janvier 27, 2022

LA MODIFICATION DES RÈGLES DE NATIONALITÉ PAR DONALD TRUMP SERAIT-ELLE CONSTITUTIONNELLE?

Par Jean-Marie Mondésir
En principe, il appartient à un État souverain d’établir les règles et les principes juridiques régissant l’harmonie entre les citoyens et le bon fonctionnement de la société. En ce qui a trait aux États-Unis d’Amérique, c’est la cour suprême qui est l’institution chargée d’interpréter la constitution américaine. Sans l’approbation du congrès américain, l’actuel président américain ne peut pas se permettre de modifier les règles d’interprétation de la constitution américaine. Il est important d’attendre un peu le résultat des élections de mi-mandat des congressistes américains au lendemain du 6 novembre 2018 pour déterminer si l’ambition du président Donald J. Trump de modifier les règles de nationalité serait réalisable. Le président Trump veut bien interdire l’application du principe jus solis, loi du sol à des enfants nés sur le territoire américain dont leur parent était en situation irrégulière. Une telle mesure serait contraire au rêve américain, une terre d’opportunités pour tous. Plus près de chez nous, la Cour constitutionnelle de la République dominicaine avait pris une décision judiciaire ne reconnaissant pas le droit des citoyens qui sont nés sur le territoire lorsque leurs parents étaient en visite ou en situation irrégulière. Cette décision portait un préjudice irréparable à des milliers de Dominicains d’origine haïtienne dont leur parent faisait partie de l’accord sur la zafra (coupeurs de cannes à sucre) des années 20. Cette décision de la haute cour constitutionnelle pourrait être qualifiée de raciste, discriminatoire et injuste envers les citoyens de descendance haïtienne. Elle est survenue à la suite d’un amendement constitutionnel en 2010 qui reconnaît les deux principes ( jus solis, jus sanguinis) universellement reconnus en droit international en matière de nationalité. Ce qui revient à dire que la République dominicaine reconnaît encore le jus solis, le droit du sol ou la loi du pays de naissance et le jus sanguinis, le droit du sang, loi du pays de nationalité de parent de l’enfant. La cour constitutionnelle avait adopté une nouvelle interprétation de la constitution en privant des milliers de Dominicains d’origine haïtienne et bien d’autres citoyens de leur nationalité. Est-ce que la même problématique peut être soulevée par le président Donald Trump en empêchant les enfants nés sur le territoire américain de bénéficier le principe jus solis au-delà des considérations idéologiques?. Le Ve amendement de la constitution américaine ne permet pas à un président d’adopter à lui seul des règles visant à limiter les droits fondamentaux des citoyens ni à adopter une interprétation restreinte des règles de droit régissant la nationalité. Il est important de souligner que la nationalité diffère de la citoyenneté même si ces deux concepts ont la même finalité sur le plan politique. Du point de vue strictement juridique, la nationalité est un droit acquis et la citoyenneté est un privilège obtenu des autorités administratives d’un État souverain en respectant les règles établies (résidence continue, paiement de l’impôt, absence de casiers judiciaires). Les conditions d’acquisition de la nationalité diffèrent des conditions d’obtention de la citoyenneté par la naturalisation. Que les parents d’un enfant né aux États-Unis soient des criminels notoires, on ne peut pas lui refuser la nationalité américaine en vertu du principe jus solis. Dans le cas de l’acquisition de la nationalité, ce sont les deux principes ( jus solis, jus sanguinis) reconnus en droit international qui sont de rigueur aux États-Unis d’Amérique. Même si la majorité des juges de la Cour suprême américaine sont des conservateurs, la chambre des représentants et celle du Sénat ne cautionneraient jamais une telle mesure visant à restreindre des droits des milliers citoyens américains. Ce qu’il faut comprendre dans l’analyse de ces deux notions : nationalité et citoyenneté; celui qui est naturalisé américain en obtenant la citoyenneté n’aura jamais la chance de devenir président américain. La fonction présidentielle est strictement réservée à des Américains qui sont nés sur le territoire des États-Unis d’Amérique. C’est la même approche qui est adoptée en République dominicaine avec l’interprétation discriminatoire à connotation raciste de la cour constitutionnelle dominicaine en 2014. Après la pression exercée par la communauté internationale sur le régime de Médina, il a fait adopter une loi permettant la naturalisation des Dominicains d’origine haïtienne ayant été dépouillé de leur nationalité. La finalité de la décision de la cour constitutionnelle dominicaine consistait à barrer la route à toute éventuelle candidature des citoyens dominicains ayant une affinité historique avec Haïti. Au regard de la constitution et de la loi sur l’immigration haïtienne, les enfants de parents haïtiens qui sont nés en terre étrangère peuvent acquérir la nationalité de leur parent dans la mesure où ils pourraient faire la preuve que le père ou la mère n’a jamais renoncé à sa nationalité haitienne. La loi détermine les conditions dans lesquelles un haïtien peut renoncer à sa nationalité. Cette renonciation doit se faire de manière expresse par une déclaration écrite devant une autorité compétente ( ambassade, consulat, juge de première instance, etc). À notre avis, au regard du décret du 8 novembre 1984, les enfants nés en République dominicaine n’ont jamais été des apatrides même s’ils ne connaissent pas la langue ni la culture du pays de leur parent. Jean-Marie Mondésir Juriste haïtien | Spécialiste en droit civil Consultant en droit haïtien Maître en sciences de Développement Éditeur: http://magazine.port-salut.org

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