mars 14, 2009

APRÈS SIX ANS DE FERMETURE, L'ÉCOLE DE LA MAGISTRATURE OUVRE SES PORTES...

ÉCOLE DE LA MAGISTRATURE: Une arme essentielle au service de la réforme judiciaire et de l’État de droit !
Par Alix Laroche
Six ans après sa fermeture pour cause de turbulences politiques, l’École de la magistrature (Ema), située sur la route de Frères, a rouvert ses portes, ce jeudi 12 mars, en présence d’autorités locales et étrangères.
C’est avec fierté que les autorités haïtiennes ont, lors de la cérémonie officielle présidée par le chef du gouvernement, Michèle Duvivier PierreLouis, entonné le premier couplet de la Dessalinienne, en présence d’un nombre important de représentants de la communauté internationale, notamment du chef civil de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), Hédi Annabi.
Outre la Première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis et le ministre de la Justice, Me Jean-Joseph Exumé, des membres du corps diplomatique, le vice-président de la Cour de cassation, Me Georges Moïse, des représentants de la communauté internationale, de la société civile, des invités d’honneur et des parlementaires ont été remarqués, sur la cour de l’Ema. Assis à la première rangée, côté gauche de l’assistance selon le protocole de circonstance, l’exprésident de la République, Me Boniface Alexandre, a également assisté à la cérémonie.
La réouverture de l’École de la magistrature a été rendue possible grâce à l’appui financier et technique de la communauté internationale, particulièrement de l’Union européenne (UE), l’Agence américaine pour le développement international (USAID), l’Agence canadienne de développement international (Acdi), la Minustah, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). L’État haïtien, via le ministère de la Justice et de la Sécurité publique, y a apporté également sa quote-part. L’asphaltage de la cour de l’établissement, a-t-on informé, a été entièrement réalisé par des ingénieurs chiliens et brésiliens de la mission onusienne en Haïti.
Selon les intervenants qui ont tour à tour pris la parole, la réouverture de l’École de la magistrature (Ema) doit permettre à l’institution de poursuivre sa mission fondamentale de former davantage de cadres pour l’efficacité du système judiciaire national. Aussi, les discours officiels ont-ils particulièrement porté sur l’importance du rôle de l’École de la magistrature dans la réforme de la justice et dans le renforcement de l’État de droit dans le pays.
Selon le directeur général de l’Ema, Me Lionel Beaubrun Constant, cette réouverture traduit la volonté politique du gouvernement Préval/ Pierre-Louis de professionnaliser le corps judiciaire du pays. Mais aussi, a-t-il avancé, la volonté d’institutionnaliser dans les faits l’indépendance du pouvoir judiciaire et de redorer le blason d’un système trop souvent décrié. « La réouverture officielle de l’École de la magistrature est un événement majeur dans la vie du système judiciaire haïtien, particulièrement de chaque magistrat », a-t-il déclaré, avant d’informer de toute une série de programmes de formation qui sera bientôt initiée à l’École. M. Beaubrun , qui a fait remarquer que sa tâche ne sera pas facile, a réclamé des autorités concernées l’encadrement et le support nécessaires pour le plein fonctionnement de l’École de la magistrature,.
Dans son allocution de circonstance, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Me Jean Joseph Exumé, qui a eu le privilège d’inaugurer cette école en 1995 en tant que ministre de la Justice d’alors, a exhorté le directeur général de l’Ema à adopter toutes les mesures nécessaires afin que l’école puisse s’acquitter effectivement de sa mission.
Pour sa part, la Première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis, qui a réitéré l’engagement de son gouvernement dans la réforme judiciaire, a axé ses propos sur la nécessité pour les autorités judiciaires de permettre une meilleure distribution de la justice dans la société. « Comme je l’ai dit dans ma Déclaration de politique générale, la sécurité est le résultat. Ce résultat ne peut être obtenu que quand toutes les institutions concernées jouent bien leur rôle », a rappelé Mme Pierre-Louis, avant d’insister sur l’obligation pour l’État de changer l’image négative projetée depuis déjà trop longtemps par la justice haïtienne.
Créée en 1995, d’après les exigences de la Constitution de 1987, l’École de la magistrature (Ema) a pour mission d’assurer la formation initiale et continue des magistrats, des auxiliaires de la justice et de l’ensemble des professionnels qui concourent au fonctionnement public de la justice.

FAUT-IL AMENDER LA CONSTITUTION DE 1987?

La Constitution de 1987 est-elle amendable aujourd'hui ?
(Première partie)

Par Samba Martin

Depuis la Déclaration de leur Indépendance le 4 Juillet 1776, les Etats-Unis d'Amérique ont conservé pendant 232 ans une seule et même Constitution. Celle-ci a certes été amendée dix-huit (18) fois entre décembre 1791 (Bill of Rights ratifiant les 10 premiers Amendements) et mai 1992 (27ème Amendement), par rajout aux anciennes normes en quasi-totalité toujours en vigueur de nouvelles normes compatibles avec les exigences d'évolution de la société américaine.

Tandis que la seconde Nation indépendante d'Amérique et première République Noire, Haïti, était dotée par ses leaders politiques successifs de 22 Constitutions différentes en 200 ans, depuis la Constitution monarchique louverturienne de 1801 jusqu'à la Constitution dite républicaine de 1987 en vigueur.

Hormis celle-ci, les précédentes Constitutions haïtiennes avaient pour caractéristique commune de refléter la volonté du leader politique qui en était le promoteur de garantir son maintien à vie au pouvoir, ainsi que son droit de nommer un successeur parmi ses héritiers. Autant de sujets séculaires de préoccupation et parfois de réprobation des citoyens, auxquels sont venus s'ajouter d'autres sujets liés à la conjoncture politique nationale et à l'évolution de la société. Telles que la réhabilitation des Forces armées arbitrairement dissoutes en 1995 et la question de la double nationalité des Haïtiens de la diaspora. Ces nouveaux sujets qui font souvent des vagues, ont cédé la vedette au traitement anti-constitutionnel dont les sénateurs de la République, de la mi-juin à la mi-septembre derniers, ont auréolé les procédures de ratification de la nomination présidentielle et d'approbation de la déclaration de politique générale du Premier Ministre, Michèle Duvivier Pierre-Louis.

Cependant, confrontées à diverses manoeuvres politiciennes, partisanes et mesquines, les tentatives d'amender la Constitution inopérante de 1987, entreprises ou préconisées au cours des cinq dernières années, sont toutes restées lettre morte. Que ce soit pour expurger ou réformer ceux des prescrits les plus controversés, ou pour édicter de nouvelles normes conformes aux impératifs inhérents à l'évolution de la société haïtienne.
Après l'échec des experts individuels et de la Commission spéciale mandatés à cette fin au lendemain de son investiture en mai 2006, le Président René Préval s'est finalement résigné en déclarant le 17 octobre 2007 que ladite Constitution est désuète, inutilisable et « inadaptée à des fins de stabilité politique ». S'appuyant sur des conclusions formulées par Claude Moïse et autres dans leur « Rapport sur la question constitutionnelle et Annexes », le Chef de l'Etat s'est aussi plaint des discordes existant sur les méthodes d'amendement à suivre. Pour finalement annoncer la création d'une nouvelle Commission de réflexion et de propositions composée d'experts haïtiens et étrangers. Un groupe de travail de 17 membres placés sous la coordinnation de Claude Moïse est donc créé à cette fin par arrêté présidentiel du 18 février 2009. On constate en même temps que le plupart des membres de ce groupe de travail ont traditionnellement des positions équivoques à l'égard des amendements constitutionnels, quand ils n'en sont pas de farouches opposants. Mais l'heure n'est plus à l'usage de vieilles méthodes contreproductives d'une approche avec des oellères politiciennes, claniques ou narcissiques. Place à l'intégrité et la rigueur intellectuelles.

Après avoir exposé un aperçu non exhaustif des oppositions partisanes emblématiques aux amendements et des dommages collatéraux inestimables qui en résultent au pays, il sera enfin jeté un bref regard sur les nombreuses atteintes portées en la circonstance tant à laditeconstitution qu'à la continuité de l'Etat. Seront ensuite présentés ultérieurement l'exposé non exhaustif des exégèses édifiantes favorables aux amendements immédiats, ainsi que les propositions formulées à cette fin pour sortir d'un enfer surréaliste qui perdure.

Oppositions partisanes emblématiques aux amendements

Dans son pertinent plaidoyer en faveur des amendements constitutionnels publié sous le titre « Réflexion sur la question constitutionnelle aujourd'hui », publié entre autres médias par Le Nouvelliste du 16 mars 2007, Claude Moise écrit notamment en conclusion :

« Cette démarche de clarification de la mère de toutes nos lois se justifie en considérant les objectifs de l'instauration de l'Etat de droit (...) Il faut reconnaître cependant qu'elle déclenche des résistances et alimente la méfiance. Celle-ci prendra de l'ampleur si on ne sait pas convaincre de la haute portée de l'opération qui n'est pas dirigée contre telle catégorie, tel individu ou en faveur de telle catégorie ou tel individu. Aussi, je préconise le maintien de la ligne pédagogique et l'extension de la consultation à l'échelle du pays, la démarche n'ayant de chance d'aboutir que dans le cadre d'un véritable dialogue national mettant les acteurs sociaux et politiques face à leur responsabilité patriotique. »


Dès lors qu'il s'agit d'instaurer un Etat de droit régi par la force souveraine de la loi placée au-dessus des sentiments, desseins, comportements et activités publiques tant des individus que des pouvoirs publics, la question fondamentale consiste à savoir, a priori, en vertu du principe sacré selon lequel « Nul n'est censé ignorer la loi », même et y compris le nouveau-né d'aujourd'hui à la vie, si les résistances et méfiances engendrées par le projet d'amendement sont elles-mêmes conformes d'une part aux prescrits constitutionnels actuels tels qu'ils sont formulés et, d'autre part, aux normes des Instruments des droits humains de portée universelle et régionale qui engagent l'État haïtien ?

Car, aux termes de l'article 276-2 de la Constitution de 1987, les traités et conventions internationaux ratifiés, dont les prescriptions sont non négociables, ont la primauté absolue sur toutes les lois haïtiennes dont les dispositions leur sont contraires. Les analyses qui suivent sont donc axées sur ce principe capital qui est souvent sciemment ou non ignoré par ceux qui prônent, parfois dilatoirement, un dialogue national préalable aux amendements. Une distinction objective pourrait ainsi être valablement faite entre les oppositions sérieuses et les résistances partisanes rétrogrades aux amendements, qui n'ont aucun fondement juridique, sociétaire ou moral.

a/ Haïti Observateur :

Soulignant que la Constitution de 1987 est une « pomme de discorde » responsable de bien des tracasseries politiques et cause de blocages institutionnels à répétition, Haïti Observateur du 21 février 2007 a révélé l'existence au Sénat d'un groupe de spécialistes dénommé « Réforme Révolutionnaire », composé entre autres des avocats et de l'un des constitutionnalistes les plus connus auteur de plusieurs livres sur les Constitutions haïtiennes - allusion à Claude Moïse, ndt. Lequel groupe travaille sur les amendements constitutionnels en contact permanent avec le Président Préval, notamment l'amendement de l'article 234.3, qui interdit la prolongation du mandat présidentiel, l'exercice de deux mandats successifs et la sollicitation d'un troisième mandat. En fin de compte, l'auteur anonyme tire la conclusion paradoxale suivante : « (...) A coup sûr, le pays presque à l'unanimité se rangera derrière tout projet visant à amender la Constitution de 1987. Par contre, de larges secteurs nationaux se dressent en opposition à toute démarche à cette fin, que les autorités en place entreprennent dans le secret».

Un projet d'amendement constitutionnel ne peut être rendu public qu'une fois qu'il est définitivement élaboré. Est-ce donc sur la forme ou sur le fond que porte en réalité l'opposition ainsi déclarée de larges secteurs nationaux, quand les ravages causés au pays par une Constitution dont les amendements seraient approuvés par presque tous les Haïtiens sont a contrario reconnus ?

b/ Jean-Claude Bajeux :

Coordonnateur de la Commission citoyenne pour l'application de la justice (CCAJ) affiliée à l'Eglise catholique, Jean-Claude Bajeux, au nom de son Organisation, cite dans Le Matin du 28 mars 2007 Montesquieu, qui disait qu'il « ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante ». Il objecte que les divers gouvernements qui se sont succédé depuis l'adoption de la Constitution de 1987 n'avaient pas une réelle intention de l'appliquer. Et estime qu'il importe d'abord de parvenir, au moyen de débats menés « dans la fidélité à la Constitution de 1987(...) pendant les trois ans qui nous séparent de la dernière session normale de cette présente législature(...) », à dégager une entente nationale (...) sur l'identification et l'ampleur des amendements nécessaires, ainsi qu'à une formulation des changements qui seraient proposés aux Chambres », et appliquer ensuite rigoureusement le processus d'amendement prévu aux articles 282 à 284-4. Pour conclure, en soulignant avec force « (...) que le projet d'amender ne doit pas répondre à des soucis de conjoncture, se rappelant que, depuis Pétion en 1806, tous les chefs d'Etat ont voulu établir une Constitution à la mesure de leurs rêves personnels et des besoins de leur politique ».

Il convient de donner ici acte à l'opposition partisane feutrée aux amendements du Coordonnateur de la CCAJ, présentée sous le titre significatif « Vingt ans après, honneur et respect à la Constitution du 29 mars 1987 ». Non sans préalablement observer que l'initiative de soumettre des projets de lois au Parlement « sur tous les objets d'intérêt public » comme c'est présentement le cas, est exclusivement conférée au Pouvoir Exécutif et à l'une des deux Chambres parlementaires elles-mêmes par les dispositions des articles 111 et 111-1 de la Constitution de 1987. Et non à une quelconque Organisation quelle qu'elle soit ni individuellement aux citoyens, comme le préconise insidieusement le Coordonnateur de la CCAJ.

c/ Le Docteur Georges Michel :

Sous le titre « La Constitution de 1987 : le Point », le Docteur Georges Michel, ancien membre de l'Assemblée Constituante, dont il fait figure d'éminence grise et d'idéologue du camp de refus des amendements, développe dans Le Nouvelliste du 7 mai 2007 un plaidoyer pro domo sua qui s'oppose à toute sorte d'amendement. Motifs ? C'est la troisième Constitution en durée de l'histoire haïtienne, après celle d'Hyppolite qui a duré 29 ans de 1889 à 1918 et celle de Pétion qui a duré 27 ans de 1816 à 1843. Grâce à son « système de verrouillage, (...) La Constitution de 1987 se voulait un rempart contre le pouvoir personnel. Elle a largement atteint son but. Tous les aspirants dictateurs de ces 20 dernières années se sont cassé les dents sur la Constitution de 1987, et tous les aspirants dictateurs présents ou à venir connaîtront aussi probablement le même sort(...) ». A ceci s'ajoute le fait que « A cause de son originalité et de ses vertus relatives notamment aux différents droits qui y sont garantis et à l'équilibre des Pouvoirs tel qu'elle le conçoit, la Constitution haïtienne de 1987 est étudiée avec intérêt dans de nombreux pays du monde (...) », écrit le plaideur.

Les futurs développements diront si le système de verrouillage de la Constitution de 1987 contre le retour des dictatures centrales et sa conception spécieuse de l'équilibre des Pouvoirs politiques et des droits individuels garantis, dont l'apologie est ainsi faite, n'ont pas plutôt en réalité produit un effet boomerang, qui a donné naissance à des dictatures collatérales corrosives. Bien que le docteur Michel ne trouve que des vertus aux interdictions de dissolution du Parlement, de révocation du Premier Ministre et autres interdictions assignées au Président, garant du fonctionnement régulier des Pouvoirs Publics et de la continuité de l'État.

Sur la précipitation de vouloir amender une Constitution votée en masse par la population, l'auteur cite en exemple la Commission de réflexion sur les éventuels amendements de la Constitution japonaise de 1947, dont les travaux sont toujours en cours depuis une quinzaine d'années. Il adopte au demeurant la même position que M. Bajeux de la CCAJ relative à l'exigence d'une entente nationale préalable sur les amendements à opérer et lance cet avertissement : « (...) C'est à ce prix là et à ce prix là seul que les éventuels amendements seront acceptés et respectés par tous. Nous le disons ici solennellement ».

On sait pourtant que les 40 membres de l'Assemblée Constituante avaient été nommés par le régime putschiste des généraux Henri Namphy et Williams Regala, dénommé Conseil national de gouvernement. Dans son interview au quotidien Le Matin du 29 mars 2007, la constitutionnaliste Mirlande Manigat soutient à juste titre que la Constitution de 1987, dont certains articles sont inapplicables, avait été élaborée en trois mois de décembre 1986 à mars 1987 par des constitutionnalistes non juristes ni politologues, et que le vote oui au référendum était obligatoire.

Dans ce contexte, est-ce bien la Constitution inopérante de 1987 ou plutôt le coup d'Etat sanglant de mai 1988 qu'elle incarne, que d'aucuns s'évertuent ainsi à défendre le maintien perpétuel avec acharnement ?
Le danger de régression du pays est encore plus grand quand le docteur Michel affirme que la double nationalité avait été accordée aux Haïtiens de la diaspora par la Constitution de Jean Claude Duvalier de 1983, devenue caduque pour manque de légitimité après la chute de ce dernier en février 1986. Que sa demande de reconduire cette disposition dans la Constitution de 1987 avait été rejetée par l'Assemblée Constituante. Qu'en conséquence, au lieu d'amender la Constitution, il convient plutôt que les Haïtiens de la diaspora fassent pression à leur retour au pays sur le gouvernement, pour l'inciter à fermer les yeux sur leur double nationalité afin qu'ils puissent jouir de tous les droits civils et politiques.

Citant en cela l'exemple des gouvernements grec et suisse, qui ferment les yeux sur la nationalité étrangère acquise par ceux de leurs ressortissants qui reviennent s'installer au pays. Mais le panégyriste n'explique pas par quel mécanisme juridique un ressortissant grec ou suisse, qui a prêté serment lors de sa naturalisation à l'étranger de renoncer à sa nationalité d'origine, peut-il recouvrer celle-ci du seul fait de sa présence physique dans son pays natal?

De même que le panégyriste ne justifie pas non plus la légitimité de son exigence péremptoire d'une entente nationale préalable aux amendements, dès lors que l'exercice de la souveraineté nationale par voie des élections au suffrage universel secret est attribué à tous les citoyens par les articles 58 et 59 de la Constitution. En formulant une telle exigence illégitime, le panégyriste pourrait avoir agi comme un aspirant dictateur, au risque de se casser les dents lui-même sur le système de verrouillage de la Constitution de 1987 qu'il défend ardemment !

d/ Déjean Bélizaire :

Sans s'opposer formellement aux amendements, Déjean Bélizaire, Doyen de la Faculté des sciences appliquées de l'Université G.O.C., ancien Président du Sénat et de l'Assemblée Nationale et président du parti MNP-28, tout en reconnaissant certaines faiblesses de la Constitution de 1987, soutient néanmoins dans Le Nouvelliste du 24 octobre 2007 sous le titre « Onè respè pou Konstitisyon peyi-a » :

« Depuis le retour à la tête du Pays de l'Agronome René Préval,(...) le Peuple haïtien assiste choqué et désemparé à une campagne acharnée - d'amendement, ndt - conduite par le Président de la République lui-même, contre la Constitution du pays au respect et à l'exécution de laquelle il s'est engagé sous serment devant l'Assemblée nationale. Usant d'arguments tout à fait spécieux, le président Préval insiste et persiste pour dire que cette Constitution massivement votée par le Peuple haïtien le 29 mars 1987 est « Source d'instabilité politique ». Mais,(...)qu'est-ce qui a jamais été tenté pour implanter cette démocratie représentative et participative dont cette Constitution est porteuse et dont elle est la cheville ouvrière ? ».

Le récent blocage politique par le Sénat pendant plusieurs mois du fonctionnement régulier des Institutions lors de la ratifiacation du Premier ministre constitue, entre autres, un témoignage éloquent qui atteste que la Constitution de 1987 est une source permanente d'instabilité politique. De même que l'exclusion du référendum populaire du processus d'amendement, traitée ultérieurement dans le cadre des mesures d'équilibre des Pouvoirs, est attentatoire aux normes internationales de démocratie participative notamment édictées par la Charte de l'Organisation des Etats Américains (OEA), la Charte démocratique Interaméricaine et autres...

e/ Association nationale des médias haïtiens (ANMH) :

Il revient à l'ANMH de clôturer ce recueil non exhaustif des oppositions partisanes emblématiques aux amendements. Imputant à l'intention manifestée par le Président Préval d'amender la Constitution de 1987 « (...) la détérioration subite du climat de sécurité dans le pays », une situation dont elle est hautement préoccupée et inquiète, l'ANMH déclare en substance dans un communiqué publié par Le Nouvelliste du 25 octobre 2007 :

« L'ANMH s'inquiète de cette situation qui coïncide avec une nouvelle controverse et un malaise social liés aux déclarations du Chef de l'Etat le 17 octobre 2007, faisant de la Constitution du 29 mars 1987, jusque-là la « Bible » de la transition démocratique, mais désormais transformée par la vision présidentielle, évidemment erronée, en la source de tous les maux de notre société(...).

« C'est dans la longévité de l'application de la Constitution que l'on forgera de nouvelles mentalités et que l'on raffinera nos moeurs et pratiques politiques dans une société plus conviviale au bénéfice de tous(...). Tout faux débat autour de questions non fondamentales, tout faux-fuyant, toute déclaration irréfléchie ne pourront être qu'autant de carburant sur le feu des tensions sociales qui, paradoxalement, commencent à s'attiser comme si une main invisible le commandait(...) ».

Les extraits suivants du pertinent Editorial du Nouvelliste de même date, fournissent la réponse appropriée à cette opposition emblématique aux amendements, dont les implications juridiques seront analysées ultérieurement, ainsi qu'à toutes les autres oppositions précédemment analysées ou non. Que dit l'éditorial du Nouvelliste du 25 octobre 2007?

« Dans notre pays, quand il y a scandale, il faut chercher très loin l'anguille sous la roche. Le scandale sert en général à focaliser l'attention générale sur un fait bien déterminé alors que l'événement se passe ailleurs, très, très loin ailleurs.

« Depuis quelque temps, tout le monde y va de son laïus en ce qui a trait aux amendements possibles de la Constitution de 1987. De crainte en supposition, on finit par émettre les hypothèses les plus absurdes, les plus dépourvues de bon sens. Et pourtant, chez nous, nous le savons par expérience, l'absurde est parfois moins absurde qu'on pourrait le penser...

« (...) Le problème n'est pas l'amendement de la Constitution, mais les articles qui seront touchés par cette démarche.

« Quels sont les articles que l'on voudrait amender? et pourquoi? Là, le débat pourrait prendre une tournure intéressante dans la mesure où les protagonistes se comportent de manière démocratique, intelligente et civilisée sans qu'il ne soit nécessaire de porter des coups bas et d'en arriver à la diffamation. »

Et l'Editorialiste de donner la dernière onction aux opposants aux amendements, comme pour exorciser leurs fantasmes en interrogeant : « Qui a peur? de quoi? ».

Bas les masques...

L'anguille sous la roche dont il est question ici est ce qu'on pourrait appeler « la duplicité coutumière de l'Haïtien » héritée des mentalités malicieuses de l'esclavage, un fléau qui ravage ce pays sans discontinuer depuis 200 ans. Quand son existence est reconnue, la loi générale ne s'applique qu'aux autres et pas à soi-même. De sorte que le pays tout entier n'est peuplé que par des individualismes forcenés et non par des citoyens unis et respectueux de l'ordre social.

Au regard de la Loi Fondamentale, il en résulte autant de dictatures individuelles collatérales et corrosives de l'ordre social que d'individualismes forcenés. C'est pourquoi de nombreux experts considèrent à juste titre que Haïti ne répond pas aux caractéristiques d'un État-Nation.

Selon le professeur Erwin Chemerensky de la Faculté de droit de l'Université américaine de Caroline du Sud, la Constitution représente un effort de la société de s'imposer des limites pour protéger les valeurs qu'elle chérit le plus, un effort de se lier les mains, de limiter ses penchants à succomber à des faiblesses qui pourraient endommager et saper les fondements de ces valeurs. Car, dit-il,
«l'histoire enseigne que les passions du moment peuvent causer que les peuples sacrifient même les principes les plus fondamentaux de liberté et de justice ».

En effet, le temps des Constitutions providentielles est révolu de nos jours. La prétendue vertu attribuée à la Constitution de 1987 de servir de rempart contre les nouvelles dictatures est un mythe à la fois trompeur et mystificateur. Considérée pendant plus de deux siècles comme l'une des meilleures Constitutions, la Constitution américaine est aujourd'hui décriée tant aux Etats-Unis même que partout ailleurs dans le monde, depuis l'érosion ou l'amputation des droits et libertés fondamentaux opérée par les nouvelles lois anti-terroristes adoptées à partir de 2001.
La Constitution de n'importe quel pays n'est donc plus désormais appréciée qu'à la lumière de sa conformité ou non aux normes standardisées de protection des droits de l'homme et au regard des formes et mécanismes des Pouvoirs Publics, fixés par les traités et conventions internationaux ad hoc.

Il est ainsi indéniable que ceux des nombreux prescrits de la Constitution inopérante de 1987, qui ne sont pas conformes aux normes non négociables édictées par les Instruments internationaux ratifiés par Haïti, lesquels Instruments ont la primauté absolue sur les dispositions contraires des lois haïtiennes. Conformément à l'article 276-2 de la Constitution, devraient par conséquent être amendés sans aucun conciliabule préalable dans le contexte d'instauration d'un Etat de droit.

Le Nouvelliste a également apporté une autre contribution importante dans ce grand débat en réalisant en mars 2007 dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, à l'occasion du 20ème anniversaire de la Constitution de 1987, un sondage portant entre autres sur la question controversée de « La nécessité ou non d'amender » ladite Constitution. Signe des temps, le résultat de ce sondage publié à « la une » du Nouvelliste du 30 mars 2007, révèle que les sondés ont approuvé à une écrasante majorité de 87,4% le projet du gouvernement d'amender cette Constitution.

Ce qui confirme, in fine, que les oppositions partisanes aux amendements ne reflètent en réalité que l'opinion personnelle de leurs auteurs ou, tout au plus, l'opinion des membres des coteries auxquelles appartiennent éventuellement lesdits auteurs.

En effet, comment comprendre autrment que le Docteur Georges Michel soit par exemple à la fois le farouche opposant aux amendements que nous venons de découvrir dans Le Nouvelliste; le défenseur zélé dans Haïti Liberté du présumé violateur de la Constitution, Rudolph Boulos; et aujourd'hui un éminent membre de la Commission des amendements constitutionnels...!


A suivre...

LES PROPOS TENUS AU PALAIS NATIONAL PAR MICHARD GAILLARD

Discours de Micha Gaillard

Aujourd'hui mes propos ne vont pas s'attarder sur les plaies qui rongent notre justice. On les a souvent énumérées et répétées ces vingt dernières années. Je pense, notamment, à la dépendance de la Justice vis-à-vis du politique, à la corruption, aux limitations de nos juges, aux difficultés d'accès à la justice aussi bien pour les pauvres que pour les secteurs les plus favorisés économiquement.

Aujourd'hui, plus qu'hier, la population attend de l'Etat les services auxquels elle a droit. Ceci est valable pour la Justice. Or cet Etat a des difficultés énormes à délivrer. Un Etat à débloquer avec une société civile critique et participative.

Il nous faut accepter l'évidence : l'Etat n'est pas en mesure, tout seul, de satisfaire les légitimes revendications des communautés. D'autres présidents de la République, d'autres parlementaires, d'autres acteurs judiciaires auront à faire face à la même réalité : un Etat incapable, dans l'état actuel de son organisation, de satisfaire les demandes.

Cette situation de blocage interpelle les citoyennes et les citoyens, les élites politiques, les élites civiques et les élites populaires, qu'elles soient nationales ou locales. Cette interpellation se synthétise en une question toute simple : devons-nous, en connaissant les faiblesses de l'Etat dans sa capacité d'apporter des solutions aux problèmes, devons-nous, nous limiter à déplorer et à dénoncer cette situation? Ou bien devrons-nous, tout en demeurant critiques, mettre la main à la pâte et contribuer, comme citoyennes et citoyens, à côté des responsables de cet Etat, à réformer nos institutions, en participant dans des espaces qui nous offrent une opportunité réelle de faire avancer les choses?
C'est une question fondamentale à laquelle il faut répondre aujourd'hui, si on refuse qu'Haïti reste dans cette situation.


Pouvoir être dans un espace offrant l'opportunité de faire des recommandations pour un meilleur fonctionnement de la justice à court, moyen et long terme, et en plus de ces recommandations, avoir la possibilité de faire le suivi pour l'application de ces recommandations avec les concernés de l'Etat (je pense au Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, au Parlement, au prochain Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire), est un défi exaltant que les membres du Groupe de Travail ont décidé de relever. Ce d'autant plus que le Président Préval ne cesse de nous répéter que le Groupe de Travail sur la Réforme de la Justice est indépendant du gouvernement et de la Présidence. Les membres de la Commission ne sont pas là pour faire plaisir au premier mandataire de la République mais pour faire avancer le processus de réformes.

Point de substitution de l'Etat par le Groupe de Travail

Cette participation citoyenne ne se substitue pas aux institutions de notre système politique : les trois pouvoirs de l'Etat gardent chacun ses attributions. Le rôle du Groupe de Travail sera de mobiliser les ressources, les compétences de ceux et de celles qui veulent apporter leur contribution... dans les limites de leurs capacités, dans le cadre de ses prérogatives telles que définies dans l'arrêté présidentiel du 18 février 2009.
Le Ministère de la Justice aura à faire son travail, les Parlementaires le leur, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire le sien et le Groupe de Travail jouera un rôle d'accompagnement et de facilitation dans la réalisation des activités de chacun d'eux.

Cette démarche méthodologique est révolutionnaire car, d'une part, elle permet de rapprocher les membres d'une société, nourrie au lait de la suspicion, autour de la réforme de la justice et, d'autre part, de créer la possibilité pour cette société de travailler avec l'Etat sur un projet commun, celui de la Justice.
Quelles que soient les appréciations -souvent très critiques- des unes, des uns et des autres sur le fonctionnement de l'Etat et son mode de gouvernance actuel, ces femmes et ces hommes ont, par souci patriotique, accepté d'être membres d'une Commission présidentielle. C'est faire preuve de courage.

Ils et elles sont acquis à l'idée que la Réforme de la Justice est un processus politique et social qui nécessite la participation des acteurs de la société civile à coté des acteurs judiciaires, des parlementaires, des ministres, du premier ministre. Comme il s´agit, en fin de compte, de transformer la culture judiciaire de notre pays, tous ces acteurs sont appelés à contribuer, à partir de leur fonction et de leur rôle respectif (dans la société et dans l'Etat) à rechercher, sans arrêt, des consensus et des alliances pour aboutir à la réforme.


Les espaces de concertation et d'action

C'est en fonction de cette vision que l'arrêté présidentiel précise que « le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, les Secrétaires d'Etat à la Justice et à la Sécurité Publique ainsi que le Directeur Général du Ministère ont le statut d'observateurs permanents. A ce titre, ils participent aux réunions du Groupe de Travail. » Ceci a un double avantage : d'abord cela permettra une réflexion commune, un échange d'informations et ensuite la participation des responsables du ministère dans la conception des recommandations, ce qui facilitera leur application.


D'autres espaces de dialogue, de recherche de confiance, de compromis et d'alliances auront à être, pas à pas, construits.
D'abord avec le prochain Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) dont l'installation tarde, tarde, tarde... La certification des premiers membres du Conseil d'Administration doit aboutir au plus tôt. De même la nomination du Président de la Cour de Cassation qui est également président du CSPJ est urgente. Ce seront peut-être les premières recommandations d'urgence sur lesquelles notre Groupe de Travail aura à se pencher.
A travers le CSPJ, ce seront les acteurs judicaires qui seront touchés pour débattre de la Réforme et appliquer les premières mesures.


Un espace permanent de dialogue avec le Parlement, en particulier avec les Commissions de Justice du Sénat et de la Chambre des députés, aura à être constitué. Les parlementaires doivent être intégrés dès le départ dans ce processus afin que les projets de lois qui leur parviendront auront été connus et même travaillés avec eux. Les compromis auront été déjà réalisés en amont.
Enfin et surtout, les espaces de dialogue seront institués avec les partis politiques, la société civile, toute classes confondues et dans tout le pays.

Bâtir sur des acquis des uns et des autres

Aujourd'hui la Commission de suivi sur la réforme de justice est formalisée et élargie tant dans sa composition que dans ses compétences. Le Groupe de Travail sur la réforme de la justice lui succède. Ses travaux vont démarrer avec les acquis de ladite Commission de suivi, je pense entre autres :
•à la production des deux documents : le bilan de la réforme durant les 20 dernières années, « Réforme judicaire : Bilan et perspectives » et les 18 mesures d'urgence à prendre ;
•aux liens tissés avec la société civile, les acteurs judiciaires et les autorités locales dans les 14 des 18 juridictions du pays qui ont fait des recommandations pertinentes et qui ont mis en place de noyaux locaux composés de membres desdites communautés ;
•aux liens tissés, dans l'action, avec le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP), avec le Parlement, avec les membres élus et en instance d'installation du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ).

Je profite de l'opportunité qui m'est offerte pour remercier les responsables de ces institutions pour leur esprit de collaboration, bien que des fois des frictions inévitables ont apparu mais ont été aussitôt dissipées. Merci aussi aux différentes institutions de la Communauté internationale qui n'ont pas ménagé leur soutien dans la réalisation de nos activités.


Le Groupe de travail se renforce avec l'arrivée de membres éminents de la société civile qui eux aussi ont acquis une importante expérience. Je pense aux membres des groupes de droits humains, en particulier le Forum Citoyen, je pense à des intellectuels, à des avocats qui ont travaillé sur le sujet et à des personnes venant des secteurs populaires qui vivent avec leur communauté ce déni de justice. C'est avec cette équipe que nous allons au-devant de la société et des institutions de l'Etat pour jouer notre partition.


Harmoniser les initiatives à travers une démarche originale

L'une des plus grandes tâches du Groupe de travail sera de participer à l'harmonisation des différentes initiatives dans le domaine de la réforme de la justice, initiatives provenant tant des différentes branches de l'Etat que des différents groupes de la société civile, voire de l'international.
Une harmonisation de ces initiatives est vitale pour le succès de l'opération afin d'assurer la cohérence des interventions dans un plan de réforme cohérent et coordonné.

L'arrêté présidentiel précise aussi que « le Groupe de travail dispose d'une autonomie complète pour définir sa structure, son mode d'organisation et de fonctionnement ainsi que son plan de travail ».

Nous aurons à définir les meilleures structures qui nous permettront de monter des groupes thématiques sur la justice pénale, la justice civile, la justice administrative. Devront être connectés à ce groupe bon nombre d'avocats chevronnés qui nous ont fait part de leur disponibilité d'être membres de comités d'experts d'accompagnement. A coté de ces groupes d'experts, des espaces de consultation que j'ai mentionnés plus haut seront régulièrement informés de l'état d'avancement des travaux pour critiques, suggestions, corrections...


Au nom de tout le Groupe, je remercie le Président pour la confiance placée en nous. Le résultat de notre travail justifiera cette confiance et que cette voie originale choisie apportera ses fruits.
Merci de votre attention
Micha Gaillard
Palais National, le 19 février 2009

LE DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS - LOI-CADRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LA DÉCENTRALISATION DU PAYS...

Extrait du discours de Levaillant Louis-Jeune, Président de la chambre basse...

Au Ritz Kinam II, Pétion-Ville, a eu lieu le mardi 10 mars, un atelier de travail sur l'avant-projet de loi-cadre sur les Collectivités Territoriales et la Décentralisation, sous les auspices des Commissions Intérieur et Collectivités Territoriales du Parlement. A cette occasion, le président de la Chambre des députés, l'honorable Levaillant Louis Jeune, a prononcé le discours d'ouverture. A travers un texte dépouillé mais riche en références, il a mis l'accent sur notre vide juridique «abyssal» qui constitue un handicap majeur à l'évolution de notre société et à la modernisation de l'Etat.

Monsieur le Sénateur Joseph Lambert
Honorables Députés,
Chers amis de la Société Civile,
Mesdames/Messieurs les Représentants de la Presse
Mesdames/Messieurs les Représentants des Partis politiques
Mesdames/Messieurs

N'est-il pas tout à fait significatif que le Président de la Chambre des députés vienne publiquement vous entretenir de vos propres préoccupations ? Rappelons, d'entrée de jeu l'état général de la situation sur le plan légal, puisque c'est l'objet primordial des ateliers de travail mis sur pied par le Parlement en partenariat avec les secteurs concernés, notamment les différents élus de la République.

Sur ce point capital, qui marquera sans doute un grand jalon entre la vie politique telle qu'elle est jusqu'à notre génération et celle de demain, je vais exprimer deux ou trois remarques sous forme de rappels historiques, de références indicatives.

Très peu de lois, malheureusement, ont été promulguées en ce qui a trait à la décentralisation après le vote de la Constitution de 1987. Et pour cause : turbulences politiques ponctuées de coups d'Etat, égarement et faiblesse des élites, antagonismes déchirants entre pro-Décentralisation et anti-Décentralisation, entre les partisans et les détracteurs de la Constitution, etc. On peut citer :
- La loi portant organisation de la Collectivité Territoriale de Section Communale (Mars 1996) ;
- La loi créant le Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT 1996) ;
- La loi instituant les contributions au FGDCT (juillet 1996)

L'avenir, notre avenir, et notre sort sur les plans économique, politique et institutionnel, dépendent de la loi, de la production de nouvelles lois relatives à l'évolution de la société ou, si vous préférez, de la réforme des institutions publiques, du renforcement des modalités et des organes de la Décentralisation, c'est-à-dire, la Section Communale, la Commune et le Département.

Deux autres textes légaux concernent les Collectivités Territoriales, même si, comme vous le savez, elles ne portent pas spécifiquement sur elles. Il s'agit des Décrets du 17 mai 1990 portant sur : Continuer >





- La structure (organique) de fonctionnement du Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales ;
- La mission et les attributions de la Délégation.

Les travaux de consultation et d'évaluation que nous entamons aujourd'hui visent à combler ce vide légal d'autant plus immense - je devrais dire en toute honnêteté abyssal - que pour plusieurs champs d'activités on est obligé de se référer aux lois - dépassées - d'avant 1987, lesquelles, comme vous le savez aussi, ne sont pas toujours en accord avec la Constitution de 1987. C'est, sans énumérer les diverses lois éparses sur les recettes communales, le cas entre autres :

- Du décret du 22 octobre 1982 sur les Communes ;
- Du Code Rural de 1962
- De la loi de 1962 sur les établissements humains ;
- De la loi du 3 novembre 1982 sur la Régionalisation et l'Aménagement du Territoire, etc.

Parmi les lois qui manquent, il faut mentionner avec un certain luxe de détails :

- La loi sur les principes généraux régissant les Collectivités Territoriales, en d'autres termes, la loi-cadre des Collectivités Territoriales qui est aujourd'hui précisément l'objet de nos rencontres ;
- Une nouvelle loi sur les Collectivités Territoriales Municipales ;
- La loi sur la Collectivité Territoriale Départementale
- La loi sur la Fonction Publique Municipale ;
- La loi sur le partage des compétences entre l'Etat et les Collectivités Territoriales elles-mêmes ou la loi sur la décentralisation des Finances Publiques telle que l'exige l'article 217 de la Constitution ;
- La loi sur la fiscalité territoriale
- La loi sur le Conseil Interdépartemental...

Ce n'est là qu'une énumération non complète quant aux nombreux défis à relever pour la mise en place de manière irréversible de la Décentralisation. Même les prescrits légaux datant de l'après 1986, de l'après-Duvalier ne reflètent pas fidèlement l'esprit réformateur et modernisateur de la Constitution. Ce qui est certainement un autre handicap sérieux parmi les handicaps légaux majeurs que je viens d'évoquer. Les cas les plus frappants, les plus flagrants sont ceux des Décrets sur le Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales et sur la Délégation (17 mai 1990), notamment les Communes sur les plans de l'autonomie et de la décentralisation. Autonomie somme toute légitime et décentralisation certes nécessaire pour créer des pôles de développement durables.

Comme vous pouvez vous en rendre compte. Il s'agit de faciliter le dialogue, d'approfondir les échanges féconds et, in fine, de trouver les solutions consensuelles, les bonnes solutions. Engageons-nous sur cette voie. Engageons-nous dans la voie de la concertation constructive et du travail bien fait. Après tant de tergiversations et de projets mort-nés.

Levaillant Louis Jeune
Président de la Chambre des députés

L'INCENDIAIRE DU VÉHICULE DE LA MINUSTAH SERA POURSUIVI EN JUSTICE...

« Les coupables seront poursuivis !»


Les incidents survenus aux abords du rectorat de l'Université d'Etat d'Haïti et l'incendie à l'Avenue Christophe, d'un véhicule de la Minustah, ont poussé la Primature à prendre des mesures contre les fauteurs de troubles.

Les auteurs des actes répréhensibles commis récemment, entre autres au rectorat de l'Université d'Etat d'Haïti et dans les parages de la Faculté des Sciences humaines seront poursuivis. L'annonce en a été faite par le Bureau du Premier ministre, siège du gouvernement haïtien.

Des étudiants de l'ENS ont occupé pendant plusieurs jours les locaux du rectorat de l'UEH, pour forcer les dirigeants de l'Université à revenir sur une décision adoptée par l'ensemble du Conseil de l'Université. Mercredi, des étudiants de la Faculté des Sciences humaines (FASCH) ont incendié un véhicule de la MINUSTAH à l'entrée de cette entité, parce que ses occupants n'avaient pas obtempéré à l'ordre qui leur avait été « intimé » par des étudiants.

Le Conseil de l'Université d'Etat d'Haïti (CUEH), avait pour sa part condamné énergiquement les actes d'agression physique dont le professeur John Picard Byron avait été l'objet, le jeudi 5 mars 2009, de la part des étudiants de l'ENS. A la suite d'une intervention radiophonique sur la crise à l'ENS, ce professeur a été agressé par des étudiants qui s'en sont pris à sa voiture, cassé ses lunettes et lui ont proféré des menaces de mort.

« Des instructions ont donc été passées aux autorités compétentes pour qu'elles prennent toutes les dispositions permettant de préciser les circonstances de ce délit et qu'en conséquence, justice soit rendue », a indiqué la Primature, dans un communiqué rendu public jeudi soir et signé du directeur du cabinet particulier du Premier ministre, Daniel Henrys.

Tout en condamnant « fermement » ces actes, la Primature dit avoir « ordonné l'ouverture d'une enquête » en vue d'identifier les coupables et de les punir avec toute la rigueur de la loi. La Primature, dont la titulaire Michèle D. Pierre-Louis, occupe aussi le poste de président du Conseil supérieur de la PNH, se dit consterné par ces événements et entend poursuivre les fauteurs de troubles jusque dans leurs derniers retranchements.

Le mercredi 11 mars 2009, des barricades enflammées ont été dressées aux abords du rectorat, des vitres de plusieurs véhicules endommagés et des citoyens paisibles ont été atteints par les jets de pierres lancés par un groupe d'étudiants de l'Ecole normale supérieure (ENS), qui avaient occupé de force les locaux de la plus haute instance de l'Université d'Etat d'Haïti (UEH).

Ils exigeaient que le rectorat revienne sur sa décision de partager la dispense du programme dans les sciences de base avec deux autres entités de l'UEH. Finalement, un terrain d'entente a été trouvé entre les étudiants protestataires et les responsables du rectorat, dont le fonctionnement était paralysé depuis le 26 février dernier.

Le même jour, un véhicule des Nations Unies qui, de sources estudiantines, allait déposer une ancienne étudiante de la FASCH dans « l'enceinte inviolable » de cette entité a été incendié à l'Avenue Christophe par des étudiants de ladite faculté.

Dans son communiqué, la Primature « appelle à la responsabilité de tous et de toutes pour que cesse la violence sous toutes ses formes ». « Seuls la loi et le respect mutuel nous permettront de construire ce pays que nous voulons habiter », poursuivit le communiqué.

Dans la même lignée, le ministre de la justice, Me Jean Joseph Exumé, qui avait préalablement dénoncé les violences commises lors de la mobilisation des étudiants, a annoncé des poursuites judiciaires contre des individus identifiés parmi ceux-là qui ont, incendié la jeep de la Minustah. Soulignons que la mission onusienne avait elle-même demandé à la Police nationale de diligenter une enquête sur cette affaire.

Elizias Joseph
josephelizias@yahoo.fr

DES PISTES POUR UNE RÉVISION DE LA CONSTITUTION DE 1987

Des pistes pour une révision de la Constitution de 1987

Par: Pierre Josué Agénor Cadet
La Constitution du 29 mars 1987, qui a été élaborée après la longue dictature des Duvalier sous l'effet de passions, d'émotions, de méfiance et d'intérêts divergents, comporte une procédure d'amendement prévue par son titre XIII (articles 282 - 284.4). Malheureusement, depuis son entrée en vigueur, cette Constitution n'a jamais été ni appliquée totalement, ni amendée (modifiée partiellement), ni révisée (modifiée l'ensemble des dispositions c'est-à-dire le tout). Aujourd'hui, 22 ans après sa promulgation, l'amender ou la réviser pour la rendre conforme au milieu social s'avère nécessaire.

De prime abord, une véritable révision de la Constitution de 1987 doit toucher et sa forme et son contenu tant qu'il y a de contradictions, de digressions, de manquements, de vides, d'absences, de failles lexicales et grammaticales, de fautes de styles à corriger au niveau des 274 articles de cette loi-mère suivis de 10 articles de dispositions générales, de 11 articles de dispositions transitoires et de 3 articles de dispositions finales.

C'est une évidence. La Constitution de 1987 est une constitution idéale et velléitaire. Comme celles de 1806 et de 1843, elle n'est pas d'application pratique. Toutefois, elle est de loin la meilleure de tout ce qu'on a eu avant à cause de ses règles nouvelles. Seulement, elle contient beaucoup d'articles à corriger sans bouleverser les principaux acquis démocratiques.

Dans l'article premier du chapitre I, il est important de revoir l'épithète "coopérative" attribué à la République. Il peut prêter à confusion eu égard au système écononmique du pays. L'article 5 considère le créole comme étant la langue commune qui unit les haitiens. C'est bien. Mais, pourquoi envisager deux langues officielles? Qu'est-ce qui empêche de prendre le créole pour langue officielle et le français, langue seconde?

L'article 8 au chapitre II est une aberration du point de vue du droit de la mer. Car, les étudiants en droit public le savent bien, ce sont les îles qui déterminent les mers territoriales et non l'inverse (les mers territoriales qui déterminent les îles) comme il est clairement écrit dans l'article en question.

La tournure coordinatrice "et n'avaient jamais renoncé à leur nationalité..." fait problème dans l'article 11 qui est déjà ambigu sur la question de la nationalité parce que surtout limité au droit du sang (jus sanguini) en faisant fi du droit du sol (jus soli). Cette idée de "renoncer à sa nationalité" pourrait bien compléter les motifs de perte de nationalité haitienne prévus à l'article 13.

On doit reconsidérer l'article 15 traitant de la double nationalité qui est entièrement rejetée. Il mérite d'être repensé, voire remplacé par l'esprit des prescrits de la loi portant les privilèges accordés aux haitiens d'origine jouissant d'une autre nationalité, loi qui a été votée par les députés de la 47ème législature le mercredi 26 juin 2002 et par les Sénateurs le mardi 2 juillet de la même année.

Dans l'article 32, alinéa 3, qui demeure encore fictif, il faut mettre à la place de "enseignement primaire" les deux premiers cycles du fondamental. Car depuis plus de dix ans, on ne parle plus de l'enseignement primaire en Haiti.

Quant à l'article 41, alinéat 1, il comporte à la fois une faute de fond et une faute de forme. Dire et répéter qu'aucun haitien n'a besoin de visa pour laisser le pays s'inscrit dans un contexte chimérique. Pour y revenir, c'est normal et légal. La conjonction ou n'a pas sa place. C'est ni qu'il faut écrire.

Dans l'article 52, alinéa 1, certaines idées (telles voter aux élections sans contrainte, respecter le bien d'autrui...) sont relatives, payer ses taxes (voir d) une sanction, s'instruire et perfectionner (g), alinéa 2 "la dérogation à ces prescriptions est sanctionnée par la loi", est-ce que cela veut signifier que quelqu'un qui ne s'instruit pas, qui ne se perfectionne pas (comme les analphabètes par exemple) viole la loi? La suite est pure démagogie.

De nombreux articles de la Constitution de 1987, particulièrement les articles 80, 81, 82, 83, 84 et 87 sont tout bonnement négligés. Depuis 1987, on n'a jamais tenu compte d'eux. Il serait donc urgent de chercher à comprendre si ce n'est pas parce que leur contenu ne répond pas encore à la taille du pays. Montesquieu n'avait pas tort de clamer que les lois découlent de la nature des choses. Une petitite correction au niveau de la forme doit être apportée à l'article 111, alinéa 8, en écrivant ne peuvent en lieu et place de "ne peut".

L'artcle 134, alinéa 3, fait allusion à la durée et au nombre de mandats du Président de la République. C'est bien sûr dans l'idée de ne pas revivre le cas de Pétion ou celui de François Duvalier pour ne citer que ces deux exemples. Mais, ne serait-il pas plus logique d'accepter pour le Chef de l'État deux mandats consécutifs avec aucune possibilité de briguer un troisième? Cette volonté de stabilité lui donnerait la possibilité de consolider son pouvoir en vue de jeter les bases d'un nouveau démarrage.

La Constitution de 1987 reconnait tous les pouvoirs aux parlementaires. Le Président, chef de l'Exécutif, est un personnage effacé (sans pouvoir) par raport au premier Ministre. Alors que c'est celui-là qui préside le Conseil des Ministres (art 154). Pour éviter cette contradiction, la révision doit viser, tout en sauvegardant le rôle du Parlement, à responsabiliser le chef de l'État en lui donnant par exemple la possibilité d'intervenir devant le Parlement et de définir la politique de l'État.

La révision constitutionnelle doit indubitablement donner naissance à un Conseil électoral permanent et apporter une modification à l'article 192 conformément à la nouvelle réalité des collectivités territoriales. Le pays ne compte plus neuf départements, mais dix. Cependant, elle (la révision) doit doter ce Conseil d'un instrument juridique et d'un pouvoir coercitif lui permettant d'imposer ses décisions.

La question de l'armée est à résoudre selon la volonté de l'État d'avoir ou non des forces armées. Sinon, on élimine l'article 263 et les alinéas y relatifs. Si oui, il faut se garder de continuer à faire de l'armée un État dans L'ÉAT et admettre qu'en tant que force du pouvoir politique, elle est une institution politique (et non apolitique).

Cette révision doit enfin amender la procédure d'amendement (articles 282-283-284 des dispositions générales) qui est trop longue et apte à empêcher toute tentative de révision d'aboutir, éliminer le titre XIV et par voie référendaire dans l'article 298. Même si en 1987, la constitution a été ratifiée par un référendum, l'article 284, alinéa 3, interdit de l'amender par voie référendaire.

En somme, cette révision de la Constitution de 1987 doit garantir aux citoyens des droits et des devoirs nouveaux, rééquilibrer les insitutions libérales, redéfinir les attributions du Chef de l'État et celles du Premier Ministre, conserver la forme républicaine du gouvernement, le sens moral et patriotique.

Pierre Josué Agénor Cadet
Email:pijac02@yahoo.fr