juin 16, 2021

LES JUSTICIABLES SONT-ILS PRIS EN OTAGE PAR LE BARREAU DE PORT-AU-PRINCE?

Par : Jean-Marie Mondésir La grève des avocats membres du barreau de Port-au-Prince à la suite d’une agression subie par deux avocats et un greffier d’un commissaire départemental de police nationale est vraiment regrettable. On ne peut pas tolérer qu’un citoyen puisse être victime des voies de fait d’un officier de police. De même, un officier de police qui a l’obligation d’assurer la sécurité d’un fonctionnaire de justice ne peut pas être entravé dans l’exercice de ses fonctions. Selon les faits rapportés par la presse, le commissaire du gouvernement du parquet de Port-au-Prince avait interpellé M. Schiller Louidor, un membre dirigeant d’une organisation politique qui avait tenu des propos relayés par les médias qu’on pourrait qualifier à une incitation à la violence. M. Schiller Louidor, membre du parti Lavalas s’était rendu au parquet du tribunal civil accompagné de plusieurs membres de son directoire et un groupe de ses partisans en vue de répondre à l’invitation du commissaire Ocname Dameus. Dans le souci d’assurer sa sécurité, le commissaire Dameus avait sollicité l’intervention du commissaire départemental de police. Au cours de l’audition, il y avait une altercation avec deux avocats et le greffier en chef du parquet. Les avocats accusaient l’officier de police Soljour de voies de fait sur leur personne et il expliquait à son tour comment il était agressé par les auxiliaires de justice dans un brouhaha au Parquet. Le haut état-major de la police nationale a démis le commissaire de police Soljour de ses fonctions en attendant qu’une décision judiciaire jaillisse la lumière sur les allégations de voies de fait qui lui sont reprochées. Depuis lors, le barreau des avocats ont entamé une grève et le conseil de l’ordre réclame la tête du commissaire du gouvernement qui est un confrère, représentant le ministère public au Parquet. S’agit-il d’une question politique ou d’une affaire personnelle à régler avec le représentant du gouvernement au Parquet? Le droit à la grève est une garantie constitutionnelle dans une société démocratique. Tout travailleur peut se prévaloir de son droit de manifester son désaccord par rapport à une décision prise par son employeur. Est-ce bien le cas pour les avocats du barreau de Port-au-Prince qui sont des travailleurs autonomes? Ils gagnent leurs honoraires en défendant en Justice les intérêts de leurs clients. Ils sont contraints de suivre la décision du conseil de leur ordre professionnel en privant de leur gagne-pain quotidien. La justice est un service public au même titre que la santé et l’éducation. Il est vrai que ce ne sont pas les portes des tribunaux qui sont fermées, mais il faut croire que les justiciables ont besoin de se faire représentés en cour. D’ailleurs, la société haïtienne est conçue sur le fondement de trois pouvoirs composant l’administration publique. Il s’agit du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire; les collectivités territoriales et les institutions indépendantes. Si on veut créer une société démocratique, il est important de respecter les règles établies par les autorités publiques. Doit-on tolérer l’ingérence du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif dans les affaires judiciaires? Doit-on accepter un système de justice où les juges sont corrompus et incompétents? Est-ce que la justice doit être dictée par les gens de la rue? Pourquoi la politique se mêle dans toutes les sphères de la société? L’altercation survenue entre le commissaire de police Soljour et les auxiliaires de justice aurait pu trouver une issue heureuse si une action en justice avait été tentée par les intéressés. Il est difficile de comprendre la position du conseil de l’ordre qui exigeait la démission du commissaire du gouvernement. Me Ocname Dameus est un confrère et membre d’un ordre professionnel au même titre que les avocats de Port-au-Prince. Les règles d’éthique et déontologiques de la profession d’avocat exigent le respect de l’intégrité et la collaboration entre les confrères. Comment peut-on expliquer plusieurs individus sont privés de leurs droits d’être représentés devant les tribunaux à cause d’une querelle politique qui cause énormément de préjudices non seulement aux avocats militants et aux citoyens incarcérés qui attendaient une décision judiciaire pour être libérés de l’enfer carcéral. Il est vraiment déplorable que certains auxiliaires de la justice privent des citoyens en détention préventive de leur droit à une libération à cause de l’indisponibilité de leur avocat. La justice est un ensemble composée de juges, de greffiers, de huissiers, des avocats et le ministère public etc. Si les contribuables ne pouvaient pas être représentés en justice à cause de la grève des avocats du barreau de Port-au-Prince, la justice doit être saisie contre la décision du conseil de cet ordre professionnel. Cette grève qui s’approche à près deux mois de paralysie des tribunaux cause un préjudice sérieux non seulement aux avocats militants qui vivent au quotidien de leur pratique et les citoyens du milieu carcéral qui attendaient une décision de justice. Il existe une tradition en Haïti qu’à la fin de l’année, le président utilise son autorité pour gracier certains condamnés du système carcéral. Cette grève imposée aux avocats par le conseil de l’ordre pourrait influencer le choix des condamnés qui auraient pu bénéficier la grâce présidentielle. Dans une société démocratique, on ne peut pas se permettre d’agir comme on veut pour des motifs inavoués afin d’atteindre un objectif politique. Lorsqu’on obtient la démission du commissaire du gouvernement est-ce que les victimes vont être indemnisées. Y aurait-il un fond de dépannage pour subvenir aux besoins des avocats qui doivent acquitter leurs factures. C’est révoltant de constater l’injustice et l’arbitraire de certaines personnalités qui sont à la tête de nos institutions haïtiennes. Jean-Marie Mondésir Juriste haïtien | Spécialiste en droit civil Consultant en droit haïtien Maître en sciences de développement Président de société de juristes haïtiens Justice : Me Paul Éronce Villard remplace Me Ocname-Clamé Daméus à la tête du Parquet de Port-au-Prince https://www.vantbefinfo.com/justice-me-paul-eronce-villard-remplace-me-ocname-clame-dameus-a-la-tete-du-parquet-de-port-au-prince/

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