Le projet de lois sur la naturalisation des victimes de l'arrêt de la Cour constitutionnelle en République dominicaine n'est pas une mesure appropriée. L'État dominicain doit assumer ses responsabilités en réparant les préjudices subis par les Dominicains d'origine haïtienne.
Nous avons appris que le président de la République dominicaine compte soumettre au Parlement un projet de lois visant à offrir la naturalisation aux Dominicains d'origine haïtienne qui étaient victimes de cette décision judiciaire. On se rappelle que l'arrêt rendu par l'instance suprême de la république dominicaine a un fondement raciste et discriminatoire, car cette décision judiciaire enlève le droit à la nationalité aux Dominicains de descendance haïtienne. Du jour au lendemain, ils deviennent des apatrides alors qu'ils sont nés sur le territoire dominicain. Est-ce que cette mesure politique du président Médina apaisera les injustices engendrées par l'arrêt de la Cour constitutionnelle ? Serait-il une mesure appropriée pour répondre à la pression de la communauté internationale?
L'arrêt rendu par cette Cour de justice en République dominicaine a donné un dur coup à nos compatriotes qui vivent sur la partie est de l'île. Ils sont devenus apatrides par cette décision injuste dont les fondements ont une connotation raciste et discriminatoire envers les Dominicains de descendance haïtienne. Cette décision a eu un effet rétroactif et touche des milliers de personnes depuis l'année 1929. Du point de vue juridique, cet arrêt est contraire au principe juridique établissant le droit acquis. De plus, aucune disposition juridique ne peut pas porter préjudice aux droits fondamentaux des citoyens. De plus, l'arrêt de la Cour constitutionnelle est tout à fait contraire aux conventions et traités internationaux dont la République Dominicaine est l'un des membres signataires. Voulant conserver l'indépendance des institutions de son pays , le gouvernement dominicain se gardait d'intervenir pour adopter des mesures de régulation à cette injustice flagrante, condamnée par toutes les instances de la communauté internationale (CARICOM, OEA, ONU, UE).
À priori, un État souverain a le pouvoir d'établir des règles juridiques qui régissent l'ensemble de ses citoyens. De plus, il peut définir les conditions dans lesquelles un citoyen étranger peut acquérir la citoyenneté de son pays. En droit international, il existe deux principes qui sont reconnus et régissant la question de citoyenneté : 1) us sanginis = loi du sang ou lien de filiation entre un enfant et ses parents; 2) us soli = loi du sol, loi du territoire où l'enfant a pris naissance. La Constitution de la République dominicaine reconnait ces deux principes. Les principes us sanginis et le us soli sont de rigueur malgré l'amendement de la Constitution dominicaine en 2010. Ce qui revient à dire que la nationalité dominicaine peut être obtenue par le lien de filiation d'un parent dominicain avec son enfant ou par le fait de la naissance d'un enfant de parents étrangers sur le territoire dominicain. Après l'amendement de 2010, les autorités dominicaines établissent de nouvelles règles à savoir que les enfants nés des parents en situation de transit, ne peuvent pas bénéficier du principe us soli. C'est tout à fait correct pour un État souverain d'adopter des mesures pouvant assurer la protection de son territoire. Il n'y a pas eu de problème jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle a rendu une décision injustice qui porte préjudice à des milliers de gens jouissant pleinement de leur droit acquis antérieurement à l'amendement constitutionnel.
Tout d'abord, il est important de souligner que la nationalité n'a pas la même force que la citoyenneté du point de vue strictement juridique. La nationalité est un droit alors que la citoyenneté est un privilège. Le droit n'est pas synonyme de privilège au sens strict du droit. Les conditions requises pour obtenir le droit à la nationalité ne sont pas les mêmes pour l'obtention de la citoyenneté. Si un citoyen étranger ne respecte pas les conditions imposées par les autorités établies d'un pays souverain, il peut ne pas obtenir le privilège d'être le citoyen de ce pays. Dans le cas de la nationalité, dès qu'un citoyen est en mesure de prouver sa naissance sur le territoire ou l'un de ses parents est de nationalité ou citoyen de ce pays; il bénéficie automatiquement le droit à la nationalité. Même si ses parents étaient des criminels notoires, on ne peut pas le priver de sa nationalité en fonction de deux principes reconnus. Donc, on peut avoir plusieurs citoyennetés et une double nationalités. Au niveau politique, tout citoyen vivant dans une communauté et qui y contribue en payant des taxes peut réclamer la citoyenneté de cette communauté.
Tenant compte que le droit à la nationalité n'a pas la même portée juridique que la citoyenneté obtenue par la naturalisation, le projet de lois que le gouvernement dominicain compte présenter au Parlement ne résoudrait pas les préjudices subis par les Dominicains d'origine haïtienne. Ils ont été victimes d'une décision illégale, injuste, discriminatoire et raciste. En réalité, ce projet de lois vise à faire cesser la pression internationale sur les autorités de l'État voisin. À mon avis, s'il y a des irrégularités dans le fonctionnement d'un système, les citoyens ne peuvent pas être tenus responsables. Donc, L'État dominicain doit assumer ses responsabilités en réparant les dommages subis par cette décision injuste et discriminatoire.
Si les lois dominicaines établissent que les citoyens en transit ne peuvent pas bénéficier le principe de us soli, il est absurde de remonter jusqu'en 1929 à l'époque où les travailleurs haïtiens offraient leur service dans les plantations de canne à sucre. Les incidences de cette décision ont une portée très large sur des générations de citoyens de descendance haïtienne. L'ampleur des préjudices causés par cet arrêt est grave pour les victimes.La naturalisation n'est pas une mesure appropriée, parce que ces citoyens sont des Dominicains à part entière. Ils ont des documents administratifs des autorités établies prouvant leur nationalité. La raison est simple, prenant l'exemple des États-Unis d'Amérique; dans ce pays celui qui est naturalisé ne peut pas être candidat à la présidence du pays. D'autres États n'accordent pas les mêmes droits aux citoyens nationaux et naturalisés.
En matière du droit constitutionnel lorsque le droit fondamental d'un citoyen est bafoué et violé par les autorités établies, l'État a l'obligation de réparer les préjudices subis par la personne lésée. Dans le cas qui nous préoccupe, l'État dominicain doit adopter des mesures appropriée reconnaissant les droits à la nationalité des Dominicains d'origine haïtienne tout en respectant l'arrêt de la Cour constitutionnelle. Le droit à la nationalité dominicaine est un droit acquis et les documents administratifs peuvent prouver cet état de fait. Donc, les Dominicains de descendance haïtienne ne peuvent pas être victimes d'une décision qui porte atteinte à leur droit constitutionnel. Que la justice suive son cours dans l'intérêt de toutes les victimes.
Jean-Marie Mondésir
Spécialiste en droit civil
Consultant en droit haïtien
Président de la Société des Juristes
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