Aux Bâtonnier, Secrétaire, Trésorier et Conseiller du Conseil de Discipline de l'Ordre des avocats de Port-au-Prince
Palais de Justice - Port-au-Prince
Distingués membres du Conseil,
Les soussignés, agissant en leur qualité d'avocats, membres à part entière de l'Ordre des avocats de Port-au-Prince, s'empressent de porter à votre connaissance qu'ils ont été fort surpris de constater que l'Ordre, par votre organe, a décidé de cesser toutes les activités devant les tribunaux jusqu'à ce que "les conditions nécessaires à l'exercice libre de la profession d'avocat soient rétablies."
Quelles sont donc ces conditions et quand est-ce qu'elles seront rétablies? Personne ne sait. Les soussignés vous affirment que malgré leur effort, ils n'arrivent pas à comprendre le sens et la portée de cette grave décision tout à fait illégale et qui constitue un frein à l'exercice quotidien de la profession d'avocat. Il en est de même de cette démarche que vous avez cru devoir entreprendre auprès du Parlement haïtien.
Les attributions du Conseil de Discipline de l'Ordre des avocats sont clairement définies à l'article 44 du décret du 29 mars 1979 règlementant l'exercice de la profession d'avocat. Aucune disposition de ce décret n'habilite le Conseil de Discipline de l'Ordre à adopter une telle mesure, surtout à la veille des vacances judiciaires.
L'alinéa 4 dudit article prescrit seulement que le Conseil de Discipline a pour attribution « d'intervenir auprès des institutions établies toutes les fois que la sécurité de l'avocat est menacée dans l'exercice de sa profession ».
Même l'Assemblée Générale des avocats n'est pas autorisée légalement à bloquer définitivement les activités de l'Ordre, les activités des avocats. Une certaine autorité lui est conférée certes, à l'article 47, alinéa b) dudit décret dispose tout simplement que l'Assemblée Générale se réunit sur convocation du Bâtonnier pour prendre toutes décisions nécessaires à la bonne marche du Barreau.
La justice est un service public et permanent. Les justiciables ont continuellement besoin de l'assistance de l'avocat qui ne saurait la lui refuser.
Votre décision hâtive est vraiment préjudiciable aux intérêts de la Justice, à ceux des avocats et à ceux des justiciables, en particulier le confrère, Me Osner Févry dont le dossier est pendant devant le juge d'instruction, la seule autorité pouvant lui faire bénéficier d'une main levée d'écrou, comme vous le savez pertinemment.
Vous êtes donc priés de bien vouloir dans le plus bref délai rapporter votre décision pour l'honneur de la justice et le plus grand bien justiciables, ceux-là surtout qui sont incarcérés depuis des jours et des mois aux ordres d'un Cabinet d'instruction.
Les soussignés vous prient, distingués membres du Conseil, d'agréer l'assurance de leurs sentiments les plus fraternels.
Rigaud Duplan
Raymond Guillaume
Pierre Antoine Borga
Christine Fishl
Martine Destin
Karl B. Couba
Léonel Jean Bart
Charles Max Bazile
Joël Deneus
J. F. Annibal Coffy
Louis Ricardo Chachoute
Aviol Fleurant
Gilbert N. Léger
Gabriel H. Augustin
Marie Ange José
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Haïti: Objet de dissidence
L'arrêt de travail observé en début de semaine par les avocats, à l'appel du barreau de Port-au-Prince, en solidarité avec leur collègue Osner H. Févry, a provoqué une polémique entre les membres de la basoche. A la tête d'un groupe d'avocats du même barreau, Me Rigaud Duplan, ancien bâtonnier de l'ordre, prend le contre-pied de cette décision de son successeur Me Gervais Charles.
Des avocats n'ayant pas appuyé la décision du Conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Port-au-Prince d'observer un arrêt de travail illimité se sont montrés très critiques à l'égard dudit conseil ayant à sa tête Me Gervais Charles. Selon cette décision, tous les avocats de cette juridiction sont appelés à manifester leur solidarité à Me Osner H. Févry, incarcéré depuis environ une semaine, son arrestation par le commissaire du gouvernement, Me Joseph Manès Louis, étant jugée illégale par la corporation.
Cependant, cette décision, qui ne fait pas l'unanimité, a soulevé le mécontentement de certains avocats qui y voient une forme de pression sur le judiciaire. « Cette décision est un moyen de faire pression sur les autorités judiciaires pour les forcer à se pencher sur le cas de Me Févry », a déclaré, sous couvert de l'anonymat, un avocat de l'Ordre, ajoutant que ses collègues qui se sont opposés à l'arrêt de travail ont des problèmes personnels avec Me Févry. Cependant, d'autres estiment que cette décision a été prise sans prendre en compte le fait que bon nombre d'avocats vivent de leur présence au tribunal.
Pour des avocats dissidents, cet arrêt de travail est considéré comme des vacances judiciaires anticipées. « Il est évident, a déclaré l'un d'entre eux, que cela implique des conséquences néfastes sur le fonctionnement des cours et tribunaux ».
Dans la même lignée, certains avocats dissidents se sont officiellement positionnés. Dans une pétition en date du 28 mai adressée aux « bâtonnier, secrétaire, trésorier et conseillers du Conseil de Discipline de l'Ordre des Avocats de Port-au-Prince », ils affirment « ne pas comprendre le sens et la portée de cette grave décision tout à fait illégale et qui constitue un frein à l'exercice quotidien de la profession d'avocat. »
Plus d'une dizaine d'avocats du barreau de Port-au-Prince, dont l'ancien bâtonnier, Me Rigaud Duplan, ont paraphé cette pétition. Continuer >
Invité à clarifier sa position et celle de ses confrères, Me Rigaud Duplan a laissé entendre qu'il ne peut appuyer une pareille décision adoptée en marge de la loi et préjudiciable aux intérêts des avocats qui sont des professionnels, des auxiliaires de la justice. Elle est, dit-il, préjudiciable également aux intérêts de la justice et des justiciables qui ont droit à la justice.
De part cette décision, poursuit Me Duplan, la justice est bloquée et ses portes sont fermées. Et les plus grandes victimes demeurent les justiciables détenus aux ordres de la justice.
En effet, l'article 80 du Code d'instruction criminelle (CIC) permet au juge d'instruction d'accorder aux détenus inculpés une main levée d'écrou (une sorte de mise en liberté provisoire). Mais cette main levée ne peut être donnée qu'après interrogatoire de l'inculpé. De plus, selon l'article 25-1 de la Constitution en vigueur : « Nul ne peut être interrogé en l'absence de son avocat ou un témoin de son choix ». Or, les avocats étant en chômage forcé comme les juges des tribunaux, l'interrogatoire du confrère comme celui de tous les autres détenus devient impossible au cabinet d'instruction.
Me Févry lui-même, continue l'interlocuteur Duplan, est l'un des justiciables incarcérés au Pénitencier national depuis huit jours. Son dossier se trouve au Cabinet d'instruction. Me Duplan plaide en faveur d'une reconsidération de cette décision pour que, dit-il, la justice recommence à fonctionner au bénéfice de tous sans exception.
Pour sa part, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Me Jean Joseph Exumé, qui intervenait, ce vendredi, sur les ondes de Radio Vision 2000, a clairement pris position contre cet arrêt de travail. « Si les avocats ont des problèmes, c'est par devant les tribunaux qu'ils doivent les porter, mais pas en observant un arrêt de travail », a expliqué Me Exumé.
Mardi dernier, le barreau de Port-au-Prince a décidé de cesser toutes activités devant les cours et tribunaux pour un délai non déterminé. Ce vendredi encore, les activités dans certains cours et tribunaux de la région métropolitaine ont été paralysées. Seul le fonctionnement des tribunaux de paix a été constaté, puisque les justiciables se font le plus souvent représenter, à ce degré de juridiction, par des fondés de pouvoir.
Tous les débats autour de l'arrestation suivie de la détention de Me Févry se sont concentrés sur la forme. Ils se sont, toutefois, abstenus d'émettre tout commentaire sur le fond. En attendant, aucune date n'est prévue pour la reprise des activités du barreau.
Pétition d'un groupe d'avocats du barreau de Port-au-Prince suite à l'avis portant la signature du bâtonnier Gervais Charles
Port-au-Prince le 28 mai 2009
mai 31, 2009
La crise au Barreau de Port-au-Prince, décision du Conseil - protestations des Avocats
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