août 30, 2014

LE SYSTÈME JUDICIAIRE EST MIS À L'ÉPREUVE DANS LES DOSSIERS DE BRANDT ET D'ARISTIDE...

Par: Jean-Marie Mondésir
Lorsqu'on vit dans une société et on n'arrive pas à faire confiance aux institutions qui ont été mises en place pour assurer son bon fonctionnement, la situation est grave et révoltante pour les honnêtes citoyens qui veulent découvrir la vérité sur certains faits évoqués par la presse. Clifford Brandt était un homme d'affaires très connu et très lié au pouvoir central.  Le système judiciaire pourrait-il offrir la garantie d'une justice saine sans ingérence politique? Si Clifford devait avouer la vérité, on est sûr que d'autres gens d'affaires et la famille présidentielle se trouveraient dans de l'eau chaude. De ce fait, il y a risque très élevé de son assassinat dans le milieu carcéral. M. Jean-Bertrand Aristide est un ancien président qui demeure très populaire en Haiti. Il a consenti un deal avec les officiels américains, la CIA et les institutions de Breton Woods pour qu'il retourne au pouvoir. Avec le support de 24 000 marines,  il reprenait son pouvoir au palais national en 1994. Son régime a connu des turbulences politiques et plusieurs actions criminelles ont été perpétrées. À la suite d'une enquête administrative en 2006, une commission a établi certaines allégations  telles que : détournement de fonds publics, trafic d'influence, trafic illicite de drogue, complicité dans certains assassinats politiques, etc. Une action en justice a été intentée en Floride contre M. Aristide et certaines personnes de son administration. À ce moment -là, ses sympathisants et les militants de son parti ne criaient pas à la persécution politique du régime en place. Doit-on croire toujours à l'acharnement judiciaire lorsque la justice cherche à établir la vérité sur certaines allégations? Le juge Bélizaire chargé d'instruire le dossier d'Aristide fait l'objet de menace et de l'intimidation des partisans zélés qui ne souhaitent pas l'établissement d'un état de droit en Haiti. Doit-on accepter qu'un juge soit intimidé ou menacé dans l'exercice de ses fonctions?

Tout le monde sait très bien que le pouvoir exécutif est truffé de corrupteurs et des gens corrompus. Des hommes d'affaires pour la plupart ont la main mise sur les activités économiques du pays. Ils ont le contrôle de l'administration publique et tous les contrats gouvernementaux leur reviennent de droit. Ils ne paient pas d'impôts au fisc et ne créent pas véritablement d'emplois afin de réduire le taux de chômage. Les autorités centrales ne font que gérer le pays comme un geôlier qui distribue des tâches à des prisonniers dans un centre pénitentiaire. Elles n'ont aucune vision d'une bonne gestion de l'administration publique ni un projet de société susceptible de sortir le pays de son marasme économique. Les maigres ressources de la nation sont gaspillées par les généreuses subventions (gaz, électricité, produits de première nécessité) sans compter les milliers fonctionnaires qui constituent une charge très lourde pour l'État. À notre avis, les deniers publics doivent être gérés en tant que bon père de famille. Ceci dit, le pouvoir central doit réduire l'administration, introduire la technologie dans la fonction publique afin de rendre les services publics plus efficaces et plus efficientes. On doit responsabiliser les élus locaux et inciter les citoyens à contribuer davantage pour la fourniture des services. On doit mettre fin à l'État providence pour engager les citoyens dans le développement de leur milieu de vie.  On constate un laisser-aller du pouvoir central et des carnavals à répétition qui ne rapportent rien à l'économie du pays.
Cependant, on doit reconnaître que les journalistes ont droit à leur liberté d'expression sur le régime actuel. Depuis quelques années, on n'entend plus parler de disparition des journalistes ni d'assassinat des opposants politiques. Cependant, dans les régimes antérieurs les persécutions politiques et les disparitions des opposants au pouvoir central étaient légion.

On ne doit pas oublier le pouvoir législatif (Chambre des députés et la Chambre du sénat) qui est aussi corrompu au même titre que celui du pouvoir exécutif. Si la mission des parlementaires consistait à veiller, à contrôler les actes du gouvernement et à faire respecter la constitution; au contraire ils contribuent à sucer les maigres ressources du pays pendant que le peuple crève de faim. Certains parlementaires se comportent en criminels à cravate en faisant la lutte d'influence, des menaces, de l'extorsion lorsqu'ils n’exerçaient pas la violence sur les citoyens. Il y en a qui sont impliqués dans des cas d'assassinats, d'extorsion, de trafic d'influence, de trafic illicite de drogue.  Les parlementaires sont considérés comme les représentants du peuple. En règle normale, ils doivent défendre les intérêts des commettants de leur circonscription. Dans la réalité, ils ne défendent que leurs intérêts personnels. Tous les  débats de la Chambre se font en créole, ce qui est très louable pour la majorité nationale de comprendre les enjeux nationaux. Est-ce quelqu'un peut fournir le nombre de lois qui sont votées et publiées en créole?Est-ce qu'il existe une copie en créole de l'amendement constitutionnel publié en mai 2011? La réponse est négative pour ces deux questions parce que les parlementaires ne viennent pas défendre les intérêts des citoyens, mais ils ne se soucient que de leur réélection et des intérêts de leurs acolytes.

Si les deux pouvoirs dont leurs membres sont élus par le peuple ne produisent pas de résultats satisfaisants, que peut-on espérer du pouvoir judiciaire. Un dicton nous apprend : s'il n'existe pas dans une société un système de justice fiable où les citoyens sont égaux devant loi, celle-ci est vouée à la barbarie, à l'injustice et à la violence systématique. Ceci dit, le peuple doit avoir confiance dans un système de justice impartial sans ingérence politique. Lorsque l'administration judiciaire est vassalisé par le pouvoir exécutif et certains fonctionnaires sont corrompus, on ne peut pas croire à une justice aveugle et impartiale. Il est vrai qu'il existe des problèmes majeurs dans le système judiciaire haïtien. On y trouve des juges et des avocats incompétents et corrompus. Les juges n'ont pas les moyens à leur disposition pour entreprendre des enquêtes. Ils ne sont pas qualifiés et ils n'ont pas les capacités requises pour occuper leur fonction. Ils ne bénéficient pas des avantages sociaux ni des honoraires décents qui leur permettaient d'assumer leur responsabilités. Dans un tel contexte, il devient normal que la justice est au service des plus offrants. Les criminels notoires circulent sans inquiétude et les innocents qui n'ont pas de moyens financiers pour payer leur liberté croupissent en prison.

Si on veut bâtir une société de droit, il est important de dénoncer cet état de fait qui constitue une atteinte  grave à la démocratie haïtienne. On ne peut pas accepter que des individus sans scrupules, des criminels sans vergognes influencent l'administration judiciaire en faisant des menaces et de l'intimidation aux juges qui doivent étudier les dossiers brûlants d'actualité. Dès qu'on apprend le nom du juge qui doit instruire le dossier de M. Aristide, on publie sa photo dans les médias sociaux. Ces agissements peuvent être interprétés comme des actes d'intimidation de manière à empêcher le juge d'exercer ses fonctions. En agissant ainsi, on ne veut pas que le peuple  connaisse la vérité sur les allégations déposées contre l'ancien président et certains membres de son administration. Ce qu'on doit savoir, il n'y a pas de feu sans fumée, le peuple a droit à un système de justice non instrumentalisé.

Si autrefois, on pouvait croire aux pressions des puissances étrangères sur la gestion du pouvoir d'Aristide. De nos jours, l'ancien prêtre président n'est pas tout à fait catholique dans ses actions. Il est la seule personne à pouvoir fournir une explication au peuple sur les conditions de son retour en 1994. Les motifs du deuxième coup d'état d'Aristide sont évoqués dans un article publié en Anglais dans le Nation http://www.thenation.com

NUL N'EST AU-DESSUS DE LA LOI DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE ...

Par : Jean-Marie Mondésir
On a le devoir de soutenir les serviteurs de la justice qui ne sont pas corrompus…

Depuis bien des années, Port-Salut Magazine détient un dossier contenant des allégations liant l’ancien président Jean-Bertrand Aristide et certains membres de son administration à la corruption, au trafic de drogues, à l’exécution sommaire de ses opposants politiques et au détournement de fonds publics. Ce dossier est inscrit dans le cadre d’une action en justice intentée par les autorités haïtiennes devant une cour de justice en Floride. Ce document disponible uniquement en anglais est accessible sur Internet. Donc, il ne devra pas avoir de surprise pour les gens avisés qui réclament justice et transparence.

On sait que l’ancien président est l’un des hommes politiques très populaire en Haiti. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il ne doit pas répondre aux multiples allégations qui lui sont reprochées. Il est important de ne pas instrumenter la justice du pays, car la constitution de 1987  considère le pouvoir judiciaire comme la troisième institution qui forme la base principale de notre société. On est conscient que certains juges de l’administration judiciaire sont corrompus par les autorités du pouvoir central, mais il y en a d’autres qui décident de se démarquer au risque et péril de leur vie. L’intimidation et la menace n’effraient ceux et celles qui ont fait le vœu de servir un système de justice exempt de toute ingérence politique.

Dans les médias tout le monde réclame l’état de droit, mais lorsque la justice interpelle un citoyen certains dirigeants politiques crient à la persécution politique du pouvoir en place. Ces agissements sont très démagogiques, car celui ou celle qui n’a pas rien à se reprocher ne doit pas s’inquiéter d’une justice aveugle et impartiale.Dans notre système juridique, le juge d’instruction est l’autorité chargée de mener des enquêtes pour établir la culpabilité d’un prévenu. Si les preuves obtenues sont concluantes, il  décidera de saisir le tribunal correctionnel ou criminel pour un procès en bonne et due forme.

Dans une société de droit, tout citoyen est redevable envers la justice et il ne doit pas y avoir de traitement de faveur pour un quelconque citoyen. Que vous soyez président, sénateur, député, juge, magistrat, kidnappeur, corrompu, corrupteur, agresseur,violeur et simple citoyen …la justice est une pour tous, dura lex sed lex. On doit tous répondre aux plaintes contenant des allégations qui portent préjudice à l’ordre moral. La justice doit créer l’exemple, voler les biens de l’État… c’est aussi voler les contribuables qui vivent dans la misère.
http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/134440/Jean-Bertrand-Aristide-inculpe.html

août 01, 2014

LA PRATIQUE DU VAUDOU : EST-CE UNE CULTURE POPULAIRE OU UNE RELIGION NATIONALE ?

Par : Jean-Marie Mondésir
Tout le monde sait très bien que le vaudou fait partie intégrante de la vie quotidienne de la majorité des Haïtiens. C’est un héritage ancestral qui est ancré dans les mœurs et dans les traditions populaires en Haïti. Du point de vue culturel, l’Haïtien est en soi un vodouisant par nature. Qu’on le veuille ou non, on est tous nés vodouisants même si certains refusent de croire ce fait. Nos comportements, notre savoir-faire, notre mentalité, notre savoir-être et nos croyances traduisent cette réalité. En Afrique de l’ouest (Golfe de Guinée, Bénin, Togo) la culture du vaudou est une source d’harmonie, de cohésion et de paix sociale; ses adeptes vénèrent la vie même après la mort. Le partage, l’entraide et la solidarité constituent autant de valeurs héritées de cette culture d’origine africaine.
Ces valeurs léguées par nos ancêtres constituent notre identité culturelle et notre fierté nationale. Le vaudou rentre dans nos mœurs et dans nos traditions populaires depuis la période coloniale dite esclavagiste. Il conditionne et façonne le mode de vie de la majorité des Haïtiens au quotidien. C’est un produit culturel et touristique à promouvoir à l’échelle internationale. Ce que l’on ne sait pas encore, le vaudou est aussi reconnu comme une religion à part entière au même titre du catholicisme, du protestantisme, de l’islamisme, etc. Au Bénin, le vaudou est à la fois reconnu comme la culture populaire et une religion nationale. C’est cette religion qui façonne l’identité du peuple béninois, pays d’origine de Toussaint Louverture. Pendant longtemps, la religion ancestrale a été méprisée, critiquée et vilipendée par ses détracteurs. Ses adeptes sont souvent persécutés par les régimes antérieurs sous l’influence des cultes importées. Les autres religions ont diabolisé la pratique religieuse ancestrale pour mieux régner sur la population pauvre dépourvue de ressources.
De nos jours, on entend dans les médias des prêtres catholiques pédophiles qui abusent des enfants; des pasteurs protestants commettant des actes d’adultère et violent leurs fidèles; des islamistes extrémistes terrorisant les femmes et détruisent la vie de milliers de gens. Personne n’ose critiquer la doctrine religieuse à laquelle ils y adhèrent. Cependant, les adeptes du vaudou sont majoritairement associés à la sorcellerie et à la magie noire. Ils ne connaissent pas de distinction dans l’esprit des acculturés qui font l’apologie des religions importées par les Colons.
Fort souvent, certains détracteurs se concentrent sur les aspects négatifs de quelques adeptes pour renforcer la haine, la division et l’exclusion d’une catégorie de citoyens. On refuse de reconnaitre la contribution des médecins de feuille qui ont apporté une aide précieuse à la souffrance des gens du milieu paysan, dépourvus d’une clinique pour leur prodiguer des soins de santé. On s’efforce d’ignorer le miracle des sages-femmes dans les campagnes qui ont mis au monde des milliers d’enfants en bonne santé. Ils ne savent ni lire, ni écrire et pourtant ils contribuent de manière significative au développement du pays. Faut-il croire que leurs connaissances sont le fruit du hasard. Ils ont reçu leur héritage sacré de nos ancêtres venant du continent africain (du golfe de la Guinée, du Bénin et du Togo). Rendons à César ce qui est à César, c’est un ancien prêtre de l’église catholique qui a décidé de mettre fin à cette injustice sociale sur le plan national.
En 2003, le président Aristide a publié un décret marquant la reconnaissance officielle du vaudou comme une religion. Avec ce décret, aucun vodouisant ne peut être poursuivi en justice lorsqu’il pratique sa religion. La liberté de cultes est un droit garanti par la Constitution de 1987. Il est important de se demander quelle est la force du décret 2003 dans notre régime juridique. Dans un système de droit civil comme Haïti, le décret est un instrument juridique permettant de créer des normes qui régissent l’ordre social. Il revient au Parlement de statuer sur ce décret afin de lui donner la force de loi. À notre connaissance, ce n’est pas encore fait et il ne s’agit pas d’une priorité pour les parlementaires actuels. À notre humble avis, le décret de 2003 constitue un début créant un cadre légal de cette religion ancestrale qui façonne au quotidien l’identité haïtienne. Selon nous, il est important pour les prêtres, les mambos, les adeptes et les sympathisants du vaudou de s’asseoir ensemble pour définir le fondement philosophique et théorique de leur culte religieux. Les associations et les organisations de ce culte doivent rencontrer les autorités du Ministère des Cultes pour déterminer la procédure à suivre lors de la célébration de mariage et d’enterrement, etc. Elles doivent entreprendre une campagne d’éducation dans les médias pour sensibiliser le public sur l’aspect positif du vaudou. Ce faisant, cela pourra enlever les étiquettes associant la pratique du vaudou à la sorcellerie ou à la magie noire. Cette campagne de désinformation instituée par les fidèles et pratiquants des religions catholiques et protestantes incite au rejet et à la discrimination envers les fidèles de la religion nationale. Cette dernière est le symbole de dignité et de fierté de la majorité populaire. On doit organiser des conférences à l’échelle nationale pour expliquer les grandes réalisations des prêtres et des mambos dans le milieu paysan. Tous ceux qui critiquent le vaudou actuellement, ce sont tous des hypocrites de la pire espèce. Chacun de nous est protégé par des anges gardiens (nou se pitit ginen e se lwa sa yo kap kontinye proteje n). Les intellectuels issus des couches paysannes ont le devoir de soutenir ceux qui pratiquent ce culte ancestral afin de les aider à mettre en place les structures de base nécessaires pour que le vaudou continue de jouer son rôle dans le développement socio-économique et culturel du pays. Rejeter la religion ancestrale constitue un déni de croyances de ceux qui ont subi l’humiliation des Colons. Ils ont lutté pour nous rendre libres et fiers d’être Haïtiens.
Si on est à la recherche d’une religion qui ne pratique pas l’exclusion et  la discrimination au sein de la population, le vaudou est le seul qui puisse répondre de manière positive à cet appel. Le prêtre, le pasteur et le politicien sont bienvenus dans les péristyles et les hounfors des mambos et des houngans et ils y sont traités sans préjugés. Ensemble, supportons la religion nationale pour que ses adeptes et ses sympathisants puissent jouir de leurs droits constitutionnels au même titre des autres religions qui nous enfoncent dans la misère et dans l’ignorance …
Jean-Marie Mondésir
Juriste haïtien
Spécialiste en droit civil
juristehaitien@gmail.com