octobre 23, 2007

LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE, LE DÉBÂT SE POURSUIT...

Révision constitutionnelle, le débat se poursuit / L’urgence d’une révision profonde de la constitution de 1987
Par: Hudes Desrameaux

Lorsque le président René Préval confiait à l’historien Claude Moise le soin de lui faire des recommandations sur la Constitution haïtienne, le débat autour de la révision ou non de la Charte fondamentale du pays était désormais ouvert. Ne sachant où cette conversation nous mènera, il est, néanmoins, important de souligner que le président Préval a touché du doigt l’un des grands dossiers auxquels le pays doit en toute urgence trouver une solution. Et la solution est sans nul doute, et sans plus tarder, une révision profonde de notre loi mère.
Thomas Jefferson, l’auteur de la déclaration de l’Indépendance américaine et troisième président des États Unis, insistait, il y a deux siècles déjà, que toute constitution devient périmée après 19 ans d’existence, ce qui, à l’époque, représentait une génération. Prudence oblige: ce n’était pas, à coup sûr, un appel pour réviser une constitution quand on veut, mais c’était plutôt une invitation à ne point percevoir une constitution comme sacro-sainte, donc immuable et éternelle.
Ici, aux ÉtatsUnis, il y a un débat assez timide dans de nombreux think tank autour d’un possible amendement d’une constitution déjà vieille de plus de deux cent ans. Et ceci malgré que cette constitution et les lois qui s’y inspirent, s’alignent « admirablement » aux aléas d’une réalité qui change continuellement. Les questions qui se posent interpellent tous les Américains à questionner leur constitution et à penser autrement. En vérité, comment justifier qu’un État comme la Californie ou New York avec ses plus de 20 millions d’habitants a autant de sénateurs que Idaho ou Delaware avec ses centaines de milliers de citoyens? Ces réflexions tiennent pour notre pays où le département de l’Ouest avec une population avoisinant presque quatre ou même cinq millions d’habitants a le même nombre de sénateurs que le département des Nippes avec peutêtre moins de cinq cent mille habitants. La question de la double nationalité (Haïti) s’apparente à celle qui proscrit qu’un citoyen né en dehors des États Unis puisse se porter candidat aux élections présidentielles américaines. Et là encore des questionnements surgissent pour montrer l’inadéquation de cette loi à une nouvelle réalité où des Américains d’origine haïtienne ou australienne comme le gouverneur de la Californie peuvent faire montre d’autant de fidélité à la constitution américaine qu’un Américain « pur ».
À dire vrai, le débat sur notre constitution commençait avec la publication au commencement des années 90 de Plaidoyer pour une nouvelle constitution de Mirlande Manigat (Imp. Deschamps, 1995). Un classique de la littérature légale et politique de notre pays, ce petit chef-d’çuvre, bien avant le discours du 17 octobre du président René Préval, avait déjà identifié les maintes failles de cette constitution. Madame Manigat avait éloquemment montré comment la structure des collectivités territoriales représente un fardeau budgétaire énorme pour notre petit pays. Décentraliser politiquement le pays est une nécessité, mais la solution que propose la constitution avec ses conseils communaux et ses assemblées communales, ses conseils municipaux et ses assemblées municipales, ses conseils départementaux et ses assemblées départementales et interdépartementale, complique plus qu’elle ne résout quoi que ce soit. On court le risque de créer de petits et gros chefs qui sont prêts à répandre une terreur légale à tout moment. Il est à regretter qu’aujourd’hui que Madame Manigat nous dise que les conditions pour réviser la constitution n’existent pas. Fausse assertion: avec un Parlement pluriel (et des sénateurs qui sont prêts à s’opposer à la présidence), un gouvernement incluant des membres de « l’opposition », une certaine stabilité politique, et une diaspora mise hors du jeu politique sans raison valable, le pays doit être prêt à s’engager dans un débat portant sur notre constitution. Madame Manigat semble nous dire, en refusant aujourd’hui de reconnaître le bienfondé d’une révision urgente de notre constitution, qu’elle « a tort d’avoir eu raison » lorsqu’elle publiait son Plaidoyer pour une nouvelle constitution.
Le président Préval semble avoir tout dit au Palais national le 17 octobre dernier. Il peut bien ne pas avoir les moyens de sa politique pour faire arriver à bon port sa proposition de réviser la constitution. Crédit lui est dû pour avoir osé poser cette question devant le peuple haïtien.
Somme toute, René Préval n’a pas aidé sa cause lorsqu’il n’a pas dit noir sur blanc que les prochaines élections sénatoriales se feront à temps et qu’il sera interdit pour tout citoyen de briguer un troisième mandat présidentiel. Mais le plus important c’est qu’il devait aussi dire que des aujourd’hui il va finalement donner plus d’espace au Premier ministre Jacques Édouard Alexis afin que ce dernier, dans la concertation, puisse porter des solutions durables aux problèmes socioéconomiques auxquels fait face le pays. Afin que, lui, puisse consacrer plus de temps à cette question constitutionnelle et à toute question se rapportant au cadre macropolitique du pays. Si la constitution est source d’instabilité, la faim en est une autre. L’homme et la femme des rues ont aussi bien leurs points de vue, mais pour le faire bien, il faudra bien qu’ils perçoivent que le gouvernement est agressif sur le plan social. Et comme l’a dit Lyonel Trouillot dans sa dernière chronique, la transparence doit être la priorité. Ce petit jeu de coquins de part et d’autre ne va nous mener nulle part. Il est temps que tout le monde se hisse à la hauteur de sa tâche, y compris le secteur privé.
Que le débat autour de la constitution continue! Publier les recommandations de l’historien Claude Moise et du professeur Cary Hector n’est qu’un premier pas vers l’approfondissement d’un débat qui doit nous mener à une nouvelle constitution. Et, plus important on l’espère de tout cœur un nouveau pays.

AVOCAT : UNE PROFESSION EN PERTE DE CRÉDIBILITÉ...

Une profession en perte de crédibilité

Par: Heidi Fortuné

La justice, c’est comme l’hôpital, personne ne s’y rend sans être malade. Quand on y recourt, c’est parce qu’on a un problème qu’on veut régler. Mais, à la différence de l’hôpital, souventes fois on a besoin de la science d’un homme de l’art maîtrisant les techniques de la procédure et pouvant traduire parfaitement le jargon juridique.
L’on a coutume de dire que « l’avocat est le défenseur de la veuve et de l’orphelin ». Mais cette affirmation est battue en brèche par le comportement peu honorable de certains membres du corps qui spolient leurs clients, croyant qu’ils ont le droit de tout faire et ne seront jamais sanctionnés.
Le Conseil de discipline, cet organe du barreau chargé de gérer et de discipliner les membres de l’Ordre, manque de fermeté ou tout simplement, n’existe pas. C’est son laxisme même qui permet à certains avocats de faire ce qu’ils sont en train de faire, surtout, s’ils sont convaincus qu’ils ne courent aucun risque sur le plan disciplinaire. Devant certaines indélicatesses, l’opinion publique retire sa confiance et n’accorde plus de crédit à ceux qui embrassent cette profession.
Si les avocats veulent redorer leur blason, ils doivent cesser de corrompre les magistrats car, ce faisant, ils détruisent l’institution la plus importante de l’Etat nation.
Combien de juges ont reçu des pots-de-vin de ces respectables chers maîtres et qui sont aujourd’hui renvoyés de la magistrature ? Combien d’honnêtes citoyens se sont faits plumer par ces messieurs ? Les prisons regorgent de démunis, combien parmi eux ont reçu la visite, même providentielle, de ces disciples de SaintYves ?
De nos jours, il y a peu de bons avocats. Ils ne sont pas nombreux, mais il en existe quelques-uns, des personnalités d’une intégrité à toute épreuve et d’une érudition considérable. Nous les félicitons et ils méritent notre respect.
Par honnêteté, on doit toujours dire ce qui est vrai. De même, l’avocat doit toujours dire la vérité... à son client. Rares sont ceux qui respectent ce principe moral. Ils se font passer pour des prestidigitateurs qui, par un simple tour de passe-passe, croient pouvoir gagner un procès ou obtenir quelque chose de la justice.
La vérité est dans les livres. Le droit est une science, on n’est pas grand avocat par son nom de famille. Le fait d’avoir un solide compte en banque, de posséder une jolie maison et de rouler une voiture de luxe ne fait pas de soi un bon avocat. « L’habit ne fait pas le moine ».
Et contrairement au Pic de la Mirandole, le savoir juridique de certains est exécrable. Ceci est la conséquence directe de la dérive de l’enseignement supérieur en Haïti.
Le bon avocat est celui qui connaît ses limites, qui respecte ses consœurs et confrères, qui est sincère avec son client et qui ne corrompt pas les magistrats, les greffiers et les huissiers. Le bon avocat s’abstient de toute action malhonnête pouvant jeter l’opprobre sur son patronyme. Le bon avocat est celui qui se respecte, qui ne se livre pas à la concurrence déloyale et ne porte pas de coups bas à un collègue. Le bon avocat n’impute pas la responsabilité de sa défaite ou de son échec à un juge ou un ministère public. Le bon avocat est celui qui accepte de perdre tout en reconnaissant que le bon droit n’était pas de son côté ou, a contrario, exerce des recours en cas d’insatisfaction. Le bon avocat, enfin, est celui qui obtient gain de cause sans passer par des chemins détournés et qui a confiance dans la justice de son pays.
Quelle vanité peut on tirer quand on exploite la misère ou les problèmes socioéconomiques d’un juge pour le porter à rendre une décision ou à prendre position en sa faveur ? Ce faisant, on n’est pas seulement un corrupteur, on est une pourriture. Il n’y a là aucune vertu...aucune grandeur.
On ne peut, sous le motif fallacieux d’être avocat, profiter des honnêtes gens ou du malheur des autres pour faire sa fortune en les dépossédant de leur argent ou de leurs biens. C’est de l’argent mal acquis, au même titre que les avoirs provenant du trafic de la drogue ou autres infractions graves.
Sous prétexte d’exercer une profession libérale, tous les moyens sont bons pour réussir, « tous les coups sont permis ». Imaginez qu’un beau jour, un de ces jurisconsultes sans scrupules, par accointances politiques, combines ou autres ma gouilles, rentre dans la magistrature... nous laissons le soin à chacun de deviner la suite.
Certains laissent aller leur colère jusqu’à dire que tous les avocats sont des voleurs. Nous disons non. Ceux là qui se comportent comme tels l’étaient bien avant d’embrasser la profession car il n’y a pas plus noble que le Droit, considéré, à juste titre, comme la véritable science éternelle.
Nous pensons que les responsables de l’Université d’État d’Haïti doivent insérer dans le programme des facultés de Droit un cours d’éthique et de déontologie obligatoire dès la troisième année ; l’école du barreau étant inexistante pour n’être pas prévue par les lois républicaines.
Le philosophe français Albert CAMUS eut à dire une chose très intéressante à propos de l’Avo cature.
« Si tu veux être heureux un jour dans la vie : saoûletoi. Si tu veux être heureux deux jours dans la vie : marietoi. Si tu veux être heureux toute ta vie : sois avocat ».
Nous ajouterions... « honnête » !

Heidi Fortuné Magistrat, Juge d’Instruction http://heidifortune.blogspot.com/