février 28, 2008

LA NATIONALITÉ DANS L'AFFAIRE BOULOS EST UN FAUX DÉBAT

Le juristehaitien croit que le problème invoqué dans l'affaire Boulos est un faux débat qui cherche à diviser les fils et filles d'une même Nation. Pourquoi on cherche à déterminer qui détient la double citoyenneté dans ce pays, alors que la majorité de la population crève de faim. Il serait préférable de pencher sur qui est étranger en Haiti au lieu de chercher à créer des crises institutionnelles dans ce pays. Nous avons souligné dans un texte publié sur le blogue du juriste qu'il existe une différence sémantique et terminologique entre la notion de citoyenneté et celle de nationalité.

La nationalité est un droit acquis à la naissance alors que la citoyenneté est un privilège octoyé à un citoyen qui réside dans un pays moyennant le respect de certaines conditions. Du point de vue terminologique,on peut avoir plusieurs citoyennetés, mais une seule nationalité. Si quelqu'un n'a jamais renoncé de manière expresse à sa nationalité d'origine, aucune autorité ne peut lui opposer le contraire. À notre avis, aucune autorité haitienne n'est habilitée à priver un natif de son droit d'être Haïtien. On nait Haitien et on meurt Haïtien un point c'est tout, à moins d'une renonciation expresse de ce droit par devant une autorité publique habilitante. JMM

L'affaire Boulos préfigure une crise de légitimité

- L'un des plus grands facteurs de crise en Haïti, c'est l'indécision.
A refuser de trancher la question de la présumée double nationalité du sénateur Rudolph Boulos (Nord-Est, parti Fusion), on tombe dans la confusion, et alimentée de main de maître cette dernière peut déboucher sur une grave crise bloquant toute l'administration et au niveau des trois pouvoirs. Une sorte de crise de légitimité, puisque la nationalité est l'une des sources de la légitimité.
Pourtant la loi est absolument claire à ce sujet. Il n'y aurait qu'à appliquer la loi soit pour confirmer, soit pour infirmer les accusations soulevées en l'occurrence.

Au contraire on décide de créer une commission sénatoriale chargée (sans autre précision) d'enquêter sur la nationalité de tous les parlementaires et hauts fonctionnaires (sic).
Pourtant l'un n'empêche pas l'autre. Si le pays était régi par la loi, on commencerait par faire le jour sur l'affaire Boulos. Puis à la lumière des conclusions obtenues, décider (s'il y a lieu) de créer une commission pour conduire une investigation plus large sur la nationalité des parlementaires ainsi que des membres de l'Exécutif soumis aux mêmes dispositions constitutionnelles en la matière.
Manœuvre politique...

Mais on répond par le dilatoire. Et par la manœuvre politique. Celle-ci de plus en plus évidente. Bassement évidente.
Une commission sénatoriale d'enquête de la nationalité est créée, disons-nous. L'Exécutif approuve, puisque qui ne dit mot, consent.
La présidence de la commission est confiée au principal chef de l'opposition au gouvernement en place, le sénateur de l'Artibonite, Youri Latortue.
Mais c'est le sénateur Rudolph Boulos lui-même, pourtant le principal suspect, qui annonce les couleurs, précisant dans les micros: " c'est une commission pour investiguer le dossier de tous les élus. " Entre parenthèses, pas précisément le mien!


Vive la confusion.

Aussitôt on murmure: Boulos-Latortue, même combat!
Pour ceux qui tarderaient à comprendre la manœuvre, le sénateur Youri Latortue jette dans les micros et le plus sérieusement du monde: " Pour l'instant nous ciblons un sénateur, Ultimo Compère, ainsi que deux ministres... " (mais sans identifier ces derniers, histoire de ménager le suspense!).


Une toile d'araignée...
Vous vous rendez compte. Brusquement ce n'est plus le sénateur Boulos, mais son collègue Ultimo Compère, sénateur du Centre, qui se trouve sur la sellette.
Chapeau!
Le nouveau suspect se débat comme une mouche dans une toile d'araignée.
Il dément être en contravention avec les dispositions constitutionnelles sur la nationalité.
Ultimo Compère fait appel à l'article 286 de la Constitution.

" Tout Haïtien qui a adopté une nationalité étrangère durant les vingt-neuf (29) années précédant le 7 Février 1986 peut, par une déclaration faite au Ministère de la Justice dans un délai de deux (2) ans à partir de la publication de la Constitution recouvrer sa nationalité haïtienne avec les avantages qui en découlent, conformément à la Loi. "
On en déduit que Ultimo Compère a acquis la nationalité américaine (ayant suivi ses parents en exil sous Duvalier, explique-t-il).
Et qu'au lendemain de la chute de la dictature (7 Février 1986), il a " recouvré " la nationalité haïtienne, en vertu de l'article 286 mentionné plus haut.
Très bien, mais que devient sa nationalité américaine?
Nous débouchons sur la même question que dans l'affaire Boulos.

Quid de la nationalité américaine?...
Le constituant haïtien oublie d'exiger de l'appliquant la preuve qu'il a effectivement renoncé à l'autre nationalité.
Dans le cas de la nationalité américaine, on ne peut la perdre que par une déclaration solennelle adressée aux autorités de l'immigration des Etats-Unis...
Ou pour avoir commis un crime ou délit spécial entraînant l'annulation de sa naturalisation.
Dans le cas contraire, on continue à en jouir (avec accent sur le mot jouir) dans la plupart des cas. Quant au sénateur Rudoph Boulos, il a pris naissance aux Etats-Unis. Né le 28 Avril 1951, à Manhattan (New York). Fils de Mr. Carlo Boulos, médecin, et de la dame Aimé Abraham.
L'enfant a été enregistré légalement la même année en Haïti, le 15 Juin 1951, à 10 heures 45 du matin, au bureau de l'Officier d'Etat civil de Port-au-Prince, section Est, qui signe l'acte de naissance, Gérard Gaetjens.
C'est de cette dernière pièce que se prévaut le sénateur Boulos.
Mais quid de la nationalité américaine acquise normalement par sa naissance aux Etats-Unis et qu'un simple enregistrement de sa naissance en Haïti ne suffit pas à faire disparaître?


La Constitution haïtienne, quelque limitée qu'elle puisse paraître à ce sujet, y répond d'une manière catégorique:


" Article 15: La double Nationalité Haïtienne et Etrangère n'est admise dans aucun cas. "


Voire lorsqu'on est un élu.


Aucune référence à la Nationalité concernant les ministres!...


Quant aux membres du Gouvernement (qui ne sont pas des élus), en dehors du Premier ministre (qui doit " Etre Haïtien d'Origine et n'avoir jamais renoncé à sa Nationalité "), la constitution ne fait aucune référence directe à la nationalité concernant les ministres, secrétaires d'Etat et directeurs généraux.


Aussi on peut se demander si ce n'est pas du même dilatoire qu'il s'agit quand la commission sénatoriale de contrôle de la nationalité fait également mention tantôt des ministres, tantôt des hauts fonctionnaires...


Puisque c'est chaque jour qu'on sent augmenter les manœuvres cherchant à dresser un vaste écran de fumée dans le cadre de ce dossier. Ou faut-il dire de ces dossiers, on ne sait plus combien. On n'en sort plus, et c'est le but recherché.


Chapeau!


Une crise pouvant bloquer le système...

Au bout de cette confusion délibérément entretenue (et indirectement, implicitement, complaisamment soutenue par l'Exécutif qui laisse faire, on dirait, d'un œil complice!), ce qui guette c'est la crise. Un blocage du système.


Car peu à peu, lentement mais sûrement, le débat laisse le champ parlementaire pour envahir via les ondes tout l'espace politique. Entendez politique politicienne. Des leaders ou plutôt baroudeurs politiques bien connus en prennent occasion pour refaire leur apparition, reprendre du service et commencer à jeter la pierre, accusant ou dénonçant à tort et à travers. Pourrissant à nouveau l'atmosphère; avec pour objectif (comme ils savent si bien le faire) de rendre la situation encore plus ingouvernable.


Pourquoi il était nécessaire d'inclure aussi les ministres et hauts fonctionnaires dans l'agenda de la commission sénatoriale de la nationalité? Avant d'ajouter aussi les principaux responsables de la magistrature...


Le plus bizarre c'est qu'on voit difficilement ce que le Gouvernement peut avoir à gagner, pris entre d'un côté cette menace d'éclatement et de l'autre l'accusation d'avoir alimenté tout ce scénario pour servir de diversion à la monté de la colère générale contre la vie chère!


Tout cela pour ne pas avoir eu le courage de confirmer ou d'infirmer l'accusation de double nationalité portée contre ce Monsieur Boulos.



Haïti en Marche, 23 Février 2008