janvier 11, 2008

LE VIOL DOIT-ÊTRE SÉVÈREMENT PUNI PAR LES AUTORITÉS...

Main basse sur l'innocence

Les stigmates du viol sont imprimés dans la mémoire des victimes. Les échecs scolaires de Virginie* sont en partie liés à ce douloureux souvenir.

D'octobre 2006 à octobre 2007, 1449 cas de violence faites aux femmes et aux fillettes sont reçus au bureau départemental de l'Ouest du ministère à la Condition féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF). Ces chiffres révèlent la violence à Port-au-Prince et dans la région métropolitaine, souligne la responsable du bureau, Marie-Carline Laurenceau.

La machine virile n'est pas prête à baisser les bras devant l'arsenal juridique dressé sur son parcours. Depuis août 2005, l'article 278 du Code pénal se lit désormais comme suit : « Quiconque aura commis un crime de viol, ou sera coupable de toute agression sexuelle, consommée ou tentée avec violence, menaces, surprise ou pression psychologique contre la personne de l'un ou l'autre sexe, sera puni de dix ans de travaux forcés. »

Si la loi était rétroactive, les jeunes filles violées dans le passé comme Virginie poursuivraient leurs agresseurs.

Virginie raconte qu'elle avait été violée pendant son adolescence. « J'avais treize ans quand cinq jeunes hommes m'ont déflorée. J'ai perdu mon innocence et ma virginité », dit-elle, les larmes contenues. Leur forfait terminé, la bande des cinq a répandu l'histoire, en la colorant, chacun à sa manière, dans le vieux quartier de Hinche. Virginie s'était enfoncée dans la honte et la haine d'elle-même. « Je n'osais en parler à ma mère. Je me sentais sale, avilie, les gens de la communauté me montraient du doigt. Tout le monde avait une version de l'histoire, sauf ma mère. »

Théâtre d'angoisses et de souffrances

La promotion de la chasteté dans cette province où tous les parents disaient à leur fille « Votre virginité est la garantie de votre mariage » la désolait davantage. Sur son chemin, elle croisait les parents de ses agresseurs qui la traitaient de putain. Elle se demandait parfois si un complot n'était pas ourdi contre elle pour l'humilier. « Je me demandais si les hommes qui m'avaient baisée, rabaissée, ne s'étaient pas servi de moi pour affirmer leur virilité. Je me disais aussi que leurs parents les avaient envoyés pour faire payer à ma mère une faute qu'elle aurait commise. » Virginie s'était transformée en un théâtre d'angoisses et de souffrances.

Elle croit que ses échecs scolaires sont liés à ce douloureux souvenir. En classe, la scène du viol lui revenait incessamment à la mémoire. Elle pleurait. Il lui a fallu des années avant son entrée à l'université, en septembre dernier, pour aborder sérieusement le problème qui la torturait. Elle a consenti à me parler parce qu'elle a trouvé la force dans les messages des organisations de femmes qui luttent sur le terrain afin que la société ait une autre perception de la réalité. En ce sens, les interventions du ministère à la Condition féminine lui ont été d'un précieux apport.

Virginie sait que le viol est puni par la société et qu'aujourd'hui les trousseurs de filles n'ont plus le champ libre comme autrefois. Dernièrement, elle a rencontré l'un de ses violeurs, il lui a demandé pardon. Pour se faire pardonner de son crime impuni, le plus effronté l'a demandée en mariage. Elle lui a ri au nez.

Un malaise verbalisé

Le mea culpa de son agresseur, elle l'a si bien accueilli ce jour-là qu'elle a profité de l'occasion pour parler à sa mère de cette vieille blessure.

L'enjeu du sexe relève d'une relation de pouvoir, estime Virginie. Elle le qualifie de « Pouvoir du mâle ». Bien qu'elle ait verbalisé son malaise, suivi un traitement psychothérapeutique, elle avoue qu'elle n'est jamais arrivée à atteindre l'orgasme.

A Carrefour-Feuilles, la même semaine où Virginie a révélé son histoire, le même scénario s'est répété. Une jeune fille de quinze ans a été victime d'un viol collectif. Avant de porter plainte à la police, ses parents l'ont conduite à GHESKIO en vue de subir une prophylaxie. Cette intervention médicale réduit les risques de grossesse précoce et des IST/VIH/SIDA.

Ce sont les luttes féministes qui contribueront à faire évoluer la société et ses lois portant le sceau du sexisme. Elles mettront à nu l'énigme masculine caractérisée par « l'illusion virile ».

Pendant longtemps le viol, dans le Code pénal, était inscrit sous la rubrique « attentat aux moeurs ». Aujourd'hui un décret-loi publié dans Le Moniteur du 11 août 2005, le classe dans la catégorie « agression sexuelle. »

Virginie se dit que si elle avait treize ans, aujourd'hui, elle se serait procurée un certificat médical et irait porter plainte contre ses agresseurs. Ces derniers tomberaient, du coup, sous l'article 3 du nouveau décret : « Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans accomplis, la personne coupable sera punie de quinze ans de travaux forcés. »

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