septembre 22, 2014

QUE FAUT-IL SOUS-ENTENDRE PAR LA CODIFICATION EN HAITI?


Par Jean-Marie Mondésir

La codification est une méthode qui permet de délimiter, au sein de la législation, des ensembles ordonnés de dispositions afin d'en faciliter le repérage et la compréhension par les usagers de la loi. Ces ouvrages constituent alors des unités documentaires qu'on appelle code. Le code est un guide pour le juriste qui s'aventure dans un ensemble de dispositions législatives. Il n'est pas une simple compilation des dispositions que l'on veut seulement regrouper, mais c'est plutôt un tout bien ordonné et structuré. Dans la plupart des cas, la codification a pour vocation de regrouper des dispositions issues directement de la loi. Cette opération même peut être menée soit directement par le Parlement, lorsque ce dernier adopte une loi en forme de code, soit par le pouvoir exécutif ce qu'on appelle la codification administrative.

La codification administrative est une méthode qui permet de regrouper au sein d'un même document des textes législatifs qui se trouvent plus ou moins épars dans les lois existantes. Il est à se demander : où se situent les codes haïtiens par rapport à ces définitions? Quelle serait la structure méthodologique d'un code? Quel est le sens d'un code aux yeux d'un juriste-civiliste? Une analyse systématique de ces questions nous aidera à faire la différence entre les diverses méthodes de codification pour mieux cerner la méthodologie des Codes haïtiens.

Quelles sont les caractéristiques des Codes haïtiens ?

En général, les codes haïtiens sont constitués de règles de droit établies par l'autorité publique en vue de régir les normes à observer par la société civile. Ces règles édictées, dans un contexte du langage législatif, s'articulent autour du processus de la codification administrative. Pourtant dans la pratique, ce n'est pas l'autorité publique qui ne compile les textes de loi ni les décrets-lois et les décrets dans un document intelligible et méthodique pour constituer des Codes.

Les Codes haïtiens constituent la résultante d'une démarche privée sans assistance financière du pouvoir exécutif. Le Barreau, comme étant l'organisation professionnelle qui devra veiller à l'évolution du système juridique haïtien et la protection du public, joue un rôle passif dans ce processus. Elle n'exerce aucune pression sur les autorités publiques de manière à réaliser un document qui reflète la réalité juridique haïtienne. Ainsi, les Codes haïtiens représentent une série de lois, de décrets-lois et de décrets élaborés par l'exécutif lorsque les circonstances l'exigent ou quand les volontés se manifestent pour répondre aux changements et aux modifications structurelles de la société.

D'ailleurs, ce sont les juristes du secteur privé, par passion pour l'évolution du droit en Haïti, dans un souci de partage, ils entreprennent des recherches laborieuses dans des situations difficiles où les bibliothèques spécialisées se font rares. Ils parviennent à compiler des textes législatifs (désuets, démodés) afin de mettre en place des ouvrages juridiques pouvant diriger les juristes haïtiens dans la pratique de leur profession. L'intelligibilité des Codes haïtiens est rendue possible grâce à la pertinence des recherches ardues de nos civilistes qui se documentent dans la jurisprudence française, celle de la Cour de cassation haïtienne et d'autres ouvrages de doctrines françaises.

Quelle serait la structure méthodologique d'un Code ?

La codification fait appel à la méthodologie documentaire d'une discipline bien spécifique. Dans un contexte de droit civil, la méthodologie est un processus de recherche très rigoureux qui permet de regrouper par terme les textes législatifs pertinents d'un domaine particulier, dans un ordre logique afin de faciliter la compréhension du justiciable et d'orienter le juriste dans son travail quotidien. Tout d'abord, il faut souligner que l'ordre logique qui concourt à la codification apparaît à deux niveaux :

    Lorsqu'on procède à la délimitation de l'ensemble du texte ;
    Lorsqu'on fait l'ordonnance interne des dispositions constitutives du texte.

La délimitation de l'ensemble se fait d'ordinaire selon une logique de répartition thématique. On choisit de codifier un secteur donné du droit qui concerne par exemple : le droit civil (Code civil), le droit pénal (Code pénal), le droit du travail (Code du travail), la procédure civile (Code de procédure civile), etc. L'ordre logique interne à un Code consiste simplement en une répartition des idées selon des critères logiques et ordonnés. Il faut également considérer la place des idées dans le corps du texte, leur découpage, leur degré de précision et enfin leur importance physique dans le texte.

C'est ainsi qu'un Code ordonné aura une charpente solide, constituée d'un plan qui donnera une indication de l'orientation d'esprit des codificateurs et de la manière dont ils ont procédé pour pouvoir réussir. L'ordre logique du Code c'est à dire le plan, n'est que le reflet d'un souci esthétique, voire un souci pédagogique. Selon nous, un code doit être cohérent au niveau du fond et de la forme. Les principes qui y sont énoncés doivent être agencés harmonieusement avec l'intégralité du texte. De plus, il doit répondre à un ensemble de critères que nous jugeons nécessaires pour faciliter la compréhension du justiciable, à savoir :

    Il doit chercher à énoncer les principes généraux et pertinents dans un ordre logique;
    Il doit suivre une méthodologie de regroupement thématique classé en des sous-termes;
    Il doit répondre à un souci de cohérence intellectuelle dans sa rédaction;
    Il doit représenter une structure logique interne dans son ensemble;
    Chaque texte doit exprimer une idée nouvelle bien claire qui enchaîne à l'ensemble;
    Il doit constituer d'un ensemble de règles couvrant toute la matière concernée;
    Il doit être mis à jour régulièrement de façon permanente;
    Les textes ne doivent pas présenter des difficultés de compréhension pour les usagers. En absence des éléments évoqués ci-dessus, la codification administrative ou législative d'un domaine se laisserait à désirer.

Quel est le sens d'un code pour un juriste-civiliste ?

Le code est par destination, un moyen de faciliter au justiciable l'accès à l'état du droit dans un domaine spécifique. Il est le moyen privilégié de rassembler les principes généraux pertinents à un sujet. Pour un juriste- civiliste, un Code est un instrument de travail indispensable qui l'oriente dans la recherche des solutions adaptées à des problèmes juridiques. C'est aussi un document de référence qui dicte les règles de droit à observer par un justiciable ou un juriste face à une situation juridique donnée. Le Code doit contenir les principes essentiels d'un domaine afin de permettre son utilisateur de comprendre la portée des règles énoncées. Dans les régimes de droit civil, les hommes de loi s'en servent souvent non seulement pour dégager les principes fondamentaux, mais ils l'utilisent aussi comme outil de référence pour résoudre certains litiges. Le fait qu'un justiciable ne parvienne pas à identifier les éléments essentiels voire la base d'un code ne suffit pas pour permettre à quiconque de tirer une conclusion hâtive à l'existence d'un problème méthodologique. Lorsque l'usager de la loi se heurte à des difficultés pour dégager le sens et la portée des règles, cela démontre combien le travail des juristes est non seulement ardu, mais aussi essentiel au bon fonctionnement de tout le système judiciaire. En ce sens, les juristes haïtiens qui œuvrent dans des situations très précaires pour compiler des textes législatifs afin de constituer des codes, se doivent des mérites pour avoir tant contribué au développement du droit civil à leur manière.

Si la recherche tant laborieuse des juristes haïtiens, renferme des imperfections, il faudra quand même souligner leur courage et leur passion pour le droit. La codification administrative est loin d'être une tâche facile à réaliser surtout dans un pays comme Haïti. Elle engendre fort souvent des difficultés incontournables qui handicapent la compréhension du justiciable dans sa quête de justice. Lorsqu'un pays n'investit pas ponctuellement pour renforcer l'organisation de son système juridique, il est voué à l'injustice, à l'impunité, à la corruption et à d'autres choses inimaginables.

Le droit est une discipline scientifique qui tend à évoluer de façon continue avec le temps. La société se modernise à un pas géant et les habitudes changent constamment. Le besoin de s'adapter continuellement à la réalité pour bâtir une société juste et démocratique se fait sentir quotidiennement. Pour ce faire, l'investissement dans l'organisation d'un système juridique fort, s'avère une nécessité fondamentale, non seulement pour le rehaussement du droit, mais aussi pour le développement de la société civile. En dernière analyse, les Codes qui énoncent les grands principes, se doivent de respecter une méthodologie de recherche très rigoureuse pour répondre conformément à une normalisation civiliste. Autrement, le justiciable se posera des questions sur la finalité du contenu des domaines codifiés.

Voici la liste non exhaustive des Codes haïtiens...

    Code civil haïtien
    Code de procédure civile
    Code des lois usuelles
    Code pénal
    Code d'instruction criminelle
    Code du travail
    Code administratif
    Recueil de lois constitutionnelles
    Recueil de la Cour de cassation
    La chronique judiciaire
    Le moniteur (Journal officiel)

septembre 17, 2014

LA NOMINATION DU JUGE LAMARRE BÉLIZAIRE SERAIT-ELLE ILLÉGALE?

Par Jean-Marie Mondésir
Selon les faits qui sont évoqués dans une note publiée par l'organisme des droits humains (RNDDH) le 31juillet 2013, la nomination de Me. Lamarre Bélizaire comme juge d'instruction ne respecte pas les règles en vigueur. Il est inconcevable de croire que ceux qui sont appelés à faire respecter les lois établies en Haiti, violent les règles qui régissent la société. On se demande dans quel monde où l'on vit en Haïti. On se rappelle qu'à l'époque de la dictature des Duvalier, les partisans de ce régime brimaient les droits humains et ils ne se souciaient pas des textes juridiques en vigueur. Ils agissaient selon leur guise. Cette période est révolue et même si le peuple a fait le choix d'un président qui n'était pas un politicien. Il est utile de se demander si nos juristes prennent la peine d'ouvrir un ouvrage de droit après obtenu leur licence. Est-ce qu'il s'agit d'une mauvaise fois manifeste ou de  l'intention réelle de déconsidérer l'administration de la justice? On sait que les institutions du pays sont en faillite, il y a une carence des gens honnêtes au pays. Lorsqu'on est en présence d'un cas pareil, on est en droit de s'interroger sur le niveau de formation de certains juristes qui font abstraction des règles de droit régissant la société. Si leur mission consiste à appliquer les lois en vigueur, ils ne le font pas - que peut-on attendre du système de justice haïtien?  Le constat de l'organisme RNDDH est très éloquent et édifiant. Bonne lecture...

 RNDDH en rapport avec la qualification du juge Bélizaire
Nomination irrégulière du Magistrat Lamarre Bélizaire
 Le RNDDH rappelle que le Juge Lamarre Bélizaire fut nommé, en violation de la Loi du 20 décembre 2007 portant Statut de la Magistrature qui prévoit les méthodes d'intégration des Magistrats au sein de l'appareil judiciaire. En effet, les articles 20, 22 et 45 de ladite Loi disposent respectivement ce qui suit :
 "Le concours d’entrée à l’EMA est ouvert aux candidats âgés de 23 ans au moins et 50 ans au plus. Il est accessible aux candidats haïtiens d’origine n’ayant jamais renoncé à leur nationalité, de bonne vie et mœurs, en bonne santé mentale, titulaire d’un diplôme en droit équivalent au moins à la licence" ;
 "Les titulaires d’une licence en droit justifiant de huit (8) années au moins de pratique professionnelle dans le domaine juridique, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires".
 "... Nul ne peut être nommé Juge après avoir occupé les fonctions de Substitut ou de Commissaire du Gouvernement dans la même juridiction, pendant un délai de trois (3) ans."
 Or, le Juge Lamarre Bélizaire n'avait pas satisfait aux exigences de la loi en terme de carrière l'habilitant à être nommé Magistrat.
En effet, il n'a pas complété le cursus de l'École de la Magistrature. Il n'a pas non plus complété huit (8) années de pratique professionnelle en tant qu'avocat. De plus, il était encore à son poste de Substitut du Commissaire du Gouvernement dans la juridiction de Port-au-Prince au moment où il a été nommé Juge et Juge d'Instruction dans cette même juridiction.
 Le RNDDH rappelle également que le 4 juillet 2012, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) avait, par circulaire, exhorté les chefs de juridiction, savoir, les Présidents des Cours d’Appel, les Doyens des Tribunaux de Première Instance, les Juges Titulaires des Tribunaux de Paix, à surseoir aux prestations de serment des Magistrats nommés, en attendant son avis. Passant outre cette circulaire, le 11 juillet 2012, le Doyen du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Me Raymond Jean Michel avait procédé à la cérémonie de prestation de serment à titre de Magistrats Instructeurs, de Mes Lamarre Bélizaire et Félix Léger. Suite au scandale provoqué par cette prestation de serment, le Doyen avait finalement opté pour une prestation en catimini du Magistrat Lamarre Bélizaire. Le CSPJ n'est-il donc pas lié par ses décisions ?
Source: RNDDH

Port-au-Prince, le 31 juillet 2013  

RAPPORT D'ENQUÊTE SUR LE TRAITEMENT DU DOSSIER DE M. J. B. ARISTIDE

Dans une société de droit, même un criminel a droit à un procès juste et équitable devant un juge impartial.

Port-Salut Magazine se fait le devoir de rendre public le rapport d'enquête de l'organisme des droits humains (RNDDH) sur le traitement du dossier de l'ancien président Jean Bertrand Aristide. Les faits évoqués dans ce rapport présente une lecture plus ou moins fiable de la réalité. En ma qualité de juriste, il  ne m'est pas permis de critiquer une décision judiciaire afin de ne pas déconsidérer le système de justice haïtien. Je constate des irrégularités majeures qui me permettent de tirer une conclusion hâtive qui va dans le même sens des partisans de l'ancien président. Les excès de zèle d'un magistrat ou d'un auxiliaire de justice n'aide pas vraiment l'administration de la justice.

RNDDH: les actes posés par Lamarre Bélizaire contre Jean Bertrand ARISTIDE défient toute logique et s'apparentent à de la provocation: Qui protège les justiciables contre l'arbitraire des Magistrats ?

Dossier Jean Bertrand ARISTIDE / Lamarre Bélizaire : Qui protège les justiciables contre l'arbitraire des Magistrats ?

Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a pris connaissance, avec étonnement, de l'ordonnance en date du 9 septembre 2014 rendue par le Juge d'Instruction Lamarre Bélizaire, dans le cadre de l'enquête ouverte et poursuivie contre Jean Nesly LUCIEN, Jean Bertrand ARISTIDE, Oriel JEAN et consorts pour des faits de blanchiment des avoirs et trafic illicite de la drogue. Le dispositif de ladite ordonnance est ainsi conçu :
«Par ces Motifs, disons et déclarons que le nommé Jean Bertrand ARISTIDE est en résidence surveillée, puisque force doit rester à la loi; ordonnons au responsable de l'Administration pénitentiaire de prendre toutes les dispositions généralement quelconques pour sécuriser la résidence où se trouve l'inculpé et de le conduire au besoin, par devant nous aux fins de répondre aux questions de la justice sur les faits de blanchiment des avoirs et de trafic illicite de la drogue qui lui sont imputés ; Ordonnons en conséquence au responsable de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) de sécuriser le pourtour de la maison sus indiquée».
Dans le cadre de l'instruction de ce dossier, les actes posés jusqu'ici par le Magistrat défient toute logique et s'apparentent à de la provocation. Analysons-en quelques-uns :

I.-Sur l'interdiction de départ
Le premier acte d'instruction du Juge Lamarre Bélizaire dans le dossier a été une mesure d'interdiction de départ alors que la Loi n'autorise nullement un Juge d'Instruction à prendre une telle mesure contre quiconque.
Cette décision du Juge viole le principe de la prééminence du droit, base du procès équitable. Il s'agit d'une ingérence dans l'exercice du droit à la liberté de circulation, consacrée par la Convention Américaine des Droits de l'Homme ou Pacte de San José, ratifiée par Haïti le 14 septembre 1977.
Cette ingérence non prévue par la législation haïtienne est donc arbitraire. De plus, la pratique abusive qu'ont certains Juges d'Instruction et certains Commissaires du Gouvernement d'émettre des ordres d'interdiction de départ ne se justifie pas au regard de la Loi.

II. Sur le mandat de comparution
Le 11 août 2014, le Juge Lamarre Bélizaire a émis un mandat de comparution contre Jean Bertrand ARISTIDE aux fins de comparaître le 13 août 2014 en son Cabinet d'Instruction. Selon l'huissier Romuald Grand-Pierre, le mandat a été signifié le 12 août 2014 à un chauffeur qui pénétrait dans la résidence de l'ancien chef de l'État.
1. La question du délai de comparution représente un premier accroc.
En effet, comment accorder moins de vingt-quatre (24) heures à un ancien chef de l'État pour comparaître au Cabinet d'Instruction si l'objectif est vraiment de lui donner l'occasion de se défendre sur des faits graves mis à sa charge ? Vingt-quatre (24) heures sont-elles suffisantes à un citoyen pour constituer un cabinet d'avocats et se présenter par devant un Magistrat ?
2. La signification du mandat par un huissier immatriculé au Greffe du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince représente un second accroc.

Le Président Jean Bertrand ARISTIDE habite dans la juridiction du Tribunal de Première Instance de la Croix des Bouquets et le Juge Lamarre Bélizaire exerce sa fonction dans la juridiction du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince. Dans l'empressement, le Juge a confié le mandat à un huissier relevant du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince pour le notifier dans la juridiction du Tribunal de Première Instance de la Croix des Bouquets. Or, la compétence de l'huissier, au regard de la Loi, est territoriale. Un huissier immatriculé au Greffe du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince ne peut instrumenter en dehors de sa juridiction.

Au jour fixé pour la comparution, les avocats de l'ancien président se sont présentés au Cabinet du Juge Lamarre Bélizaire pour solliciter un report. Le Juge a décidé, malgré tout, d'émettre un mandat d'amener contre l'ancien chef de l'État. Or, « Même pour des faits emportant une peine afflictive et infamante, la seule plainte ne suffit pas pour obliger le juge d'instruction à décerner un mandat d'amener. Il lui suffit de faire comparaître, par un moyen de droit, le prévenu devant son cabinet d'instruction ». (Cassation Haïtienne, Arrêt du 29 janvier 1933, note mise au bas de l'article 77 du Code d'Instruction Criminelle de Jean Vandal, p. 45)

III. Sur la convocation du Directeur Général de la PNH
En cas de non-exécution d'un mandat d'amener contre un inculpé, l'article 80 du Code d'Instruction Criminelle prévoit la procédure à suivre par le Magistrat instructeur : Il décernera un mandat d'arrêt après avoir entendu le commissaire du gouvernement.
Mais, le Juge Lamarre Bélizaire suit un Code d'Instruction Criminelle non encore publié puisqu'il a décidé de son propre chef de convoquer le Directeur Général de la Police Nationale d'Haïti (PNH) pour venir s'expliquer sur la lenteur prise par l'institution policière dans l'exécution du mandat lancé par lui contre l'ancien président.
Il se pose ici plusieurs problèmes majeurs.

1. Le Juge ne peut exécuter ses décisions
Il s'agit là d'un principe fondamental en matière de justice. D'ailleurs, le fait par le Juge d'entreprendre des démarches pour exécuter un ordre par lui émis, prouve qu'il est intéressé dans le dossier. Le Juge est, par définition, un tiers impartial et désintéressé. Le zèle dont fait montre le Magistrat Lamarre Bélizaire dans l'exécution de son ordre, justifie l'action en dessaisissement pour suspicion légitime intentée contre lui.

2. Il ne peut y avoir cumule de fonctions
En envoyant directement à la police son mandat d'amener et en demandant des comptes au chef de la PNH sur la lenteur enregistrée dans l'exécution de son mandat d'amener, le Juge Lamarre Bélizaire viole le principe de la séparation des fonctions de poursuite et d'instruction, consacré par les dispositions impératives de l'article 18 du Code d'Instruction Criminelle qui stipule : «Les Commissaires du Gouvernement pourvoiront à l'envoi, à la notification et à l'exécution des ordonnances qui seront rendues par le juge d'instruction, d'après les règles qui seront ci-après établies, au chapitre des Juges d'instruction. »

3. Les agissements du Juge sont de nature à fragiliser la PNH
Il existe dix-huit (18) juridictions civiles dans le pays avec en moyenne cinq (5) Juges d'Instruction par juridiction, soit un total moyen de quatre-vingt-dix (90) Juges d'Instruction pour tout le pays.
Certains de ces Magistrats traitent une centaine de dossiers par année judiciaire. Ce qui est valable pour le Juge Lamarre Bélizaire est aussi valable pour chacun de ces Juges d'Instruction. Si tous les Magistrats instructeurs devaient avoir l'autorité de convoquer en leur Cabinet d'Instruction le Chef de la Police pour chaque mandat d'amener non exécuté, le Chef de la Police passerait son temps de Cabinet d'Instruction en Cabinet d'Instruction et ne pourrait pas s'occuper de l'institution dont il a la charge. La PNH deviendrait alors totalement dysfonctionnelle.
Ce précédent est dangereux même s'il s'apparente à une forme d'arrangement entre le pouvoir, la direction de la PNH et le Juge Lamarre Bélizaire pour augmenter la pression sur l'ancien chef de l'Etat.

IV. Sur la résidence surveillée
Aucun texte législatif ou réglementaire n'autorise un Juge d'Instruction à placer en résidence surveillée un inculpé. Le régime de résidence surveillée - dans les pays où il est en vigueur - est prévu par un texte connu de tous et auquel on doit obéissance. Ce texte n'existant pas en Haïti, ce régime ne relève que de la volonté pure et simple du Juge Lamarre Bélizaire.
Qui va exécuter cette ordonnance ? Le Parquet de Port-au-Prince ou celui de la Croix des Bouquets ? La police peut-elle se soumettre à une décision manifestement illégale?
Sur ce point, le RNDDH attire l'attention de tous sur le fait que ceux qui exécutent cette décision s'exposeront à des poursuites pénales suivant les dispositions de l'article 27 de la Constitution haïtienne ainsi libellé : «Toutes violations des dispositions relatives à la liberté individuelle sont des actes arbitraires. Les personnes lésées peuvent, sans autorisation préalable, se référer aux tribunaux compétents pour poursuivre les auteurs et les exécuteurs de ces actes arbitraires, quelles que soient leurs qualités et à quelque corps qu'ils appartiennent»

Le RNDDH s'interroge sur les manières arbitraires choisies par le Magistrat Lamarre Bélizaire pour vraisemblablement ne pas instruire l'affaire aux fins d'arriver à la vérité ou pour tout simplement utiliser le dossier à des fins politiques.

Le RNDDH rappelle que le Juge d'Instruction, tout Magistrat qu'il est, n'est pas au-dessus de la Constitution et de la Loi. En ce sens, le Code d'Instruction Criminelle ne peut cesser d'être sa boussole. De plus, l'opinion personnelle ou politique du Magistrat ne doit suppléer aux carences du Code d'Instruction Criminelle car, les justiciables ne peuvent être abandonnés, sans défense, à l'arbitraire des Juges.

L'établissement d'un État de droit en Haïti passe par la lutte contre l'impunité. C'est pourquoi, le RNDDH croit que nul n'est au-dessus de la Loi et souhaite vivement que toute la lumière soit faite sur cette tranche d'histoire où d'importants fonds du trésor public ont été détournés à des fins personnelles. La population a droit à la vérité. Cependant, toute personne poursuivie a droit aux garanties judiciaires et à un procès équitable tels que garantis par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Constitution haïtienne et le Pacte International relatif aux Droits civils et politiques.

Le Magistrat Lamarre Bélizaire a une fâcheuse tendance à outrepasser avec arrogance les limites qui lui sont fixées par la Loi et à se comporter en super Magistrat. Le problème est sérieux et nécessite au plus vite l'intervention des Barreaux de la République, de l'Assemblée des Juges et du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire car quand la Loi est remplacée par la folie des hommes, la Nation s'expose à toutes sortes d'aventures.

Port-au-Prince, le 12 septembre 2014
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UN PETIT GUIDE POUR LES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS


Par Jean-Marie Mondésir
Tout le monde sait que la Constitution haïtienne garantit la protection des droits fondamentaux à chaque citoyen. Lorsqu'on ne maîtrise pas le jargon juridique, il est difficile de comprendre les fondements de ces droits et libertés. Dans un pays où la majorité du peuple est créolophone, se procurer un exemplaire de la constitution dans la langue nationale est extrêmement difficile.  Déjà là, on peut constater une violation flagrante du droit linguistique du peuple haïtien. Cette violation est encore plus grave lorsqu'un citoyen subit dans une langue étrangère un procès au criminel  qui porte atteinte à sa liberté, à sa dignité et à son intégrité. On a créé la société de juristes haïtiens pour pallier à ce problème. Sa mission consiste à renforcer les capacités institutionnelles des professionnels du droit et du personnel de l'administration judiciaire. On travaille à mettre le droit au service des citoyens dans leur langue nationale. Cette société oeuvre à la diffusion des documents juridiques en format électronique, des vocabulaires spécialisés et des glossaires en créole. En faisant des recherches dans Internet, on a trouvé un document relatif aux droits et libertés de la personne au Canada. Très bientôt, on rendra disponible une version créole de ce document en l'adaptant à la constitution haïtienne amendée. Il est recommandé de le conserver afin de faire un usage bien mérité.

LES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE

Audition impartiale par tribunal indépendant - Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.

Huis clos - Le tribunal peut toutefois ordonner le huis clos dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public.

Motifs de privation de liberté - Nul ne peut être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure prescrite.

Abus interdits - Nul ne peut faire l'objet de saisies, perquisitions ou fouilles abusives.

Traitement de personne arrêtée - Toute personne arrêtée ou détenue doit être traitée avec humanité et avec le respect dû à la personne humaine.

Régime carcéral distinct - Toute personne détenue dans un établissement de détention a droit d'être soumise à un régime distinct approprié à son sexe, son âge et sa condition physique ou mentale.

Séparation des détenus attendant l'issue de leur procès - Toute personne détenue dans un établissement de détention en attendant l'issue de son procès a droit d'être séparée, jusqu'au jugement final, des prisonniers qui purgent une peine.

Information sur motifs d'arrestation - Toute personne arrêtée ou détenue a droit d'être promptement informée, dans une langue qu'elle comprend, des motifs de son arrestation ou de sa détention.

Information à l'accusé - Tout accusé a le droit d'être promptement informé de l'infraction particulière qu'on lui reproche.

Droit de prévenir les proches - Toute personne arrêtée ou détenue a droit, sans délai, d'en prévenir ses proches et de recourir à l'assistance d'un avocat. Elle doit être promptement informée de ces droits.

Comparution - Toute personne arrêtée ou détenue doit être promptement conduite devant le tribunal compétent ou relâchée.

Liberté sur engagement - Nulle personne arrêtée ou détenue ne peut être privée, sans juste cause, du droit de recouvrer sa liberté sur engagement, avec ou sans dépôt ou caution, de comparaître devant le tribunal dans le délai fixé.
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Habeas corpus - Toute personne privée de sa liberté a droit de recourir à l'habeas corpus.

Délai raisonnable - Tout accusé a le droit d'être jugé dans un délai raisonnable.

Présomption d'innocence - Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que la preuve de sa culpabilité ait été établie suivant la loi.

Témoignage interdit - Nul accusé ne peut être contraint de témoigner contre lui-même lors de son procès.

Assistance d'avocat - Toute personne a droit de se faire représenter par un avocat ou d'en être assistée devant tout tribunal.

 Défense pleine et entière - Tout accusé a droit à une défense pleine et entière et a le droit d'interroger et de contre-interroger les témoins.

Assistance d'un interprète - Tout accusé a le droit d'être assisté gratuitement d'un interprète s'il ne comprend pas la langue employée à l'audience ou s'il est atteint de surdité.

Non-rétroactivité des lois - Nul accusé ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une violation de la loi.

Chose jugée - Une personne ne peut être jugée de nouveau pour une infraction dont elle a été acquittée ou dont elle a été déclarée coupable en vertu d'un jugement passé en force de chose jugée.

Peine moins sévère - Un accusé a droit à la peine la moins sévère lorsque la peine prévue pour l'infraction a été modifiée entre la perpétration de l'infraction et le prononcé de la sentence.

Protection de la loi - Aucun témoignage devant un tribunal ne peut servir à incriminer son auteur, sauf le cas de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires.



août 30, 2014

LE SYSTÈME JUDICIAIRE EST MIS À L'ÉPREUVE DANS LES DOSSIERS DE BRANDT ET D'ARISTIDE...

Par: Jean-Marie Mondésir
Lorsqu'on vit dans une société et on n'arrive pas à faire confiance aux institutions qui ont été mises en place pour assurer son bon fonctionnement, la situation est grave et révoltante pour les honnêtes citoyens qui veulent découvrir la vérité sur certains faits évoqués par la presse. Clifford Brandt était un homme d'affaires très connu et très lié au pouvoir central.  Le système judiciaire pourrait-il offrir la garantie d'une justice saine sans ingérence politique? Si Clifford devait avouer la vérité, on est sûr que d'autres gens d'affaires et la famille présidentielle se trouveraient dans de l'eau chaude. De ce fait, il y a risque très élevé de son assassinat dans le milieu carcéral. M. Jean-Bertrand Aristide est un ancien président qui demeure très populaire en Haiti. Il a consenti un deal avec les officiels américains, la CIA et les institutions de Breton Woods pour qu'il retourne au pouvoir. Avec le support de 24 000 marines,  il reprenait son pouvoir au palais national en 1994. Son régime a connu des turbulences politiques et plusieurs actions criminelles ont été perpétrées. À la suite d'une enquête administrative en 2006, une commission a établi certaines allégations  telles que : détournement de fonds publics, trafic d'influence, trafic illicite de drogue, complicité dans certains assassinats politiques, etc. Une action en justice a été intentée en Floride contre M. Aristide et certaines personnes de son administration. À ce moment -là, ses sympathisants et les militants de son parti ne criaient pas à la persécution politique du régime en place. Doit-on croire toujours à l'acharnement judiciaire lorsque la justice cherche à établir la vérité sur certaines allégations? Le juge Bélizaire chargé d'instruire le dossier d'Aristide fait l'objet de menace et de l'intimidation des partisans zélés qui ne souhaitent pas l'établissement d'un état de droit en Haiti. Doit-on accepter qu'un juge soit intimidé ou menacé dans l'exercice de ses fonctions?

Tout le monde sait très bien que le pouvoir exécutif est truffé de corrupteurs et des gens corrompus. Des hommes d'affaires pour la plupart ont la main mise sur les activités économiques du pays. Ils ont le contrôle de l'administration publique et tous les contrats gouvernementaux leur reviennent de droit. Ils ne paient pas d'impôts au fisc et ne créent pas véritablement d'emplois afin de réduire le taux de chômage. Les autorités centrales ne font que gérer le pays comme un geôlier qui distribue des tâches à des prisonniers dans un centre pénitentiaire. Elles n'ont aucune vision d'une bonne gestion de l'administration publique ni un projet de société susceptible de sortir le pays de son marasme économique. Les maigres ressources de la nation sont gaspillées par les généreuses subventions (gaz, électricité, produits de première nécessité) sans compter les milliers fonctionnaires qui constituent une charge très lourde pour l'État. À notre avis, les deniers publics doivent être gérés en tant que bon père de famille. Ceci dit, le pouvoir central doit réduire l'administration, introduire la technologie dans la fonction publique afin de rendre les services publics plus efficaces et plus efficientes. On doit responsabiliser les élus locaux et inciter les citoyens à contribuer davantage pour la fourniture des services. On doit mettre fin à l'État providence pour engager les citoyens dans le développement de leur milieu de vie.  On constate un laisser-aller du pouvoir central et des carnavals à répétition qui ne rapportent rien à l'économie du pays.
Cependant, on doit reconnaître que les journalistes ont droit à leur liberté d'expression sur le régime actuel. Depuis quelques années, on n'entend plus parler de disparition des journalistes ni d'assassinat des opposants politiques. Cependant, dans les régimes antérieurs les persécutions politiques et les disparitions des opposants au pouvoir central étaient légion.

On ne doit pas oublier le pouvoir législatif (Chambre des députés et la Chambre du sénat) qui est aussi corrompu au même titre que celui du pouvoir exécutif. Si la mission des parlementaires consistait à veiller, à contrôler les actes du gouvernement et à faire respecter la constitution; au contraire ils contribuent à sucer les maigres ressources du pays pendant que le peuple crève de faim. Certains parlementaires se comportent en criminels à cravate en faisant la lutte d'influence, des menaces, de l'extorsion lorsqu'ils n’exerçaient pas la violence sur les citoyens. Il y en a qui sont impliqués dans des cas d'assassinats, d'extorsion, de trafic d'influence, de trafic illicite de drogue.  Les parlementaires sont considérés comme les représentants du peuple. En règle normale, ils doivent défendre les intérêts des commettants de leur circonscription. Dans la réalité, ils ne défendent que leurs intérêts personnels. Tous les  débats de la Chambre se font en créole, ce qui est très louable pour la majorité nationale de comprendre les enjeux nationaux. Est-ce quelqu'un peut fournir le nombre de lois qui sont votées et publiées en créole?Est-ce qu'il existe une copie en créole de l'amendement constitutionnel publié en mai 2011? La réponse est négative pour ces deux questions parce que les parlementaires ne viennent pas défendre les intérêts des citoyens, mais ils ne se soucient que de leur réélection et des intérêts de leurs acolytes.

Si les deux pouvoirs dont leurs membres sont élus par le peuple ne produisent pas de résultats satisfaisants, que peut-on espérer du pouvoir judiciaire. Un dicton nous apprend : s'il n'existe pas dans une société un système de justice fiable où les citoyens sont égaux devant loi, celle-ci est vouée à la barbarie, à l'injustice et à la violence systématique. Ceci dit, le peuple doit avoir confiance dans un système de justice impartial sans ingérence politique. Lorsque l'administration judiciaire est vassalisé par le pouvoir exécutif et certains fonctionnaires sont corrompus, on ne peut pas croire à une justice aveugle et impartiale. Il est vrai qu'il existe des problèmes majeurs dans le système judiciaire haïtien. On y trouve des juges et des avocats incompétents et corrompus. Les juges n'ont pas les moyens à leur disposition pour entreprendre des enquêtes. Ils ne sont pas qualifiés et ils n'ont pas les capacités requises pour occuper leur fonction. Ils ne bénéficient pas des avantages sociaux ni des honoraires décents qui leur permettaient d'assumer leur responsabilités. Dans un tel contexte, il devient normal que la justice est au service des plus offrants. Les criminels notoires circulent sans inquiétude et les innocents qui n'ont pas de moyens financiers pour payer leur liberté croupissent en prison.

Si on veut bâtir une société de droit, il est important de dénoncer cet état de fait qui constitue une atteinte  grave à la démocratie haïtienne. On ne peut pas accepter que des individus sans scrupules, des criminels sans vergognes influencent l'administration judiciaire en faisant des menaces et de l'intimidation aux juges qui doivent étudier les dossiers brûlants d'actualité. Dès qu'on apprend le nom du juge qui doit instruire le dossier de M. Aristide, on publie sa photo dans les médias sociaux. Ces agissements peuvent être interprétés comme des actes d'intimidation de manière à empêcher le juge d'exercer ses fonctions. En agissant ainsi, on ne veut pas que le peuple  connaisse la vérité sur les allégations déposées contre l'ancien président et certains membres de son administration. Ce qu'on doit savoir, il n'y a pas de feu sans fumée, le peuple a droit à un système de justice non instrumentalisé.

Si autrefois, on pouvait croire aux pressions des puissances étrangères sur la gestion du pouvoir d'Aristide. De nos jours, l'ancien prêtre président n'est pas tout à fait catholique dans ses actions. Il est la seule personne à pouvoir fournir une explication au peuple sur les conditions de son retour en 1994. Les motifs du deuxième coup d'état d'Aristide sont évoqués dans un article publié en Anglais dans le Nation http://www.thenation.com

NUL N'EST AU-DESSUS DE LA LOI DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE ...

Par : Jean-Marie Mondésir
On a le devoir de soutenir les serviteurs de la justice qui ne sont pas corrompus…

Depuis bien des années, Port-Salut Magazine détient un dossier contenant des allégations liant l’ancien président Jean-Bertrand Aristide et certains membres de son administration à la corruption, au trafic de drogues, à l’exécution sommaire de ses opposants politiques et au détournement de fonds publics. Ce dossier est inscrit dans le cadre d’une action en justice intentée par les autorités haïtiennes devant une cour de justice en Floride. Ce document disponible uniquement en anglais est accessible sur Internet. Donc, il ne devra pas avoir de surprise pour les gens avisés qui réclament justice et transparence.

On sait que l’ancien président est l’un des hommes politiques très populaire en Haiti. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il ne doit pas répondre aux multiples allégations qui lui sont reprochées. Il est important de ne pas instrumenter la justice du pays, car la constitution de 1987  considère le pouvoir judiciaire comme la troisième institution qui forme la base principale de notre société. On est conscient que certains juges de l’administration judiciaire sont corrompus par les autorités du pouvoir central, mais il y en a d’autres qui décident de se démarquer au risque et péril de leur vie. L’intimidation et la menace n’effraient ceux et celles qui ont fait le vœu de servir un système de justice exempt de toute ingérence politique.

Dans les médias tout le monde réclame l’état de droit, mais lorsque la justice interpelle un citoyen certains dirigeants politiques crient à la persécution politique du pouvoir en place. Ces agissements sont très démagogiques, car celui ou celle qui n’a pas rien à se reprocher ne doit pas s’inquiéter d’une justice aveugle et impartiale.Dans notre système juridique, le juge d’instruction est l’autorité chargée de mener des enquêtes pour établir la culpabilité d’un prévenu. Si les preuves obtenues sont concluantes, il  décidera de saisir le tribunal correctionnel ou criminel pour un procès en bonne et due forme.

Dans une société de droit, tout citoyen est redevable envers la justice et il ne doit pas y avoir de traitement de faveur pour un quelconque citoyen. Que vous soyez président, sénateur, député, juge, magistrat, kidnappeur, corrompu, corrupteur, agresseur,violeur et simple citoyen …la justice est une pour tous, dura lex sed lex. On doit tous répondre aux plaintes contenant des allégations qui portent préjudice à l’ordre moral. La justice doit créer l’exemple, voler les biens de l’État… c’est aussi voler les contribuables qui vivent dans la misère.
http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/134440/Jean-Bertrand-Aristide-inculpe.html

août 01, 2014

LA PRATIQUE DU VAUDOU : EST-CE UNE CULTURE POPULAIRE OU UNE RELIGION NATIONALE ?

Par : Jean-Marie Mondésir
Tout le monde sait très bien que le vaudou fait partie intégrante de la vie quotidienne de la majorité des Haïtiens. C’est un héritage ancestral qui est ancré dans les mœurs et dans les traditions populaires en Haïti. Du point de vue culturel, l’Haïtien est en soi un vodouisant par nature. Qu’on le veuille ou non, on est tous nés vodouisants même si certains refusent de croire ce fait. Nos comportements, notre savoir-faire, notre mentalité, notre savoir-être et nos croyances traduisent cette réalité. En Afrique de l’ouest (Golfe de Guinée, Bénin, Togo) la culture du vaudou est une source d’harmonie, de cohésion et de paix sociale; ses adeptes vénèrent la vie même après la mort. Le partage, l’entraide et la solidarité constituent autant de valeurs héritées de cette culture d’origine africaine.
Ces valeurs léguées par nos ancêtres constituent notre identité culturelle et notre fierté nationale. Le vaudou rentre dans nos mœurs et dans nos traditions populaires depuis la période coloniale dite esclavagiste. Il conditionne et façonne le mode de vie de la majorité des Haïtiens au quotidien. C’est un produit culturel et touristique à promouvoir à l’échelle internationale. Ce que l’on ne sait pas encore, le vaudou est aussi reconnu comme une religion à part entière au même titre du catholicisme, du protestantisme, de l’islamisme, etc. Au Bénin, le vaudou est à la fois reconnu comme la culture populaire et une religion nationale. C’est cette religion qui façonne l’identité du peuple béninois, pays d’origine de Toussaint Louverture. Pendant longtemps, la religion ancestrale a été méprisée, critiquée et vilipendée par ses détracteurs. Ses adeptes sont souvent persécutés par les régimes antérieurs sous l’influence des cultes importées. Les autres religions ont diabolisé la pratique religieuse ancestrale pour mieux régner sur la population pauvre dépourvue de ressources.
De nos jours, on entend dans les médias des prêtres catholiques pédophiles qui abusent des enfants; des pasteurs protestants commettant des actes d’adultère et violent leurs fidèles; des islamistes extrémistes terrorisant les femmes et détruisent la vie de milliers de gens. Personne n’ose critiquer la doctrine religieuse à laquelle ils y adhèrent. Cependant, les adeptes du vaudou sont majoritairement associés à la sorcellerie et à la magie noire. Ils ne connaissent pas de distinction dans l’esprit des acculturés qui font l’apologie des religions importées par les Colons.
Fort souvent, certains détracteurs se concentrent sur les aspects négatifs de quelques adeptes pour renforcer la haine, la division et l’exclusion d’une catégorie de citoyens. On refuse de reconnaitre la contribution des médecins de feuille qui ont apporté une aide précieuse à la souffrance des gens du milieu paysan, dépourvus d’une clinique pour leur prodiguer des soins de santé. On s’efforce d’ignorer le miracle des sages-femmes dans les campagnes qui ont mis au monde des milliers d’enfants en bonne santé. Ils ne savent ni lire, ni écrire et pourtant ils contribuent de manière significative au développement du pays. Faut-il croire que leurs connaissances sont le fruit du hasard. Ils ont reçu leur héritage sacré de nos ancêtres venant du continent africain (du golfe de la Guinée, du Bénin et du Togo). Rendons à César ce qui est à César, c’est un ancien prêtre de l’église catholique qui a décidé de mettre fin à cette injustice sociale sur le plan national.
En 2003, le président Aristide a publié un décret marquant la reconnaissance officielle du vaudou comme une religion. Avec ce décret, aucun vodouisant ne peut être poursuivi en justice lorsqu’il pratique sa religion. La liberté de cultes est un droit garanti par la Constitution de 1987. Il est important de se demander quelle est la force du décret 2003 dans notre régime juridique. Dans un système de droit civil comme Haïti, le décret est un instrument juridique permettant de créer des normes qui régissent l’ordre social. Il revient au Parlement de statuer sur ce décret afin de lui donner la force de loi. À notre connaissance, ce n’est pas encore fait et il ne s’agit pas d’une priorité pour les parlementaires actuels. À notre humble avis, le décret de 2003 constitue un début créant un cadre légal de cette religion ancestrale qui façonne au quotidien l’identité haïtienne. Selon nous, il est important pour les prêtres, les mambos, les adeptes et les sympathisants du vaudou de s’asseoir ensemble pour définir le fondement philosophique et théorique de leur culte religieux. Les associations et les organisations de ce culte doivent rencontrer les autorités du Ministère des Cultes pour déterminer la procédure à suivre lors de la célébration de mariage et d’enterrement, etc. Elles doivent entreprendre une campagne d’éducation dans les médias pour sensibiliser le public sur l’aspect positif du vaudou. Ce faisant, cela pourra enlever les étiquettes associant la pratique du vaudou à la sorcellerie ou à la magie noire. Cette campagne de désinformation instituée par les fidèles et pratiquants des religions catholiques et protestantes incite au rejet et à la discrimination envers les fidèles de la religion nationale. Cette dernière est le symbole de dignité et de fierté de la majorité populaire. On doit organiser des conférences à l’échelle nationale pour expliquer les grandes réalisations des prêtres et des mambos dans le milieu paysan. Tous ceux qui critiquent le vaudou actuellement, ce sont tous des hypocrites de la pire espèce. Chacun de nous est protégé par des anges gardiens (nou se pitit ginen e se lwa sa yo kap kontinye proteje n). Les intellectuels issus des couches paysannes ont le devoir de soutenir ceux qui pratiquent ce culte ancestral afin de les aider à mettre en place les structures de base nécessaires pour que le vaudou continue de jouer son rôle dans le développement socio-économique et culturel du pays. Rejeter la religion ancestrale constitue un déni de croyances de ceux qui ont subi l’humiliation des Colons. Ils ont lutté pour nous rendre libres et fiers d’être Haïtiens.
Si on est à la recherche d’une religion qui ne pratique pas l’exclusion et  la discrimination au sein de la population, le vaudou est le seul qui puisse répondre de manière positive à cet appel. Le prêtre, le pasteur et le politicien sont bienvenus dans les péristyles et les hounfors des mambos et des houngans et ils y sont traités sans préjugés. Ensemble, supportons la religion nationale pour que ses adeptes et ses sympathisants puissent jouir de leurs droits constitutionnels au même titre des autres religions qui nous enfoncent dans la misère et dans l’ignorance …
Jean-Marie Mondésir
Juriste haïtien
Spécialiste en droit civil
juristehaitien@gmail.com





juillet 31, 2014

QUELLE CONSTITUTION POUR QUELLE SOCIÉTÉ?

Par Jean-Marie Mondésir
À chaque fois qu'on aborde la question de Constitution de 1987, tout le monde se prononce et s'improvise sur le modèle de loi fondamentale qui faciliterait une société de droit en Haiti. On doit reconnaitre que la Constitution d'un pays est la loi mère de toutes les lois. Elle constitue la base principale de la structure organisationnelle d'une société juste et équitable.
Dans le cas d'Haïti, la Constitution de 1987 a été le pire cauchemar de ce pays. Cette Constitution a été proclamée dans l'euphorie populaire après la chute des Duvalier sans une analyse en profondeur. Elle est truffée de confusions, elle est la source de division entre les fils d'une même nation. Les juristes-constitutionnalistes qui conseillaient les constituants de l'époque n'avaient pas de vision à long terme. Ils ont proposé un modèle de Constitution qui ne correspondait pas à la réalité du pays sans évaluer les coûts économiques et financiers des réformes institutionnelles préconisées. C'était une erreur capitale et monumentale, nous sommes en train de vivre les conséquences de nos actions serviles en imposant des institutions qui ont la difficulté à se mettre en place après plus de 25 ans d'existence.
On peut citer à titre d'exemple : le Conseil de la magistrature, la Haute Cour de justice, le Conseil électoral permanent, les forces armées et la Police, la décentralisation des collectivités territoriales, etc. Les institutions prévues par la Constitution représentent un fardeau économique pour le pays. Tout amendement constitutionnel est bienvenu, même si cela ne va pas résoudre le problème de gouvernance de ce pays.
Dans l'état actuel du pays, la décentralisation n'est pas la solution, car il existe trop de disparités socio-économiques dans les régions et les inégalités vont toujours y persister. Il nous faut non seulement penser à la déconcentration des services publics, mais aussi il est important d'éduquer la population sur la nécessité de contribuer au développement de son milieu de vie. De plus, il est utile aussi d'instituer des politiques publiques qui répondent au besoin des collectivités territoriales à l'échelle nationale. Pour ce faire, nos dirigeants ne doivent pas accepter le diktat de la communauté internationale qui les oblige à faire des choses contraires à leur volonté. Il revient aux Haïtiens de s'unir au-delà de tout esprit partisan pour contribuer à la reconstruction du pays. On a identifié deux cancers qui rongent ce pays : la politique partisane et la religion. Les pseudo-démocrates doivent cesser de diviser le peuple pour satisfaire ses ambitions politiques. On doit adopter un modèle de l'État laïque où tout le monde pratique sa religion sans s'immiscer dans les affaires d'État. C'est ainsi qu'on parviendra à construire une société juste, libre et démocratique. La reconstruction d'Haïti doit se faire dans l'harmonie et la tolérance au-delà de toutes les considérations idéologiques et politiques pour favoriser le développement dans l'intérêt collectif...

Jean-Marie Mondésir
Juriste haïtien
Spécialiste en droit civil
Président de Société de juristes

juin 08, 2014

QUELLE EST LA PORTÉE JURIDIQUE DE LA NATIONALISATION VERSUS LA NATURALISATION?

Par : Jean-Marie Mondésir
Aux États-Unis d'Amérique, celui qui est naturalisé ne peut pas briguer la présidence de cette puissance mondiale. Ce privilège est strictement réservé aux enfants nés sur le territoire américain. D'où la nécessité d'analyser la portée juridique de droit à la nationalité versus la naturalisation.

Port-Salut Magazine a appris que le président de la République dominicaine compte soumettre au Parlement un projet de lois visant à offrir la naturalisation aux Dominicains d'origine haïtienne qui étaient victimes de la décision de la Cour constitutionnelle en septembre dernier. Cet arrêt rendu par l'instance suprême dominicaine a un fondement raciste et discriminatoire. Cette décision judiciaire enlève le droit à la nationalité aux Dominicains de descendance haïtienne. Du jour au lendemain, ils deviennent des apatrides alors qu'ils sont nés sur le territoire dominicain. Est-ce que cette mesure politique du président Médina apaisera-t-elle les injustices engendrées par l'arrêt de la Cour constitutionnelle? Est-ce que ce projet de lois répondrait à la pression exercée par la communauté internationale?

L'arrêt rendu par cette Cour constitutionnelle dominicaine en septembre 2013 a donné un dur coup à nos compatriotes qui vivent sur la partie est de l'île. Ils sont devenus apatrides à cause d'une décision injuste dont les fondements ont une connotation raciste et discriminatoire envers les Dominicains d'origine haïtienne. Qui plus est, cette décision a eu un effet rétroactif et touche des milliers de personnes depuis les années 1920. Du point de vue juridique, cet arrêt est contraire au principe juridique établissant le droit acquis. Aucune disposition juridique ne peut pas porter préjudice aux droits fondamentaux des citoyens. L'arrêt de la Cour constitutionnelle est tout à fait contraire aux conventions et traités internationaux dont la République Dominicaine est l'un des membres signataires. Voulant conserver l'indépendance des institutions de son pays, le gouvernement du président Médina devait  intervenir pour adopter des mesures de régulation de cette injustice flagrante. Il est bon de se rappeler que cette décision est condamnée par toutes les instances de la communauté internationale (CARICOM, OEA, ONU, UE).

À priori, un État souverain a le pouvoir d'établir des règles juridiques qui régissent l'ensemble de ses citoyens. De plus, il peut définir les conditions dans lesquelles un citoyen étranger peut acquérir la citoyenneté de son pays. En droit international, il existe deux principes qui sont reconnus et régissant la question de citoyenneté : 1) us sanginis = loi du sang ou lien de filiation entre un enfant et ses parents; 2) us solis = loi du sol, loi du territoire où l'enfant a pris naissance. La Constitution de la République dominicaine reconnait ces deux principes. Les principes us sanginis et le us soli sont de rigueur malgré l'amendement de la Constitution dominicaine en 2010. Ce qui revient à dire que la nationalité dominicaine peut être obtenue par le lien de filiation d'un parent dominicain avec son enfant ou par le fait de la naissance d'un enfant de parents étrangers sur le territoire dominicain. Après l'amendement de 2010, les autorités dominicaines établissent de nouvelles règles à savoir que les enfants nés des parents en situation de transit, ne peuvent pas bénéficier du principe us soli. C'est tout à fait correct pour un État souverain d'adopter des mesures pouvant assurer la protection de son territoire. Il n'y a pas eu de problème jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle a rendu une décision injustice qui porte préjudice à des milliers de gens jouissant pleinement de leur droit acquis antérieurement à l'amendement constitutionnel.

Tout d'abord, il est important de souligner que la nationalité n'a pas la même force juridique que la citoyenneté. La nationalité est un droit alors que la citoyenneté est un privilège. Sur le plan strictement juridique, le droit n'est pas synonyme de privilège. Les conditions requises d'obtention du droit à la nationalité ne sont  les mêmes pour l'acquisition de la citoyenneté. Si un citoyen étranger ne respecte pas les conditions imposées par les autorités administratives d'un pays souverain, il peut ne pas obtenir le privilège d'être le citoyen de ce pays. Dans le cas de la nationalité, dès qu'un citoyen est en mesure de prouver sa naissance sur le territoire ou l'un de ses parents est de nationalité ou citoyen de ce pays; il bénéficie automatiquement le droit à la nationalité. Même si ses parents étaient des criminels notoires, on ne peut pas le priver de sa nationalité en fonction de ces deux principes reconnus au niveau international. Donc, on peut avoir plusieurs citoyennetés et une double nationalité. Au niveau politique, tout citoyen vivant dans une communauté et qui y contribue en payant des taxes peut réclamer la citoyenneté de cette communauté.

Tenant compte que le droit à la nationalité n'a pas la même portée juridique que la citoyenneté obtenue par la naturalisation, le projet de lois que le gouvernement dominicain compte présenter au Parlement ne résoudrait pas les préjudices subis par les Dominicains d'origine haïtienne. Ils ont été victimes d'une décision illégale, injuste, discriminatoire et raciste. En réalité, ce projet de lois vise à faire cesser la pression internationale sur les autorités de l'État voisin. À mon avis, s'il y a des irrégularités dans le fonctionnement d'un système, les citoyens ne peuvent pas être tenus responsables. Donc, l'État dominicain doit assumer ses responsabilités en réparant les dommages subis par les Dominicains qui sont victimes de cette décision erronée et arbitraire.

Si les lois dominicaines établissent que les citoyens en transit ne peuvent pas bénéficier le principe  us solis, il est absurde de remonter jusqu'en 1929 à l'époque où les travailleurs haïtiens offraient leur service dans les plantations de canne à sucre. Les incidences de cette décision ont une portée très large sur des générations de citoyens de descendance haïtienne. L'ampleur des préjudices causés par cet arrêt est grave pour les victimes. La naturalisation n'est pas une mesure appropriée, parce que ces citoyens sont des Dominicains à part entière. Ils ont des documents administratifs des autorités établies qui peuvent prouver leur nationalité. La raison est simple, prenant l'exemple des États-Unis d'Amérique; dans ce pays celui qui est naturalisé ne peut pas être candidat à la présidence du pays. D'autres États n'accordent pas les mêmes droits aux citoyens nationaux et naturalisés.

En matière du droit constitutionnel lorsque le droit fondamental d'un citoyen est bafoué et violé par les autorités établies, l'État a l'obligation de réparer les préjudices subis par la personne lésée. Dans le cas qui nous préoccupe, l'État dominicain doit adopter des mesures appropriée reconnaissant les droits à la nationalité des Dominicains d'origine haïtienne tout en respectant l'arrêt de la Cour constitutionnelle. Le droit à la nationalité dominicaine est un droit acquis et les documents administratifs  prouvent cet état de fait. Donc, les Dominicains de descendance haïtienne ne peuvent pas être victimes d'une décision qui porte atteinte à leur droit constitutionnel. Que la justice suive son cours dans l'intérêt de toutes les victimes.

Jean-Marie Mondésir
Spécialiste en droit civil
Consultant en droit haïtien
Président de la Société des Juristes haïtiens

avril 28, 2014

QUELS SONT LES ENJEUX DE LA DIASPORA HAITIENNE?


Par : Jean-Marie Mondésir

À l'occasion de la journée nationale consacrée à la diaspora, initiée par le ministère des Haïtiens vivant à l'étranger; Port-Salut Magazine invite ses lecteurs et lectrices à une profonde réflexion sur la notion de «diaspora» qui divise les fils et filles d'une même nation. Vous pouvez bien le constater que nous utilisons le concept «Haïtiens vivant à l'étranger» au lieu de nous concentrer sur la question de diaspora haïtienne. Les 2 millions d’Haïtiens  vivant dans les pays occidentaux (USA, Canada, France, République Dominicaine, Les Antilles) constituent la force économique et intellectuelle de la nation. Malgré tout, leur participation à la vie politique du pays demeure un obstacle majeur à franchir. De ce fait, il est utile de chercher à comprendre pourquoi la diaspora haïtienne ne joue pas son rôle dans le développement du pays. La diaspora se structure de jour en jour, elle ne veut plus être considérée comme citoyen de 2e classe. Elle revendique son juste droit de participer à la politique active de son pays.

Selon le dernier rapport de la banque mondiale, la diaspora contribue à raison de 4 milliards dans l'économie haïtienne sans compter les transferts de fonds à des membres de la famille par des canaux informels. Nous devons reconnaître que certains membres de la communauté haïtienne vivant à l'étranger sont des intellectuels formés à l'Université d'État d'Haïti gratuitement avec la généreuse subvention des autorités publiques. Ces citoyens décident de quitter leur pays pour des raisons socio-économiques et politiques afin d'assurer leur sécurité et d’améliorer les conditions de vie des membres de leur famille.
Est-ce que ces Haïtiens (nes) qui ont fui la misère, l'obscurantisme, le népotisme des gouvernements répressifs et sanguinaires  cessent d'être des citoyens à part entière? Devons-nous les considérer comme un ennemi à éliminer lorsqu’il s’agit de prendre part à la vie politique de leur pays?  La peur des Haïtiens vivant à l’étranger est bien réelle pour ceux et celles qui exercent le contrôle sur la fonction publique haïtienne. Plusieurs raisons peuvent tenter d’expliquer cette crainte injustifiée. Plus d’uns pensent que certains membres de la diaspora ont eu l’opportunité de fréquenter les meilleures universités occidentales. Ils ont acquis de solides expériences professionnelles à cause de leurs formations et expertises académiques. Leur cercle d’amis regroupe des gens très influents qui prennent des décisions dans les grandes institutions internationales. S'ils jouissaient les mêmes droits et privilèges au processus démocratique que ceux et celles résidant en Haïti, il y a un risque évident que les politiciens carriéristes perdraient leurs capacités d'influence. Ces faits peuvent justifier les réactions d’infériorité qui renforcent le sentiment d’insécurité de certains politiciens de carrière. Il est bon de ne pas négliger certains groupes ou entités malintentionnés qui cherchent à maintenir le statu quo pour conserver leur emprise sur les institutions publiques afin de perpétuer la dérive de la nation haïtienne. La tendance actuelle, un Haïtien résidant à l’extérieur qui rentre dans son pays pour visiter sa famille, il est considéré comme un étranger dès qu'il opine sur l’actualité politique haïtienne.

Nous devons reconnaître que certains gouvernements ont fait des efforts pour corriger cette injustice en ajustant certaines lois ambiguës et désuètes. L’article 15 de la constitution de 1987 qui stipulait « la double citoyenneté haïtienne et étrangère n’est admise en aucun cas » a été la source de plusieurs controverses. Certains réactionnaires du pays qui veulent maintenir la nation dans l’ignorance cherchent à exclure les Haïtiens qui ont obtenu la citoyenneté d’un autre pays. Cette disposition n’est plus en vigueur à la suite de l’amendement en 2011 de cette Constitution. Ce n'était pas nécessaire, car le décret du 8 novembre 1984 stipule les conditions d'obtention de la nationalité d'origine et cela suppose la reconnaissance tacite de la double nationalité en droit de l'immigration haïtienne. Cependant, cet amendement constitutionnel ne résout pas les difficultés rencontrées par les Haïtiens de la diaspora. Ils sont encore considérés comme des citoyens de deuxième catégorie. Ils ne jouissent pas les mêmes droits que ceux vivant au pays dans les sphères administratives. Ils n’ont pas le droit de poser leur candidature au poste de président, de sénateur et de député. De plus, ils ne sont pas détenteurs du droit de vote qui est un droit fondamental garanti par la constitution haïtienne.  Il est temps de dire au ministre des Haïtiens vivant à l’étranger qu’on ne peut plus jouer à la démagogie politique. Les membres de la diaspora souhaitent jouer leur partition dans le développement du pays. Ils ne veulent plus être considérés comme une vache à lait pour répondre aux difficultés économiques du pays.
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Comment faut-il comprendre les notions de "nationalité"et de "citoyenneté" dans le contexte haïtien? Il est important de présenter une analyse sérieuse de ces concepts pour dissiper toute confusion créée par les pseudo-juristes haïtiens. Au niveau politique, le concept « citoyen » se confond à celui de « nationalité » parce que les deux  concepts offrent la possibilité à des droits et des obligations aux citoyens naturalisés et natifs. Sur le plan terminologique, il y a des nuances importantes à faire : citoyenneté est le dérivé du mot latin « civis » qui signifie la cité. Ce qui sous-entend, le citoyen est celui qui vit dans la cité… le contribuable d'une ville. La notion de « nationalité » est reliée aux mœurs, traditions, valeurs et culture d’un territoire d’un pays souverain.  Sur le plan  strictement juridique, la citoyenneté est un privilège et la nationalité est un droit. Les conditions requises pour obtenir la citoyenneté d’un pays est différente de  la nationalité. Dans le cas de non-respect des règles établies, la citoyenneté pourrait être refusée à celui ou celle qui en faisait la demande. Ce n'est pas le cas pour le droit à la nationalité dans la mesure les principes établis sont respectés. La loi haïtienne reconnait les deux principes du droit international (us soli =loi du  sol ou du territoire de naissance) et (us sanguinis = loi du sang) ou droit à la filiation parentale.

On peut obtenir la citoyenneté par la naturalisation ou par la naissance.
 Le décret du 8 novembre 1984 est le seul instrument juridique qui reconnait l’existence de nationalité d’origine par affiliation pour les enfants de parents haïtiens qui sont nés à l’extérieur. Ce décret fixe les conditions d'acquisition pour les enfants nés en Haiti de parents étrangers. Ce qui revient à dire, Haïti reconnait le principe de la double nationalité avant même d’amender la Constitution de 1987. Il y a une présomption que les constituants ont dû prendre connaissance de l'État de droit au moment de la rédaction de la constitution. Le cas de double nationalité du Sénateur Boulos peut être cité en exemple. Ce dernier est né aux États-Unis et ses parents sont d’origine haïtienne et ils n’ont jamais renoncé à leur nationalité haïtienne. De plus, l’article 11 du Code civil haïtien fait droit à ce même principe.

Notre questionnement réside dans l’interprétation de la notion « renoncer à la citoyenneté haïtienne ». Quand est-ce qu'on renonce à la citoyenneté haïtienne? Ce décret ci-dessus mentionné indique les conditions dans lesquelles un individu pourrait renoncer à sa citoyenneté. Il fait état de la déclaration expresse et d'autres actions ou omissions, de trahison en cas de guerre, ainsi de suite. Autrement dit, le simple fait d'être détenteur d'un document officiel de voyage d'un autre pays n'est pas suffisant pour établir une renonciation tacite. Il faut faire la preuve de son intention réelle de régner sa nationalité d'origine. On doit déduire qu’une même personne peut avoir plusieurs citoyennetés en fonction de son lieu de résidence. Elle peut être aussi détentrice d'une double nationalité en fonction de son lien de filiation parentale ou de pays de naissance. La question qu'on doit se poser: est-ce que la preuve de renonciation à la nationalité peut se faire sur simple présomption de faits ( travailler pour un gouvernement étranger, détenteur d'un passeport étranger valide, etc.).

La nationalité est un droit et aucun citoyen ne peut être privé de son droit naturel sur la preuve de simple présomption.  L’acquisition d’une autre citoyenneté est un moyen par lequel un individu cherche à s'intégrer et à  prendre sa place dans la communauté où il vit avec sa famille. La citoyenneté prouve l'existence d'un lien à la fois social, économique et politique à un autre pays. Cette acquisition ne suffit pas pour priver un citoyen de son droit naturel acquis à la naissance. Sauf, dans le cas où il y aurait une déclaration expresse de renonciation par devant les autorités compétentes du pays. Il revient aux autorités publiques haïtiennes de faire la preuve qu'un citoyen natif avait renoncé à sa nationalité d'origine. Le simple fait d'être détenteur d’un document officiel d'un pays étranger ne suffit pas pour priver un natif de son droit légitime. Les préjudices de la perte de ce droit naturel doivent être évalués en profondeur de manière impartiale. La nationalité haïtienne est non seulement une notion à la fois sociologique et juridique, mais elle est reliée au droit naturel et à la langue parlée, au partage en commun du patrimoine culturel d’un peuple.

Les Haïtiens de la diaspora continuent de perpétuer leurs valeurs culturelles et ils maintiennent un lien privilégié avec la nation en transférant des fonds à des membres de leur famille. Que peut-on dire de ceux et celles qui vivent dans les pays occidentaux acceptant la double citoyenneté, nationalité (Canada, France, Belgique, Angleterre, etc.). Ces Haïtiens n’ont jamais renoncé à leur citoyenneté d’origine. Si le gouvernement haïtien souhaitait élargir son assiette fiscale ou renforcer son économie, il devrait penser à mettre en œuvre des dispositifs dans les représentations diplomatiques (ambassades et consulats) pour que les citoyens de la diaspora puissent retirer leur carte de citoyenneté ou d’identité nationale. Ce document officiel leur permettrait de participer au processus démocratique non seulement comme électeur, mais aussi comme candidat pour les différents postes électifs dans l’administration publique. La diaspora ne demande pas le favoritisme d’un régime, mais elle exige la manifestation de son droit de participer à la vie politique de son pays.

Jean-Marie Mondésir
Juriste haïtien
Spécialiste en droit civil
Président de Société de juristes haïtiens

mars 02, 2014

LA NATURALISATION N'A PAS LA MÊME PORTÉE JURIDIQUE QUE LE DROIT À LA NATIONALITÉ...

Le projet de lois sur la naturalisation des victimes de l'arrêt de la Cour constitutionnelle que le président Médina compte déposer au Parlement de la République dominicaine n'est pas une mesure appropriée. L'État dominicain doit assumer ses responsabilités en réparant les préjudices subis par les Dominicains d'origine haïtienne.

Nous avons appris que le président de la République dominicaine compte soumettre au Parlement un projet de lois visant à offrir la naturalisation aux Dominicains d'origine haïtienne qui étaient victimes de cette décision judiciaire. On se rappelle que l'arrêt rendu par l'instance suprême de la république dominicaine a un fondement raciste et discriminatoire, car cette décision judiciaire enlève le droit à la nationalité aux Dominicains de descendance haïtienne. Du jour au lendemain, ils deviennent des apatrides alors qu'ils sont nés sur le territoire dominicain. Est-ce que cette mesure politique du président Médina apaisera les injustices engendrées par l'arrêt de la Cour constitutionnelle ? Serait-il une mesure appropriée pour répondre à la pression de la communauté internationale?

L'arrêt rendu par cette Cour de justice en République dominicaine a donné un dur coup à nos compatriotes qui vivent sur la partie est de l'île. Ils sont devenus apatrides par cette décision injuste dont les fondements ont une connotation raciste et discriminatoire envers les Dominicains de descendance haïtienne. Cette décision a eu un effet rétroactif et touche des milliers de personnes depuis l'année 1929. Du point de vue juridique, cet arrêt est contraire au principe juridique établissant le droit acquis. De plus, aucune disposition juridique ne peut pas porter préjudice aux droits fondamentaux des citoyens. De plus, l'arrêt de la Cour constitutionnelle est tout à fait contraire aux conventions et traités internationaux dont la République Dominicaine est l'un des membres signataires. Voulant conserver l'indépendance des institutions de son pays , le gouvernement dominicain se gardait d'intervenir pour adopter des mesures de régulation à cette injustice flagrante, condamnée par toutes les instances de la communauté internationale (CARICOM, OEA, ONU, UE).

À priori, un État souverain a le pouvoir d'établir des règles juridiques qui régissent l'ensemble de ses citoyens. De plus, il peut définir les conditions dans lesquelles un citoyen étranger peut acquérir la citoyenneté de son pays. En droit international, il existe deux principes qui sont reconnus et régissant la question de citoyenneté : 1) us sanginis = loi du sang ou lien de filiation entre un enfant et ses parents; 2) us soli = loi du sol, loi du territoire où l'enfant a pris naissance. La Constitution de la République dominicaine reconnait ces deux principes. Les principes us sanginis et le us soli sont de rigueur malgré l'amendement de la Constitution dominicaine en 2010. Ce qui revient à dire que la nationalité dominicaine peut être obtenue par le lien de filiation d'un parent dominicain avec son enfant ou par le fait de la naissance d'un enfant de parents étrangers sur le territoire dominicain. Après l'amendement de 2010, les autorités dominicaines établissent de nouvelles règles à savoir que les enfants nés des parents en situation de transit, ne peuvent pas bénéficier du principe us soli. C'est tout à fait correct pour un État souverain d'adopter des mesures pouvant assurer la protection de son territoire. Il n'y a pas eu de problème jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle a rendu une décision injustice qui porte préjudice à des milliers de gens jouissant pleinement de leur droit acquis antérieurement à l'amendement constitutionnel.

Tout d'abord, il est important de souligner que la nationalité n'a pas la même force que la citoyenneté du point de vue strictement juridique. La nationalité est un droit alors que la citoyenneté est un privilège. Le droit n'est pas synonyme de privilège au sens strict du droit. Les conditions requises pour obtenir le droit à la nationalité ne sont pas les mêmes pour l'obtention de la citoyenneté. Si un citoyen étranger ne respecte pas les conditions imposées par les autorités établies d'un pays souverain, il peut ne pas obtenir le privilège d'être le citoyen de ce pays. Dans le cas de la nationalité, dès qu'un citoyen est en mesure de prouver sa naissance sur le territoire ou l'un de ses parents est de nationalité ou citoyen de ce pays; il bénéficie automatiquement le droit à la nationalité. Même si ses parents étaient des criminels notoires, on ne peut pas le priver de sa nationalité en fonction de deux principes reconnus. Donc, on peut avoir plusieurs citoyennetés et une double nationalités. Au niveau politique, tout citoyen vivant dans une communauté et qui y contribue en payant des taxes peut réclamer la citoyenneté de cette communauté.

Tenant compte que le droit à la nationalité n'a pas la même portée juridique que la citoyenneté obtenue par la naturalisation, le projet de lois que le gouvernement dominicain compte présenter au Parlement ne résoudrait pas les préjudices subis par les Dominicains d'origine haïtienne. Ils ont été victimes d'une décision illégale, injuste, discriminatoire et raciste. En réalité, ce projet de lois vise à faire cesser la pression internationale sur les autorités de l'État voisin. À mon avis, s'il y a des irrégularités dans le fonctionnement d'un système, les citoyens ne peuvent pas être tenus responsables. Donc, l'État dominicain doit assumer ses responsabilités en réparant les dommages subis par les Dominicains qui sont victimes de cette décision erronée et arbitraire.

Si les lois dominicaines établissent que les citoyens en transit ne peuvent pas bénéficier le principe de us soli, il est absurde de remonter jusqu'en 1929 à l'époque où les travailleurs haïtiens offraient leur service dans les plantations de canne à sucre. Les incidences de cette décision ont une portée très large sur des générations de citoyens de descendance haïtienne. L'ampleur des préjudices causés par cet arrêt est grave pour les victimes.La naturalisation n'est pas une mesure appropriée, parce que ces citoyens sont des Dominicains à part entière. Ils ont des documents administratifs des autorités établies prouvant leur nationalité. La raison est simple, prenant l'exemple des États-Unis d'Amérique; dans ce pays celui qui est naturalisé ne peut pas être candidat à la présidence du pays. D'autres États n'accordent pas les mêmes droits aux citoyens nationaux et naturalisés. 

En matière du droit constitutionnel lorsque le droit fondamental d'un citoyen est bafoué et violé par les autorités établies, l'État a l'obligation de réparer les préjudices subis par la personne lésée. Dans le cas qui nous préoccupe, l'État dominicain doit adopter des mesures appropriée reconnaissant les droits à la nationalité des Dominicains d'origine haïtienne tout en respectant l'arrêt de la Cour constitutionnelle. Le droit à la nationalité dominicaine est un droit acquis et les documents administratifs peuvent prouver cet état de fait. Donc, les Dominicains de descendance haïtienne ne peuvent pas être victimes d'une décision qui porte atteinte à leur droit constitutionnel. Que la justice suive son cours dans l'intérêt de toutes les victimes.

Jean-Marie Mondésir
Spécialiste en droit civil
Consultant en droit haitien
Président de la Société des Juristes

LE PROJET DE LOIS SUR LA NATURALISATION DES VICTIMES D'UNE DÉCISION INJUSTE EST-ELLE LA SOLUTION APPROPRIÉE?

Le projet de lois sur la naturalisation des victimes de l'arrêt de la Cour constitutionnelle en République dominicaine n'est pas une mesure appropriée. L'État dominicain doit assumer ses responsabilités en réparant les préjudices subis par les Dominicains d'origine haïtienne.

Nous avons appris que le président de la République dominicaine compte soumettre au Parlement un projet de lois visant à offrir la naturalisation aux Dominicains d'origine haïtienne qui étaient victimes de cette décision judiciaire. On se rappelle que l'arrêt rendu par l'instance suprême de la république dominicaine a un fondement raciste et discriminatoire, car cette décision judiciaire enlève le droit à la nationalité aux Dominicains de descendance haïtienne. Du jour au lendemain, ils deviennent des apatrides alors qu'ils sont nés sur le territoire dominicain. Est-ce que cette mesure politique du président Médina apaisera les injustices engendrées par l'arrêt de la Cour constitutionnelle ? Serait-il une mesure appropriée pour répondre à la pression de la communauté internationale?

L'arrêt rendu par cette Cour de justice en République dominicaine a donné un dur coup à nos compatriotes qui vivent sur la partie est de l'île. Ils sont devenus apatrides par cette décision injuste dont les fondements ont une connotation raciste et discriminatoire envers les Dominicains de descendance haïtienne. Cette décision a eu un effet rétroactif et touche des milliers de personnes depuis l'année 1929. Du point de vue juridique, cet arrêt est contraire au principe juridique établissant le droit acquis. De plus, aucune disposition juridique ne peut pas porter préjudice aux droits fondamentaux des citoyens. De plus, l'arrêt de la Cour constitutionnelle est tout à fait contraire aux conventions et traités internationaux dont la République Dominicaine est l'un des membres signataires. Voulant conserver l'indépendance des institutions de son pays , le gouvernement dominicain se gardait d'intervenir pour adopter des mesures de régulation à cette injustice flagrante, condamnée par toutes les instances de la communauté internationale (CARICOM, OEA, ONU, UE).

À priori, un État souverain a le pouvoir d'établir des règles juridiques qui régissent l'ensemble de ses citoyens. De plus, il peut définir les conditions dans lesquelles un citoyen étranger peut acquérir la citoyenneté de son pays. En droit international, il existe deux principes qui sont reconnus et régissant la question de citoyenneté : 1) us sanginis = loi du sang ou lien de filiation entre un enfant et ses parents; 2) us soli = loi du sol, loi du territoire où l'enfant a pris naissance. La Constitution de la République dominicaine reconnait ces deux principes. Les principes us sanginis et le us soli sont de rigueur malgré l'amendement de la Constitution dominicaine en 2010. Ce qui revient à dire que la nationalité dominicaine peut être obtenue par le lien de filiation d'un parent dominicain avec son enfant ou par le fait de la naissance d'un enfant de parents étrangers sur le territoire dominicain. Après l'amendement de 2010, les autorités dominicaines établissent de nouvelles règles à savoir que les enfants nés des parents en situation de transit, ne peuvent pas bénéficier du principe us soli. C'est tout à fait correct pour un État souverain d'adopter des mesures pouvant assurer la protection de son territoire. Il n'y a pas eu de problème jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle a rendu une décision injustice qui porte préjudice à des milliers de gens jouissant pleinement de leur droit acquis antérieurement à l'amendement constitutionnel.

Tout d'abord, il est important de souligner que la nationalité n'a pas la même force que la citoyenneté du point de vue strictement juridique. La nationalité est un droit alors que la citoyenneté est un privilège. Le droit n'est pas synonyme de privilège au sens strict du droit. Les conditions requises pour obtenir le droit à la nationalité ne sont pas les mêmes pour l'obtention de la citoyenneté. Si un citoyen étranger ne respecte pas les conditions imposées par les autorités établies d'un pays souverain, il peut ne pas obtenir le privilège d'être le citoyen de ce pays. Dans le cas de la nationalité, dès qu'un citoyen est en mesure de prouver sa naissance sur le territoire ou l'un de ses parents est de nationalité ou citoyen de ce pays; il bénéficie automatiquement le droit à la nationalité. Même si ses parents étaient des criminels notoires, on ne peut pas le priver de sa nationalité en fonction de deux principes reconnus. Donc, on peut avoir plusieurs citoyennetés et une double nationalités. Au niveau politique, tout citoyen vivant dans une communauté et qui y contribue en payant des taxes peut réclamer la citoyenneté de cette communauté.

Tenant compte que le droit à la nationalité n'a pas la même portée juridique que la citoyenneté obtenue par la naturalisation, le projet de lois que le gouvernement dominicain compte présenter au Parlement ne résoudrait pas les préjudices subis par les Dominicains d'origine haïtienne. Ils ont été victimes d'une décision illégale, injuste, discriminatoire et raciste. En réalité, ce projet de lois vise à faire cesser la pression internationale sur les autorités de l'État voisin. À mon avis, s'il y a des irrégularités dans le fonctionnement d'un système, les citoyens ne peuvent pas être tenus responsables. Donc, L'État dominicain doit assumer ses responsabilités en réparant les dommages subis par cette décision injuste et discriminatoire.

Si les lois dominicaines établissent que les citoyens en transit ne peuvent pas bénéficier le principe de us soli, il est absurde de remonter jusqu'en 1929 à l'époque où les travailleurs haïtiens offraient leur service dans les plantations de canne à sucre. Les incidences de cette décision ont une portée très large sur des générations de citoyens de descendance haïtienne. L'ampleur des préjudices causés par cet arrêt est grave pour les victimes.La naturalisation n'est pas une mesure appropriée, parce que ces citoyens sont des Dominicains à part entière. Ils ont des documents administratifs des autorités établies prouvant leur nationalité. La raison est simple, prenant l'exemple des États-Unis d'Amérique; dans ce pays celui qui est naturalisé ne peut pas être candidat à la présidence du pays. D'autres États n'accordent pas les mêmes droits aux citoyens nationaux et naturalisés.

En matière du droit constitutionnel lorsque le droit fondamental d'un citoyen est bafoué et violé par les autorités établies, l'État a l'obligation de réparer les préjudices subis par la personne lésée. Dans le cas qui nous préoccupe, l'État dominicain doit adopter des mesures appropriée reconnaissant les droits à la nationalité des Dominicains d'origine haïtienne tout en respectant l'arrêt de la Cour constitutionnelle. Le droit à la nationalité dominicaine est un droit acquis et les documents administratifs peuvent prouver cet état de fait. Donc, les Dominicains de descendance haïtienne ne peuvent pas être victimes d'une décision qui porte atteinte à leur droit constitutionnel. Que la justice suive son cours dans l'intérêt de toutes les victimes.

Jean-Marie Mondésir
Spécialiste en droit civil
Consultant en droit haïtien
Président de la Société des Juristes