mars 19, 2010

RECONSTITUONS LES ARCHIVES JUDICIAIRES EN HAITI : UNE TÂCHE COLLOSSALE POUR LES JURISTES...

Disparition d'importants dossiers au palais de justice


Haïti: « Aucun dossier n'a été retrouvé dans les bureaux des juges d'instruction du palais de justice détruit dans le tremblement de terre du 12 janvier dernier », a indiqué le greffier Joseph Pierre-Louis. Les registres de la Cour d'Appel n'ont également pas été retrouvés, a-t-il ajouté.

Des dossiers retrouvés sous les ruines de l'édifice, notamment le disque dur d'un ordinateur du greffe du tribunal, ont été également récupérés, placés dans un conteneur et acheminés provisoirement au parquet du tribunal civil de la capitale.

Le greffe du tribunal n'était pas entièrement détruit. Néanmoins aucune disposition n'a été prise pour sécuriser le site; des individus y ont fait irruption et ont mis le feu, après avoir détruit et emporté des documents importants, comme les corps de délit entreposés au greffe.

LES MORTS DE LA CATASTROPHE DU 12 JANVIER SONT-ILS JURIDIQUEMENT MORTS?

Ces morts sont-ils légalement morts?

Par : Jean-Robert Fleury, Le quotidien Le nouvelliste...

Des centaines de milliers de personnes disparues laissant comptes bancaires, coffres, voitures, propriétés, prêts, dettes... Comment légalement s'attaquer à ces problèmes? Le Journal a rencontré Me Samuel Madistin.

Le tremblement de terre du 12 janvier a fait plusieurs centaines de milliers de morts. Au lendemain de la catastrophe, des cadavres jonchaient les rues de la région métropolitaine. Le gouvernement a dû recourir aux fosses communes pour éviter une aggravation de la situation sanitaire du pays.

De nombreux cadavres sont encore sous les décombres. Les personnes enterrées dans les fosses communes n'ont pas été identifiées, des photos n'ont pas été prises. Quelle est la conséquence juridique de la décision prise par le gouvernement sur les familles et les rapports des individus entre eux d'une part, et des individus avec les institutions publiques ou privées au sein de la société d'autre part?

Cette décision gouvernementale risque de causer des ennuis juridiques à plus d'un.

L'avis de Me Samuel Madistin sur la question: le départ d'un individu pour l'au-delà doit être constaté par un acte juridique que l'on appelle « acte de décès». Ce document donnant ouverture à la succession du défunt ne sera dressé par l'officier de l'Etat civil que sur la déclaration de deux témoins. Il est donc nécessaire, poursuit-il, que le corps du défunt soit retrouvé et identifié pour une telle déclaration. Quand l'individu disparaît, qu'on n'est sans nouvelle de lui et qu'on ne sait pas s'il est vivant ou mort, on parle, dans le langage juridique, « d'absent».

Le mot « absent» en droit diffère du mot absent utilisé dans le langage courant. L'individu qui a abandonné son domicile, mais sur l'existence de laquelle on a aucun doute, est un « non-présent» et non un « absent», fait remarquer l'homme de loi.

L'absence est une présomption de mort et ne constitue pas une certitude de mort. C'est pourquoi elle met en péril de nombreux intérêts du conjoint de l'absent, de ses enfants mineurs et de ceux qui ont traité avec lui. L'absence a donc des effets quant aux droits de famille et aux biens.

La loi divise la situation de l'absent en trois grandes périodes dans le but d'assurer la protection de ses biens. La première période: on parle de présomption d'absence. Il s'agit d'une période d'attente pendant laquelle la présomption d'absence l'emporte sur celle de mort. Et au cours de cette période, on ne peut prendre aucune mesure de protection relative aux biens du présumé absent. Cette période dure une année si l'absent n'a pas laissé de mandat exprès à quelqu'un pour la gestion de ses biens et cinq ans dans le cas contraire.

Deuxième période: A l'expiration de ce délai, les personnes intéressées (conjoints,enfants majeurs, frères, mères, associés...) pourront se pourvoir devant le tribunal civil du domicile de l'absent pour faire déclarer l'absence. C'est la période dite de déclaration d'absence au cours de laquelle la présomption de mort est égale au moins à celle de vie.

Le tribunal rend, après enquête contradictoire avec le ministère public, dans le délai de six mois, un jugement de déclaration d'absence. Ce jugement ordonne la mise sous séquestre légal des biens de l'absent, donc l'envoi en possession provisoire. L'administration desdits biens est confié au directeur général des impôts. Cette période dure vingt ans après la mise sous séquestre des biens ou cent ans depuis la naissance de l'absent, si ces biens n'ont pas été sous séquestre légal.

La troisième période, appelée période de l'envoi en possession définitive, est celle où la présomption de mort l'emporte de loin sur celle de vie. Le tribunal, sans avoir la certitude de décès, rendra un jugement ordonnant l'envoi en possession définitive. Ce jugement met fin à la communauté si l'absent était marié, les héritiers peuvent prendre la qualité de propriétaires. C'est à ce moment seulement que les biens de l'absent peuvent être hypothéqués ou vendus, que son conjoint peut légalement se remarier, souligne Me Samuel Madistin.

Il s'agit là d'une situation complexe si cette procédure d'absence doit être appliquée pour des centaines de milliers de disparus. L'impact sur la vie des ménages, sur les relations commerciales et bancaires et d'autres relations contractuelles, peut être lourd de conséquence.

Du jugement déclaratif de décès

En dehors de la réglementation de l'absence, l'homme de loi fait ressortir des cas juridiquement distincts de disparition. Il s'agit des cas où aucune incertitude ne peut persister. L'individu, par exemple, se trouvait à l'intérieur d'un bâtiment public ou privé qui s'est effondré. Il n'y a aucune chance qu'il y ait des survivants, mais le corps n'a pu être retrouvé. Le décès dans ce cas est certain. Il n'est pas nécessaire de recourir à la procédure relative au jugement déclaratif de décès prévu par le décret du 24 novembre 1977 sur la déclaration de décès des disparus en Haïti et hors d'Haïti, publié dans le Moniteur #85 du 15 décembre 1977.

Ce décret permet au doyen du tribunal civil du lieu de la mort présumée ou de la disparition de déclarer judiciairement le décès de tout individu dont il est certain, selon l'analyse des faits, en dépit du fait que le corps n'a pas été retrouvé pour inhumation. Cette action peut être intentée par toute personne justifiant un intérêt actuel et certain ou par le commissaire du gouvernement du lieu de la juridiction concernée.

Le jugement déclaratif de décès tient lieu d'acte de décès et sera opposable au tiers. Le dispositif dudit jugement sera, à la diligence du commissaire du gouvernement, transcrit dans les registres à ce destinés par l'officier de l'état civil du lieu réel au présumé de l'événement.

Cette procédure a été appliquée efficacement par mon cabinet dans la juridiction de St-Marc pour établir le décès des personnes tuées dans le massacre de La Scierie dont les corps n'avaient pu être retrouvés pour les raisons que l'on sait. Le jugement déclaratif de décès donne ouverture à la succession et permet d'éviter le temps fou de la procédure d'absence.

Le décret autorisant la déclaration judiciaire de décès peut servir d'outil aux parents de nombreux disparus pour la réglementation des biens des personnes tuées au cours du séisme du 12 janvier 2010 et dont les corps n'ont pas été retrouvés. Le gouvernement pourrait mettre un noyau de juristes à la disposition des victimes pour l'accomplissement de ces formalités légales sans frais, si le bien-être de la collectivité constitue un de ses soucis majeurs.


Jean-Robert Fleury

FAISONS L'ÉDUCATION DE LA POPULATION EN MATIÈRE DE DROIT DES ASSURANCES

Pour ne pas se faire avoir par sa compagnie d'assurance

Par : Cyprien L. Gary, extrait du Quotidien Le nouvelliste, version électronique...


La complexité des procédures pour obtenir et jouir d'une police d'assurance rend sceptiques les candidats à l'assurance qui, ignorance oblige, ne profitent pas au maximum des bénéfices d'une police d'assurance. Cette situation a occasionné, vers le milieu du 20e siècle, l'émergence d'une nouvelle profession, les ajusteurs publics dont la mission consiste à accompagner et représenter les assurés auprès des compagnies d'assurance internationales. Présent en Haïti après la catastrophe du 12 janvier, Matt Martinez, ajusteur public travaillant pour l'agence « Adjusters International », nous présente la profession et son parcours.



Haïti: Quand on a tout perdu, il reste les assurances. Dans un monde constamment menacé par des catastrophes naturelles et les accidents, les services d'assurance sont les derniers recours des propriétaires ou entrepreneurs voulant se mettre à l'abri de l'infortune. Haïti, terre à haut risque de catastrophes naturelles et autres, est pourtant un pays où le pourcentage d'entreprises et de biens assurés est proche du négligeable.

Le manque d'informations des assurés à propos des clauses de contrats passés entre ces derniers et leur compagnie d'assurance empêche les assurés de tirer le maximum de leur police d'assurance. Car, ne maîtrisant pas les spécificités et les clauses d'une police, les assurés ne savent pas trop ce qu'ils doivent réclamer de leurs assureurs. C'est à ce carrefour que la présence d'un ajusteur public devient obligatoire, estime Matt Martinez, ajusteur public travaillant à « Adjusters International », en visite en Haïti après la catastrophe du 12 janvier.

Qu'est-ce qu'un ajusteur?

De même que les compagnies d'assurance ont des agents pour les représenter, les assurés ont des ajusteurs qui les représentent face aux compagnies d'assurance. Les réclamations auprès des assurances sont complexes, explique Matt Martinez. De la lecture de la police d'assurance à sa compréhension, jusqu'au processus de réclamation des primes, l'ajusteur public accompagne et parfois même se met à la place de l'assuré pour l'aider à analyser la police, documenter les dégâts et présenter des réclamations dans un format conforme aux normes de l'assurance.

Cela permet d'accélérer le processus et de récupérer le plus possible de la prime d'assurance, vu que les deux parties (l'assurance et l'assuré) ont leurs représentants respectifs qui parlent le même langage et partagent des connaissances communes dans le domaine de l'assurance.

En d'autres termes, les ajusteurs sont là pour aider les clients des assurances à analyser la police elle-même, à consulter leur contrat d'assurance et tout autre document y relatif, les aider à déterminer les niveaux de perte et le montant maximal qu'ils peuvent récupérer de la part des assureurs.

« Ils ont l'expérience et le savoir-faire d'autant plus nécessaire que les assurés ne sont généralement pas bien informés du contenu des clauses d'un contrat d'assurance. Ce qui les empêche de bénéficier au maximum de leur police », précise Matt Martionez.

Ainsi, avec la présence d'un ajusteur, le client peut discuter d'égal à égal avec sa compagnie d'assurance. Ils sont là pour faire l'équilibre entre les deux parties. Ce n'est pas à l'assurance qu'il revient de documenter les pertes du client. Ce travail revient à l'ajusteur qui, aidé du propriétaire de la pôlice d'assurance, prépare des documents solides et convaincants permettant d'avoir une meilleure présentation des pertes afin de pouvoir, dans la mesure du possible, tirer le maximum de la prime.

Tandis que le rôle de l'agent broker est de permettre au potentiel assuré de choisir la police d'assurance appropriée à ses besoins. Il peut guider, informer et même conseiller l'assuré de prendre l'assurance qu'il faut par rapport au risque de catastrophe. Continuer >





Evoquant la nécessité pour le détenteur d'une police de s'informer du contenu de son contrat, le représentant de Adjusters International a laissé entendre que « si le propriétaire de la police ne s'informe pas ou ne cherche à s'informer pour mieux comprendre et poser des questions avant de signer, il est désavantagé par rapport à la compagnie. La compagnie d'assurance est d'abord une entreprise à but lucratif, et dont l'objectif principal est de faire des bénéfices. Personne ne vas recevoir d'elle quelque chose qu'il n'a pas réclamé ».

Haïti spécificités

M. Martinez a souligné que l'un des principaux constats qu'il a faits à propos de la catastrophe du 12 janvier, c'est que les clients pensaient qu'il suffisait de prendre une police d'assurance que pour le montant d'un prêt sans tenir compte de la valeur des biens. Il a également relevé que les polices n'étaient pas mises à jour régulièrement et ne prenaient pas en compte la valeur des propriétés.

D'après lui, les assurés doivent s'informer davantage de leur police. « Ils ne la lisent que quand il y a un problème. Ils doivent l'analyser et poser des questions », conseille Matt Martinez, qui croit que le grand public devrait apprendre de cette situation et essayer d'être mieux informé à l'avenir.

A propos des éléments qu'il convient de maîtriser dans le cas d'une police, l'expert explique : Généralement, quand les gens couvrent un bien à 50%, ils pensent toujours que s'ils vont auprès de la compagnie après une catastrophe, ils vont obtenir par exemple 500 000 dollars pour une police de couverture de 1 million de dollars. Tel n'est pas le cas. Au lieu de 500 000 dollars, vous aurez 250 000, qui représentent la moitié de la prime de risque couverte.

D'autre part, en Haïti, les premiers 20% ne sont pas couverts par les compagnies d'assurance en cas de catastrophe naturelle. A cela, il faut encore ajouter les 2% déductible de la couverture. Soit au total 22% qui sont déductibles de la prime d'assurance locale, qui ne couvre jamais à 100%. Après Haïti, Matt Martinez a noté le cas du Mexique comme autre pays où les compagnies d'assurance ne pratiquent pas de couverture à 100%. Les assurances mexicaines, de leur côté, déduisent 10% des primes de couverture, selon l'expert de Adjusters International.

Dans le cas de ces deux pays, Matt Martinez estime que les assureurs offrent des primes qu'ils peuvent couvrir, mais qui généralement ne tiennent pas compte de la valeur du bien lui-même. Ce qui fait que dans la majorité des cas, les biens sont sous-assurés.

L'ajusteur a intérêt à aider l'assuré à tirer le maximum de son assurance, puisque ses revenus dépendent du montant qu'il aura permis au client de récupérer de la compagnie d'assurance.

Autant le comptable est indispensable dans la gestion financière d'une entreprise et l'avocat dans les entraves avec la justice, autant l'ajusteur est indispensable pour l'assuré, a fait valoir l'expert, dont les expériences dans le domaine sont nombreuses. Adjusters International a eu des expériences dans la Caraïbe, notamment les Iles Caïman, la Jamaïque, St-Thomas, le Mexique, après des catastrophes.

Créée en 1964 à New York, l'agence a déjà représenté des assurés à New Orléans, où elle était engagée par le port de cette ville après la tempête Katrina, à New York après le 11 septembre, au Koweit après la guerre de 1991, etc. Elle a l'habitude de travailler pour des détenteurs d'assurance lors de catastrophes importantes à travers le monde, ce qui a permis à ces derniers de récupérer des milliards de dollars.

LA MAUVAISE RÉPUTATION DES PAYS MOINS AVANCÉS...

La mauvaise réputation

Extrait tiré du quotidien Le nouvelliste, version électronique...

Il faut être deux pour bien danser le tango de la corruption. Un danseur du secteur public, un danseur du secteur privé. Tout à fait vrai. Il est aussi vrai que la corruption, à la différence du tango, danse sensuelle, visuelle et spectaculaire, est avant tout une perception. La corruption est aussi un ensemble de non-dits, de non-faits qui scellent une réputation.
Dans les premières années des enquêtes de Transparency International, cette ONG qui délivre les certificats de bonne conduite aux Etats du monde et proclame le fameux classement qui établit la réputation des corrompus, il était de bon ton que tout Haïtien interrogé dise que le pays, notre pays, est corrompu.
Il fallait forcer le trait. En ce temps-là, le pays avait un gouvernement honni. A force de forcir, le trait fin devint une ligne épaisse. Quand ce gouvernement partit, notre réputation de pays corrompu nous resta. Aujourd'hui encore, nous en payons le prix, car les listes, les classements et les réputations ont la vie dure.
Y a-t-il des raisons occultes qui portent le Département d'Etat américain à sortir son rapport sur la corruption en Haïti au lendemain de la visite de René Préval à Washington ? Est-ce pour contrecarrer le courant porté par les Français qui prônent l'option du plan haïtien pour le relèvement d'Haïti ? Est-ce pour ouvrir la route à leurs compagnies, les seules assez propres pour manger l'argent des contribuables américains ? Saura-t-on un jour pourquoi cette fumée sans feu veut nous étouffer ???
Des fois, la corruption est une orgie qui n'épargne même pas les plus justes. On pèche par inaction, pour avoir vu ou entendu le chant des sirènes.
L'école reprend timidement
A l'Université Notre-Dame comme au collège Bird, étudiants et élèves retrouvent le chemin des classes et des cours. Très bonne nouvelle. Les responsables de ces deux institutions n'ont pas attendu que le ministère de l'Education nationale ait fini sa valse hésitation sur un air d'indécision pour battre le rappel de la rentrée.
Reprendre les cours est une obligation parce que les enfants ont besoin d'autres lieux que leur maison ou les camps pour réapprendre à vivre et surmonter leur peur. Parce qu'il faut tout faire pour leur éviter de perdre l'année à ceux qui peuvent la sauver. Parce qu'il est injuste de condamner tout le monde à des vacances forcées et croire qu'en faisant ainsi le ministère va s'amnistier d'avoir autorisé le fonctionnement d'institutions qui n'ont point les qualités ni avant, ni après le 12 janvier pour accueillir des enfants et leur dispenser un enseignement.

De la légalité de la mort

Dans les banques, chez les notaires et en tout autre lieu où il y a des biens, la question de la mort est un sujet présent et pressant. Comment accéder aux possessions de défunts qui ne sont pas légalement décédés ? Cette interrogation n'a pas de réponse claire. L'Etat devra-t-il faire comme pour les actes de naissance et inventer une procédure simplifiée pour donner un document légal aux centaines de milliers de victimes du 12 janvier ? Cela ôterait une épine aux parents qui pleurent un mort et une absence trop présente.

Statistiques, vous avez dit statistiques ?

Quel est le pourcentage d'écoles, de centres de formation professionnelle et d'universités qui ont perdu leurs locaux, des professeurs, des étudiants ou des élèves ? Cet exercice simple, le ministère en charge du secteur ne peut encore le faire et présenter les résultats d'une enquête d'apparence simple.
Encore plus difficile est l'exercice pour le gouvernement de présenter le bilan global des pertes dans la fonction publique.
Et comme cordonnier est toujours mal chaussé, la presse n'a pas pu non plus faire le décompte de ses pertes.
Les chiffres et les faits ne font pas bon ménage quelque soit le secteur.