juillet 06, 2008

DECENTRALISATION : UNE STRATEGIE POUR LE DEVELOPPEMENT DU PAYS...

Une politique nationale pour le développement local : réponse stratégique à la crise socio-économique actuelle

Septième partie : le contenu du programme de Décentralisation

Dans l’article précédent nous avons vu que le but de la Décentralisation en Haïti était de transformer un État centralisateur, inefficace et prédateur en un État pourvoyeur de services et promoteur de développement. Pour que ce « rêve » devienne réalité, il faut des gouvernements qui aient la volonté politique nécessaire. Les prétextes pour maintenir le statu quo sont nombreux: le pays n’est pas prêt pour la Décentralisation ; les responsables des Collectivités ne sont pas formés ; il ne faut pas décentraliser la corruption ; la décentralisation coûterait trop cher à l’État ; le modèle constitutionnel ne correspond pas à nos mœurs, etc. Parfois, on en arrive même à avancer le fait que depuis 1986, les gouvernements successifs n’auraient rien fait de significatif pour faire avancer le dossier comme étant une preuve que la Décentralisation n’est pas possible en Haïti.
Loin de notre pensée de prétendre que la Décentralisation est une entreprise aisée. Néanmoins, la voie du changement ne l’a jamais été. Après s’être entendu sur les orientations générales, il faut définir un programme cohérent permettant d’atteindre des objectifs qui sont en parfaite adéquation avec la lutte contre la pauvreté et la croissance économique.
Le Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et pour la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP) se donne les objectifs suivants en matière de Décentralisation :
Procéder à la préparation d’une politique globale de Décentralisation
Refondre le cadre légal de la Décentralisation sous la forme d’une Charte des Collectivités territoriales
Mettre en place un cadre institutionnel de pilotage et de gestion de la politique de Décentralisation
Entreprendre un sous programme de renforcement des capacités des collectivités
sLancer une campagne de sensibilisation et de promotion de la Décentralisation.
On remarquera que la fourniture des services de proximité ne constitue nullement un objectif de la Décentralisation dans l’actuelle formulation du DSNCRP. Omission significative et grave. En réalité, la politique de Décentralisation dont nous proposons les grandes lignes dans ces articles, doit être intégrée dans le DSNCRP et non être élaborée en cours de route. La mise en place d’un cadre institutionnel de pilotage de la politique de Décentralisation autre que le Conseil Interdépartemental nous semble également une perspective assez discutable.
Voici les principaux objectifs que nous avons retenu et que nous proposons pour le DSNCRP: (i) rechercher le consensus et faire la promotion de la Décentralisation (ii), l’améliorer le cadre légal existant (iii) augmenter et améliorer la fourniture des services de proximité par les collectivités territoriales, (iv) promouvoir le développement endogène et (v) renforcer la citoyenneté démocratique.
Nous traiterons uniquement des trois premiers objectifs dans cet article.

Recherche de consensus et promotion de la Décentralisation

La décentralisation est réclamée par la population et promise par tous les politiciens sans que parfois les uns sachent de quoi parlent les autres. (1) Des intellectuels de bonne foi cultivent des divergences parfois non fondées uniquement parce qu’ils n’ont jamais eu l’opportunité d’en discuter. Néanmoins, certains ayatollahs jettent la plus grande confusion dans l’effort pour la définition des orientations de la Décentralisation haïtienne. Évitant habilement les débats ouverts et publics et agissant dans les couloirs, ils distillent, à travers des projets de formation une vision erronée, biaisée et maquillée d’objectifs démagogiques ou irréali-s ables. Ce n’est nullement une question d’option idéologique ou de conflits d’écoles car des intérêts financiers sont en bout de ligne. À coté du manque de volonté politique des dirigeants, ce problème est l’un des plus grands handicaps pour l’avancée de la Décentralisation en Haïti car ces soi disants formations désorientent les élus et les enferment dans un attentisme revendicatif paralysant par rapport au pouvoir central. La liberté d’expression étant garantie, on ne peut combattre l’imposture que par sa dénonciation, la multiplication des débats et par la promotion d’une approche fonctionnelle de la Décentralisation.
La composante de définition de consensus et de promotion de la décentralisation vise donc à clarifier les différents aspects de la décentralisation et à créer une vision minimale partagée des objectifs à poursuivre. Aussi permettra-t-il d’arriver à un consensus suffisant sur les grandes thématiques que sont la finalité de la décentralisation, ses orientations, la mission et le statut des Collectivités territoriales, le partage des compétences, le financement de la Décentralisation, etc. Ce travail initié depuis quelques années doit se poursuivre plus vigoureusement et être encouragé par l’État.
Plusieurs pistes d’actions sont à considérer :
1-La création d’un cursus universitaire orienté sur la Décentralisation et le Développement local
2-L’appui à recherche universitaire sur la Décentralisation et le Développement local
3-La promotion des débats et fora régionaux et locaux autour de ces sujets
4-La vulgarisation et diffusion des lois et des travaux de réflexion sur la Décentralisation.
La réforme du cadre légal
La composante de réforme légale liée à la décentralisation vise à l’élaboration ou à la révision des textes juridiques relatives à la décentralisation. Il peut se diviser en deux volets :
La réforme des textes juridiques qui portent directement sur les Collectivités territoriales notamment : la loi-cadre, les lois d’organisation et de fonctionnement des différents niveaux collectivité, celle sur le Conseil Interdépartemental, les lois sur les finances publiques locales, la loi sur les mécanismes d’allocation des transferts aux collectivités territoriales, la loi sur le découpage territoriale, etc.
La réforme des lois portant sur d’autres instances de l’État qui interagissent avec les Collectivités territoriales. On peut citer par exemple les lois organiques des Ministères de l’Intérieur et de la Planification, la loi sur les Délégations, etc.
L’amélioration de la fourniture des services de proximité
L’objectif majeur de la Décentralisation est la réorganisation du mode de fonctionnement de l’État pour améliorer l’accessibilité et la qualité des services publics de base à la population. Un tel objectif ne restera qu’un vœu pieux si son énoncé n’est pas accompagné d’une vision claire des actions à entreprendre en vue de sa concrétisation.
Nous identifions au moins quatre volets d’actions indispensables pour l’amélioration de la fourniture des services de base : (i) le renforcement institutionnel des collectivités, (ii) l’encadrement technique, (iii) la décentralisation financière et (iv) la réforme de l’administration déconcentrée.
Le volet de renforcement institutionnel des Collectivités territoriales doit aider les élus locaux à comprendre les missions respectives des organes qu’ils dirigent et à se former eux-mêmes afin d’exercer leurs attributions avec efficacité et efficience notamment en srecherchant l’amélioration du fonctionnement de leur appareil administratif par la définition des profils de poste, la formation continue des cadres, les incitatifs à la performance, le respect des règlements internes, la prise en compte des perceptions des bénéficiaires des services, la modernisation et la dotation de l’administration en équipement adéquat, etc.
Le volet d’encadrement technique des collectivités territoriales doit permettre de mettre à leur disposition les personnes ressources qui pourront les accompagner dans la mise en œuvre de certaines actions. L’article 71 de la Constitution stipule que chaque Conseil municipal est assisté sur sa demande d’un conseil technique fourni par l’administration centrale. Une telle perspective peut paraître un peu irréaliste mais rien ne dit que les membres du conseil technique soient affectés à une seule municipalité où qu’ils doivent l’être à plein temps sur une longue période. On peut trouver des modalités d’assistance ponctuelle et à la carte car c’est au niveau des bureaux du Vice délégué que ces actions devraient être coordonnées.
Ce volet doit aussi permettre la création d’organismes régionaux ou nationaux spécialisés chargés de fournir aux collectivités certains services dont le degré de technicité peut ne pas être à la portée de certaines Collectivités territoriales. Il s’agit par exemple de services tels que la préparation des rôles fiscaux, les plans cadastraux, certains travaux publics.
Le volet de décentralisation financière doit permettre aux Collectivités territoriales d’augmenter leurs ressources propres, de recevoir plus de fonds du Trésor Public notamment pour le financement de toutes les compétences qui leur sont reconnues ou transférées. Les Collectivités territoriales doivent être plus autonomes dans l’élaboration et l’exécution de leur budget, sous réserve des contrôles à exercer par les instances compétentes de l’administration déconcentrée.
Le volet de réforme de l’administration déconcentrée touche essentiellement les Délégations, les Vice Délégations, les Directions Départementales, les Districts sectoriels et les bureaux communaux des Ministères. On ne doit jamais oublier que certains services resteront du ressort de l’État et qu’une bonne partie de la formation et de l’assistance technique devrait être réalisée à travers l’administration déconcentrée.
Remarquons pour finir que ces différents volets ne sont pas des objectifs en soi mais des conditions intrinsèquement liées pour l’amélioration de la fourniture des services de proximité à la population.
Prochain article : La gouvernance locale
Par André Lafontant Joseph
vendredi 4 juillet 2008

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