janvier 27, 2022

COUP D’ŒIL SUR LA CRISE MULTIFORME EN HAÏTI…

Jean-Marie Mondésir
Notre pays traverse une crise sans précédent, la rareté des produits pétroliers sur l’ensemble du territoire entraîne un impact considérable sur les conditions de vie des citoyens. On n’est pas sûr que le changement de gouvernement actuel apportera de solutions durables à court terme ni à moyen terme. Le phénomène de kidnapping engendré par l’insécurité, le chômage et la cherté de la vie décapitalise la classe moyenne en Haïti. L’insécurité crée un sentiment de peur constant qui affecte la population civile et les activités économiques du pays. Le climat de violence des groupes armés empêche les gens de vaquer à leurs occupations habituelles sans compter l’éclosion des gangs armés dans les bidonvilles de la Capitale qui engendre la terreur dans les quartiers populaires. La crise multiforme engendrée par l’assassinat crapuleux du président Jovenel Moïse affecte considérablement les activités socio-économiques des citoyens. Le premier ministre Ariel Henry est loin de trouver une solution durable à cette instabilité chronique. La rareté des produits pétroliers sur l’ensemble du territoire n’est pas innocente, il s’agit d’une campagne bien orchestrée par un secteur bien déterminé qui souhaite l’échec du premier ministre afin de l’empêcher de diriger pour obtenir des résultats tangibles. Si le secteur de Martissant est bloqué à cause de la guerre fratricide entre les gangs armés qui revendiquent leur territoire. Comment se fait-il que les quatre départements géographiques : sud-est, sud, Grande-Anse et les Nippes éprouvent de difficultés à trouver ces produits pétroliers alors que le stockage se fait à Thorland. À notre avis, l’instabilité est la conséquence d’un ensemble de facteurs : la police est impuissante face aux actes de banditisme, la justice est moribonde et les juges sont corrompus et incompétents. Les acteurs politiques ne sont pas crédibles ni honnêtes et ils n’inspirent pas confiance à la population. L’assassinat du président de la République en sa résidence privée le 7 juillet 2021 par des mercenaires colombiens avec la complicité des acteurs politiques sans légitimité populaire marque un point tournant dans la débâcle des institutions de notre pays. C’est triste de constater que le chef d’état dominicain Luis Abenader se présente comme le président de l’île du fait qu’Haiti n’est pas dirigé ni gouverné. Ce président dominicain mène une campagne sans merci auprès des autres dirigeants latino-américains pour pouvoir combattre les gangs armés afin d’établir la sécurité en Haïti. Du coup, ce président cherche à refouler les Haïtiens qui sont en situation irrégulière chez lui. À notre avis, il n’est pas sincère dans son entreprise de sécuriser Haïti contre les gangs armés. La raison est simple : il ne consulte pas les autorités gouvernementales concernées avant d’entreprendre sa démarche pour sécuriser son état voisin. À bien remarquer, le nom du président Luis Abenader est cité tout récemment dans les documents Panama papers. Il n’a pas déclaré tous ses biens en occupant les rênes du pouvoir dominicain. Il a été élu du fait que sa campagne présidentielle était basée sur l’honnêteté et la transparence. La publication du Panama papers a causé du tort à son image auprès de l’électorat de son pays. Il a voulu détourner l’attention des citoyens nationalistes de son pays en mettant l’accent sur la situation critique de l’insécurité en Haïti. Le ministre des affaires étrangères Claude Joseph a bien réagi sur tweeter lorsqu’il a évoqué la note du département d’état américain qui exhorte à ses ressortissants ‘d’être prudents lorsqu’ils voyagent en République dominicaine. Le phénomène de l’insécurité n’est pas seulement en Haïti, mais la République Dominicaine fait face aussi à l’insécurité des gangs sur son territoire. Ce n’est pas sans raison qu’il a fait exprès de suspendre le visa des étudiants du fait que le ministre Claude Joseph est l’une des personnalités ayant entrepris des démarches auprès de son administration pour faciliter le renouvellement des visas étudiants en République voisine. Notre principale préoccupation, est-ce que les entrepreneurs politiques en Haïti mesurent l’ampleur de la situation actuelle avec la République dominicaine? Ne serait-il pas l’occasion de conscientiser les citoyens sur la consommation des produits locaux. À notre avis, il faut saisir cette opportunité pour encourager la production agricole dans le milieu paysan afin de rétablir la souveraineté alimentaire de la population haïtienne. Il n’est pas nécessaire d’être un économiste pour comprendre le déséquilibre économique dans la relation haitiano dominicaine. Chaque année, Haïti importe des produits de consommation pour un montant de 1,8 milliard alors que Haïti exporte pour 700 millions de dollars américains. Les producteurs agricoles dominicains ont grand besoin de notre main d’œuvre et le marché haïtien pour écouler leurs produits agricoles. Les Haïtiens constituent le 7e pays investisseurs en République voisine et les étudiants haïtiens contribuent considérablement à l’économie du pays voisin. On est conscient que notre pays éprouve beaucoup de difficultés structurelles et les autorités gouvernementales ne sont pas en mesure de pacifier le pays ni améliorer les conditions socio-économiques. Les oligarques corrompus qui ont perdu des contrats juteux pendant le régime de Jovenel Moïse sont responsables du climat délétère en Haïti. Ils veulent maintenir le statuquo en exploitant la misère des gens défavorisés pour s’enrichir davantage. Et, aucun dirigeant politique sur le terrain ne peut résorber ni trouver de solutions durables à cette crise socio-économique, politique, institutionnelle et constitutionnelle. La signature de l’accord du 11 septembre avec quelques formations politiques sans représentations au niveau national et des organisations populaires ne suffit pas pour juguler la crise pluridimensionnelle qui sévit actuellement en Haïti. Plusieurs secteurs de la société civile qui ont des intérêts divergents fustigent l’accord du 11 septembre qui ne prend pas en compte leurs revendications sur le régime à établir pour pacifier le pays. Plusieurs groupes de la société ont proposé un régime bicéphale ayant à la tête un président, un premier ministre et un conseil d’état pour contrôler les actes gouvernementaux. Le premier ministre actuel tient mordicus à son régime unitaire dont il est le seul maître à prendre des décisions pour l’ensemble de la majorité alors qu’il n’a pas un mandat populaire. On constate que les signataires de l’accord du 11 septembre exercent beaucoup de pression sur le chef de la Primature afin de former un autre gouvernement sans tenir compte des revendications de la société civile. Ces entrepreneurs ont la mémoire courte, ils ont oublié que le premier ministre Ariel Henry a été proposé par l’ancien président Joseph Michel Martelly au président Jovenel Moïse du régime PHTK. C’est ce dernier qui l’a nommé avant son assassinat horrible et ce premier ministre a été entériné par le Core groupe représentant la communauté internationale. Les dirigeants politiques qui veulent contrôler le prochain gouvernement risquent d’être déçu parce que Docteur Ariel Henry n’est pas le fruit de leur lutte destructrice dans l’opposition. Il faut croire que la démocratie haïtienne est prise en otage par des entrepreneurs politiques qui n’ont aucun projet pouvant améliorer les conditions socio-économiques de la population. Ils ne sont pas conscients de la gravité des conditions de pauvreté des gens vivant dans les quartiers difficiles dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. L’économie du pays est en lambeaux à cause de la violence des gangs armés, de l’absence du tourisme, de production agricole, du chômage chronique des jeunes, de la cherté de la vie, de la fuite vers l’étranger de la main d’œuvre qualifiée et de la dévaluation de la monnaie nationale. On ne peut pas négliger l’expulsion des Haïtiens des États-Unis d’Amérique, du Mexique et de la République Dominicaine aura un impact considérable sur la baisse du transfert de fonds de la diaspora et la cherté des produits de consommation. La rareté des produits pétroliers sur l’ensemble du territoire peut entraîner des conséquences très graves sur la stabilité socio-économique et politique du pays. On doit savoir que le carburant est un produit transversal, la rareté de ce produit vital peut entraîner la chute du régime actuel et une guerre civile. Il y a péril à la demeure, la crise actuelle doit Interpeller la conscience de tous les patriotes conséquents pour tenter de faire un compromis dans l’intérêt de la nation. On doit reconnaître si la crise haïtienne s’envenime après l’assassinat du président de la République c’est parce qu’il n’existe pas des organisations politiques crédibles susceptibles de proposer un modèle de gouvernance pouvant améliorer les conditions socio-économiques de la masse. Les médias, la société civile et les oligarques corrompus qui accaparent les maigres ressources de l’Etat sont tous responsables des conditions misérables de la population haïtienne. Les patriotes de la diaspora ne peuvent pas se permettre de garder le silence devant la détresse humaine des compatriotes qui risquent leur vie dans des conditions difficiles à la recherche d’un avenir prometteur à l’étranger. À notre avis, seule la solidarité entre les Haïtiens pour accroître la production agricole dans le milieu paysan pourrait stabiliser l’économie, réduire le chômage des jeunes et rétablir la souveraineté alimentaire du peuple haïtien. Jean-Marie Mondésir Juriste haïtien | Spécialiste en droit civil Éditeur de Port-Salut Magazine Citoyen engagé de Dumont

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