mai 19, 2008

LE CODE PÉNAL HAITIEN FAIT PEAU NEUVE...

Enfin une mise à jour du Code pénal haïtien


Le livre « Code Pénal» de Menan Pierre-Louis et Patrick Pierre-Louis constitue une mise à jour bienvenue du code pénal haïtien. Les deux chercheurs seront en signature à Livres en folie le 22 mai.

Le Code pénal haïtien, nous dit-on, souffre de son âge. Produit de la codification napoléonienne, il a gardé inviolé le noyau dur du mouvement législatif français dont il réalise la transposition et auquel il donne une nouvelle carrière. En effet, destiné originairement à la société rurale et bourgeoise de la France du début du XIXe siècle, il s'est intégré au dispositif répressif de l'Etat haïtien et, depuis sa promulgation en 1835, sa structure est restée globalement inchangée. Cependant, au gré des évolutions sociales, des mutations politiques et des mouvements de l'opinion, de nouveaux articles se sont substitués aux anciens, et par un mouvement insensible mais inéluctable, les modifications qui sont intervenues ont altéré partiellement mais substantiellement le contenu du Code.

L'idée de cette nouvelle édition du Code pénal est née de la double préoccupation d'en présenter les normes actuellement en vigueur et de contribuer à l'extension de la connaissance des règles qui en régissent la matière. Sous ce rapport donc et au regard de l'histoire législatif récente, une telle entreprise était devenue théoriquement nécessaire et pratiquement souhaitable.

Une mise à jour nécessaire

S'agissant, en premier lieu, de l'exercice de mise à jour, les récentes incursions du législateur dans le domaine pénal se sont traduites par des modifications qui doivent être signalées. Déjà, dans le passé récent, l'introduction par la Constitution de 1987 de dispositions abolissant la peine de mort et le remplacement de la peine capitale par celle des travaux forcés à perpétuité, grâce au décret du 4 juillet 1988, avaient produit un véritable effet domino conduisant à la modification de plusieurs articles du Code. Depuis, le législateur a introduit de nouvelles incriminations, notamment celle de l'enlèvement de personnes, et en a assorti d'anciennes, comme le viol, de peines plus lourdes. Cette dernière initiative a débouché, d'ailleurs, sur la modification du régime des agressions sexuelles, réforme audacieuse en l'occurrence, qui, comme toute innovation de fond, laisse des pierres d'attente pour d'autres mutations. Elle a également emporté dans son sillage, la dépénalisation de l'adultère. Parallèlement, la législation relative aux stupéfiants a connu de nouveaux développements rendant plus conformes aux exigences internationales les dispositions internes en la manière. Non moins importante est la législation récente relative aux infractions de la route. Loin d'être exhaustive, cette énumération donne à voir, en somme, quelques exemples frappants de l'entrée, dans notre législation pénale, de nouvelles normes touchant à des valeurs essentielles de notre temps.

Sur un autre plan, le processus de ratification des conventions a eu pour implication de provoquer l'incorporation, dans notre droit, de nouvelles normes. Mais l'effet d'intégration dans l'ordre juridique interne de la norme conventionnelle ne se double pas automatiquement de son applicabilité directe. La norme conventionnelle doit être autosuffisante pour pouvoir être invoquée directement par-devant les tribunaux. En effet, les conventions sont avant tout une source d'engagements entre les Etats-parties et non un ensemble de règles. Il fallait en conséquence, dans la présentation de la législation pénale conventionnelle en vigueur, pouvoir discriminer entre ces deux niveaux.

Par ailleurs, si une certaine stabilité s'est manifestée au plan de la jurisprudence, certains arrêts, notamment la décision de la Cour de cassation au cours de l'année 2007 sur la notion de grand fonctionnaire, nous rappelons heureusement combien le pouvoir d'interprétation du juge demeure déterminant.

Commandées par la vertu de ces nouveautés, une mise à jour s'avérait donc nécessaire.

Une accessibilité souhaitable

En second lieu et dans un autre registre, chaque année voit sortir de nouvelles fournées d'étudiants attirés par les professions juridiques et judiciaires et appelés à constituer un vivier de juristes. Cet engouement traduit à l'évidence un intérêt renouvelé pour la justice et est lié à la prégnance de l'idée de l'Etat de droit dont les principes s'ancrent de plus en plus dans les esprits en attendant leur enracinement subséquent dans les institutions.

Une telle dialectique nous enseigne que la réforme du droit nécessitera un entendement juridique renouvelé et nous indique que fort souvent des conditions subjectives collectives précèdent et préparent l'établissement progressif des nouvelles institutions. De même que l'ancrage des institutions démocratiques s'est d'abord opéré dans une sorte de morale civique, de même la modernisation des institutions et mécanismes juridiques est susceptible de passer par le développement d'une culture juridique également partagée. Sous ce rapport, il fallait chercher, avant tout, à rendre disponible aux professionnels du droit, mais aussi aux étudiant et à tous ceux qu'interpelle le pouvoir punitif, le dernier état des textes conventionnels, législatifs et jurisprudentiels portant sur la matière du code.

Dictée par l'ambition de répondre à cette demande croissante de régulation juridique de la société, la présentation d'une nouvelle édition accessible à un large public était souhaitable.

Le code Pénal entre le passé et l'avenir

La présente édition s'inscrit dans le prolongement de ces deux exigences et ne se démarque pas, en l'espèce, des précédentes. Sous ce rapport, les perspectives dont elle se soutient sont modestes. Elles s'épuisent à une oeuvre de clarification et de mise à jour. Ainsi, en contrepoint du texte du code, des notes jurisprudentielles et doctrinales viennent ponctuer au besoin le rythme des articles pour en éclairer le sens dans un souci didactique évident. En annexe, des textes autonomes choisis pour leur importance complètent les dispositions propres du Code.

Mais, au moment où l'idée de la réforme de la justice gagne de plus en plus les esprits les moins disposés, on ne manquera pas de questionner les limites de cet exercice qui pourrait faire perdre de vue la nécessité de la modernisation du Code pénal. Il est certain que, sous plusieurs aspects, ce code méritait d'être actualisé, ne serait-ce qu'en ce qui concerne les amendes, devenues aujourd'hui dérisoires et qui, par l'effet d'un curieux paradoxe, conduisent à une dépénalisation de fait de maintes infractions. De surcroît, certaines incriminations anachroniques, comme le vagabondage et la mendicité, dont les progrès du libéralisme pénal ont fini par nous en révéler l'étrange curiosité, viennent parasiter son contenu et rappellent la connexion intime du Code pénal avec une époque où la protection du bien public se confondait avec celle des possédants, et où la sûreté de la nation se réduisait à celle des responsables de l'Etat. Enfin, de nouvelles formes de criminalité sont apparues dans différents domaines et tardent encore à faire leur entrée dans notre législation pénale.

Pourtant, force est de constater que la dynamique législative en matière pénale a jusqu'à présent résisté aux projets d'une recomposition du Code. De préférence, des modifications partielles sont venues, comme à intervalles réguliers, bouleverser son économie et troubler la surface tranquille de son ordonnancement. Se glissant dans les interstices de son plan ou dérangeant de l'intérieur son champ d'application, de nouvelles normes ont semblé chaque fois différer, à l'avance, toute entreprise de refonte globale du code. Le constat de cette réalité signifie-t-il la mise en abîme d'une réforme d'ensemble ? Exprime-t-il, sous un mode tacite mais convenu, une approche prudente par laquelle on chercherait à prévenir les traumatismes liés à toute modification législative radicale au profit d'une entrée à pas mesurés dans la modernité ?

Cette nouvelle édition se propose moins de répondre à ces questions que de chercher à rendre un peu plus lisibles les tensions qui travaillent le Code pénal écartelé entre un passé lourd d'histoire et un avenir gros de perspectives.


Patrick Pierre-Louis, av.
Professeur à l'Université d'Etat d'Haïti

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