septembre 22, 2008

LE FOETUS EST -IL UNE PERSONNE ?

Un regard nouveau sur l'avortement

D'entrée de jeu, il importe de souligner à l'eau forte que les considérations qui vont suivre n'auront rien à voir avec l'abord moral ou religieux du phénomène de l'avortement. Elles se situeront par-delà les discussions théologiques, philosophiques ou sociologiques sur la question. D'autant, généralement, le débat porte essentiellement sur l'interruption de la grossesse, pratiquée pendant les quatre à huit semaines, tandis que la majorité des découvertes récentes concernent le foetus à partir du sixième mois.

Un médecin allemand, pionnier de l'hypnothérapie, eut à soigner un patient qui se plaignait de graves crises d'angoisse, accompagnées de bouffées de chaleur. Afin d'en découvrir la source, Paul Bick mit son patient en état d'hypnose. Celui-ci explora lentement les mois qui avaient précédé sa naissance, se rappelant des incidents précis qu'il racontait d'une voix calme et égale. Mais, soudain, juste au moment où il atteignit le septième mois, sa voix s'étrangla. Il commença à s'affoler. De toute évidence, il était arrivé à l'expérience qui était devenue le prototype de son problème. Il disait avoir terriblement chaud et peur. Pourquoi ? La mère du patient apporta la réponse quelques semaines plus tard. Au cours d'un entretien long et pénible avec le docteur Bick, elle avoua avoir essayé d'avorter au septième mois de sa grossesse en prenant des bains chauds.

Il y a vingt ou trente ans, l'idée qu'un foetus de six mois était doué de conscience aurait paru aberrante. Aujourd'hui, c'est pour beaucoup un fait reconnu. Ce nouveau savoir et la révolution qu'il représente nous permettent de reconnaître que le psychisme foetal est conscient, même si cette conscience n'a pas la profondeur et la complexité de celle de l'adulte. Certes, comme le souligne un obstétricien féru des données de psychologie prénatale, le psychisme intra-utérin «est incapable de comprendre tout ce qu'un adulte peut inclure dans un mot ou un geste», mais il est à même de réagir «à des nuances affectives extrêmement tenues.» Il peut percevoir, ajoute cet auteur, «non seulement des émotions indifférenciées comme l'amour et la haine, mais aussi des états affectifs plus subtils et plus complexes, comme l'ambivalence et l'ambiguïté ; et y réagir.»

Un problème se pose à ce niveau, celui de savoir à quel moment précis les cellules cérébrales acquièrent cette faculté. La réponse n'est pas des plus faciles. D'après un groupe de chercheurs, il existe un semblant de conscient dès les premiers instants de la conception. Ils en donnent pour preuve les milliers de femmes en parfaite santé qui avortent spontanément et de façon répétée.

On a émis l'hypothèse que dès les premières semaines, peut-être même les premières heures qui suivent la conception, l'ovule fécondé possède un degré de conscience suffisant pour percevoir un éventuel rejet et agir en conséquence. Si intéressante qu'elle soit, cette hypothèse demande encore à être prouvée.

Dans son livre ''Obstrics and Gynecology'', un des meilleurs ouvrages de référence en matière d'embryologie, Michael Danforth note que «vers la onzième semaine, le corps ( de l'embryon) a déjà atteint le stade de la ''différenciation''.» Autrement dit, à la fin du deuxième mois, le foetus est entièrement formé. Ses bras, ses jambes, ses oreilles, son coeur et ses vaisseaux sanguins possèdent, en miniature, la forme qu'ils garderont toute leur vie. Mais, plus capital encore, c'est à cette période qu'apparaissent les premiers signes d'activité cérébrale. Les ondes cérébrales, produites normalement dès la huitième ou la neuvième semaine, adoptent rapidement, pour reprendre l'expression d'un scientifique, un ''schéma individuel distinct''. Comme le fait observer Bernard Nathanson dans son ouvrage ''Aborting America'', le foetus répond aux critères de vie définis par l'école de médecine de Harvard. Ce qu'on appelle plus simplement les ''Harvard criteria''. Ces derniers furent établis à la fin des années 1960 afin d'aider les médecins à redéfinir la démarcation entre la vie et la mort à la lumière des progrès réalisés par la technologie médicale. Le cas qui va être relaté s'inscrit dans l'axe des dernières recherches.

A la naissance, Kristina était un bébé robuste et bien portant. Et puis, un phénomène étrange se produisit. Les nouveaux-nées, au moment où se forme l'attachement avec la mère, ont invariablement le même réflexe : ils cherchent le sein maternel. Or, sans qu'on pût s'expliquer pourquoi, Kristina refusa le sein de sa mère. Chaque fois qu'on le lui présentait, elle détournait la tête. Peter Fedor-Freybergh crut d'abord que l'enfant était malade. Mais en voyant un peu plus tard, dans la nursery, Kristina se jeter sur un biberon de lait condensé, il pensa que sa réaction était une simple aberration passagère. Le médecin se trompait. Le lendemain matin, quand on l'amena dans la chambre de sa mère, Kristina refusa de nouveau le sein, et cela pendant plusieurs jours. Inquiet, mais aussi intrigué, le docteur Fedor-Freyberg eut l'idée d'une perte expérience.

Il parla à une autre de ses accouchées du comportement inexplicable de Kristina. Elle accepta d'essayer de nourrir l'enfant. Quand Kristina, à demi endormie, fut mise dans ses bras par l'infirmière, au lieu de se détourner du sein de la femme, elle l'agrippa et se mit à téter avec vigueur. Surpris, l'obstétricien-gynécologue alla voir la mère de Kristina le lendemain et lui raconta ce qui s'était passé.

«Pouvez-vous expliquer pourquoi l'enfant a réagi ainsi ?», demanda-t-il. La mère répondit qu'elle l'ignorait. «Peut-être que vous avez été malade pendant votre grossesse?» suggéra-t-il . «Non, absolument pas», dit-elle. Le praticien lui demanda à brûle-pourpoint : «Mais la souhaitiez-vous vraiment, cette grossesse ?», La femme le regarda : Non, je voulais avorter.», admit-elle. Et d'ajouter : «Mais mon mari désirait cet enfant, alors je l'ai gardé».

C'était nouveau pour l'homme de science, mais de toute évidence pas pour Kristina. Elle avait perçu depuis longtemps le rejet de sa mère et refusait de former l'attachement avec celle-ci après la naissance. «Affectivement rejetée in utero», précise un auteur précité, «Kristina, a peine âgée de quatre jours et entièrement dépendante, était néanmoins fermement décidée à rejeter sa mère».

L'expérience de Kristina donne à comprendre qu'il existe chez le foetus ne serait-ce qu'un minimum de conscience. Selon quelques chercheurs, pour être à même d'exercer une influence quelconque, il faut que les pensées et les sentiments de la mère trouvent à s'enregistrer ailleurs que dans du vide. Symétriquement, l'enfant doit avoir une conscience aiguë de ce qu'elle pense et éprouve. Il est ensuite essentiel que le foetus soit capable de lire ses pensées et ses sentiments avec un minimum de subtilité et d'élaboration. Il reçoit de l'utérus une quantité de messages parmi lesquels il doit pouvoir opérer un tri pour ne garder que l'essentiel, distinguer ceux à partir desquels il agira et ceux qui sont à écarter. Il doit enfin se rappeler ce que ces messages lui disent. Sinon, leur contenu, indépendamment de leur importance, ne sera enregistré que de manière très fugitive.

Il importe de se demander en conclusion pourquoi l'attachement mère-enfant n'est pas possible dès qu'il y a eu tentative d'avortement Tout se passe comme si le ver était dans le fruit, avec toutes les conséquences possibles et imaginables. Comment y faire face ? C'est là toute la question qui retient l'attention des spécialistes de la psychologie prénatale depuis près d'un demi-siècle.

Retenons tout simplement, à la suite de Thos Verny, que des milliers de gens témoignent par leurs rêves, leurs actes, leurs symptômes psychiatriques, ou encore dans certaines circonstances, que des ''souvenirs'' intra-utérins précoces sont une réalité. Ces ''souvenirs'' concernent une période plus ancienne que le dernier tiers de la grossesse.

Ils constitueraient la preuve de l'existence d'une mémoire que l'on pourrait qualifier de ''para neurologique''. Cette capacité, précise l'auteur, «a été mise en évidence par les cas de ''mort apparente'', où des personnes déclarées mortes par les médecins reviennent à la vie et racontent en détail tout ce qui s'est passé dans la pièce où elles se trouvaient.»

Approfondissant sa thèse, le docteur Verny affirme que ledit phénomène serait comparable à la communication sympathique s'établissant entre la mère et l'enfant avant la naissance. Etant donné que les messages sympathiques doivent aboutir quelque part et être codés quelque part aussi, l'hypothèse avancée par le chercheur est que ces messages «se déposent dans les cellules individuelles». Le souvenir ainsi obtenu, M. Verny l'appelle ''Mémoire organismique''. Ainsi, «même une cellule unique, comme un ovule ou un spermatozoïde, pourrait véhiculer des ''souvenirs''. Ce qui, selon cet auteur, fournirait une explication physique à l'''inconscient collectif '' jungien.»

Comme quoi, la mémoire serait bipolaire. Une modalité dépendrait, pour son fonctionnement, de la mise en place des réseaux neurologiques parvenus à maturité et devenant opérationnels vers le sixième mois après la conception. L'autre modalité serait prédominante au début de la vie de l'individu, puis, se mettant progressivement en veilleuse, elle réapparaît en période de stress intense : un être cher en danger, par exemple, ou une mort imminente.

La mémoire paraneurologique peut également se manifester dans des états altérés de conscience provoqués, entre autres, par des drogues et des hallucinogènes, ou encore par l'hypnose ou la psychothérapie, continue notre chercheur, qui conclut que son modèle bipolaire de la lumière permet d'expliquer non seulement les phénomènes en relation avec la vie intra-utérine dans leur ensemble, «mais aussi l'apparition in utero de prédispositions comportementales et de vulnérabilités» ...
A ce carrefour, nous ne pouvons nous prononcer, dans l'attente d'une vérification expérimentale d'une telle hypothèse.

Dr Frantz Bernadin

Pour en savoir plus :

1- DOLTO (François) : ''La difficulté de vivre'' (1986).
2- SALOME (Jacques) : ''Papa, maman, écoutez-moi vraiment'' (1989).
3- BERNHARDT (Patrick) : ''Les secrets de la musique de l'âme'' (1990).
4- VERNY (Thomas) en collaboration avec KELLY (John) : ''La vie secrète de l'enfant avant la naissance'' (1982).
5- GROF (Stanislav) : ''Royaumes de l'inconscient humain'' (1983).
6- GROF (Stanislav) : ''La Rencontre de l'homme avec la mort'' (1982).
7- TOMATIS (Alfred) : ''L'Oreille et la vie'' (1977).
8- MARTINO (Bernard) : ''Le Bébé est une personne'' (1985).
9- BRAZELTON (T. Berry) et CRAMER (Bertrand) : ''Les premiers liens'' (1991).

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