mai 14, 2007

LE SYSTÈME INFORMATIQUE FACE AU SYSTÈME PÉNAL HAITIEN

Me Fortune pose un problème qui relève de l'administration du droit de la preuve en matière pénale dans le contexte des produits informatiques ou inscriptions informatisées. À l'heure de la mondialisation de l'information, le droit haïtien ne peut pas se permettre de demeurer au stade de la précarité la plus abjecte. Il faudra bien évoluer avec le temps, suivre le changement de la société. Il faudra reformer le système judiciaire, faire refonte des codes de lois, revoir le curriculum des facultés de droit pour dispenser des cours qui répondent au nouvel ordre mondial : droit de la propriété intellectuelle, droit de la preuve, droit de l'informatique, etc. Bonne lecture...

LE SYSTÈME INFORMATIQUE FACE AU SYSTÈME PÉNAL HAITIEN
Me Heidi FORTUNE

Peut-on poursuivre une personne pénalement pour vol à l’aide de fausse clé et abus de confiance, le fait par elle d’accéder illicitement à un système informatique privé en utilisant des codes ou des mots de passe d’utilisateurs légitimes de ce système?

En l’absence de règlementation spécifique, les diverses formes de criminalité ou de piraterie informatique ne seront vraiment pas condamnables. Tout d’abord, par les difficultés tant de détection que de preuve de ce type d’infraction, ou encore par le silence gardé par les victimes qui préfèrent ne pas ébruiter les failles de leur sécurité informatique et recouvrent bien souvent, lorsque la fuite est le fait d’un membre de leur personnel, à des modes de règlement des différends.

Dans tous les cas, les qualifications de vol à l’aide de fausse clé et d’abus de confiance sont sujettes à bon nombre de controverses dans la mesure où les données informatiques, qui sont de simples impulsions magnétiques, n’ont pas de caractère physique et ne peuvent dès lors pas faire l’objet d’une soustraction ou d’un détournement et que de plus, le propriétaire du programme n’est pas dépossédé de celui-ci, une fois la copie réalisée. Enfin, comment assimiler un mot de passe à une fausse clé ?

Certains répondent par l’affirmative en considérant au regard de l’évolution de l’informatique que l’introduction d’une donnée ou d’une impulsion électronique ou magnétique dans une serrure moderne correspond à l’utilisation d’une fausse clé. Et ils ont raison.

Somme toute, au regard du droit d’auteur consacré par la loi, nous pensons que des poursuites pénales sont possibles. Car, font partie du patrimoine du propriétaire du programme d’origine toute copie, ou plus précisément, toute duplication susceptible d’être transmise ou dupliquée à son tour. Donc, un logiciel peut faire l’objet d’une soustraction frauduleuse.

Faut-il remarquer que les programmes d’ordinateurs ont une valeur économique réelle et sont susceptibles d’un transfert de possession. On entend des avocats dire que ce sont des biens immatériels, nous soutenons le contraire. Ici, la notion de soustraction doit s’interpréter de manière évolutive et ne suppose pas une dépossession du propriétaire des programmes copiés.

En conclusion : dans l’état actuel de notre système judiciaire, ce type d’infraction dépasse de loin le champ d’étude du droit haïtien.
Comment demander à un magistrat de trancher sur quelque chose qui lui est inconnu ? La justice haïtienne n’est pas informatisée, 99% des juges ne sont pas versés en informatique et ne connaissent pas les notions les plus élémentaires. Le droit évolue ailleurs mais pas en Haiti. Allez parler de nouvelles technologies et des progrès de la science dans le domaine de l’informatique à un magistrat haïtien et il vous dira...


Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti

Ce 13 Mai 2007

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