mai 14, 2007

LE CLASSEMENT DES DÉTENUS UN PROBLÈME À RÉSOUDRE DANS LES CENTRES PÉNITENTIAIRES

DROITS HUMAINS / Incarcérée à huit ans, et parmi des majeures …
Par Marc-Kenson Joseph
jmarckenson@lematinhaiti.com

La petite Katia incarcérée pour … avoir été témoins d’un crime...

Katia* a huit ans. Sandra* en a douze. Elles étaient, avant leur séjour derrière les barreaux, respectivement en première et deuxièmes années de l’Ecole fondamentale. Frangines, elles vivaient avec leur mère à « Nan Bristou », un bidonville de Pétion-Ville. Depuis quelques mois, les deux mineures sont incarcérées pour … avoir été témoins d’un crime odieux qu’aurait perpétré leur mère en complicité avec un « bòkò ». Ces derniers auraient amputé les membres d’un enfant d’un voisin, surnommé « Bò frè », avant de jeter le corps de leur victime dans une latrine.
Révoltés, des riverains ont lynché le « bòkò ». La police a procédé à l’arrestation de la mère et de ses filles mineures qui seront toutes trois emprisonnées par la suite à Pétion-Ville.
Dans des cellules exiguës, Katia, Sandra et leur mère s’entassent avec vingt-huit autres détenues (femmes majeures et autres enfants mineures). Elles côtoient des présumés assassins, trafiquantes de drogue, kidnappeuses ou complices de kidnappeurs. Bref, des individus accusés d’avoir commis des délits graves. Les deux soeurs sont gardées comme témoins, a-t-on appris. Pourtant, elles n’ont jamais été présentées par-devant leur juge naturel. Encore que ces mineures n’ont même pas l’âge minimum de responsabilité pénale, treize ans, fixé par la loi.
D’autres cas sont également à signaler. Cassy * a seize ans et était en huitième année fondamentale. Elle souffre d’une hémorragie vaginale. Elle comptait quatre mois de grossesse quand la Police nationale a procédé à son arrestation, le 23 décembre 2006, à Delmas 31, en compagnie de son amant, Roody, actuellement écroué au Pénitencier national. Ils sont accusés de participation dans plusieurs cas de kidnapping, surtout d’enfants de familles riches. Mais Cassy ne cesse de clamer son innocence.

Des centres de réhabilitation, une nécessité
Des violations flagrantes des dispositions nationales et internationales sont relevées dans les centres d’incarcération du pays. La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), en visite ici, en a fait mention la semaine dernière.
Dans la prison de Pétion-Ville, certaines des détenues se partagent un matelas. Les mineures sont incarcérées dans une seule cellule, dans le même bâtiment que les majeures. Il se trouve qu’environ six mineures se partagent la même cellule que des adultes.
Or, les mineures devraient, normalement, être dans un centre de réhabilitation selon la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et la loi du 7 septembre 1961 qui priorisent l’éducation des enfants en conflit avec la loi plutôt que la répression.

Des parlementaires courroucés
Ce lundi, la Commission parlementaire des droits de l’enfant a visité les mineures et autres adolescentes de la prison de PétionVille. Le président de la Commission, le député Saintilma Joseph (Fusion), la secrétaire, le député Gérandal Thélusma (Mochrena) étaient accompagnés des représentants de l’Unité onusienne de protection de l’enfant et de l’Office de protection du citoyen (OPC).
Les parlementaires ont été surpris par la situation qui prévaut dans les cellules des mineures. Les membres de la Commission des droits de l’enfant se sont adressés aux mineures en ces termes : « Cette violation de vos droits ne peut être tolérée. C’est une punition gratuite. Le gouvernement doit construire des centres de réhabilitation sociale pour votre prise en charge ».
La commissaire principale de la prison de Pétion-Ville, Marjorie Saint-Jean, se démène pour trouver des alternatives. Consciente des conditions affligeantes dans lesquelles se trouvent les détenues, elle n’a cessé de lancer – depuis son installation à la direction de la prison en 2004 – un vibrant appel aux instances concernées pour redresser la barre. « Construction d’un centre de réhabilitation afin d’extirper les mineures de cette ambiance sordide, procéder à la révision des casiers judiciaires de la population carcérale dans le but de faire une évaluation des dossiers et d’accélérer les procédures judiciaires, moderniser les infrastructures avec l’ajout d’un étage et l’élargissement du local », sont, entre autres, les mesures envisagées par la commissaire principale.
Au cours de leur visite ce lundi, les parlementaires se sont révélés peu avisés sur le dossier. Pourtant, un séminaire sur la protection et les droits de l’enfant a été réalisé en octobre 2006 par l’Unicef et la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) à l’intention de douze parlementaires. Ces derniers avaient sollicité d’autres sessions de formation et une assistance technique en vue de la révision du Code de l’enfant. Mais, entre-temps, des enfants croupissent dans des prisons sur ordre de juges de paix qui, selon des juristes, n’ont pas, dans ce domaine, la compétence légale requise.
mardi 24 avril 2007

Aucun commentaire: