Une législature tantôt rebelle, tantôt complaisante Extrait du Nouvelliste
En tirant le rideau sur la 48e législature, les députés laissent derrière eux un Parlement monocarméral et profondément divisé. Avant de partir, ils ont voté à la va-vite plusieurs projets de loi controversés. Retour sur les 48 mois d'une législature tantôt rebelle, tantôt complaisante.
A la lueur de bougies, dans l'après-midi du lundi 8 mai 2006, la 48e législature signait son entrée dans un palais législatif d'une blancheur presque immaculée. Quatre ans après, ils se retirent à la cloche de bois, laissant derrière eux un vide institutionnel à l'instar de la précédente législature et un bâtiment affaissé par les secousses telluriques du 12 janvier. En dépit des soubresauts et les vicissitudes politiques, les désormais ex-députés traînent derrière eux aussi un bilan pour le moins impressionnant et émaillé de scandales ou pseudo-scandales: jusqu'à la fin de leur mandat constitutionnel (janvier 2010), trente-cinq lois renforçant l'arsenal juridique haïtien. Le rallongement de trois mois justifié par les retards accumulés dans l'organisation des législatives et sénatoriales partielles permet aux députés d'améliorer davantage leur performance. Le prolongement de 18 mois de la loi sur l'état d'urgence, la loi sur l'intégration des personnes handicapées, celle ouvrant la voie à une éventuelle prorogation du mandat de René Préval et la loi sur la paternité responsable sont les derniers actes de la 48e législature. Ce qui porte à 42 le nombre de lois votées. « Ce bilan a montré que la 48e législature a progressé par rapport à la 46e et à la 47e qui en ont successivement sanctionné vingt-sept et vingt-cinq », jubile le secrétariat général de la Chambre des députés dans un document bilan.
Parmi les lois votées, certaines doivent retenir l'attention. C'est le cas de la loi faisant passer le salaire minimum de 70 à 150 et 200 gourdes ainsi que la loi controversée prolongeant l'état d'urgence jusqu'à 18 mois. On prendra du temps pour oublier les remous provoqués par le vote de ces lois. D'ailleurs, des manifestants continuent de réclamer le retrait de la loi d'urgence par le chef de l'Etat, René Préval. Son départ aussi du pouvoir au plus tard le 7 février 2010. « C'est la rue qui déterminera si René Préval partira en février ou en mai », prévient Hervé Saintilus, farouche détracteur du pouvoir en place.
Avant d'abandonner le Palais législatif pour un abri provisoire à l'académie de police, les députés ont réalisé 191 séances, dont 34 en Assemblée nationale, 46 conférences des présidents et 104 rencontres en commissions. Un an après son entrée en fonction, cette législature commençait à afficher sa détermination face à l'exécutif en éjectant, le 31 juillet 2007, Daniel Elie. Seulement cinq députés à l'époque tentaient désespérément de sauver le fauteuil du ministre de la Culture et de la Communication accusé de népotisme, clientélisme, immobilisme, abus de pouvoir. Avant lui, Leslie Gouthier, ex-ministre du Commerce et de l'Industrie sous l'administration Aristide/Neptune, avait subi le même sort. Un sort qui ne faisait pas plaisir au président René Préval qui a pris du temps pour remplacer l'architecte Elie à l'ancien Grand quartier général des Forces armées d'Haïti transformé en ministère de la Culture et de la Communication.
En quatre-huit mois de législature, les élus du peuple ont ratifié trois Premiers ministres (Jacques-Edouard Alexis, Michèle Duvivier Pierre-Louis et Jean-Max Bellerive) et rejeté deux autres proposés par le président de la République : P. Eric Pierre et Robert Manuel. Derrière ce rejet se cache une certaine Concertation des parlementaires progressistes. Ce bloc en rébellion avec la structure traditionnelle des partis politiques sauvait, entre autres, le fauteuil d'Alexis, finalement évincé par le Sénat sous la houlette de Youri Latortue et consorts.
Bilan humain
A côté des lois votées et du nombre de séances organisées, les députés pourraient aussi noter les scandales à répétition qui ont terni l'image de la 48e législature. Dégoûté par la gestion douteuse des premiers bureaux, Steven Benoît, visage d'eternel enfant, ex-beau-frère de surcroît du chef de l'Etat annonçait très tôt la couleur, avec une structure pour combattre la corruption interne. De cette structure est née la Concertation des parlementaires progressistes (CPP). Majoritaire à la Chambre des députés, ce bloc, qui faisait peur pour sa discipline, a mis fin en janvier 2009 à l'invincibilité de Pierre Eric Jean-Jacques à la présidence de la Chambre basse. Trois mandats annuels en trois ans, cet exportateur de café, producteur d'huile essentielle et de tafia, a marqué la 48e législature jusqu'à ce qu'il ait été évincé, décrié et miné par la CPP.
Avec un certain Levaillant Louis-Jeune comme porte-parole, Lucas Sainvil, coordonnateur, ce bloc solide comme un roc votait toujours dans le même sens, sauf dans les votes décisifs de la loi sur le salaire minimum pourtant proposé par Steven Benoit, l'un de ses plus influents membres. Une divergence qui signait la mise à mort de ce bloc morcelé. La majorité s'est retrouvée au sein de l'Inite, la plateforme propulsée par le chef de l'Etat, au grand dam de l'opposition politique.
Députés désapprouvés
Comme pour imiter le Sénat qui a chassé Rudolph Boulos en son sein, la Chambre des députés a désapprouvé deux de ses membres : Dorméus Edmond et Elou Saint-Louis Fleuriné. Le verdict de la première séance convoquée par le nouveau bureau contrôlé par la CPP s'annonçait, le 20 janvier 2009, comme un couperet pour le député Dorméus Edmond, dont la nationalité américaine a été prouvée par une commission d'enquête parlementaire. L'élu d'Anse-Rouge n'est pas le seul député désapprouvé, son collègue Elou Saint-Louis Fleuriné l'est aussi. Mais ce dernier ne restait pas attaché à sa fonction. Il y avait huit mois, celui qui rêvait de faire de l'île de La Gonâve un département géographique à part entière avait donné sa démission, pour raison de santé.
Les sénateurs avaient aussi marqué à leur manière la 48e législature. Le nombre de scandales ou pseudo-scandales qu'ils ont provoqués peuvent, sans doute, égaler le nombre de lois votées. Qui n'a pas en mémoire le vote de la surprenante résolution en faveur de la SOCABANK sous la présidence du sénateur Joseph Lambert. Certains sénateurs, d'après le sénateur Gabriel Fortuné, avaient reçu des pots-de-vin dans le cadre de la « Socagate ». Des accusations que la commission parlementaire dirigée par la sénatrice Edmonde Supplice Beauzile n'avait pas prouvées. L'affaire a été classée pour manque de preuve.
Ce premier scandale au Sénat de la République pourrait être perçu comme la tête de l'iceberg. Il a ouvert la voie à d'autres scandales les uns plus accablants que les autres : trafic de drogue, abus sexuel, séances truquées. Qui ne se rappelle pas de la séance de ratification de la politique générale du Premier ministre Michèle D. Pierre-Louis ou celle ayant rapport à son interpellation?
La subordination du Sénat au pouvoir exécutif a été toujours un sujet de préoccupation. On peut compter sur les doigts de la main les sénateurs qui n'ont pas toujours suivi tête baissée la voie tracée par l'exécutif. Si le pouvoir exécutif a essuyé avant la formation de l'INITE quelques échecs à la Chambre basse, tel n'a jamais été le cas au Sénat de la République. L'exécutif a toujours trouvé même des sénateurs des partis politiques de l'opposition à son service.
Deux de ces trois dernières lois des élus du peuple sont pour le moins controversées et divisent le Sénat déjà amputé d'un tiers de ses membres.
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mai 18, 2010
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