un rien de temps le fonds. Couvert de déshonneur. Quant à Valérie Palme, le «secret service» c'est fini, n'étant plus bonne pour le service dès lors que le grand public apprenait son identité et sa fonction. Les agents ont droit à la protection de leur identité, pour avoir enfreint cette règle Lewis Libby va devoir réfléchir à l'ombre. Pendant deux ans et demi.



Jean-Claude Boyer
5 juin 2007

POUR UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION E LA MISSION DU MISTÈRE DES CULTES

Le Ministère des Cultes et sa Mission


Le 30 mai 1924 fut promulguée la première loi portant création des Départements Ministériels dont celui des Cultes (réf. Le Moniteur # 44). Cette loi pourrait être considérée comme l'acte de naissance de l'Institution étatique appelée à réglementer le fonctionnement des cultes sur le territoire national.
Le 10 décembre de la même année sous la présidence de Louis Borno,
un arrêté a fixé les attributions du sous-secrétaire d'État aux Cultes
(Le Moniteur # 98).
Le 10 septembre 1941, sous le Gouvernement d'Elie Lescot, un arrêté renforce les attributions du Secrétaire d'État aux cultes (réf. Le Moniteur # 76)
Le 29 décembre de la même année un décret-loi abroge l'arrêté du 10 septembre tout en gardant son esprit. (réf. Le Moniteur # 1 A).
Le 16 juin 1971, sous la Présidence de Jean-Claude Duvalier, une loi relative aux rapports entre l'État haïtien et les cultes réformés fut votée (réf. Le Moniteur # 52)
Le 18 octobre 1978, un décret fait obligation aux cultes reformés d'intégrer leur action dans le cadre de la philosophie sociale prônée par le Gouvernement de la République (réf. Le Moniteur # 78)
Le 5 août 1987, sous le règne du Conseil National du Gouvernement, présidé par le Général Henry Namphy, un décret organisant le Ministère des Cultes sur des bases rationnelles fut publié (réf. Le Moniteur # 76). Considéré comme la loi organique accordant une identité propre au Ministère des Cultes, cette loi aux termes de ses dispositions abrogatives érige le Ministère des Cultes comme un Ministère à part entière, indépendant de tous autres.


En faisant un peu de réminiscence, il serait intéressant de faire remarquer que sous le Gouvernement de Sudre Dartiguenave, les Cultes étaient rattachés au Ministère de la Justice; du Gouvernement de Lescot à celui de Dumarsais Estimé, les cultes étaient placés sous la tutelle du Ministère de l'Education Nationale ; de 1965 au décret du 5 août 1987, les cultes dépendaient du Ministère des Affaires étrangères. Depuis le 5 août 1987 le Ministère des Cultes tout en étant indépendant est placé sous la direction d'un seul Ministre responsable des Ministères des Affaires étrangères et des Cultes.
Le rôle et les attributions du Ministère des Cultes sont clairement définis selon le vœu de l'article premier de la loi organique d'août 1987 ; le Ministère des Cultes a pour attribution de veiller à l'exécution des conditions, concordats et accords particuliers signés par le Gouvernement avec les églises ou toutes autres religions établies sur le territoire national. II veille aussi à l'exécution des lois relatives au libre exercice des divers cultes religieux.

Dans ce cadre, le Ministère des Cultes déploie un effort de dépassement pour rendre harmonieux les rapports des divers cultes fonctionnant sur le territoire national de manière systématique fournit plusieurs services publics aux contribuables tels que :
- l'assermentation des Ministres religieux ;
- la reconnaissance accordée aux instituts théologiques et aux écoles publiques ;
- l'autorisation de fonctionnement octroyée aux divers cultes, religions, églises et missions établis ou voulant s'établir en Haïti;
- la légalisation des certificats de présentation au temple, de baptême, de mariage ; des attestations d'études théologiques et des relevés de notes;

- les permis de séjour délivrés aux missionnaires étrangers ;
- les franchises accordées aux divers cultes, églises, missions etc.,
- la gestion des conflits éclatés au sein de la communauté religieuse en
Haïti; Pour ne citer que ceux-là.

En outre, le Ministère des Cultes encourage le développement d'une dynamique sociale au sein des diverses confessions religieuses qui prolifèrent dans la société haïtienne par la réalisation de projets à caractère économique et social (Écoles professionnelles, orphelinats et autres,
Le Ministère des Cultes toujours dans le cadre de la dynamique sociale, a élaboré un avant-projet de loi visant à élargir le cadre de fonctionnement de tous les cultes évoluant en Haïti, dans une perspective de déconcentration de ses services et la création d'un organe d'intervention nouveau. La caisse de solidarité pour le financement des équipements des œuvres sociales et économiques du Secteur Religieux qui fonctionnera en partenariat -Secteur Public- Secteur Religieux sans exclusion.
Actuellement le Ministère des Cultes gère la statut de 704 Archevêques, Évêques et Prêtres repartis dans les 9 Diocèses et plus de 4000 pasteurs de toutes les confessions représentées dans le pays,
Les rapports entre l'État Haïtien et l'Église Catholique sont régis par le concordat signé entre l'État du Vatican et l'État Haïtien en 1860.

COMMISSION MIXTE ETAT HAITIEN/EGLISE CATHOLIQUE
ORDRE DU JOUR DE LA RENCONTRE DU 8 MARS 2007
MINISTÈRE DES AFFAIRES ETRANGÈRES ET DES CULTES

DE 10 :00 AM A 3 :00 PM
1.- Propos D'ouverture (3 minutes)
Par le Ministre des Cultes, Son Excellence M. le Dr Jean Renald CLERISME.
2.- Prière d'ouverture (3 minutes)
Par le Président de la Conférence Épiscopale, Son Excellence, Mgr Louis N. KEBREAU, SDB.
3.- Discours du Premier Ministre (7 minutes)
Par le Premier ministre, M. Jacques-Édouard ALEXIS.
4.- Adoption de l'ordre du Jour (5 minutes).
5.- Le Projet d'éducation de l'Église Catholique (30 minutes)
Présenté par le Président de la CEH, Son Excellence, Mgr. Louis M. KEBREAU, SDB. Débat par l'Assemblée / Décision
6.- Le Problème de la Migration et l'église Catholique (30 minutes).
Présenté par le Président de la Commission Épiscopale de la Migration, Son Excellence Mgr François GAYOT, SMM, Archevêque Émérite du Cap- Haïtien. Débat par l'Assemblée / Décision
7.- Le Projet de Santé de l'Église Catholique (30 minutes)
Présenté par le Vice-président de la CEH, Son Excellence, Mgr Yves Marie PEAN, CSC ou par l'Archevêque Coadjuteur de Port-au-Prince, Son Excellence, Mgr Joseph Serge MIOT. Débat par l'Assemblée / Décision
8.- Problématique des Franchises (20 minutes)
Présentée par le Secrétaire Général de la CEH, Son Excellence, Mgr Joseph LAFONTANT. Débat par l' Assemblée / Décision
PAUSE-SANTE(Déjeuner): 12:30P.M-Ol: 15 PM.
9.- Coopération (entraide) : Église Catholique / Ministère Des Cultes (30 minutes) Présentées par le Directeur Général des Cultes, Mr le Dr Louis-Antoine AUGUSTE.
a) Problématique de la prestation de serment des Prêtres
b) Création d'une Caisse de Solidarité pour le financement des œuvres sociales et économiques du Secteur Religieux.
c) Demande d'aide à des Organismes d'Église pour la mise en place des Bureaux Régionaux du Ministère des Cultes.
10.- Question d'intérêt Général (Diocèse de Nippes, rencontre Conférence Épiscopale d'Haïti et Conférence Épiscopale de la République Dominicaine, Comité de suivi de la Commission Mixte, etc.). , ".
11.- Synthèse de la Réunion de la Commission Mixte
12.- Prière de clôture.

Propos d'Introduction du Ministre des Cultes
Excellence Monsieur le Premier ministre
Excellence Monsieur le président de la Conférence Épiscopale d'Haïti
Messieurs les Ministres faisant partie de la Délégation représentant l'État Haïtien
Mesdames/Messieurs les Membres des Institutions Étatiques

Qu'il me soit permis en tant que Ministre des Cultes, avant d'avoir l'honneur et le plaisir de passer la parole à Son Excellence Monsieur le Premier ministre Jacques-Édouard Alexis qui va prononcer le discours d'ouverture de nos travaux, de saisir cette opportunité pour présenter succinctement la feuille de route de ce Ministère que nous suivons étape par étape, depuis notre installation à la tête de ce ministère.

1ère Étape

En plus de l'amélioration de la gestion journalière, un projet de loi au stade de finalisation de forme sera proposé au Conseil des Ministres pour être acheminé au Parlement. Ce projet de loi se caractérise :
- d'abord par un regroupement et un positionnement plus rationnels des services.
- et une innovation majeure : La création d'une Caisse de Solidarité pour le financement des équipements des œuvres économiques et sociales des Secteurs Religieux, point qui figure d'ailleurs dans l'Ordre du Jour, d'une part.

La réactivation de la coopération entre le Secteur Religieux Dominicain et le Secteur Religieux Haïtien pour des projets à caractère économique ou social dans la zone frontalière. Des discussions entamées au cours de cette étape, seront poursuivies avec la Conférence Épiscopale Haïtienne et le Président le Secrétaire de la Conférence Épiscopale Dominicaine.


2e Étape
Qui commence aujourd'hui. C'est la rencontre avec tous les secteurs religieux du Pays sans exclusive. Des discussions sont prévues avec le Secteur Protestant afin d'écouter les doléances et les problèmes de ce Secteur et présenter aussi les soucis du Gouvernement. Dans le but de revoir et d'actualiser le Décret-loi de 1978.
Quant au Vodou, qui a été reconnu comme religion par l'État Haïtien depuis l'Arrêté présidentiel d'avril 2003, un Bureau de Liaison et de Structuration du Vodou fonctionne déjà au sein du Ministère des Cultes. Mais le Ministère doit mettre en place un cadre légal établissant les rapports entre cette Religion et l'État Haïtien et les conditions d'exercice de cette Religion en Haïti.

Nous venons de former une Commission composée, de Professeurs, de Vodouisants, de Catholiques, de Membres des Cultes Reformés, de Médecins et de Juristes qui travaillent à la préparation d'un document établissant des concepts, des critères et des balises se rapportant à cette Religion. Ce document qui servira de base à un Avant-projet de Loi, une fois élaboré, fera l'objet de larges discussions d'abord avec les éléments représentatifs du Secteur Vodou et ensuite avec les Membres de la Société Civile.
La Mission confiée à ce Ministère par Son Excellence le Président de la République et le Premier ministre. N'est pas seulement de veiller l'exécution des Conventions, Concordats ou des Accords particuliers passés entre l'État Haïtien et les églises ou toutes religions mais aussi d'inciter et d'aider les Secteurs Religieux a utiliser leurs potentialités à côté du Gouvernement et des autres secteurs dans la lutte que nous menons contre l'ignorance et la misère, autrement dit, dans le combat pour le développement de notre Pays, dans un climat de dialogue, de concertation et de convivialité, en dépit de nos divergences diverses.

J'espère n'avoir pas trop abusé de votre patience. II est temps de calmer votre impatience en passant la parole au Premier ministre Jacques-Édouard Alexis.

PROPOS DU PREMIER MINISTRE
JACQUES-EDOUARD ALEXIS
A L 'OUVERTURE DE LA REUNION DE LA COMMISSION MIXTE
EGLISE CATHOLIQUE / ETAT HAITIEN

LE 8 MARS 2007
Excellence Monsieur le Ministre des Cultes,
Excellence Monseigneur le Président de la Conférence Épiscopale
Excellences Messieurs les Archevêques et Évêques, Membres de la Conférence Épiscopale, Messieurs les Ministres,
Messieurs les Directeurs généraux
Mesdames, Messieurs des Institutions étatiques,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,
II ne revient pas toujours au Premier ministre de procéder lui-même à des réunions des Commissions mixtes entre notre pays et ses partenaires. Je le fais volontiers aujourd'hui pour rendre l'hommage à un partenaire de longue date et qui nous est précieux soit l'Église catholique d'Haïti.
Permettez-moi toutefois Messeigneurs, il m'est particulièrement agréable d'adresser au nom du président de la République, Son Excellence Monsieur René Préval et au nom de mon Gouvernement un salut spécial à tous les membres du clergé catholique œuvrant dans les divers diocèses du pays. Que tous soient persuadés de notre appréciation du travail positif enregistré à leur actif dans le cadre de leur mission apostolique et de leur engagement au développement du pays.
Excellence, Mesdames, Messieurs,
II n'y a pas lieu de vous rappeler le rituel d'une réunion de Commission mixte. Je voudrais seulement souligner qu'elle constitue un temps d'arrêt bien nécessaire entre partenaires, un temps d'arrêt pour évaluer, revisiter, ajuster et redynamiser les ententes et les accords

Cette réunion survient incidemment au débat d'un nouveau quinquennat présidentiel et à quelques mois de la formation de mon Gouvernement. C'est donc un moment opportun pour faire le point sur certaines questions, apporter des précisions et revigorer notre partenariat.

Je me félicite du climat d'harmonie existant entre l'Épiscopat et ce Gouvernement. Je me dois de reconnaître que l'Église apporte au pays une coopération multiforme qui déborde le champ purement spirituel pour s'engager dans la gestion et la création d'œuvres à caractère social.
C'est donc avec satisfaction et reconnaissance que j'épingle à titre de simple illustration l'apport des congrégations religieuses dans la formation de nos jeunes, ce, non seulement dans les collèges bien connus de nos centres urbains, mais aussi dans les écoles presbytérales de nos communes de l'intérieur, jusque dans les chapelles de nos sections communales les plus reculées. Je salue les efforts déployés par ces dévoués éducateurs et éducatrices au prix souvent de sacrifices considérables.
Mais jugerez-vous que je suis insatiable si je demande encore à cette même Église d'aller plus avant dans la voie où elle s'est engagée depuis tant de décennies et de renforcer ses contributions ? C'est que, dans le contexte qui est le nôtre, mes responsabilités m'incombent de l'être. Pensez-vous que le taux de scolarisation de notre pays n'est que de 67%. Pensez aussi que nous avons 500.000 jeunes d'âge scolaire qui sont encore non scolarisés et que nous devons amener sur les bancs de l'école. Jusqu'à ce que la situation se normalise, le Gouvernement haïtien n'a d'autre choix que de compter sur l'Église catholique, son plus vieux partenaire religieux comme il doit compter sur d'autres confessions et autres ONG pour relever le défi de la scolarité universelle qu'il a inscrite au nombre de ses grandes priorités dans la perspective du nécessaire développement de notre pays.
Dans nos discours nous parlons toujours de combite national à réaliser. Pour nous, ce n'est pas qu'un slogan, une expression creuse. Il faut nous y mettre tous, secteur public et secteur privé, laïcs et religieux, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes.
En terminant, je veux vous souhaiter, Excellence, Monseigneur le Président de la Conférence Épiscopale et Messieurs les Archevêques et Évêques, que les questions qui seront ici soulevées, les discussions qui seront engagées et enfin les recommandation qui seront faites avec objectivité feront l'objet de la meilleure attention du Président de la République, du Premier ministre et de tous les membres du Gouvernement.
Puisse cette journée de travail contribuer à consolider avec le maximum efficacité, d'efficience et d'harmonie, les rapports entre l'Église catholique et l'État haïtien. Je souhaite à tous une fructueuse réunion.

Merci

LES GRANDS PROBLÈMES DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN HAITI

Les grands problèmes de l'enseignement supérieur en Haïti


Par : Paul Yves Fausner M.A

Haïti est loin d'avoir un système d'éducation adapté et conforme aux exigences d'une société en rapide et constante évolution. Personne n'ose travailler sérieusement sur la réforme structurelle de l'Etat qui, de tous les temps n'investit pas assez dans le domaine de l'éducation pour construire un nouveau pays capable de stimuler l'activité économique par la consommation de masse et la concurrence, faire reculer la pauvreté, combattre le manque d'instruction scolaire, assurer la mise à niveau et le perfectionnement des cadres de la fonction publique, améliorer les conditions de vie des plus vulnérables etc... L'université d'Etat fonctionne en unités disparates et non en tant qu'entité intégrée. Les conditions institutionnelles favorables à l'épanouissement intellectuel et à la production scientifique sont absentes, le personnel enseignant sous-qualifié, les subventions de recherche inexistantes, les cours de techniques d'investigation et de méthodologie trop théoriques, les équipements de laboratoire non renouvelés, les bibliothèques pauvres et inadaptées, etc... Dans ce système où il faudra qu'il y ait toujours des étudiants qui ne fassent jamais l'expérience du succès à l'université, et qu'on leur donne à penser que c'est de leur faute s'ils ne réussissent pas ; il y a de quoi se demander à quand et que faire pour remplir adéquatement et efficacement les fonctions d'une université moderne en Haïti ?

Premier problème.- L'indifférence des ministres de l'Education

Les ministres de l'Education semblent demeurer jusqu'ici indifférents à la problématique « Université - Société » qui polarise de plus en plus l'attention de ceux qui sont pour ou contre la réforme en cours. Ils se bornent le plus souvent à organiser durant leur passage que des colloques qui ne modifient en rien les structures universitaires existantes. Les programmes systématiques d'amélioration de la qualité de l'enseignement supérieur, les recherches qui, seules devaient permettre de mieux comprendre l'évolution des situations et de connaître les difficultés rencontrées par les étudiants sur leur parcours universitaire ne sont nullement subventionnés. L'accès à une éducation de qualité pour le développement et au service de la personne et du citoyen est loin d'être une priorité d'Etat même lorsque les gouvernements réaffirment leur profonde conviction d'engager le pays sur la voie du développement durable. Et bon nombre de projets nous sont imposés par des organisations internationales de coopération qui ne voient pas toujours l'urgente nécessité de poursuivre la réforme du système éducatif haïtien pour le rendre plus conforme aux besoins de nos jeunes.

Deuxième problème.- L'université, symbole de rang social et non tremplin vers la croissance et l'égalité
Les Haïtiens, pour la grande majorité, ne savent pas que l'éducation est un tremplin vers la croissance et l'égalité. Certains y voient simplement un symbole de rang social et de progrès pour une infirme minorité incapable de faire la nette séparation entre l'école et la société plus précisément entre l'éducation et la vie sociale réelle. D'ailleurs, moins de 50% des élèves bouclant le cycle d'études classiques arrivent chaque année à avoir accès à l'université (d'État ou privée) qui est à plus d'un titre un secondaire prolongé et non un haut lieu du savoir et de la recherche. Nos étudiants pour la grande majorité sont très mal formés et incapables de trouver des solutions appropriées aux problèmes immédiats (besoin de s'alimenter, de se vêtir, d'acheter des livres, de travailler, de se récréer etc.), bref de vivre dans la dignité. Et s'ils se donnent parfois une capacité conjoncturelle d'action politique pour défendre certains droits que la société leur attribue théoriquement et pratiquement bafoués, c'est parce qu'ils sont frustrés et inquiets au sujet de leur devenir.
Dans ce pays où les dirigeants politiques ont toujours pris la mauvaise habitude de se bander les yeux sur les questions sociales globales ; la faillite générale de la société nous oblige dans le contexte actuel de voir changer en profondeur notre façon de « faire la politique » et à repenser l'université. Nos étudiants sont de plus en plus enclins au changement et veulent à tout prix avoir une part égale d'accès aux biens et ressources disponibles répartis de tous les temps entre les privilégiés du pouvoir, de l'avoir et du savoir. C'est le rejet systématique des traditionnelles pratiques sociales inégalitaires qui constituent à n'en point douter un obstacle majeur à l'établissement d'une société d'égaux où la compétence, l'honnêteté, la force du raisonnement peuvent seules, affronter les problèmes urgents de l'heure (crise de l'énergie, dépression économique généralisée, corruption dans la fonction publique, pauvreté extrême des grandes masses, insécurité...). La question de la reconnaissance par l'État de son rôle social, économique et culturel vis-à-vis de notre jeunesse se pose depuis quelque temps avec plus d'acuité dans nos milieux universitaires où tous, (professeurs, étudiants) ne demandent qu'une chose : l'établissement d'une université moderne capable d'étendre l'enseignement supérieur à tous, de contribuer au développement de la démocratie, de l'éducation et de la promotion humaine, sociale pour faire disparaître une fois pour toutes les grands maux dont souffre notre société en décadence qui continue encore à engendrer des monstres, des drogués, des délinquants, des étudiants révoltés, des terroristes, etc.

Troisième problème.- La non intégration de nos jeunes diplômés dans l'économie du pays
Nous avons toujours eu peur de poser sérieusement la question d'intégration de nos jeunes diplômés dans l'économie haïtienne dont le marché s'est révélé jusqu'ici improductif pour freiner le chômage. Et avec la multiplication des actes de banditisme, de kidnapping et de terrorisme de ces dernières années ; le pays est entré à une phase dangereusement critique et déterminante même pour son avenir. Pour la première fois dans l'histoire d'Haïti, la crise économique a franchi le seuil de l'intolérable. Une situation génératrice de déchirements qui encourage à l'université et ailleurs des mouvements revendicatifs traduisant chez les étudiants, les jeunes en général, une sorte de déception- frustration engendrée par la malhonnêteté et l'incapacité de nos dirigeants à sortir la nation la plus pauvre de l'hémisphère occidentale de la spirale de l'extrême pauvreté. Hier encore, les GN bistes, les affairistes, les opportunistes, les caméléons croyaient que le changement était à la paume de leur main après le départ d'Aristide pour se raccrocher aujourd'hui à une idée à savoir que rien n'a changé et qu'il faille continuer la lutte sur d'autres fronts.

Nos étudiants finissants, nos licenciés, nos maîtres ne demandent pas trop aux investisseurs et à l'État en particulier : un emploi qui leur donnera une certaine autonomie financière, une université autonome moderne et ouverte sur le monde, un autre type d'enseignement adapté aux réalités du milieu et privilégiant la promotion sociale dans un contexte de croissance économique. L'éducation comme nous plaisons souvent à le dire n'est plus liée à l'amélioration de l'efficacité fonctionnelle dans l'emploi, bien qu'elle ait un rapport avec la compétence d'une personne comme membre actif d'une collectivité. Mais, elle renforce les rapports de la personne avec son héritage culturel et lui permet d'apprécier celui-ci sans encourager l'aliénation éthique. M. Nyerere y voit » une libération dans le sens de la réalisation créative comme êtres humains qui se perçoivent comme membres d'une collectivité globale en devenir ». Ce qui est fort mal compris en Haïti où l'éducation n'arrive pas jusqu'ici à combler le grand fossé entre le secteur minoritaire riche et le secteur majoritaire pauvre.

Nos investisseurs n'envisagent pas malheureusement l'éducation comme un facteur non seulement de croissance mais également de mobilité sociale, de répartition des revenus, de réduction de la fécondité etc. Ils ne se donnent pas toujours la peine d'aborder en termes techniques la question du financement de l'éducation qui, au point de vue qualitatif n'a pas fait considérablement de progrès ces dernières années en Haïti. Force est de reconnaître de nombreuses défaillances de notre système éducatif qui a grand besoin de l'apport financier externe pour faire enfin de l'université un haut lieu du savoir. Et comparativement aux universités de la zone, nous sommes peu évolués dans le domaine de la recherche scientifique. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous continuons à marquer des pas sur place sans se soucier vraiment de notre grand retard en tout.

Quatrième problème.- Le manque d'investissement dans l'enseignement supérieur et dans les ressources humaines qualifiées disponibles.
Le développement de l'éducation n'a jamais été jusqu'ici une question d'intérêt national pour les pouvoirs publics. L'université est malade dans tous ses organes. La situation actuelle est critique avec un fort pourcentage de professeurs licenciés enseignant au niveau de la licence et d'étudiants incapable de construire correctement une phrase française. Elle continue à être un signe extérieur de prestige, une sorte de porte ouverte à un poste responsable dans la fonction publique dominée de tous les temps de la tête jusqu'aux pieds par une racaille d'intellectuels superficiels irresponsables, corrompus et sans grandeur patriotique.

Nos jeunes étudiants, pour la grande majorité, n'ont plus accès à un savoir technologique qui, seul permet de recevoir une formation ayant un standard international. Notre université mise trop sur un système d'éducation copié sur celui de certains pays avancés différents en tous sens de nous. C'est ce qui explique pourquoi nous sommes incapables de nous détacher de toute dépendance intellectuelle occidentale pour rechercher et renforcer l'autonomie sans refuser pour autant tous canaux efficaces de transfert de connaissances pertinentes, de capital et de savoir-faire technique ou industriel. Alors, comment vouloir combler nos longs retards si nous continuons à investir si peu dans l'enseignement supérieur ? Les prochains gouvernements de la république devront à notre sens, penser à un ministère de la jeunesse chargé de la mise en place des structures appelées à regrouper les étudiants qui pourront à divers niveaux- national - régional - et local -discuter des questions concernant la politique du pays et de l'État- décider aussi des questions économiques et sociales d'où dépend l'avenir de la nation- participer activement à la gestion des affaires publiques-mettre en place des structures capable d'encourager les attributions de bourses d'études à accorder aux lauréats, les attributions d'allocations destinées à la construction d'appartements pour les étudiants, les professeurs et d'immeubles pour la culture et la recherche.

Cinquième problème : La passivité des acteurs, des secteurs impliqués dans la crise de l'enseignement supérieur.

L'éducation en Haïti ne développe pas toujours le sens des responsabilités sociales et de la solidarité avec les groupes. Les acteurs et les secteurs impliqués dans l'enseignement supérieur (Ministère de l'Education, Rectorat de l'université d'État, Associations d'étudiants et de professeurs, Associations des centres d'enseignement supérieur privés etc..) ne questionnent presque pas les tendances actuelles du développement et les nouveaux enjeux. L'université est livrée à elle-même au point que personne n'est en mesure de décloisonner aujourd'hui les approches, les problématiques, les systèmes et les vrais centres de formation. Les étudiants ne sont jamais placés au centre des préoccupations et des solutions gouvernementales. Les professeurs ne constituent pas une force de proposition collective dans le domaine de l'enseignement supérieur si bien qu'ils ne participent plus aux grands débats et discussions sur les orientations universitaires à privilégier. Le système éducatif quant à lui est conçu pour laisser échouer les étudiants qui, réussissent avec brio dans les plus grandes universités Nord Américaines et européennes. Et avec l'accélération de l'exploitation de la matière grise haïtienne par le Canada en particulier, la France, les USA ,il faut s'attendre à ce que le pays soit dirigé dans les années à venir par un État voyou où les intellectuels marcheront tête baissée devant les idiots. C'est la tragédie de l'enseignement supérieur qui se joue sur un plancher qui fonce à grands pas sans que personne ne puisse l'arrêter.

L'essentiel est d'arriver un jour à faire de nos jeunes étudiants une force active de création et d'éducation de la société, les enseigner comment acquérir des compétences nécessaires pour gérer avec la compétence, les biens de l'État dans la transparence tout en développant la coopération entre les Institutions publiques, de secteur privé et la jeunesse universitaire. Et tant que nos hommes politiques ne se rendent pas compte que le travail est nécessaire à la société haïtienne et qu'ils se doivent de prendre des décisions portant sur les questions économiques les plus difficiles, le pays ne connaitra jamais la paix durable. Les jeunes continueront à diriger leur énergie contre tous ceux (du pouvoir ou de la bourgeoisie, du secteur privé ou de la classe politique) qui leur refusent le droit d'être des constructeurs d'une nouvelle société. Ils auront recours à des manifestations de rue pour exiger des autorités chargées de régler les questions les plus urgentes (l'insécurité, la cherté de la vie, l'augmentation galopante des produits de première nécessité, la corruption, l'extravagance et l'utilisation des biens de l'État à des fins personnelles, etc..) de s'acquitter de leur tâche de diriger avec équité sociale, honnêteté, responsabilité, moralité et sens du devoir bien accompli. Rien ne peut et ne pourra pas les empêcher de vouloir se battre pour une nouvelle société où l'État établira des garanties matérielles, politiques et juridiques capables d'assurer le développement intégral et optimal des « produits » d'une université en pleine convalescence et condamnée à se mettre en marche vers la réforme et le progrès. Désormais, l'éducation doit s'inscrire dans le changement et rester ouverte à la participation de l'ensemble des citoyens à l'œuvre commune du progrès. Le moment est venu d'édifier en Haïti l'université du succès où nos étudiants sauront et apprendront à regarder les choses en face en développant leurs potentialités afin qu'ils puissent déterminer le sens de leur vie et celui de leur environnement. Il nous faut aussi réfléchir mûrement sur le pourquoi de l'éducation avant de nous attarder au comment. Nous perdons trop souvent de temps à parler de réforme de l'éducation en Haïti sans diversifier les finalités éducatives de manière à permettre à l'homme instruit de passer à l'homme éduqué et arriver enfin à une démocratisation qualitative de l'enseignement supérieur sans laquelle le pays ne prendra aucune avance considérable sur le plan économique et social.

AUGUSTIN, Anderson Yvan, Les misères du secteur de l'enseignement supérieur, Le Nouvelliste # 37159 / lundi 23 mai 2005.

PAUL, Yves Fausner, Le développement humain durable en Haïti : Obstacles et moyens, Mémoire de maîtrise, mai 2001.


PAUL, Yves Fausner M.A
Maître en Sciences du Développement
Professeur à l'université d'État d'Haïti