décembre 29, 2008

LES DROITS SOCIAUX ET ECONOMIQUES SONT EN AGONIE EN HAITI

Les droits économiques et sociaux en agonie


En Haïti, les organisations de défense des Droits humains poussent comme des champignons. Leur importance par rapport aux minces progrès réalisés dans le domaine des Droits de l'Homme dans le pays est tout de même incontestable. Ces organisations auraient davantage de mérite si elles avaient compris la nécessité de défendre les droits économiques, sociaux et culturels au même titre que les droits civils et politiques.

Annie bosse depuis 2001 dans une usine de produits cosmétiques située sur la route de l'Aéroport. Chaque matin, la jeune femme laisse sa cahute dès 6h du matin pour y revenir le soir totalement épuisée. « Je travaille presque sans relâche du lundi au samedi de 7h du matin à 4h 30 de l'après-midi », explique, l'air découragé, cette mère de famille qui tire le diable par la queue. Le salaire de misère de la courageuse jeune ouvrière lui permet de s'occuper médiocrement de son fils, payer la camionnette et s'acheter un plat de riz modeste pour ne pas crever de faim.

Les négociations engagées en début d'année entre l'Etat haïtien, le secteur syndical et le patronat pour ajuster le salaire minimum la faisaient espérer. « Avec 150 gourdes par jour, je pensais que les choses pourraient s'améliorer », dit-elle apparemment déçue. Aujourd'hui encore, elle gagne 70 gourdes par jour. Le salaire minimum est actuellement de 70 gourdes (moins de 2$ US). D'après une récente étude, il avait subi entre 2000 et 2005 une baisse, en termes réels, de 25%. « C'est inhumain, déplore le député Steven Benoît, incapable de porter ses collègues à sanctionner son avant-proposition de loi sur l'ajustement du salaire minimum. Qui peut aujourd'hui, même indécemment, vivre avec moins de 100 gourdes par jour? »

L'histoire de Annie est l'arbre qui cache la forêt. Elle est moins triste que celle d'une femme dans la cinquantaine qui travaille depuis dix ans dans une usine de fabrication de maillots à l'Aéroport. Elle n'a même pas droit chaque jour aux misérables 70 gourdes que reçoivent les ouvriers. Son salaire dépend des caprices de ses supérieurs hiérarchiques qui peuvent décider de la renvoyer à la mi-journée. Alors, elle n'aura droit qu'à 35 gourdes. N'était son petit commerce de détail en cachette à l'intérieur de l'usine, elle serait incapable de payer les frais de transport, voire manger et s'habiller.

Si cette dame trouve le courage nécessaire pour parler de ses déboires, d'autres de sa catégorie refusent carrément de se confier aux journalistes pour ne pas perdre ce qu'ils appellent leur emploi. On peut les comprendre. Dans ce pays où travailler même pour un salaire de misère est un luxe, il est imprudent de se faire renvoyer par un patron.

La situation des travailleurs ne pourrait être autrement dans la mesure où les droits économiques, sociaux et culturels n'ont jamais fait partie des priorités de l'Etat. Pour preuve, Haïti n'a même pas signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Un niveau de vie décent caractérisé par l'accès à la nourriture, à l'eau potable, au logement, à l'éducation, à un emploi rémunéré, aux soins de santé, au loisir...est le socle dudit pacte.

Les données alarmantes publiées chaque année par les organismes internationaux et nationaux sur le niveau de vie précaire des Haïtiens expliquent le long chemin que le pays doit parcourir pour atteindre les objectifs fixés par le PIDESC, l'un des deux pactes de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme proclamée le 10 décembre 1948. Selon les estimations du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), en 2005, 78% de la population haïtienne vivait en dessous du seuil de la pauvreté avec moins de 2 dollars US par jour. Tandis que 53,9% se trouvait dans un état de pauvreté extrême avec moins de 1 dollar par jour.

Il a fallu récemment l'intervention du nouvel expert indépendant des Nations unies pour les Droits de l'Homme en Haïti, Michel Forst, pour rappeler aux autorités haïtiennes la nécessité de travailler en vue de changer les conditions de vie des Haïtiens. « La ratification par Haïti du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux serait à cet égard un signal fort envoyé à la communauté internationale », avait-il souligné au terme de sa première visite en Haïti.

N'est-ce pas le défi que doivent relever nos organisations de défense des Droits humains ?


Jean Pharès Jérôme
Jean Max Saint-Fleur
MICHEL Carlin

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