Par : Jean-Marie
Mondésir
Tout le monde
sait très bien que le vaudou fait partie intégrante de la vie quotidienne de la
majorité des Haïtiens. C’est un héritage ancestral qui est ancré dans les mœurs
et dans les traditions populaires en Haïti. Du point de vue culturel, l’Haïtien
est en soi un vodouisant par nature. Qu’on le veuille ou non, on est tous nés
vodouisants même si certains refusent de croire ce fait. Nos comportements,
notre savoir-faire, notre mentalité, notre savoir-être et nos croyances
traduisent cette réalité. En Afrique de l’ouest (Golfe de Guinée, Bénin, Togo)
la culture du vaudou est une source d’harmonie, de cohésion et de paix sociale;
ses adeptes vénèrent la vie même après la mort. Le partage, l’entraide et la
solidarité constituent autant de valeurs héritées de cette culture d’origine
africaine.
Ces valeurs
léguées par nos ancêtres constituent notre identité culturelle et notre fierté
nationale. Le vaudou rentre dans nos mœurs et dans nos traditions populaires
depuis la période coloniale dite esclavagiste. Il conditionne et façonne le
mode de vie de la majorité des Haïtiens au quotidien. C’est un produit culturel
et touristique à promouvoir à l’échelle internationale. Ce que l’on ne sait pas
encore, le vaudou est aussi reconnu comme une religion à part entière au même
titre du catholicisme, du protestantisme, de l’islamisme, etc. Au Bénin, le
vaudou est à la fois reconnu comme la culture populaire et une religion
nationale. C’est cette religion qui façonne l’identité du peuple béninois, pays
d’origine de Toussaint Louverture. Pendant longtemps, la religion ancestrale a
été méprisée, critiquée et vilipendée par ses détracteurs. Ses adeptes sont
souvent persécutés par les régimes antérieurs sous l’influence des cultes
importées. Les autres religions ont diabolisé la pratique religieuse ancestrale
pour mieux régner sur la population pauvre dépourvue de ressources.
De nos jours,
on entend dans les médias des prêtres catholiques pédophiles qui abusent des
enfants; des pasteurs protestants commettant des actes d’adultère et violent
leurs fidèles; des islamistes extrémistes terrorisant les femmes et détruisent
la vie de milliers de gens. Personne n’ose critiquer la doctrine religieuse à
laquelle ils y adhèrent. Cependant, les adeptes du vaudou sont majoritairement
associés à la sorcellerie et à la magie noire. Ils ne connaissent pas de
distinction dans l’esprit des acculturés qui font l’apologie des religions
importées par les Colons.
Fort souvent,
certains détracteurs se concentrent sur les aspects négatifs de quelques adeptes
pour renforcer la haine, la division et l’exclusion d’une catégorie de
citoyens. On refuse de reconnaitre la contribution des médecins de feuille qui
ont apporté une aide précieuse à la souffrance des gens du milieu paysan,
dépourvus d’une clinique pour leur prodiguer des soins de santé. On s’efforce
d’ignorer le miracle des sages-femmes dans les campagnes qui ont mis au monde
des milliers d’enfants en bonne santé. Ils ne savent ni lire, ni écrire et
pourtant ils contribuent de manière significative au développement du pays.
Faut-il croire que leurs connaissances sont le fruit du hasard. Ils ont reçu
leur héritage sacré de nos ancêtres venant du continent africain (du golfe de
la Guinée, du Bénin et du Togo). Rendons à César ce qui est à César, c’est un ancien
prêtre de l’église catholique qui a décidé de mettre fin à cette injustice
sociale sur le plan national.
En 2003, le
président Aristide a publié un décret marquant la reconnaissance officielle du
vaudou comme une religion. Avec ce décret, aucun vodouisant ne peut être
poursuivi en justice lorsqu’il pratique sa religion. La liberté de cultes est
un droit garanti par la Constitution de 1987. Il est important de se demander
quelle est la force du décret 2003 dans notre régime juridique. Dans un système
de droit civil comme Haïti, le décret est un instrument juridique permettant de
créer des normes qui régissent l’ordre social. Il revient au Parlement de
statuer sur ce décret afin de lui donner la force de loi. À notre connaissance,
ce n’est pas encore fait et il ne s’agit pas d’une priorité pour les
parlementaires actuels. À notre humble avis, le décret de 2003 constitue un
début créant un cadre légal de cette religion ancestrale qui façonne au
quotidien l’identité haïtienne. Selon nous, il est important pour les prêtres,
les mambos, les adeptes et les sympathisants du vaudou de s’asseoir ensemble
pour définir le fondement philosophique et théorique de leur culte religieux.
Les associations et les organisations de ce culte doivent rencontrer les
autorités du Ministère des Cultes pour déterminer la procédure à suivre lors de
la célébration de mariage et d’enterrement, etc. Elles doivent entreprendre une
campagne d’éducation dans les médias pour sensibiliser le public sur l’aspect
positif du vaudou. Ce faisant, cela pourra enlever les étiquettes associant la
pratique du vaudou à la sorcellerie ou à la magie noire. Cette campagne de
désinformation instituée par les fidèles et pratiquants des religions
catholiques et protestantes incite au rejet et à la discrimination envers les
fidèles de la religion nationale. Cette dernière est le symbole de dignité et
de fierté de la majorité populaire. On doit organiser des conférences à
l’échelle nationale pour expliquer les grandes réalisations des prêtres et des
mambos dans le milieu paysan. Tous ceux qui critiquent le vaudou actuellement,
ce sont tous des hypocrites de la pire espèce. Chacun de nous est protégé par
des anges gardiens (nou se pitit ginen e se lwa sa yo kap kontinye proteje n).
Les intellectuels issus des couches paysannes ont le devoir de soutenir ceux
qui pratiquent ce culte ancestral afin de les aider à mettre en place les
structures de base nécessaires pour que le vaudou continue de jouer son rôle
dans le développement socio-économique et culturel du pays. Rejeter la religion
ancestrale constitue un déni de croyances de ceux qui ont subi l’humiliation
des Colons. Ils ont lutté pour nous rendre libres et fiers d’être Haïtiens.
Si on est à
la recherche d’une religion qui ne pratique pas l’exclusion et la discrimination
au sein de la population, le vaudou est le seul qui puisse répondre de manière
positive à cet appel. Le prêtre, le pasteur et le politicien sont bienvenus
dans les péristyles et les hounfors des mambos et des houngans et ils y sont
traités sans préjugés. Ensemble, supportons la religion nationale pour que ses
adeptes et ses sympathisants puissent jouir de leurs droits constitutionnels au
même titre des autres religions qui nous enfoncent dans la misère et dans
l’ignorance …
Jean-Marie
Mondésir
Juriste haïtien
Spécialiste en droit civil
juristehaitien@gmail.com
Juriste haïtien
Spécialiste en droit civil
juristehaitien@gmail.com
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