décembre 29, 2008

L'INCENDIE DU CABINET VANDAL, UNE PERTE INESTIMABLE...

Le cabinet Vandal parti en fumée

« L'explication ! C'est bizarre de le dire. Mais, moi, je ne l'ai pas ! » Ce sont les seuls mots que Le Nouvelliste a pu tirer de la bouche de Me Jean Vandal, avocat du barreau de Port-au-Prince dont le cabinet sis à l'angle des rues Capois et Waag est réduit en cendres ce lundi 8 octobre 2008. A l'aube, les membres de la famille Vandal ont reçu une alerte au feu de la part des voisins du cabinet, il était 4 heures environ. Le temps pour eux de solliciter l'intervention des pompiers et d'arriver au centre-ville de Port-au-Prince, les locaux logeant ce vénérable cabinet étaient déjà réduits en cendres. Tout est parti en fumée, a constaté le journal.

Arrivés sur les lieux, les pompiers ont pu circonscrire le feu mais n'ont pu aider à sauver aucun dossier. Tout est parti en fumée.

S'agit-il d'un incendie d'origine criminelle ? Pour l'instant, toutes les hypothèses sont à explorer, mais personne ne veut être affirmatif. Sur la cour et dans les parages du sinistre, avocats et hommes de loi, clients du cabinet Vandal ainsi que des membres de la famille plantent le décor et se renouvellent de temps à autre. Tout bas, tout le monde ou presque chuchote qu'il s'agirait d'« un incendie criminel » au regard des indices trouvés sur les lieux. Mais personne ne veut se prononcer ouvertement sur la question.

A sept heures du matin, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Me Jean Joseph Exumé, est déjà sur les lieux. Peu après, arrive le Commissaire du Gouvernement près le tribunal civil de Port-au-Prince, Me Joseph Manès Louis, le service d'un juge de paix est également requis. Une enquête est déjà diligentée en vue de déterminer les causes de ce sinistre. Dix heures du matin, arrivent d'autres hommes de loi très connus dans le milieu. Onze heures, les ruines de l'ancien cabinet Vandal fument encore.

Là, les commentaires deviennent plus techniques. « C'est indéniablement un crime », lance une voix grave dans la petite foule massée dans les parages et sur les lieux de l'incendie. Les ruines de ce coquet bâtiment tarabiscoté, style ''ginger bread' sont encore fumantes. « Les gens ne devraient pas s'aventurer ainsi sur les lieux. La scène du crime n'est pas protégée », rétorque Me Camille Leblanc, ancien ministre de la Justice. « Les accès (au lieu du sinistre) ne sont pas bloqués. Tout ceci constitue une source de pollution pour la scène du crime. Ce qui peut biaiser le travail des enquêteurs », a-t-il ajouté, demandant, comme d'autres confrères, notamment Mes Jean Henry Céant et Robert Augustin, « de ne pas tirer profit de ce sinistre, mais de se montrer solidaires des avocats du cabinet Vandal ».

Avec cet incendie, « c'est toute la mémoire du droit haïtien qui est perdu, considère le notaire Jean-Henri Céant. Il est celui qui a le document et le livre qui n'existent pas. C'est pourquoi, on va essayer, avec les confrères de bonne foi, de reconstituer ce qui peut l'être ».

Quelques minutes plus tard, arrive un commissaire de police (sans uniforme). Il est suivi de deux agents de la DCPJ et de deux policiers de la MINUSTAH. Les agents de la DCPJ recueillent en aparté les premières déclarations de Me Jean Vandal, encore sous le choc, et de ses deux fils, Jean Ludovic et Jean Patrick, tous deux avocats et membres du cabinet Vandal. Sur la cour, le commissaire a identifié un engin fumant et suspect. Il s'agit d'un seau rempli de coton et de sable. « C'est un cocktail Molotov », lance un connaisseur. « Probablement, il a peut-être été lancé sur le toit. Mais, à mesure que le feu se propageait, il est tombé par terre », tranche le commissaire de police qui n'a pas été identifié.

A ce point, l'un des agents de la DCPJ appelle sa base et demande la présence d'un « expert », alors que hommes et femmes de la basoche ainsi que des proches continuent à défiler, présentant des messages de sympathie à Me Vandal et ses deux fils, les trois visiblement affectés mais acceptant avec courage le fait accompli. « C'est une catastrophe, l'avocat ayant perdu toute sa documentation et tous ses dossiers, il sera pratiquement impossible de tout reconstituer », estime Me Robert Augustin qui affirme que « des documents rassemblés en plus de 60 ans de profession sont, en un seul jour, partis en fumée ».

Il s'agit, en effet, d'au moins trois générations d'avocats qui se sont succédé au cabinet Vandal. Me Ludovic Vandal, avocat ayant milité pendant au moins quarante (40) ans, a légué cet héritage à son fils Jean qui, lui-même, a déjà deux fils avocats, Jean Ludovic et Jean-Patrick, qui travaillaient avec lui au cabinet.

Suite à cet incendie, « des dossiers en cours peuvent en pâtir. D'autres affaires comme celles remontant à celles des turbulences, ne pourront pas être reconstituées », croit-il. Mais le notaire Jean-Henry Céant est plus optimiste. « Il faudra dans la mesure du possible reconstituer les dossiers et c'est là que doit intervenir la compréhension des confrères. Me Vandal, ses fils et les membres de ce cabinet méritent d'être dignement assistés », a-t-il insisté.

Le cabinet Vandal trônait à l'angle des rues Waag et Capois comme un bijou. Au propre comme au figuré, cette maison était témoin d'un ensemble d'événements ayant marqué l'histoire juridique d'Haïti ainsi que celle de la ville de Port-au-Prince. Les archives qui y étaient classées pourraient en dire long. Me Vandal n'est pas non moins une mémoire vivante. En matière de documentation, il est une référence pour les jeunes juristes et tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre, font des recherches dans le champ juridique. Avec cet incendie, c'est tout un pan d'histoire et des tonnes d'imprimés qui sont, pour ainsi dire, réduits en cendres.


Samuel BAUCICAUT
samuelbaucicaut@lenouvelliste.com

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