mai 18, 2010

ACTUALITÉ JUDICIAIRE

Au Palais de Justice
Toute la vérité et rien que la vérité ( suite)


Convoqué au parquet de Port-au-Prince pour faux et usage de faux et association de malfaiteurs, le vendredi 7 mai 2010, Me Jean-Joseph Exumé s'est rendu accompagné du batonnier de l'Ordre des avocats, Me Gervais Charles. Pendant quelques minutes, il a répondu aux questions du commissaire du gouvernement. Mais cette convocation, disons-le, est liée à une requête du cabinet Vieux, demandant au parquet de surseoir à l'exequatur sollicité par le conseil d'avocats dont fait partie Me Jean-Joseph Exumé assurant la défense de Mme veuve Auguste Daccarett. Dans la presse, on avait parlé de plainte déposée contre Me Exumé. Le cabinet Vieux a tenu à clarifier, déclarant qu'il n'a jamais été question de plainte, mais de requête. Non content de la précision du confrère, Me Jean-Joseph Exumé explique:

«En ma qualité d'avocat de Mme veuve Auguste Daccarett, j'ai défendu cette dernière conjointement avec Me Talleyrand Lamothe dans un procès l'opposant à Télé-Haïti. C'est une affaire qui a duré près de dix ans. Elle a connu tous les degrés de juridiction, depuis le tribunal de première instance de Port-au-Prince, en passant par la Cour d'Appel de Port-au-Prince, la cour de cassation sur premier recours, la Cour d'appel des Cayes sur renvoi et finalement la Cour de cassation en sections réunies», a expliqué Me Jean-Joseph Exumé, avocat membre du barreau de Port-au-Prince.

Qu'en est-il exactement?

Le 29 mai 2009 est sorti un arrêt définitif dans l'affaire opposant Télé-Haïti à veuve Auguste Daccarett. Arrêt qui a été signifié à avocats et à partie. Au mois de mars 2010, le dossier a été déposé au parquet pour exequatur. Et c'est alors que, sur plainte des avocats du cabinet Vieux, l'exequatur a été refusé sur la base de deux certificats délivrés par le préposé de la DGI de Kenscoff, déclarant que les mentions d'enregistrement, la signature, les empreintes du sceau apposé au bas de deux actes sont fausses. Quels sont ces actes? s'interroge Me Exumé.

Premièrement, il s'agit d'une ordonnance du président de la cour d'appel des Cayes en avril 2006, désignant une nouvelle composition pour entendre l'affaire, vu que le juge Jean M. Théodore, qui faisait partie de la composition devant laquelle l'affaire avait été plaidée, a été promu en cassation, avant que la décision soit rendue.

Le deuxième acte est la signification aux avocats de cette ordonnance toujours en 2006 pour inviter les avocats à venir plaider. Dans leur requête, les avocats du cabinet Vieux ont demandé au parquet de mener une enquête sur les documents soumis mais surtout de ne pas accorder l'exequatur en précisant justement ces deux actes. C'est donc dire qu'avant de la rédiger, ils avaient pu avoir le dossier déposé au parquet. Il est important de souligner que lorsqu'un dossier est déposé pour exequatur, il est tout à fait anormal que l'avocat de la partie adverse puisse non seulement être au courant du dépôt, mais, de plus, détenir des copies des originaux et pouvoir ainsi déclencher son action.

A noter que le coût d'enregistrement d'un pareil acte est de 6 gourdes, ce qui rend tout à fait farfelue l'idée même que l'on pourrait tenter d'y commettre un faux. De plus, ces actes signifiés en 2006 ne sont que de simples actes d'instruction, tout à fait accessoires au procès et qui ne pourraient pas avoir d'incidence sur le fond de l'affaire. Ils n'avaient pas été d'ailleurs ni questionnés ni contestés par le Cabinet Vieux, a tenu à préciser Me Jean Joseph Exumé.

« Ce qui fait le plus mal, c'est qu'on a profité de cette affaire pour salir ma réputation en divulguant dans toute la presse nationale et internationale que j'ai commis un faux, que je suis membre d'une association de malfaiteurs, alors qu'il ne revient pas à un avocat d'enregistrer des pièces à la DGI », s'est indigné Me. Exumé.

Me Exumé a poursuivi pour préciser que lorsque des présomptions existent sur la non validité de l'enregistrement d'un acte, cela ne peut en aucun cas constituer un faux, puisque seule la Direction générale des impôts a le contrôle des formalités de l'enregistrement. Il n'est pas possible que le responsable d'une agence de la DGI puisse s'ériger en juge pour déclarer que des mentions d'enregistrement sont fausses.

Toute anomalie qu'il pourrait découvrir dans ces registres et toutes recherches infructueuses des mentions contenues dans un acte ne devraient servir que de pistes pour une investigation plus approfondie. Au lieu de s'empresser de délivrer un certificat, le préposé qui n'a aucune compétence légale pour déclarer qu'un acte est faux se devait au contraire de solliciter lui-même des instances concernées de la DGI une enquête, dit Me Exumé.

L'avocat poursuit: «A partir de quels critères un préposé peut-il décider de la fausseté d'une mention d'enregistrement? Quels sont les éléments de comparaison dont il dispose pour déclarer qu'un sceau est faux ou que la signature apposée au bas d'un acte est fausse? »

Me Exumé continue: «Le préposé est-il un expert pour pouvoir décider d'un simple coup d'oeil qu'un sceau apposé sur un acte est faux?»

Frappé de stupéfaction...

«Dans l'édition du jeudi 13 mai 2010 du quotidien "Le Nouvelliste", j'ai été plus que surpris de lire dans la chronique judiciaire (Au Palais de Justice) un titre accrochant : «Toute la vérité, rien que la vérité». Un texte dans lequel Me Serge Henry Vieux a déclaré avoir «demandé uniquement au parquet de vérifier la validité des mentions d'enregistrement de certains actes au cas où le dossier serait soumis aux fins d'exequatur. Et que contrairement à ce qui a été rapporté, il s'agit seulement d'une requête, en demande de vérification. Dans cette requête il ne figure le nom de quiconque, il n'y est fait mention ni du nom d'avocats des parties ni d'huissiers exploitants.» Ce sont les propos de Me Serge Henry Vieux, l'un des avocats de Télé-Haïti, repris par Me Exumé.
Ce dernier a voulu insister sur le fait que, depuis sa présentation au parquet, il n'a jamais opiné sur la question malgré les demandes réitérées de confrères, de parents et d'amis.

Cependant, il a tenu à indiquer qu'il ne partage pas du tout l'opinion de son confrère. Pour lui, il reste et demeure que c'est cette requête qui a tout déclenché et qui a porté le parquet à agir. Un avocat de la trempe de Me Vieux sait très bien qu'en matière pénale, surtout dans une infraction aussi grave que le faux, il faut toujours penser aux conséquences de l'acte que l'on pose. Même dans le cas où un avocat poursuivrait un but légitime, il doit veiller à ne pas exposer indûment un autre confrère, surtout dans une question d'enregistrement d'actes, a précisé le juriste.

Me Exumé a d'ailleurs déclaré que beaucoup d'actes d'huissiers signifiés pour compte de nombreux cabinets d'avocats sont enregistrés à Kenscoff. Il se demande même si le cabinet Vieux ne serait pas l'un d'entre eux.

Il a en outre déclaré qu'il a entendu Me. Serge Henri Vieux sur les ondes de Radio Vision 2000, au micro du journaliste Valéry Numa. Le confrère a voulu apporter des précisions à savoir qu'il n'a pas porté plainte contre quiconque et qu'il n'a fait qu'une dénonciation.

L'ancien ministre de la Justice dit n'être pas d'accord avec cette interprétation de Me Serge Henri Vieux. La dénonciation des avocats du cabinet Vieux porterait sur quoi ? Elle serait faite contre qui ?
Selon l'avocat de Mme veuve Auguste Daccarett, lorsqu'on parle de dénonciation en droit pénal, il s'agit d'une action citoyenne, faite en pur désintéressement, pour rendre service à la société, consistant à fournir des informations sur des actes répréhensibles commis par des tiers et dont le dénonciateur a connaissance.

Mais ce ne peut pas être le cas, lorsque le prétendu dénonciateur a lui-même un intérêt dans l'affaire comme en l'espèce, où l'objectif poursuivi est tout simplement de bloquer par tous les moyens l'exécution d'une décision de justice, objectif d'ailleurs atteint puisqu'effectivement, le Parquet n'a pas accordé l'exequatur. En pareil cas, il ne s'agit pas de dénonciation, mais de plainte, a conclu Me Exumé.

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