février 10, 2008

RÉFORMER LE SYSTÈME DE CONTRÖLE DES DÉPENSES...

Réformer le système de contrôle de l'exécution des dépenses publiques


Le contrôle de l'exécution des dépenses publiques s'exerce dans des conditions différentes selon qu'il s'agit des finances de l'Etat, des finances locales, des finances des Entreprises Publiques, Mixtes ou de celles des Organismes Autonomes.

Il est, selon le cas, plus ou moins poussé. Cependant, les problèmes posés sont souvent les mêmes, ce qui justifie une étude générale du contrôle des dépenses publiques.

Les différents types de contrôle de l'exécution des dépenses publiques sont donc variés et permettent des classifications diverses. Nous avons retenu dans la première partie, celle qui permet d'opposer les contrôles internes de nature administrative aux contrôles externes exercés par des juridictions ou organes politiques en essayant de décrire ce système de contrôle aussi bien à travers les textes qu'à travers la pratique et en évaluant son essor et son évolution.

Les contrôles administratifs internes de l'exécution des dépenses publiques orchestrés par les ordonnateurs et les comptables au moyen des lois de finances passent par les escales incontournables que constituent l'Inspection Générale des Finances (ref : Le Moniteur #47 du jeudi 25 mai 2006) et les Contrôleurs Financiers qui exercent un contrôle a priori ou en cours de gestion lors de la phase de l'engagement de la dépense.

Le contrôle a posteriori intervient essentiellement quand toutes les opérations de recettes et de dépenses publiques ont effectivement été réalisées. C'est un contrôle externe, il est exercé principalement par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) et le Parlement.

Le contrôle de l'exécution du budget peut ainsi prendre des formes diverses, qui changent d'un pays à l'autre, selon la nature des opérations contrôlées et des organismes de contrôle. Chaque type de contrôle, tout en participant d'une même finalité d'ensemble, est doté d'une fonction propre et assuré selon les modalités spécifiques. Les moyens de contrôle sont donc nombreux et divers, mais sont-ils efficaces ?

L'étude du système haïtien de contrôle de l'exécution des dépenses publiques dans sa globalité nous permet d'avancer que des efforts considérables ont été déployés pour l'instauration ou l'amélioration des moyens de contrôle pour une bonne maîtrise de l'exécution des dépenses publiques, allant de pair avec le processus de bonne gouvernance. Toutefois, ces progrès sont loin d'assouvir la soif des citoyens dans ce domaine et le bout du tunnel n'est pas encore visible.

Notre pays vit actuellement une période charnière où la politique de proximité, la décentralisation, la réforme de l'administration publique et la gestion rationnelle des deniers de l'Etat sont autant de préoccupations nationales stratégiques. « La décentralisation notamment implique la souplesse dans le processus budgétaire et un élargissement dans l'espace de décision des acteurs périphériques. Ceci a motivé un certain nombre de réformes pour moderniser l'administration et rationaliser les dépenses publiques. »

Les idées néolibérales des dernières années ont développé avec force la thématique du « moins d'Etat ». Elles ont contribué à placer l'objectif de réduction des dépenses publiques en position prioritaire et ont suscité de nombreuses initiatives pour réduire le coût de fonctionnement de l'Etat. La dégradation des finances publiques et la crainte d'une crise financière ont relayé cette vague idéologique. Elles ont constitué l'élément déclencheur des processus globaux de réformes qui ont visé à remédier au discrédit grandissant qu'exprimaient les opinions publiques à l'égard des administrations et du secteur public et lui qui se reportaient à la classe politique.

Une conscience aiguë sur la complexité et la multiplicité des facettes de développement semble s'affermir au niveau des instances internationales, de plus en plus sensibles aux questions de pauvreté, d'équité de genre et d'environnement. »

Cette nouvelle conscience s'est traduite par la volonté affirmée de la communauté internationale à la recherche d'un nouveau modèle de gouvernement plus ouvert, plus transparent et plus responsable afin de faire face aux critiques des citoyens et des parlementaires sur l'opacité de l'administration et sur la nécessité de mieux contrôler son action.

Réformer le système de contrôle de l'exécution des dépenses publiques, c'est de parvenir à une gestion optima du budget de l'Etat pour aboutir en définitive à la préserver du gaspillage par le biais d'institutions rénovées.

On assiste ces dernières années à un effort considérable dans ce sens, mais on s'est vite aperçu que « les administrations n'ont pas tant besoin d'une impulsion externe que d'un débouché institutionnel aux innovations qu'elles ont commencé d'introduire dans leur gestion. Elles n'ont pas tant besoin d'outils de conduite du changement que d'un changement des outils de la gestion publique. Ce ne sont pas les administrations qui sont en retard, mais le cadre juridictionnel dans lequel elles agissent, tourné vers la régularité (« obligation de moyens »), plus que vers l'efficacité (« obligation de résultat »).

L'approche budgétaire classique qui a prévalu en Haïti durant les quarante dernières années est une gestion budgétaire axée sur les moyens. Les gestionnaires étaient surtout tenus de rendre compte de l'utilisation prudente des ressources qui leur étaient confiées, des pouvoirs qu'ils exerçaient et des activités qu'ils menaient. Cela m'incitait à penser aux résultats obtenus grâce à l'utilisation des ressources ; c'était surtout la conformité aux règles qui retenait l'attention des gestionnaires.

Le changement de mode de gestion ne conduit pas à supprimer la réglementation, ni le rôle des directives données par les échelons hiérarchiques : ce qui est en cause, c'est le degré de détail jusqu'où ces outils traditionnels doivent intervenir : déréglementation de la gestion courante, allègement des hiérarchies intermédiaires, déconcentration effective de la gestion des ressources. Une gestion plus orientée vers les résultats nécessite des méthodes de pilotage nouvelles. Moderniser la gestion publique, c'est mettre certain nombre d'outils d'amélioration de la gestion. Ce projet vise principalement la recherche d'un nouveau modèle de gouvernance plus performant, plus transparent et plus responsable. Une nouvelle gestion publique axée sur les résultats constitue un moyen privilégié de répondre à cette exigence.

La nouvelle gestion des administrations ne pourra être complètement orientée vers les résultats si le changement se limite à leurs méthodes de gestion interne. Leur dialogue avec les citoyens, avec le Parlement doit subir la même évolution. Le vecteur essentiel de ce dialogue étant le budget de l'Etat, c'est à lui que doit s'appliquer l'orientation nouvelle. La plupart des grands pays industrialisés ont profondément réformé leur procédure budgétaire et leurs méthodes comptables au cours de ces dernières années. Ces réformes ont généralement visé à mettre en place des budgets axés non plus seulement sur les moyens, mais surtout sur des objectifs qu'il s'agit d'évaluer grâce à des indicateurs de résultat pertinents.

Quant aux nouvelles méthodes comptables, elles permettent de doter l'Etat d'une comptabilité d'exercice donnant une image beaucoup plus précise et sincère de la réalité de leur situation budgétaire et comptable.

Tous n'en sont bien évidemment pas au même point dans ce processus de réformes, mais il convient de souligner leur convergence vers l'introduction de méthodes budgétaires et comptables se rapprochant de celle en vigueur dans le secteur privé. Et il est un fait que ces réformes ont généralement donné des résultats substantiels en matière d'assainissement financier et de retour à l'équilibre des finances publiques.

En analysant les pratiques de gestion les plus prometteuses, on s'aperçoit que les concepts nécessaires pour ordonner un nouveau mode de gestion, fondé sur la référence aux résultants sont présents, ici et là, dans les outils des ministères. Leurs verrous institutionnels qui entravent leur développement tiennent à la conception pyramidale de l'organisation du pouvoir et des compétences dans l'Administration. Peut-on dépasser cette conception, bien ancrée dans le droit administratif et dans les pratiques budgétaires ? Tel est le défi posé à la modernisation de l'Etat.

La recherche de l'efficacité de la dépense publique se trouve à la base des chantiers de réformes amorcées par le gouvernement PREVAL/ALEXIS. C'est dans ce sens que s'inscrit la nouvelle gouvernance financière publique qui vise à améliorer l'efficacité de l'administration dans la gestion budgétaire via notamment :

- l'amélioration de la programmation budgétaire (l'élaboration d'un cadre budgétaire pluriannuel, le renforcement de la programmation ascendante) ;

- la mise en place d'une gestion budgétaire axée sur les résultats, fondée sur la responsabilisation des gestionnaires ;

- l'application de l'Arrêté portant règlement général de comptabilité publique (ref. Le Moniteur du No. 38 du jeudi 19 mai 2005) et la redéfinition de la comptabilité de l'Etat par l'intégration des dispositions relatives au nouveau plan comptable de l'Etat.

- l'adoption de mesures nécessaires en vue de la mise en oeuvre, à de l'harmonisation de la nomenclature administrative du chapitre budgétaire et de l'introduction de la dimension régionale dans la présentation du budget ;

- l'accroissement de l'efficacité et de la transparence du circuit de la dépense publique par la redynamisation des projets transversaux en apportant l'appui nécessaire au sysdep(1) en raison de son caractère stratégique et structurant et en poursuivant l'amélioration de ce système et sa généralisation à l'ensemble des administrations;

- l'amélioration de la gouvernance par la reconfiguration de la chaîne des contrôles (allégement du contrôle a priori, audit interne et contrôle ;

- la poursuite du travail de simplification des procédures budgétaires en vue de rendre de plus en plus fluide le circuit d'exécution de la dépense publique ;

- la définition d'une stratégie pour le développement de l'éthique et la moralisation de la vie publique.

(1) sysdep: système de dépenses publiques du Ministère de l'Economie et des Finances (MEF).


Georges Henri Pascal

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