juin 29, 2007

LA PROBLÉMATIQUE DE LA DISCRIMINATION ENVERS LA FEMME EN HAITI

La femme haïtienne, les discriminations et le Droit international des femmes

« La problématique du genre en Haïti et le Droit international des Femmes » a été le thème d'une conférence-débats organisée, lundi 25 juin 2007, au Palais de justice de Port-au-Prince, au cours de laquelle sont intervenus Mes Daniel Jean, secrétaire d' Etat à la Réforme de la Justice, et Pascale Fournier, professeur à l'Université d' Ottawa (Canada).

Cette activité est organisée par le Groupe d'initiative des Femmes juristes de concert avec le Barreau de l'Ordre des Avocats de Port-au-Prince, en vue de faire écho des différentes formes de discrimination dont sont l'objet les femmes haïtiennes, au regard des lois haïtiennes et de la législation internationale en la matière, d'une part, et des pratiques découlant de la réalité, d'autre part.

D'entrée de jeu, Me Norah Amilcar Jean-François, officiant en maître de cérémonie du jour, a indiqué l'orientation de cette initiative en précisant que les discriminations à l'égard des femmes en Haïti débutent dès la naissance et se poursuivent à travers tout le processus de socialisation des petites filles jusqu'à l'âge adulte. Aussi, de la naissance à la mort, la situation des femmes est plus difficile que celui des hommes, réalité que va démontrer le secrétaire d'Etat à la Réforme de la Justice, Me Daniel Jean, à l'aide des chiffres tirés du dernier recensement général de la population et l'habitat en 2003.

52% de marginales


En effet, la problématique de la question de genre, corollaire des différentes formes de discriminations auxquelles font face les femmes haïtiennes, est mal posée et mal abordée en Haïti, selon Me Daniel Jean, spécialiste en la question du genre. Cette nette méconnaissance du problème génère des réflexes de préjugés dans toutes les couches sociales à l'égard des femmes qui, selon les dernières statistiques disponibles, représentent 52% de la population totale d'Haïti.

Suivant une approche historico-sociale, Me Daniel Jean a tenté de présenter à l'assistance les fondements des discriminations entre l'homme et la femme en Haïti. A son avis, la distinction entre l'homme et la femme relève beaucoup plus du construit social. Cette différence résulte des séquelles esclavagistes et a pour principale mission de maintenir la femme dans un rôle de reproduction.

Durant la période esclavagiste, le colon ne considérait pas l'esclave masculin pour ce qu'il est mais pour sa fonction. Il était considéré comme un mâle qui, croisé à une femelle, devrait donner une bonne progéniture devant reproduire et pérenniser l'esclavage.

« L'esclavage a détruit la famille et les structures familiales. Ce système a fait fi des rôles de père et de mère des esclaves. Dans cette société, on ne reconnaissait que les mâles d'un côté et les femelles de l'autre », a-t-il dénoncé. Et de là découle toute une forme de division du travail selon le sexe. Cette division va avoir des répercussions plus de deux siècles après l'abolition de l'esclavage et l'indépendance d'Haïti en 1804.

Causes et effets

En effet, selon le données recueillies lors du 4e Recensement général de la population réalisé en 2003 par l'Institut haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), la société accorde plus d'attention à l'éducation des petits garçons qu'à celle des petites filles. Au regard de ces données, le degré d'alphabétisation de la population haïtienne, qui est globalement de 61,0%, est plus élevé chez les hommes (63,8%) que chez les femmes (58,3%), soit une différence de plus de 5%. Cette différence est encore plus grande quand on est en milieu urbain où 80,5% des hommes sont alphabétisé contre 47,1% des femmes.

Concernant le niveau d'études, sur l'ensemble de la population âgée de 5 ans et plus, environ 1,1% des hommes ont atteint le niveau universitaire contre seulement 0,7% des femmes.

Cette situation est due au fait qu'il existe beaucoup plus d'embûches sur le parcours scolaire des femmes qu'à celui des hommes. Ces embûches freinent l'élan des femmes à accéder aux études secondaires et universitaires. Un nombre important de filles tombent enceintes de leurs enseignants, affirment le secrétaire d'Etat à la Réforme de la Justice qui a précisé avoir pris la parole en son nom personnel en tant que chercheur et intellectuel.

Une vision asymétrique


Selon sa lecture de la situation des femmes en Haïti, la société accorde une fonction biologique aux femmes alors que qu'aux hommes, cette fonction est plutôt productrice. Ainsi, on retrouve plus d'hommes à être placés en des postes de direction que de femmes et également le nombre d'hommes ayant un emploi est largement supérieur à celui des femmes.
que des relations hommes/femmes». Face à cette vision sexiste, Me Daniel Jean propose une vision sociale visant à revaloriser le rôle des femmes dans la société.

Parallèlement au secrétaire d'Etat à la Réforme de la Justice, le professeur Pascale Fournier de l'Université d'Ottawa (Canada) a abordé la question sous l'angle des instruments juridiques internationaux en vigueur dont certains sont ratifiés par l'Etat haïtien.

Renforcer les capacités internes


La spécialiste en Droit international des femmes a, d'abord, établi la différence entre les Droits de l'homme de manière générale et le droit international des femmes. A son avis, les droits de l'homme ont été pensé par des hommes et n'ont pas tenu compte des spécificités liées à la femme. Il en est de même pour les systèmes juridiques internes. Prises dans leur entièreté, les législations internes n'ont rien de discriminatoire.

La discrimination n'est pas officielle. Son fondement résulte de l'application des lois en vigueur. « Il y a des lois neutres, dit-elle, dont l'application fait défaut » quand il s'agit de résoudre un problème fondé sur des raisons sexistes. Sur la base de certains principes juridiques, l'Etat n'intervient pas dans certains litiges à caractère privé, alors le Droit international des femmes s'intéresse à l'aspect privé des conflits mettant en cause les femmes.

Ainsi, le Droit international des femmes est pour palier les problèmes résultant des faiblesses des législations internes. L'Etat haïtien a ratifié, en 1981, la Convention pour l'Elimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes. Cette convention fait obligation aux Etats-parties de présenter annuellement un rapport national relatant l'ensemble des mesures adoptées visant à faire respecter les droits des femmes. Et chaque quatre ans, les Etats-parties doivent faire une mise à jour des rapports en vue de s'auto-évaluer.

Cependant, depuis la ratification de cette convention, Haïti n'a jamais présenté de rapport national. Cette convention est aussi accompagnée d'un protocole additionnel. Haïti a signé ce protocole en 2000 et ne l'a pas encore ratifié. Pourtant, cet instrument additionnel à la convention permet aux femmes de déposer une pétition individuelle devant le Comité international pour l'élimination de toutes formes de violence à l'égard des femmes contre son Etat d'origine.

En ce qui a trait au rapport national, Mme Myriam Merlet, chef de cabinet du ministre à la Condition féminine et aux Droits des Femmes, a précisé que la rédaction du premier rapport national est à sa phase d'achèvement. Ce rapport sera déposé après la ratification par Haïti du protocole additionnel. Ce protocole sera acheminé bientôt au Parlement haïtien. Cette militante féministe a rappelé un ensemble de conquêtes des femmes au cours des dernières années.

Vous avez dit marronnage ?


Ces conquêtes sont dues, dit-elle, aux efforts des organisations féminines. Parmi ces acquis, Mme Merlet cite le décret renforçant la pénalisation du viol et celui dépénalisant l'adultère des femmes au regard du Code pénal haïtien, l'adultère de l'homme est considéré comme un coup d'épingle, et celui de la femme, un coup d'épée, eu égard à leurs conséquences. Le décret en question, s'il est retenu et voté par le parlement haïtien, doit rétablir l'équilibre entre l'homme et la femme en ce qui concerne l'adultère.

Les débats se sont poursuivis avec la participation de plusieurs intervenants. Lors d'une intervention, le Secrétaire d'Etat a fait état du marronnage de l'Etat haïtien, notamment en ce qui concerne la ratification des instruments juridiques internationaux et le dépôt des rapports y relatifs. Toutefois, les participants ont également noté chez le Secrétaire d'Etat une certaine velléité à ne pas répondre aux questions pertinentes. « Je suis ici en ma qualité de chercheur et d'intellectuel intéressé à la question, a-t-il répondu.



Aussi conclut-il que le trait saillant de la société est une « construction asymétri

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