juin 29, 2007

ENJEUX JURIDIQUES ET POLITIQUES...

Enjeux juridiques et politiques
Texte extrait du quotidien le Nouvelliste


La Constitution, pour s'adapter à l'évolution de la société, indique la procédure à suivre pour parvenir à son amendement. Elle interdit le recours au référendum (cf.art. 282 et suivants). Mais des difficultés juridiques et politiques, dont il faut sérieusement mesurer le poids, pourraient surgir une fois enclenché le processus d'amendement. Lors du colloque organisé par l'ISPOS à Moulin-sur-Mer, du 14 au 17 juin, juristes, historiens et hommes politiques ont réfléchi sur la question.

« La révision consiste à corriger le texte constitutionnel soit par soustraction, soit par adjonction, soit par modification ». Ce sont les propos du professeur Monferrier Dorval. Il s'exprimait dans le cadre du colloque autour de la Constitution, organisé par l'Institut Supérieur de Formation Politique Sociale (ISPOS). Colloque au cours duquel a été abordée la question de la problématique juridique et politique qu'un amendement constitutionnel pourrait poser.

Selon le juriste et spécialiste en droit public, le principe de la révision de la
Constitution de 1987 est clair. La procédure à suivre est formellement tracée dans la loi mère qui, pour la première fois, utilise l'expression dans un titre baptisé " Amendement ". «En effet, précise-t-il, le titre XIII s'intitule "Amendements à la Constitution.» Ce qui signifierait qu'on ne peut apporter que des modifications de portée limitée ou restreinte, ou du moins, qu'on peut tout modifier dans la Constitution, sauf les restrictions prévues à l'article 284-4 qui stipule: «Aucun amendement à la Constitution ne doit porter atteinte au caractère démocratique et républicain de l'Etat».

De l'avis de Me Dorval qui estime très compliquée et verrouillée la procédure d'amendement, les constituants ne voulaient pas la modification de la Constitution. Pour preuve : le terme " amendement " implique l'idée de rendre difficile, sinon impossible toute modification constitutionnelle, dans ce cas, il est distinct de celui de la révision voire de la réforme constitutionnelle.

Et pour rester collé à l'esprit et à la lettre de la Constitution, Monferrier Dorval préfère le terme amendement à la révision, mais il reste convaincu que l'amendement de la loi mère se heurtera à des obstacles tant procéduraux que politiques.

Les moments de l'amendement

« La Constitution prévoit deux moments pour parvenir à son amendement », prévient le directeur du centre de droit public. Il précise que la première étape à réaliser constitue la déclaration d'amendement qui ne peut intervenir qu'à la dernière session ordinaire de la législature (des députés), soit du deuxième lundi de juin 2009 au deuxième lundi de septembre 2009. «Il sera inconstitutionnel d'introduire une déclaration d'amendement avant cette période », fait-il remarquer en apportant des éclaircissements sur la réalisation de l'amendement, qui doit être effectif à la première session ordinaire (deuxième lundi de janvier 2010 au deuxième lundi de juin 2010, c'est-à-dire après les élections législatives devant entraîner le renouvellement intégral de la Chambre des députés et le renouvellement d'un tiers du Sénat. « Il n'est pas certain que les parlementaires (sénateurs et députés) qui auront adhéré à la déclaration d'amendement seront réélus », insinue Me Dorval qui craint que les nouveaux parlementaires ne s'opposent à l'amendement proposé.

A propos de la majorité des deux tiers dans les deux Chambres, requise par la Constitution, le professeur Dorval croit difficile de la réaliser, vu l'état des forces politiques en Haïti. L'interdiction du referendum pour amender la Constitution (cf. art. 284-3) prévue pour éviter les manipulations du peuple, ne permet pas de rejoindre les blocages politiques relatifs à l'amendement. Autant de difficultés d'ordre juridique qui sont également liées à celles qui sont de portée politique, notamment l'émiettement des partis politiques, la possible opposition des parlementaires au rééquilibrage des pouvoirs publics, la suspicion et la méfiance politiques.

« L'amendement est nécessaire, voire incontournable, mais la procédure est tellement compliquée qu'on risque de ne pouvoir le réaliser en période normale », s'inquiète le juriste qui croit que l'instabilité empêche de suivre le rythme régulier pour l'amendement de la Constitution. Continuer >





Après l'échec de la déclaration d'amendement devant le Sénat en 2003, l'idée d'amendement resurgit. Mais elle se heurte à la procédure. « A entendre les principaux acteurs, le consensus politique et social semble être difficile à atteindre pour amender la Constitution avant la dernière session ordinaire de la législature des députés », s'émeut M. Dorval, forcé de faire le constat que le courage politique fait défaut et laisse la place à la suspicion et à la méfiance, alors qu'il est impératif d'ajouter à la Constitution des dispositions comme la création d'un organe chargé d'assurer le contrôle de constitutionnalité. Par voie d'action.

Claude Moïse préoccupé par le devenir de la Constitution

Prenant le parti de la sérénité et de la rigueur, l'historien Claude Moïse se demande perplexe : « Quel sera le devenir de la Constitution de 1987 ? » Selon lui, s'agissant de normaliser un Etat après des périodes de bouleversements, il faut tenir compte des conditions dans lesquelles la Constitution a été élaborée. Et qui sont à l'origine de ses problèmes d'incohérence.

« Les Constitutions que nous avons eues sont toutes différentes de celles de toute l'Amérique Latine », fait remarquer M. Moïse qui, pour illustrer son propos, se réfère aux Constitutions de 1816-1846, 1867... Il précise que la Constitution de 87 possède des " idées généreuses " tout en admettant qu'elle est la source d'instabilité politique en raison du fait que c'est le document par excellence pour instaurer l'Etat de droit.

« A vouloir détruire des monstres, on en a créé d'autres », indique-t-il en avouant qu'on ne peut pas jeter l'enfant avec l'eau du bain. Autrement, dit-il, c'est sous la base d'un consensus national qu'il faut tout remettre à plat pour permettre au pays de se normaliser.

Claude Moïse a fait remarquer qu'on a voulu réduire la puissance présidentielle à sa plus simple expression, car c'est le seul élu à l'échelle nationale, tous les autres élus le sont dans leur circonscription. « J'estime qu'on n'insiste pas assez sur le jeu des partis politiques dont la structuration est plus que nécessaire », note M. Moïse qui admet que la Constitution comporte des clauses gênantes, embêtantes qui ne sont pas, heureusement, sans solution.

« Quels sont les articles qui font problème ? », s'interroge Claude Moïse dont la réflexion annonce - avec proposition - l'argumentaire du Grand Rassemblement pour l'évolution d'Haïti (GREH) représenté par Himmler Rébu, appelé à se prononcer après Claude Moïse qui croit que les problèmes d'Haïti ne sont pas essentiellement d'ordre constitutionnel, mais le besoin de gouvernabilité que la Constitution et les lois ont indiqué : éducation, santé, environnement, logement, etc. « L'amendement de la Constitution est une impérieuse nécessité en vue de l'organisation de la vie politique et sociale », conclut l'intervenant préoccupé par l'urgence de faire descendre la question constitutionnelle au niveau des sections communales.

Le GREH favorable mais à des degrés divers

« La Constitution de 1987 comporte 17 articles qui sont tombées en caducité : ce qui modifie l'enchaînement et la numérotation du texte », note le leader du GREH qui relève également huit (8) cas de contradiction entre les articles 95 par rapport à 288, 95-3 par rapport à 95, 149 à 134-1, 154 à 155 et 156, 160 à 236-2, 173-2 aux articles 278 à 278-4, 236-2 aux articles 142, 160 et 171, 266 contraire aux articles 278 et 98-3.

Himmler Rébu qui dit reconnaître les préoccupations humaines de la loi mère et qui constituent des acquis à renforcer dans le domaine des droits et des libertés, juge, au regard de la fonctionnalité de l'Etat, que la Charte fondamentale est un trompe-l'oeil. Une oeuvre émotionnelle. « Dans le cadre d'une normalisation et d'une adoption aux réalités nouvelles, cinquante-trois (53) articles devraient subir des modifications. Il s'agit, entre autres, des articles 13 à 16, 84 à 86, 114-2, 114-5, 117, 141, 143, 166, 200-5, 206, 207, 212, 219...

Des failles, des manquements, des contradictions et des incohérences sont légion dans la Constitution, d'après M. Rébu, notamment en ce qui concerne le drapeau national prévue dans la Charte de 1805, les responsabilités du président de la République rendu inopérant et irresponsable de ses actes en matière de gestion de l'Etat, bien que bénéficiant de la confiance des citoyens qui lui ont légué le pouvoir par le suffrage universel. « La totalité des charges de l'Etat, suivant la Constitution, incombe dans les faits au Premier ministre qui n'a aucune allégation de pouvoir directe des citoyens », déplore le numéro un du GREH qui voit là une évidente nécessité de réaménager le texte constitutionnel en divers endroits. Et sur des questions de fond.


Robenson Bernard

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