mai 18, 2007

LES FORCES DE L'ONU ET LA POLICE MÈNENT UNE GUERRE CONTRE LES GANGS EN HAITI

Les forces de l'ONU et la police haïtienne marquent des points contre les gangs
Par Jean-Mchel Caroit


Les rues de la capitale haïtienne sont moins encombrées par les monceaux d'immondices, et la peur semble s'être dissipée. On respire à nouveau à Port-au-Prince. "Un grand pas a été franchi lorsqu'on a démantelé les principaux gangs, souligne le Guatémaltèque Edmond Mulet, chef de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Au cours des derniers mois, nous avons arrêté plus de sept cents membres de gangs".

Les assassinats et les kidnappings s'étaient multipliés à la fin de 2006, plongeant Port-au-Prince dans la terreur. Après avoir tenté de négocier avec les chefs de gang retranchés dans les bidonvilles, le président René Préval a demandé aux Casques bleus et à la police haïtienne de passer à l'action. L'un après l'autre, les chefs de gang les plus redoutables ont été capturés par les patrouilles conjointes de la MINUSTAH et de la police. Champ de bataille entre gangs rivaux, le quartier de Martissant a été pacifié et la MINUSTAH y a installé une base.

Les enlèvements avec demande de rançon ont diminué : huit cas ont été enregistrés en avril, contre 22 en mars et près de deux cents par mois à la fin 2006. Des dizaines d'armes automatiques et d'importants stocks de munitions ont été saisis. Ces succès ont redoré l'image de la mission onusienne, qui a longtemps été l'objet des risées des Haïtiens, qui la surnommaient la "tourista". Le courage de son chef, le général brésilien Carlos Alberto dos Santos Cruz, qui n'hésite pas à monter en première ligne face aux bandits, est unanimement salué.

"Ces résultats sont très récents. Il faut attendre quelques semaines, ou encore quelques mois, pour voir si ces opérations ont vraiment changé la situation sécuritaire. Nous savons que des membres des gangs se sont déplacés vers d'autres quartiers ainsi qu'en province, et qu'ils tentent de se réorganiser", souligne M. Mulet. La priorité pour le chef de la MINUSTAH est désormais de renforcer l'État de droit "en créant des capacités haïtiennes dans la police, la justice et le système pénitentiaire". Avec les dernières promotions sorties de l'académie, la police compte 6 200 agents pour 8,5 millions d'habitants.


Chasse aux policiers véreux


L'épuration des policiers impliqués dans le trafic de drogue, les kidnappings et les affaires d'extorsion se poursuit. "Je pense que nous allons devoir renvoyer un millier de policiers au terme de ce processus qui prendra environ deux ans", estime M. Mulet.

Conséquence de la vague d'arrestations lors des opérations antigangs, le système pénitentiaire est au bord de l'explosion. 90 % des détenus, entassés dans des conditions précaires, attendent d'être jugés. Construit pour recevoir 800 prisonniers, le pénitencier national en abrite 2 500, dont 2 418 n'ont toujours pas été traduits devant un tribunal.

L'aide internationale arrive. Le 4 mai, l'ambassadeur des États-Unis, Janet Sanderson, s'est rendu à Cité Soleil pour inaugurer un projet de réhabilitation du bidonville, d'un montant de 20 millions de dollars (15 millions d'euros). Selon les autorités, les caisses sont pleines, mais il y a un problème de coordination de l'aide et de carence d'experts et de techniciens. 83 % des cadres ont quitté le pays, en direction du Canada, des États-Unis ou de la France. Le président Préval souhaite réformer la Constitution pour introduire la double nationalité et permettre à ces expatriés de venir travailler et investir en Haïti.

"J'ai déjà reçu plus d'une soixantaine d'investisseurs potentiels, haïtiens et étrangers, qui viennent en mission de prospection. Si l'insécurité continue à reculer et l'équilibre macroéconomique se maintient, je pense qu'il devrait y avoir des décisions fermes d'investissement à partir de janvier", prévoit Guy Lamothe, directeur du Centre de facilitation des investissements. Grâce au "guichet unique" mis en place par le gouvernement, les démarches pour la création d'une entreprise ne durent pas plus d'un mois.

Symbole de l'optimisme renaissant, l'équipe nationale de football a volé de victoire en victoire au cours des derniers mois. Principal sponsor de la sélection haïtienne, la compagnie de téléphones cellulaires Digicel vient de fêter son premier anniversaire en Haïti. En un an, elle a investi 268 millions de dollars, créé 700 emplois directs et 3 000 indirects et capté un million d'abonnés, le tiers du marché de la téléphonie mobile haïtienne.

Jean-Michel Caroit
lemonde.fr

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