mars 14, 2009

DES PISTES POUR UNE RÉVISION DE LA CONSTITUTION DE 1987

Des pistes pour une révision de la Constitution de 1987

Par: Pierre Josué Agénor Cadet
La Constitution du 29 mars 1987, qui a été élaborée après la longue dictature des Duvalier sous l'effet de passions, d'émotions, de méfiance et d'intérêts divergents, comporte une procédure d'amendement prévue par son titre XIII (articles 282 - 284.4). Malheureusement, depuis son entrée en vigueur, cette Constitution n'a jamais été ni appliquée totalement, ni amendée (modifiée partiellement), ni révisée (modifiée l'ensemble des dispositions c'est-à-dire le tout). Aujourd'hui, 22 ans après sa promulgation, l'amender ou la réviser pour la rendre conforme au milieu social s'avère nécessaire.

De prime abord, une véritable révision de la Constitution de 1987 doit toucher et sa forme et son contenu tant qu'il y a de contradictions, de digressions, de manquements, de vides, d'absences, de failles lexicales et grammaticales, de fautes de styles à corriger au niveau des 274 articles de cette loi-mère suivis de 10 articles de dispositions générales, de 11 articles de dispositions transitoires et de 3 articles de dispositions finales.

C'est une évidence. La Constitution de 1987 est une constitution idéale et velléitaire. Comme celles de 1806 et de 1843, elle n'est pas d'application pratique. Toutefois, elle est de loin la meilleure de tout ce qu'on a eu avant à cause de ses règles nouvelles. Seulement, elle contient beaucoup d'articles à corriger sans bouleverser les principaux acquis démocratiques.

Dans l'article premier du chapitre I, il est important de revoir l'épithète "coopérative" attribué à la République. Il peut prêter à confusion eu égard au système écononmique du pays. L'article 5 considère le créole comme étant la langue commune qui unit les haitiens. C'est bien. Mais, pourquoi envisager deux langues officielles? Qu'est-ce qui empêche de prendre le créole pour langue officielle et le français, langue seconde?

L'article 8 au chapitre II est une aberration du point de vue du droit de la mer. Car, les étudiants en droit public le savent bien, ce sont les îles qui déterminent les mers territoriales et non l'inverse (les mers territoriales qui déterminent les îles) comme il est clairement écrit dans l'article en question.

La tournure coordinatrice "et n'avaient jamais renoncé à leur nationalité..." fait problème dans l'article 11 qui est déjà ambigu sur la question de la nationalité parce que surtout limité au droit du sang (jus sanguini) en faisant fi du droit du sol (jus soli). Cette idée de "renoncer à sa nationalité" pourrait bien compléter les motifs de perte de nationalité haitienne prévus à l'article 13.

On doit reconsidérer l'article 15 traitant de la double nationalité qui est entièrement rejetée. Il mérite d'être repensé, voire remplacé par l'esprit des prescrits de la loi portant les privilèges accordés aux haitiens d'origine jouissant d'une autre nationalité, loi qui a été votée par les députés de la 47ème législature le mercredi 26 juin 2002 et par les Sénateurs le mardi 2 juillet de la même année.

Dans l'article 32, alinéa 3, qui demeure encore fictif, il faut mettre à la place de "enseignement primaire" les deux premiers cycles du fondamental. Car depuis plus de dix ans, on ne parle plus de l'enseignement primaire en Haiti.

Quant à l'article 41, alinéat 1, il comporte à la fois une faute de fond et une faute de forme. Dire et répéter qu'aucun haitien n'a besoin de visa pour laisser le pays s'inscrit dans un contexte chimérique. Pour y revenir, c'est normal et légal. La conjonction ou n'a pas sa place. C'est ni qu'il faut écrire.

Dans l'article 52, alinéa 1, certaines idées (telles voter aux élections sans contrainte, respecter le bien d'autrui...) sont relatives, payer ses taxes (voir d) une sanction, s'instruire et perfectionner (g), alinéa 2 "la dérogation à ces prescriptions est sanctionnée par la loi", est-ce que cela veut signifier que quelqu'un qui ne s'instruit pas, qui ne se perfectionne pas (comme les analphabètes par exemple) viole la loi? La suite est pure démagogie.

De nombreux articles de la Constitution de 1987, particulièrement les articles 80, 81, 82, 83, 84 et 87 sont tout bonnement négligés. Depuis 1987, on n'a jamais tenu compte d'eux. Il serait donc urgent de chercher à comprendre si ce n'est pas parce que leur contenu ne répond pas encore à la taille du pays. Montesquieu n'avait pas tort de clamer que les lois découlent de la nature des choses. Une petitite correction au niveau de la forme doit être apportée à l'article 111, alinéa 8, en écrivant ne peuvent en lieu et place de "ne peut".

L'artcle 134, alinéa 3, fait allusion à la durée et au nombre de mandats du Président de la République. C'est bien sûr dans l'idée de ne pas revivre le cas de Pétion ou celui de François Duvalier pour ne citer que ces deux exemples. Mais, ne serait-il pas plus logique d'accepter pour le Chef de l'État deux mandats consécutifs avec aucune possibilité de briguer un troisième? Cette volonté de stabilité lui donnerait la possibilité de consolider son pouvoir en vue de jeter les bases d'un nouveau démarrage.

La Constitution de 1987 reconnait tous les pouvoirs aux parlementaires. Le Président, chef de l'Exécutif, est un personnage effacé (sans pouvoir) par raport au premier Ministre. Alors que c'est celui-là qui préside le Conseil des Ministres (art 154). Pour éviter cette contradiction, la révision doit viser, tout en sauvegardant le rôle du Parlement, à responsabiliser le chef de l'État en lui donnant par exemple la possibilité d'intervenir devant le Parlement et de définir la politique de l'État.

La révision constitutionnelle doit indubitablement donner naissance à un Conseil électoral permanent et apporter une modification à l'article 192 conformément à la nouvelle réalité des collectivités territoriales. Le pays ne compte plus neuf départements, mais dix. Cependant, elle (la révision) doit doter ce Conseil d'un instrument juridique et d'un pouvoir coercitif lui permettant d'imposer ses décisions.

La question de l'armée est à résoudre selon la volonté de l'État d'avoir ou non des forces armées. Sinon, on élimine l'article 263 et les alinéas y relatifs. Si oui, il faut se garder de continuer à faire de l'armée un État dans L'ÉAT et admettre qu'en tant que force du pouvoir politique, elle est une institution politique (et non apolitique).

Cette révision doit enfin amender la procédure d'amendement (articles 282-283-284 des dispositions générales) qui est trop longue et apte à empêcher toute tentative de révision d'aboutir, éliminer le titre XIV et par voie référendaire dans l'article 298. Même si en 1987, la constitution a été ratifiée par un référendum, l'article 284, alinéa 3, interdit de l'amender par voie référendaire.

En somme, cette révision de la Constitution de 1987 doit garantir aux citoyens des droits et des devoirs nouveaux, rééquilibrer les insitutions libérales, redéfinir les attributions du Chef de l'État et celles du Premier Ministre, conserver la forme républicaine du gouvernement, le sens moral et patriotique.

Pierre Josué Agénor Cadet
Email:pijac02@yahoo.fr

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