mars 20, 2008

RÉACTIONS À LA SUITE D'UN TEXTE SUR LA BINATIONALITÉ..

Me Fortuné,

J'ai lu avec intérêt ton texte sur la double nationalité, car c'est un sujet qui me passionne énormément. Je crois qu'il est grand temps de pencher sur les vrais problèmes de notre société. Notre chère Haiti ne peut plus faire les frais des politiciens aigris qui cherchent à exclure le national d'un pays pour des raisons politiques en se basant sur l'article 15 de la Constitution de 1987. Il est important que les juristes de notre plus haute instance ouvrent le débat de manière à donner un avis juridique sur l'application de l'article 15 de la loi fondamentale du pays. Du point de vue terminologique, il y a une différence fondamentale à faire entre les notions de nationalité et de citoyenneté.

La nationalité est un droit acquis dès la naissance en fonction d'un lien paternel / maternel ou en vertu du droit international (us soli, us sanginis). Alors que la citoyenneté est un privilège accordé à un ressortissant d'un autre pays qui réside pendant longtemps dans une ville ou d'un pays et qui n'enfreint pas les règles établies pour bénéficier d'un tel privilège. Ce qui revient à dire, un natif peut avoir plusieurs citoyennetés, mais une seule nationalité. À mon avis, si un natif n'a pas renoncé à sa nationalité d'origine par une déclaration expresse devant les autorités compétentes, personne ne peut lui opposer le contraire.

Selon moi, on devrait avoir une interprétation assez large de l'article 15 de la Constitution pour ne pas exclure la force pensante (élite intellectuelle haitienne) qui est à l'extérieur du pays. Lorsqu'on sait que la diaspora contribue près de 1milliard 600 millions à l'économie du pays, j'ai la difficulté à comprendre la réaction de certaines personnes qui cherchent à établir une différence entre l'Haitien local et celui vivant à l'étranger. Nous sommes tous les fils et filles d'une même Nation en dérive, il est urgent de se serrer la ceinture pour contribuer à son avancement et non pas à sa destruction. D'après moi, on peut invoquer l'application de l'article 15 lorsqu'il existe un conflit entre deux lois dans un contexte du droit international.

La Constitution parle de celui qui a renoncé à sa nationalité d'origine. Il est bon de se demander : quel est le sort réservé aux ressortissants haïtiens ayant obtenu leur citoyenneté dans un pays comme le Canada, la France, l' Italie où l'on tolère la double citoyenneté. J'aimerais bien conclure en disant qu'il ne peut pas exister deux nationalités, mais deux ou plusieurs citoyennetés. On nait Haïtien et on meurt Haïtien. Même si on detient le passeport d'un autre pays, ce n'est pas une preuve suffisante pour qu'un natif puisse perdre sa nationalité. Il faudra que les autorités compétentes puissent faire la preuve d'une déclaration expresse de la part de l'intéressé attestant qu'il a renoncé de son propre chef à ce droit acquis dès la naissance. Si les parlementaires consacrent leur temps à élaborer et à voter des lois sérieuses pour supporter le développement du pays, ce serait une très bonne chose pour la démocratie.

Créer la division entre les fils et filles d'une même Nation pour satisfaire leurs intérêts mesquins, ce n'est pas le rôle d'une institution parlementaire crédible dans un pays où il existe une extrême pauvreté. Il serait préférable d'adopter des lois pour punir les parlementaires qui acceptent des pots de vins pour donner leur appui à un quelconque projet de lois qui va à l'encontre des intérêts de la collectivité des citoyens de notre chère Haiti.

Jean-Marie Mondésir
juriste haitien