janvier 27, 2022

LA SOCIÉTÉ CIVILE JOUE-T-ELLE UN RÔLE DANS LE SOUS-DÉVELOPPEMENT D’HAITI ?

Jean-Marie Mondésir
Pour aborder le concept de la société civile dans le contexte haïtien, il est important de le définir de manière précise afin de ne pas prêter à équivoque. A priori, il s’agit bien d’un concept utilisé dans les domaines : de science politique et du droit. Pour la rédaction de ce texte, cette notion sera abordée dans le sens de science politique. Pour l’organisation des Nations Unies (ONU)« société civile » désigne l’ensemble des associations à caractère non gouvernemental et à but non lucratif qui agissent comme groupes de pression pour influencer les politiques gouvernementales dans un sens favorables aux intérêts de ceux qu’ elles représentent. Il s’agit donc de l’auto-organisation de la société, en dehors du ou parallèlement au cadre institutionnel politique, administratif ou commercial. Pour nous, société civile sous-entend l’ensemble des organisations professionnelles, syndicales, artistiques, entrepreneuriales, paysannes et des organisations non gouvernementales qui s’engagent à travailler dans une synergie pour apporter leur contribution au développement d’une société. On y retrouve des organisations et des associations à but non lucratif qui œuvrent au bien-être des gens défavorisés. Une société civile organisée peut travailler en parallèle pour influencer les politiques gouvernementales ou agir en partenariat avec les autorités publiques de manière à fournir des services qui répondent aux besoins prioritaires de la population vulnérable. À bien remarquer, le concept de société civile a fait son apparition en Haïti au début de l’année 2000 où plusieurs organisations non gouvernementales, des associations de professionnels, des universitaires, des partis politiques, des syndicalistes, des éducateurs, des travailleurs, des entrepreneurs, des organisations populaires et paysannes s’entendent pour combattre les actions des autorités publiques afin de soulever la population contre le régime en place. Le but de ce mouvement (groupe 184) consistait à renverser le pouvoir exécutif d’alors pour satisfaire les ambitions des oligarques corrompus qui financent ses manifestations populaires paralysant les activités économiques du pays. C’est le même constat sous le régime du président Jovenel Moïse. Les organisations composant la société civile s’arrangent en investissant les médias pour diaboliser les actions gouvernementales et ternir la réputation du président Moïse de manière à soulever l’indignation de la masse dans les quartiers populaires. Pour atteindre ses objectifs, la société civile cherche à trouver du financement dans des institutions internationales pour entreprendre certains projets visant à affaiblir les institutions républicaines et les politiques du gouvernement sur le terrain. En discréditant le régime établi à l’échelle internationale, les organisations de la société civile obtiennent du financement des bailleurs de fonds internationaux pour réaliser ses projets qui ne fournissent aucun résultat tangible sur le terrain ni améliorer les conditions socio-économiques de la population vulnérable. Les observateurs bien avisés sont conscients que les acteurs de la société civile contribuent au déclin de la société haïtienne. Ils participent à l’instabilité politique, à la dévaluation de la monnaie nationale et à la baisse de la production agricole. Ils contribuent à l’acculturation de nos jeunes et à la dégradation de l’économie. Les acteurs de la société civile en Haïti participent et contribuent au déclin de nos institutions républicaines en gardant leur silence complice de certains acteurs politiques qui utilisent la violence comme moyen de pression pour promouvoir l’insécurité et l’instabilité afin de soulever la colère et l’indignation de la population affamée des bidonvilles contre les dirigeants au pouvoir. Notre rédaction a sévèrement critiqué la décision du premier ministre Ariel Henry de revoquer le Conseil électoral provisoire (CEP) qui a été institué par un décret présidentiel. Cette révocation qu’on juge arbitraire s’est effectuée de manière non élégante sans consultation du Conseil des ministres ni des personnes concernées. Il est vrai qu’après l’exécution du président de la République le 7 juillet 2021, il y a nécessité de passer un accord global entre les différents acteurs de la société pour parvenir à stabiliser, à combattre l’insécurité et à adopter des mesures visant à répondre aux besoins de la population sinistrée dans la péninsule sud. Cependant, la démission des membres du CEP devrait se faire après avoir obtenu le consentement des différents secteurs de la société civile. L’argument des acteurs de la société civile pour ne pas répondre à l’invitation du premier ministre Ariel Henry en vue de former le prochain Conseil électoral provisoire est irresponsable. On est conscient qu’il existe un climat d’insécurité empêchant les citoyens de vaquer à leurs occupations professionnelles et habituelles. Cependant, cela ne peut pas empêcher aux autorités de prendre les moyens qui s’imposent pour mettre en place une institution indépendante selon l’esprit de la constitution de 1987. On se rappelle, tout récemment que les acteurs de la société civile investissaient les rues de la capitale pour exiger la démission du président Jovenel Moïse. On se liguait dans les médias contre lui pour exiger le départ du chef de l’Etat avant la fin de son mandat le 7 février 2022. On disait qu’après sa démission, notre pays connaîtra la paix, la sécurité, la stabilité socio-économique et politique. Les acteurs politiques ont fomenté un coup d’état qui est financé par les oligarques corrompus en faisant supprimant la vie du président le 7 février 2021 par des mercenaires colombiens. Ces acteurs qui pensent uniquement à leurs intérêts économiques ne prévoyaient pas l’ingouvernabilité du pays après cette exécution odieuse et sauvage du président. Il est absurde de mettre l’accent sur le phénomène de kidnapping et de l’insécurité généralisée pour ne pas envoyer ses représentants au CEP. À notre avis, les acteurs de la société civile ne disent pas la vérité sur leur refus d’envoyer leurs représentants à la Primature. Tout simplement, ils se liguent contre le gouvernement Ariel Henry pour s’être maintenu à la tête d’un régime monocephale qui ne reflète pas les desiderata de certains acteurs ayant leurs propres intérêts à défendre dans un régime bicéphale. Ce n’est pas étonnant qu’ils agissent comme c’était le cas en 2004 pour imposer leur choix de régime à la population. Ils encouragent et perpétuent l’insécurité et l’instabilité afin d’obtenir gain de cause. Il faut croire que la faiblesse des institutions républicaines les arrange grandement parce que cela leur permet de tirer les ficelles dans l’intérêt des oligarques corrompus qui exercent leur emprise sur la descente aux enfers du pays. Jean-Marie Mondésir, juriste haïtien | Spécialiste en droit civil | Éditeur de portsalutmagazine.ca

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