mai 18, 2010

UNE LOI POUR LES PERSONNES AVEC DÉFICIENCE PHYSIQUE OU MOTRICE...

La loi sur l'intégration des personnes handicapées : une grande première

Le juriste haitien est très heureux d'apprendre que les députés ont voté la loi visant l'intégration des personnes ayant un handicap physique ou motrice. Après le séisme du 12 janvier 2010, il est tout à fait normal d'adopter une loi qui vient en aide aux survivants de cette catastrophe. Il est à se demander si les autorités vont prendre des mesures pour mettre en application l'esprit de cette loi. En Haïti, les textes de lois n'en manquent pas, ce sont leur application qui en fait défaut. Le Ministère des affaires sociales auront du plain sur la planche, c'est à dire, il devra faire ses preuves dans la mise en oeuvre de cette loi en faveur des victimes du tremblement de terre. Ce ministère devra fournir les moyens à IBESR et à d'autres institutions à caractère social pour répondre adéquatement aux besoins des personnes avec une déficience physique dans ce pays. Le juriste haitien croit qu'il revient à nos dirigeants d'adopter des politiques visant le respect des droits de la personne humaine dans le pays. C'est ainsi qu'on arrive à reconstruire un pays juste, équitable et démocratique pour tous les Haïtiens. Tout ceci doit nécessairement passer par l'éducation ...


La Chambre des députés a enfin voté, le mercredi 5 mai, tard dans l'après- midi, la loi sur l'intégration des personnes handicapées. A l'issue d'une séance-marathon d'environ trois (3) heures, les soixante-trois (63) députés présents dans la salle ont entériné à l'unanimité pas moins de quatre-vingt-trois articles de ce projet de loi déposé au Parlement par le gouvernement haïtien.

Dès l'exposé des motifs qui accompagne le dépôt du projet de loi, le ton était déjà donné : « Il ne s'agit pas de conférer des droits particuliers aux personnes handicapées ni un statut privilégié. L'objectif fondamental est de reconnaître et de consacrer l'égalité juridique et politique des personnes handicapées et des personnes non handicapées, le droit de tous à des chances égales. Les personnes handicapées ont la jouissance et l'exercice de tous les droits liés à la citoyenneté, de tous les droits civils, politiques, économiques et culturels. »

Comme de fait, dans les treize (13) chapitres qui forment l'ossature du projet de loi, l'accent est surtout mis sur :

• la responsabilité de l'Etat et de la société à l'égard des personnes handicapées et la nécessité de leur garantir l'accès aux soins de santé, au logement, à un environnement physique approprié (chap. I et II, art. 67, 8,9 et 10) ;

• la satisfaction de ces besoins primaires indispensables que sont l'accessibilité aux bâtiments ouverts au public, aux moyens de transport adaptés (chap. IV, art. 26 à 31), à l'éducation par le biais d'un système éducatif intégré et la constitution d'établissements scolaires spéciaux pour les enfants ayant une déficience intellectuelle ou un poly handicap, l'octroi de bourses d'excellence aux enfants ayant un handicap et la formation en langue de signe et en braille des enseignants (chap. V, art 36 à 40).

Le chapitre VI consacré à l'emploi et au travail interdit les pratiques discriminatoires contre les personnes handicapées et fait injonction à l'Etat d'encourager leur intégration dans la fonction publique et d'imposer aux établissements commerciaux ou industriels et de services ayant plus de 20 employés un quota de 2% de personnes handicapées (art. 42 à 50). Les autres chapitres traitent de l'accès à la justice, à l'information, à l'exercice des droits politiques, à la culture, aux sports, aux loisirs, etc...

Cette loi sur l'intégration des personnes handicapées a une longue histoire jalonnée d'étapes aussi décisives les unes que les autres. L'une d'elles remontant à trois (3) ans est le forum national sur la problématique du handicap des 4 et 5 octobre 2007 organisé par le Dr Michel A. PEAN alors nouvellement promu secrétaire d'Etat. Parmi les différents secteurs de la société civile représentée, le RANIPH (Réseau Associatif National pour l'Intégration des Personnes Handicapées), par l'intermédiaire de ses avocats, a présenté un cahier de charges avec des recommandations dont celle de l'élaboration d'une loi au bénéfice des personnes handicapées. D'autres forums s'en sont suivis et les réflexions et recommandations issues des ateliers de travail ont confirmé les propositions du RANIPH et donné les premiers éléments constitutifs de la composition de la loi.

La première ébauche rédigée par le jeune avocat Woldson Bertrand a été reprise et finalisée par Me Jean Vandal avant que Me Paul Claude Bérubé de l'International Senior Lawer y apportât des suggestions appropriées. L'appui logistique de l'OEA s'est avéré tout aussi important.

En somme, cette loi est le résultat d'un travail collectif sous la direction du Dr Michel A. Péan qui a su inculquer à son équipe son opiniâtreté dans la perspective d'atteindre les objectifs que requiert sa vision de l'inclusion pour tous et de l'accessibilité universelle.
Une loi votée au-delà de ses espérances puisque deux ajouts particulièrement favorables aux personnes à besoins spéciaux y ont été apportés par les députés. Il s'agit des alinéas 1 et 2 de l'article 22 qui créent un centre de réhabilitation des personnes handicapées dans chaque département et un fonds national de solidarité pour l'autonomie et l'intégration de ces personnes.

Une loi enfin dont le vote n'aurait pas abouti sans le professionnalisme, la ténacité et le dévouement de la Commission des Affaires Sociales de la Chambre des députés qui s'est acquittée de sa tâche en toute conscience en faveur de tous les Haïtiens. Comme l'a si bien exprimé sa présidente, Gérandale Thélusma, « dans ce pays nous sommes tous de potentiels handicapés compte tenu de la précarité des conditions de vie et des catastrophes, comme celle du 12 janvier, qui nous menacent tous».

Il est à espérer que la loi sur l'intégration des personnes handicapées qui est l'aboutissement de toutes ces initiatives et qui a fait suite à la ratification en Assemblée nationale, le 12 mars 2009, des deux Conventions de l'ONU et de l'OEA sur les droits des personnes handicapées, sera bientôt votée par le Sénat de la République. Elle deviendra ainsi un outil fondamental au bénéfice des personnes handicapées d'avant et d'après le séisme du 12 janvier 2010.

Mac-Ferl MORQUETTE

ACTUALITÉ JUDICIAIRE

Au Palais de Justice
Toute la vérité et rien que la vérité ( suite)


Convoqué au parquet de Port-au-Prince pour faux et usage de faux et association de malfaiteurs, le vendredi 7 mai 2010, Me Jean-Joseph Exumé s'est rendu accompagné du batonnier de l'Ordre des avocats, Me Gervais Charles. Pendant quelques minutes, il a répondu aux questions du commissaire du gouvernement. Mais cette convocation, disons-le, est liée à une requête du cabinet Vieux, demandant au parquet de surseoir à l'exequatur sollicité par le conseil d'avocats dont fait partie Me Jean-Joseph Exumé assurant la défense de Mme veuve Auguste Daccarett. Dans la presse, on avait parlé de plainte déposée contre Me Exumé. Le cabinet Vieux a tenu à clarifier, déclarant qu'il n'a jamais été question de plainte, mais de requête. Non content de la précision du confrère, Me Jean-Joseph Exumé explique:

«En ma qualité d'avocat de Mme veuve Auguste Daccarett, j'ai défendu cette dernière conjointement avec Me Talleyrand Lamothe dans un procès l'opposant à Télé-Haïti. C'est une affaire qui a duré près de dix ans. Elle a connu tous les degrés de juridiction, depuis le tribunal de première instance de Port-au-Prince, en passant par la Cour d'Appel de Port-au-Prince, la cour de cassation sur premier recours, la Cour d'appel des Cayes sur renvoi et finalement la Cour de cassation en sections réunies», a expliqué Me Jean-Joseph Exumé, avocat membre du barreau de Port-au-Prince.

Qu'en est-il exactement?

Le 29 mai 2009 est sorti un arrêt définitif dans l'affaire opposant Télé-Haïti à veuve Auguste Daccarett. Arrêt qui a été signifié à avocats et à partie. Au mois de mars 2010, le dossier a été déposé au parquet pour exequatur. Et c'est alors que, sur plainte des avocats du cabinet Vieux, l'exequatur a été refusé sur la base de deux certificats délivrés par le préposé de la DGI de Kenscoff, déclarant que les mentions d'enregistrement, la signature, les empreintes du sceau apposé au bas de deux actes sont fausses. Quels sont ces actes? s'interroge Me Exumé.

Premièrement, il s'agit d'une ordonnance du président de la cour d'appel des Cayes en avril 2006, désignant une nouvelle composition pour entendre l'affaire, vu que le juge Jean M. Théodore, qui faisait partie de la composition devant laquelle l'affaire avait été plaidée, a été promu en cassation, avant que la décision soit rendue.

Le deuxième acte est la signification aux avocats de cette ordonnance toujours en 2006 pour inviter les avocats à venir plaider. Dans leur requête, les avocats du cabinet Vieux ont demandé au parquet de mener une enquête sur les documents soumis mais surtout de ne pas accorder l'exequatur en précisant justement ces deux actes. C'est donc dire qu'avant de la rédiger, ils avaient pu avoir le dossier déposé au parquet. Il est important de souligner que lorsqu'un dossier est déposé pour exequatur, il est tout à fait anormal que l'avocat de la partie adverse puisse non seulement être au courant du dépôt, mais, de plus, détenir des copies des originaux et pouvoir ainsi déclencher son action.

A noter que le coût d'enregistrement d'un pareil acte est de 6 gourdes, ce qui rend tout à fait farfelue l'idée même que l'on pourrait tenter d'y commettre un faux. De plus, ces actes signifiés en 2006 ne sont que de simples actes d'instruction, tout à fait accessoires au procès et qui ne pourraient pas avoir d'incidence sur le fond de l'affaire. Ils n'avaient pas été d'ailleurs ni questionnés ni contestés par le Cabinet Vieux, a tenu à préciser Me Jean Joseph Exumé.

« Ce qui fait le plus mal, c'est qu'on a profité de cette affaire pour salir ma réputation en divulguant dans toute la presse nationale et internationale que j'ai commis un faux, que je suis membre d'une association de malfaiteurs, alors qu'il ne revient pas à un avocat d'enregistrer des pièces à la DGI », s'est indigné Me. Exumé.

Me Exumé a poursuivi pour préciser que lorsque des présomptions existent sur la non validité de l'enregistrement d'un acte, cela ne peut en aucun cas constituer un faux, puisque seule la Direction générale des impôts a le contrôle des formalités de l'enregistrement. Il n'est pas possible que le responsable d'une agence de la DGI puisse s'ériger en juge pour déclarer que des mentions d'enregistrement sont fausses.

Toute anomalie qu'il pourrait découvrir dans ces registres et toutes recherches infructueuses des mentions contenues dans un acte ne devraient servir que de pistes pour une investigation plus approfondie. Au lieu de s'empresser de délivrer un certificat, le préposé qui n'a aucune compétence légale pour déclarer qu'un acte est faux se devait au contraire de solliciter lui-même des instances concernées de la DGI une enquête, dit Me Exumé.

L'avocat poursuit: «A partir de quels critères un préposé peut-il décider de la fausseté d'une mention d'enregistrement? Quels sont les éléments de comparaison dont il dispose pour déclarer qu'un sceau est faux ou que la signature apposée au bas d'un acte est fausse? »

Me Exumé continue: «Le préposé est-il un expert pour pouvoir décider d'un simple coup d'oeil qu'un sceau apposé sur un acte est faux?»

Frappé de stupéfaction...

«Dans l'édition du jeudi 13 mai 2010 du quotidien "Le Nouvelliste", j'ai été plus que surpris de lire dans la chronique judiciaire (Au Palais de Justice) un titre accrochant : «Toute la vérité, rien que la vérité». Un texte dans lequel Me Serge Henry Vieux a déclaré avoir «demandé uniquement au parquet de vérifier la validité des mentions d'enregistrement de certains actes au cas où le dossier serait soumis aux fins d'exequatur. Et que contrairement à ce qui a été rapporté, il s'agit seulement d'une requête, en demande de vérification. Dans cette requête il ne figure le nom de quiconque, il n'y est fait mention ni du nom d'avocats des parties ni d'huissiers exploitants.» Ce sont les propos de Me Serge Henry Vieux, l'un des avocats de Télé-Haïti, repris par Me Exumé.
Ce dernier a voulu insister sur le fait que, depuis sa présentation au parquet, il n'a jamais opiné sur la question malgré les demandes réitérées de confrères, de parents et d'amis.

Cependant, il a tenu à indiquer qu'il ne partage pas du tout l'opinion de son confrère. Pour lui, il reste et demeure que c'est cette requête qui a tout déclenché et qui a porté le parquet à agir. Un avocat de la trempe de Me Vieux sait très bien qu'en matière pénale, surtout dans une infraction aussi grave que le faux, il faut toujours penser aux conséquences de l'acte que l'on pose. Même dans le cas où un avocat poursuivrait un but légitime, il doit veiller à ne pas exposer indûment un autre confrère, surtout dans une question d'enregistrement d'actes, a précisé le juriste.

Me Exumé a d'ailleurs déclaré que beaucoup d'actes d'huissiers signifiés pour compte de nombreux cabinets d'avocats sont enregistrés à Kenscoff. Il se demande même si le cabinet Vieux ne serait pas l'un d'entre eux.

Il a en outre déclaré qu'il a entendu Me. Serge Henri Vieux sur les ondes de Radio Vision 2000, au micro du journaliste Valéry Numa. Le confrère a voulu apporter des précisions à savoir qu'il n'a pas porté plainte contre quiconque et qu'il n'a fait qu'une dénonciation.

L'ancien ministre de la Justice dit n'être pas d'accord avec cette interprétation de Me Serge Henri Vieux. La dénonciation des avocats du cabinet Vieux porterait sur quoi ? Elle serait faite contre qui ?
Selon l'avocat de Mme veuve Auguste Daccarett, lorsqu'on parle de dénonciation en droit pénal, il s'agit d'une action citoyenne, faite en pur désintéressement, pour rendre service à la société, consistant à fournir des informations sur des actes répréhensibles commis par des tiers et dont le dénonciateur a connaissance.

Mais ce ne peut pas être le cas, lorsque le prétendu dénonciateur a lui-même un intérêt dans l'affaire comme en l'espèce, où l'objectif poursuivi est tout simplement de bloquer par tous les moyens l'exécution d'une décision de justice, objectif d'ailleurs atteint puisqu'effectivement, le Parquet n'a pas accordé l'exequatur. En pareil cas, il ne s'agit pas de dénonciation, mais de plainte, a conclu Me Exumé.

BILAN DE LA LÉGISLATURE HAITIENNE

Une législature tantôt rebelle, tantôt complaisante Extrait du Nouvelliste


En tirant le rideau sur la 48e législature, les députés laissent derrière eux un Parlement monocarméral et profondément divisé. Avant de partir, ils ont voté à la va-vite plusieurs projets de loi controversés. Retour sur les 48 mois d'une législature tantôt rebelle, tantôt complaisante.

A la lueur de bougies, dans l'après-midi du lundi 8 mai 2006, la 48e législature signait son entrée dans un palais législatif d'une blancheur presque immaculée. Quatre ans après, ils se retirent à la cloche de bois, laissant derrière eux un vide institutionnel à l'instar de la précédente législature et un bâtiment affaissé par les secousses telluriques du 12 janvier. En dépit des soubresauts et les vicissitudes politiques, les désormais ex-députés traînent derrière eux aussi un bilan pour le moins impressionnant et émaillé de scandales ou pseudo-scandales: jusqu'à la fin de leur mandat constitutionnel (janvier 2010), trente-cinq lois renforçant l'arsenal juridique haïtien. Le rallongement de trois mois justifié par les retards accumulés dans l'organisation des législatives et sénatoriales partielles permet aux députés d'améliorer davantage leur performance. Le prolongement de 18 mois de la loi sur l'état d'urgence, la loi sur l'intégration des personnes handicapées, celle ouvrant la voie à une éventuelle prorogation du mandat de René Préval et la loi sur la paternité responsable sont les derniers actes de la 48e législature. Ce qui porte à 42 le nombre de lois votées. « Ce bilan a montré que la 48e législature a progressé par rapport à la 46e et à la 47e qui en ont successivement sanctionné vingt-sept et vingt-cinq », jubile le secrétariat général de la Chambre des députés dans un document bilan.

Parmi les lois votées, certaines doivent retenir l'attention. C'est le cas de la loi faisant passer le salaire minimum de 70 à 150 et 200 gourdes ainsi que la loi controversée prolongeant l'état d'urgence jusqu'à 18 mois. On prendra du temps pour oublier les remous provoqués par le vote de ces lois. D'ailleurs, des manifestants continuent de réclamer le retrait de la loi d'urgence par le chef de l'Etat, René Préval. Son départ aussi du pouvoir au plus tard le 7 février 2010. « C'est la rue qui déterminera si René Préval partira en février ou en mai », prévient Hervé Saintilus, farouche détracteur du pouvoir en place.

Avant d'abandonner le Palais législatif pour un abri provisoire à l'académie de police, les députés ont réalisé 191 séances, dont 34 en Assemblée nationale, 46 conférences des présidents et 104 rencontres en commissions. Un an après son entrée en fonction, cette législature commençait à afficher sa détermination face à l'exécutif en éjectant, le 31 juillet 2007, Daniel Elie. Seulement cinq députés à l'époque tentaient désespérément de sauver le fauteuil du ministre de la Culture et de la Communication accusé de népotisme, clientélisme, immobilisme, abus de pouvoir. Avant lui, Leslie Gouthier, ex-ministre du Commerce et de l'Industrie sous l'administration Aristide/Neptune, avait subi le même sort. Un sort qui ne faisait pas plaisir au président René Préval qui a pris du temps pour remplacer l'architecte Elie à l'ancien Grand quartier général des Forces armées d'Haïti transformé en ministère de la Culture et de la Communication.

En quatre-huit mois de législature, les élus du peuple ont ratifié trois Premiers ministres (Jacques-Edouard Alexis, Michèle Duvivier Pierre-Louis et Jean-Max Bellerive) et rejeté deux autres proposés par le président de la République : P. Eric Pierre et Robert Manuel. Derrière ce rejet se cache une certaine Concertation des parlementaires progressistes. Ce bloc en rébellion avec la structure traditionnelle des partis politiques sauvait, entre autres, le fauteuil d'Alexis, finalement évincé par le Sénat sous la houlette de Youri Latortue et consorts.


Bilan humain

A côté des lois votées et du nombre de séances organisées, les députés pourraient aussi noter les scandales à répétition qui ont terni l'image de la 48e législature. Dégoûté par la gestion douteuse des premiers bureaux, Steven Benoît, visage d'eternel enfant, ex-beau-frère de surcroît du chef de l'Etat annonçait très tôt la couleur, avec une structure pour combattre la corruption interne. De cette structure est née la Concertation des parlementaires progressistes (CPP). Majoritaire à la Chambre des députés, ce bloc, qui faisait peur pour sa discipline, a mis fin en janvier 2009 à l'invincibilité de Pierre Eric Jean-Jacques à la présidence de la Chambre basse. Trois mandats annuels en trois ans, cet exportateur de café, producteur d'huile essentielle et de tafia, a marqué la 48e législature jusqu'à ce qu'il ait été évincé, décrié et miné par la CPP.

Avec un certain Levaillant Louis-Jeune comme porte-parole, Lucas Sainvil, coordonnateur, ce bloc solide comme un roc votait toujours dans le même sens, sauf dans les votes décisifs de la loi sur le salaire minimum pourtant proposé par Steven Benoit, l'un de ses plus influents membres. Une divergence qui signait la mise à mort de ce bloc morcelé. La majorité s'est retrouvée au sein de l'Inite, la plateforme propulsée par le chef de l'Etat, au grand dam de l'opposition politique.



Députés désapprouvés


Comme pour imiter le Sénat qui a chassé Rudolph Boulos en son sein, la Chambre des députés a désapprouvé deux de ses membres : Dorméus Edmond et Elou Saint-Louis Fleuriné. Le verdict de la première séance convoquée par le nouveau bureau contrôlé par la CPP s'annonçait, le 20 janvier 2009, comme un couperet pour le député Dorméus Edmond, dont la nationalité américaine a été prouvée par une commission d'enquête parlementaire. L'élu d'Anse-Rouge n'est pas le seul député désapprouvé, son collègue Elou Saint-Louis Fleuriné l'est aussi. Mais ce dernier ne restait pas attaché à sa fonction. Il y avait huit mois, celui qui rêvait de faire de l'île de La Gonâve un département géographique à part entière avait donné sa démission, pour raison de santé.

Les sénateurs avaient aussi marqué à leur manière la 48e législature. Le nombre de scandales ou pseudo-scandales qu'ils ont provoqués peuvent, sans doute, égaler le nombre de lois votées. Qui n'a pas en mémoire le vote de la surprenante résolution en faveur de la SOCABANK sous la présidence du sénateur Joseph Lambert. Certains sénateurs, d'après le sénateur Gabriel Fortuné, avaient reçu des pots-de-vin dans le cadre de la « Socagate ». Des accusations que la commission parlementaire dirigée par la sénatrice Edmonde Supplice Beauzile n'avait pas prouvées. L'affaire a été classée pour manque de preuve.

Ce premier scandale au Sénat de la République pourrait être perçu comme la tête de l'iceberg. Il a ouvert la voie à d'autres scandales les uns plus accablants que les autres : trafic de drogue, abus sexuel, séances truquées. Qui ne se rappelle pas de la séance de ratification de la politique générale du Premier ministre Michèle D. Pierre-Louis ou celle ayant rapport à son interpellation?

La subordination du Sénat au pouvoir exécutif a été toujours un sujet de préoccupation. On peut compter sur les doigts de la main les sénateurs qui n'ont pas toujours suivi tête baissée la voie tracée par l'exécutif. Si le pouvoir exécutif a essuyé avant la formation de l'INITE quelques échecs à la Chambre basse, tel n'a jamais été le cas au Sénat de la République. L'exécutif a toujours trouvé même des sénateurs des partis politiques de l'opposition à son service.

Deux de ces trois dernières lois des élus du peuple sont pour le moins controversées et divisent le Sénat déjà amputé d'un tiers de ses membres.

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