mai 27, 2007

LES CADAVRES DES NAUFFRAGES SONT ARRIVES AU CAP

Les morts arrivent congelés... au Cap

Par Lima Soirelus
Tandis qu'Haïti fêtait son drapeau ce week-end, les corps de 59 de ses 61 fils et filles noyés aux îles Turks and Caïcos dix jours plus tôt arrivaient, congelés, dans des conteneurs au port du Cap-Haïtien.


Moins de 24 heures après les solennités du 18 mai commémorant la création du bicolore, symbole de notre fierté de peuple indépendant, les autorités du Cap-Haïtien procédaient à l'inhumation de 59 des 61 voyageurs clandestins qui ont péri dans le naufrage survenu le 8 mai près des côtes des îles britanniques Turks and Caïcos. Deux des corps repêchés ont été inhumés là-bas en raison de leur état de décomposition avancée.

Consternation et cris d'horreur ont ponctué le parcours du cortège qui escortait les trois camions transportant les restes de ces Haïtiens débarqués à bord du navire "Sealink Caribe" la veille dans le port de la cité christophienne tandis que tout le pays se perdait dans les fastes marquant le 204e anniversaire de la création du drapeau haïtien.

Transportés dans des sacs en caoutchouc depuis les Bahamas, les disparus de Turks and Caïcos ont été placés par deux dans des cercueils de fortune colorés offerts par les autorités haïtiennes. À l'issue d'une cérémonie religieuse conduite par l'Archevêque du Cap-Haïtien, Mgr Hubert Constant, les victimes ont été enterrées au cimetière colonial de l'habitation Héreau Pradère, situé à une centaine de mètres de la Nationale numéro un.

Le ministre de l'Intérieur et des collectivités territoriales, Paul-Antoine Bien-Aimé, et le secrétaire d'État à l'Alphabétisation, Karol Joseph, délégués en cette occasion, n'ont pas attendu la fin de la cérémonie funéraire symbolique organisée en mémoire des naufragés.

Navrant spectacle...

« On ne traite pas des frères comme ça », soupire un quinquagénaire en lançant des mottes de terre sur les bières étalées dans le fossé d'une trentaine de mètres carrés. A quelques pas de lui, le maire de la commune du Cap-Haïtien, Michel St-Croix, et le directeur général de l'Office national de la migration (ONM), Jeanne Bernard Pierre, regardent les hommes de bonne volonté mettre en terre les corps qui commençaient à dégager des odeurs délétères.

Derrière la clôture du cimetière où les agents de la PNH et de la MINUSTAH les tiennent à distance, des cris de femmes déchirent le silence, si tristes qu'ils font se nouer les gorges.

Les commentaires fusent sur l'accueil fait aux victimes et l'origine de cet accident qui a coûté la vie à un nombre encore inconnu d'Haïtiens qui croyaient fuir la misère. Leur identité ne sera probablement jamais connue.

« C'est plus que de l'humiliation d'inhumer des baptisés dans une fosse creusée au tracteur, sans aucune tentative d'identification. Ils n'ont même pas demandé aux familles de déclarer les éventuels disparus », disent certains, ajoutant qu'il aurait mieux valu que les autorités les enterrent en cachette.

« On n'aurait pas cru à une telle sauvagerie de la part des Blancs qui se font toujours passer pour les plus civilisés », réplique un homme ventru, faisant référence aux circonstances encore nébuleuses de l'accident, oubliant que la plupart des habitants des Turks and Caicos sont... Noirs.

Quant à la responsabilité de la tragédie, d'aucuns l'attribuent aux autorités gouvernementales, d'autres à celles de l'ONM dont on n'entend parler que lors de tels événements.

« C'est la faute aux organisateurs de ces voyages clandestins qui n'y voient qu'une source de richesse et aussi aux grands pays qui favorisent la misère et l'insécurité dans le pays », dit le maire St-Croix, qui annonce la création d'une commission de surveillance des ports pour contrecarrer ce mode de voyage.

On ignore encore le nom que portera ladite commission et encore moins le nombre exact de personnes qui la composeront. En tout cas, selon le maire du Cap-Haïtien, elle réunira des représentants de la mairie, de la Justice, de la Police nationale et de la Délégation du Nord. « Car, ajoute-t-il, toutes les victimes du naufrage du 8 mai sont du département du Nord. »

Lima Soirélus
lsoirelus@lenouvelliste.com

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